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21/06/2022 | FRANCE | N°19/02342

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 21 juin 2022, 19/02342


ARRÊT N°



N° RG 19/02342 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMHT



MS/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

14 mai 2019



RG :F17/00405





[C]





C/



S.A.S. [V]





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 21 JUIN 2022







AP

PELANT :



Monsieur [P] [H] [C]

né le 26 Janvier 1964 à [Localité 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIMÉE :



S.A.S. [V]

[Adresse 6]

[Localité 1]



Re...

ARRÊT N°

N° RG 19/02342 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMHT

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

14 mai 2019

RG :F17/00405

[C]

C/

S.A.S. [V]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 JUIN 2022

APPELANT :

Monsieur [P] [H] [C]

né le 26 Janvier 1964 à [Localité 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE :

S.A.S. [V]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric FRANC, avocat au barreau d'AVIGNON

Représentée par Me Benoît DESCLOZEAUX, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 24 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Virginie HUET, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 07 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Juin 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [C] a été embauché le 17 octobre 1988, en contrat à durée indéterminée par la SAS [V] (alors dénommée établissements [V] et Motto) en qualité d'agent de méthodes.

M. [C] a professionnellement évolué au sein de la SAS [V] pour en devenir directeur industriel.

M. [C] a été placé en arrêt de travail pour maladie le 2 janvier 2017, qui s'est poursuivi par prolongations médicales de celui-ci.

M. [C] a été convoqué le 08 août 2017 par courrier avec avis de réception à un entretien préalable avant éventuelle mesure de licenciement fixé au 23 août 2017.

Le 30 août 2017, M. [C] a été convoqué à une visite de pré-reprise médicale du travail.

Lors de celle-ci, le médecin du travail a informé M. [C] de son intention de prononcer son inaptitude au travail et devait dans le même temps en informer la SAS [V].

Par courrier en date du 29 août 2017, la SAS [V] devait informer M. [P] [C] de son licenciement pour faute grave aux motifs d'utilisations abusives de son badge de télépéage et de la carte de crédit affaire de la société.

M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon, dans un premier temps d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail suivant requête du 7 août 2017 et, dans un second temps, d'une demande tendant à contester le licenciement pour faute grave prononcé à son égard.

Il sollicitait également la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre d'heures supplémentaires et à caractère indemnitaire.

Par jugement contradictoire du 14 mai 2019, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de toutes ses demandes et l'a condamné à verser à la SAS [V] la somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 12 juin 2019, M. [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives, en date du 22 mars 2022, M. [C] demande à la cour de :

Statuant sur l'appel formé par M.[P] [C] à l'encontre de la décision rendue le 14 mai 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Dit que le licenciement de M.[P] [C] repose sur une faute grave,

- Débouté M.[P] [C] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné M.[P] [C] à payer à la société [V] la somme de sept cents (700,00) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M.[P] [C] aux entiers dépens de l'instance,

Statuant à nouveau :

1. Sur le temps de travail et les nombreux déplacements non compensés

Dire et juger que M. [C] ne pouvait relever de la catégorie des cadres dirigeants, les critères posés par l'article L 3111-2 du code du travail n'étant pas réunis le concernant

Dire et juger que la convention de forfait sans références horaires signée le 1er janvier 2002 est nulle et de nul effet

Dire et juger que M. [C] ne relevait pas davantage d'une convention de forfait en jours en application de l'article L 3121-58 nouveau du code du travail (ancien article L 3121-40 du code du travail)

Dire et juger que M. [C] devait par conséquent se voir appliquer la durée légale du travail de 35 heures par semaine

Dire et juger que M. [C] a accompli 345 heures supplémentaires au cours de l'année 2015 et 316 heures supplémentaires au cours de l'année 2016

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 22 364.62 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies en 2015, outre 2 236.46 euros d'incidence congés payés

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 20 484.70 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies en 2016, outre 2 048.47 euros d'incidence congés payés

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 11 461.06 euros à titre d'indemnité afférente à la contrepartie obligatoire en repos, outre 1.146.10 euros d'incidence congés payés

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 47 198.22 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé en application des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail

Dire et juger que M. [C] a effectué de nombreux déplacements professionnels à l'étranger sans avoir jamais bénéficié de la moindre contrepartie prévue par l'article L 3121-4 du code du travail

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 30.234,38 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions de l'article L 3121-4 du code du travail

2. Sur la rupture du contrat de travail

2.1. A titre principal, sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

2.1.1. A titre principal, sur le harcèlement moral justifiant la résiliation judiciaire du contrat produisant les effets d'un licenciement nul

Vu les articles L 1152-1, L 1154-1, L 1331-1, L 1332-4, L 1152-3, L 4121-1 du code du travail, l'article 1227 du code civil, vu les dispositions conventionnelles applicables,

Vu la jurisprudence citée et les pièces versées aux débats

Dire et juger que M. [C], salarié surmené, a fait l'objet de critiques et insultes revendiquées par l'employeur au cours de l'année 2016 et au début de l'année 2017

Dire et juger que les écrits de l'employeur en date des 19 décembre 2016 et 3 janvier 2017 sont qualifiables de sanctions disciplinaires

Dire et juger que la société a été défaillante dans la gestion du contrat de travail de M. [C] en ne faisant pas le nécessaire pour lui attribuer des fonctions précises, en le privant d'entretien annuel et d'entretien professionnel

Dire et juger que l'état de santé de M. [C] est lourdement impacté par les agissements de l'employeur à son égard

Dire et juger que les agissements de la société [V] à l'égard de M. [C] constituent du harcèlement moral

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] aux torts de la société [V] produisant les effets d'un licenciement nul au 31 août 2017

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme nette de 180 000 euros de dommages et intérêts liés à la rupture illicite du contrat de travail

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 139.879.75 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 47.198.22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 4.719.82 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

2.1.2. A titre subsidiaire, sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité justifiant la résiliation judiciaire du contrat produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Vu les articles L 1222-1, L 4121-1, L 1235-3 du code du travail, 1227 du code civil

Dire et juger que la société [V] en laissant perdurer une situation de surmenage professionnel a sciemment exposé M. [C] à un risque pour sa santé et sa sécurité

Dire et juger qu'en infligeant à M. [C] les insultes et critiques proférées et en laissant incertaine sa situation professionnelle, en ne mettant en place aucune mesure suite à la dénonciation par M. [C] de sa situation de harcèlement moral et en allant même jusqu'à le sanctionner, la société a manqué à ses obligations d'exécution de bonne foi du contrat de travail et à son obligation de sécurité de résultat au préjudice de la santé de M. [C]

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] aux torts de la société [V], produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 31 août 2017

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme nette de 180.000 euros de dommages et intérêts liés à la rupture illicite du contrat de travail

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 139.879.75 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 47.198.22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 4.719.82 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

2.2. A titre subsidiaire, sur l'absence de bien fondé du licenciement pour faute grave prononcé

2.2.1 A titre principal

Vu les dispositions légales et la jurisprudence citées

Vu les pièces versées aux débats

Dire et juger qu'au regard des faits de l'espèce, il apparaît que la société [V] a en réalité licencié M. [C] pour avoir saisi le conseil de prud'hommes d'un contentieux en résiliation judiciaire fondé sur le harcèlement moral subi

Dire et juger que cette mesure de licenciement est contraire au droit d'agir librement en justice et prononcer l'annulation du licenciement notifié le 31 août 2017

Condemner la société [V] à verser à M. [C] la somme nette de 180.000 euros de dommages et intérêts liés à la rupture illicite du contrat de travail

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 139.79.75 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

Condemner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 47.198.22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 4 719.82 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

2.2.2 A titre subsidiaire

Vu les dispositions légales et la jurisprudence citées

Vu les pièces versées aux débats

Dire et juger que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme nette de 180.000 euros de dommages et intérêts liés à ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 139.879.75 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 47.198.22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 4.719.82 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

3. En tout état de cause

Débouter la société [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de son appel incident

Ordonner à la société [V] la remise des documents sociaux (bulletin de salaire, attestation destinée à Pôle emploi modifée) sous astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir

Assortir les condamnations à intervenir de l'intérêt légal à compter de l'acte introductif d'instance avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil

Condamner la société [V] à verser à M. [C] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [C] soutient essentiellement que :

- sur la convention de forfait

- au regard de ses conditions concrètes de travail et des documents contractuels établis, il ne relevait valablement ni d'une convention de forfait sans référence horaire ni d'une organisation du temps de travail selon un forfait en jours,

- les pratiques en vigueur au sein de la société et les documents signés excluent l'application d'un forfait tous horaires ou d'un forfait annuel en jours,

- il n'a jamais signé de convention de forfait en jours sur l'année,

- la référence à l'existence d'un forfait annuel en jours (218 jours) sur les bulletins de salaire est incompatible avec l'application d'un forfait sans

référence horaire,

- ses conditions concrètes d'emploi ne permettaient pas de le rattacher à la

catégorie des cadres dirigeants,

- la société est défaillante à fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires qu'il a effectivement réalisés , puisqu'elle se contente de contester les éléments qu'il produit, à savoir un décompte précis de ses heures de travail et des attestations de collègues de travail,

- il a effectué 345 heures supplémentaires au cours de l'année 2015 et 316 heures supplémentaires au cours de l'année 2016, dépassant le contingent annuel de 220 heures, justifiant le versement d'une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- étant responsable de plusieurs filiales étrangères, il a été amené pendant plusieurs années à effectuer de nombreux déplacements professionnels, le contraignant à de longs temps de trajets, par rapport auxquels la société n'a jamais accordé les contreparties pourtant prévues par les dispositions légales,

- sur la rupture du contrat de travail

- les manquements de l'employeur à ses obligations justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société, avec effet au 31 août 2017, date d'envoi de la lettre de licenciement,

- il a subi un veritable harcèlement moral qui a eu un impact négatif sur sa santé,

- si, par impossible, la cour ne reconnaissait pas la situation de harcèlement moral, elle devrait néanmoins constater que l'employeur a clairement manqué à son obligation de sécurité prévue par l'article L 4121-1 du code du travail,

- son état de santé s'est trouvé impacté par son surmenage lié à l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires dans un contexte de

forte pression, ayant justifié son hospitalisation en mars 2016,

- il a dû être placé en arrêt de travail pour maladie à la fin de l'année 2016, son état ayant nécessité un suivi psychiatrique dès le mois de février 2017,

- ce sont les comportements fautifs de la société à son égard qui ont provoqué la dégradation de son état de santé,

- la société [V] ne va en outre donner aucune suite à l'alerte faite par la médecine du travail le 12 décembre 2016 quant à sa situation,

- subsidiairement, sur le licenciement

- le licenciement prononcé s'analyse en une mesure de rétorsion suite à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et doit être annulé,

- la chronologie des faits le démontre,

- subsidiairement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- le grief tenant à l'utilisation de la « carte affaire » pour régler une note de restaurant est prescrit,

- le grief relatif à l'utilisation du badge de télépéage n'est pas fondé,

- l'employeur vise des faits de janvier 2017 mais attendra le mois d'août 2017 pour diligenter une procédure disciplinaire,

- il existe une tolérance au sein de la société quant à l'utilisation du

télépéage à des fins privées,

- enfin, la mesure de licenciement prononcée apparaît totalement disproportionnée eu égard à son ancienneté considerable

En l'état de ses dernières écritures en date du 18 mars 2022, la SAS [V] demande à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Avignon le 14 mai 2019, en ce qu'il a :

« Dit que le licenciement de M. [C] repose sur une faute grave,

Débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes, »

Infirmer la décision pour le surplus et condamner M. [C] à payer à la Société [V] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Juger infondé et non justifié le prétendu harcèlement invoqué par M. [C],

Rejeter la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail au vu de ce prétendu harcèlement moral, injustifié et infondé et en droit et en fait,

En conséquence,

Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, notamment à titre de dommages et intérêts, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés et de dommages et intérêts,

Juger irrecevable et infondée la contestation de la convention de forfait sans référence horaire signée par M. [C] le 1er janvier 2002 et appliquée par la Société [V] à M. [C] jusqu'à son départ de l'entreprise sans aucune contestation de sa part,

Débouter M. [C] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, non justifiée et non fondée, puisqu'il bénéficiait d'une convention de forfait sans référence horaire,

Juger irrecevable et infondée et non probant le calcul des heures supplémentaires revendiqué par M. [C],

Débouter M. [C] de sa demande d'indemnité afférente à la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires non établie et non évoquée, d'autant que M. [C] bénéficiait de RTT qu'il a régulièrement pris,

Débouter M. [C] de sa demande de paiement des déplacements professionnels à l'étranger alors même que bénéficiant d'un des plus gros salaires de l'entreprise et d'une convention de forfait sans référence horaire, cette demande est abusive et non fondée,

Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Recevoir la Société [V] en sa demande reconventionnelle et condamner M. [C] à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700.

Elle fait essentiellement valoir que :

- sur la convention de forfait

- la convention de forfait sans référence horaire est parfaitement conforme aux conditions des trois caractéristiques cumulatives fixées par la loi et la jurisprudence et confirmait la participation du salarié à la direction,

- les salariés sans référence horaire, dont M. [C] , ont eu le droit à une gestion des RTT au même titre que les forfaits jour, c'était un plus dont ils ont bénéficié,

- M. [C] a toujours bénéficié dans le cadre de sa convention de forfait sans référence horaire du paiement de ses RTT,

- M. [C] ne peut de bonne foi sérieusement contester ce forfait sans référence horaire en reconnaissant l'existence du paiement des RTT dont il a bénéficié et qu'il avait convenu avec son employeur,

- il résulte des rapports d'activité de M. [C] lorsqu'il les faisait, qu'il avait toute latitude et indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et prise de decision,

- M. [C] disposait d'une autonomie décisionnelle conformément à son contrat, sous le contrôle du conseil d'administration dont il faisait partie et qui se réunissait tous les mois,

- subsidiairement, les demandes faites par M. [C] sont totalement injustifiées,

- le tableau réalisé par le salarié pour justifier un rappel de salaire ne correspond pas à la réalité et n'est nullement justifié,

- M. [C] n'a jamais sollicité de convention de décalage horaire comme certains salariés l'ont fait, ni d'aménagement, il était libre des horaires qu'il faisait et il ne justifie pas, en communiquant un tableau édité le 19 juillet 2017, de la réalité de l'agenda qu'il prétend avoir suivi, contraint par l'entreprise,

- Mme [R] [E] [L], ancienne secrétaire de l'appelant, a pu constater et attester que le temps de travail effectif hebdomadaire, et les éventuelles heures supplémentaires et trajets réclamés par M. [C], étaient bien inférieurs au décompte fourni par celui-ci, puisqu'il résulte de ce document aucune heure supplémentaire et seulement 543 heures de trajet sur deux ans,

- elle conteste formellement avoir sollicité de M. [C] qu'il effectue des heures supplémentaires puisqu'il bénéficiait d'un horaire sans référence horaire et qu'il était parfaitement libre d'organiser son temps de travail comme il le souhaitait, ce qu'il a régulièrement fait pendant toutes ces années,

- compte tenu de l'importante rémunération que M. [C] percevait dans le cadre de son forfait sans référence horaire, il ne peut sérieusement et de bonne foi, solliciter le remboursement des déplacements professionnels qu'il avait lui-même décidés,

- sur le licenciement

- sur l'utilisation personnelle du badge autoroute professionnel, M. [C] ne peut contester ce point parfaitement établi dans la mesure où du fait de son arrêt de travail, il n'avait plus d'activité salariée et ne pouvait donc utiliser ce badge,

- il est apparu que M. [C] utilisait depuis de nombreux mois et même années, puisque la société est remontée en 2015, ce badge professionnel les week-ends et hors période de tout travail, pendant les vacances, étant parfaitement conscient de l'utilisation abusive de ce badge,

- il n'y a jamais eu de tolérance au sein de la société pour l'utilisation des badges télépéage à des fins personnelles, bien au contraire, ce point avait été souvent évoqué à la suite des contrôles de l'URSSAF,

- sur l'utilisation de la carte affaire en janvier 2017, M. [C] n'a jamais justifié d'une fiche de frais et n'a pas fourni son relevé de carte affaire mensuel avec les justificatifs, comme il est expressément prévu pour les possesseurs de ces cartes de l'entreprise,

- sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

- M. [C] a pu faire un bilan médical complet à l'hôpital de [Localité 1] du 14 au 17 mars 2016. Si ces examens médicaux des 14 au 17 mars 2016 avaient été inquiétants et que les médecins avaient considéré que M. [C] devait être arrêté, le médecin lui aurait remis un arrêt de travail, ce qu'il n'a pas fait,

- le salarié ne saurait lui reprocher de l'avoir autorisé à reprendre son activité alors même que les médecins qui l'avaient examiné, n'avaient pas délivré d'arrêt de travail,

- ce n'est qu'à la suite de la communication des pièces de M. [C] dans cette procédure qu'elle a appris que ses difficultés de santé provenaient plus de ses excès de repas et de boissons, que d'un surmenage professionnel,

- ni le médecin hospitalier, ni son médecin traitant, ni le médecin du travail, n'ont évoqué un surmenage ou un problème médical empêchant M. [C] d'effectuer son travail selon sa propre organisation et aucune information n'a été donnée à l'entreprise,

- M. [C] n'apporte aucun élément à la cour pour justifier les soi-disant critiques proférées par M. [V] à son encontre tout au long de l'année 2016 et au début de l'année 2017,

- les relations entre M. [C] et M. [V] étaient bonnes et courtoises ainsi qu'il ressort des pièces produites,

- l'appelant se livre à une interprétation tendancieuse et fallacieuse des

courriers de M. [V] en réponse à son courrier du 24 novembre 2016,

- tant au moment de la convocation à l'entretien préalable le 8 août 2017 qu'au moment de l'entretien préalable du 23 août 2017 auquel il était assisté, il n'a jamais été fait référence à la procédure que M. [C] avait confiée à son conseil pour saisir le conseil des prud'hommes,

- ce n'est que le 28 août 2017 qu'elle a reçu une convocation devant le conseil des prud'hommes d'Avignon à la requête de M. [C] , sollicitant la résolution aux torts de l'employeur du contrat de travail,

- les demandes en dommages et intérêts présentées par l'appelant sont totalement exorbitantes et injustifiées.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures,

Par ordonnance en date du 24 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet du 24 mars 2022.

MOTIFS

Sur la convention de forfait

M. [C] a été soumis à une convention de forfait sans référence horaire à compter du 1er janvier 2002.

Il résulte des dispositions du code du travail applicables au litige, notamment l'article L.3121-39, que la durée du travail du salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heure ou en jours sur l'année, dès lors qu'existe un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche, l'accord collectif devant en toute hypothèse être préalable et déterminer les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, les caractéristiques principales de ces conventions devant être fixées par ledit accord.

Il résulte des articles L. 3121-42 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable au litige que les salariés qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure pour la durée de leur travail une convention individuelle de forfait en jours ou en heures.

Il ressort des dispositions de l'article L.3111-2 du même code que :

- les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions légales relatives à la durée du travail, les repos et les jours fériés;

- sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ils doivent participer à la direction de l'entreprise. Ces salariés sont expressément exclus des dispositions relatives à la durée du travail et donc de la réglementation relative aux heures supplémentaires.

Les critères énumérés pour reconnaître la qualité de cadre dirigeant sont cumulatifs.

Si le cadre dirigeant reste un salarié, et, comme tel, demeure dans un lien de subordination, la réalité des fonctions exercées doit correspondre aux exigences de l'article L 3111-2 du code du travail.

Le juge n'est pas tenu par la classification de la convention collective applicable au salarié ou par une stipulation conventionnelle qui conférerait à certains salariés la qualité de cadre dirigeant. Il doit examiner les conditions précises dans lesquelles le salarié exerce ses fonctions de cadre dirigeant.

Toutefois, l'article 15.1 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie rattaché à la convention collective nationale de la métallurgie dispose:

'Conformément à l'article L. 212-15-1 du code du travail, la formule du forfait sans référence horaire peut être adoptée avec les salariés qui l'acceptent, dès lors qu'ils ont la qualité de cadre au sens des conventions et accords collectifs de branche de la métallurgie, que leur sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qu'ils sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'ils perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou dans leur établissement.

Dès lors, une rémunération forfaitaire sans référence horaire ne peut être convenue qu'avec des salariés cadres qui disposent effectivement d'une large autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, dans la prise de décision, et dont la rémunération est comprise dans le dernier quartile des rémunérations pratiquées dans l'entreprise ou dans leur établissement.'

Il s'ensuit que les cadres dirigeants soumis à la convention collective nationale de la métallurgie peuvent conclure des conventions de forfait sans référence horaire.

En l'espèce, il est constant que le contrat de travail comporte une convention de forfait sans indication du nombre d'heures.

Le salarié fait valoir à l'appui de sa demande en nullité de cette convention qu'il n'avait pas la qualité de cadre dirigeant.

Les mentions portées sur les bulletins de salaire ne sont que des présomptions, le juge devant apprécier souverainement la qualité du salarié en fonction des critères ci-dessus, en analysant les conditions réelles d'emploi du salarié.

Il ressort des pièces produites par l'employeur et notamment des relevés de frais généraux que M. [C] faisait partie des 10 salariés percevant la rémunération la plus élevée de la société et qu'il ne recevait aucune consigne ni ordre quant à ses horaires, organisant son emploi du temps sans jamais devoir en rendre compte à l'employeur ni solliciter d'autorisation préalable de ce dernier qui était simplement averti des déplacements et congés.

M. [C] bénéficiait ainsi d'une liberté totale dans l'organisation de son emploi du temps et gérait son planning en toute autonomie, sans qu'un quelconque emploi du temps ne lui soit imposé.

L'employeur produit ainsi un échange de courriels en pièce n°75 concernant des déplacements de M. [C] en Chine, Espagne, Slovaquie et France, pour lesquels les emails correspondants ne sont pas adressés en copie à ses supérieurs hiérarchiques.

La position de M. [C] dans l'organigramme de la société implique de facto des responsabilités importantes, ainsi qu'il ressort encore des fiches de missions figurant au dossier de l'employeur, lesquelles ont été adressées par l'appelant à M. [V] et M. [Z] (directeur général) avec ce commentaire :

'...

Ces fiches ont été établis en collaboration avec les RH en veillant à la bonne répartition des responsabilités ainsi que des attributions qui en découlent.

À l'issu de vos commentaires et validation, celle-ci seront communiqués afin de bien clarifier notre nouvelle organisation.'

Sur cette fiche de mission, M. [C] apparaît en position N+3, devant seulement rendre compte à la direction générale.

Ses missions et responsabilités sont ainsi définies :

'Nourrir la stratégie de l'entreprise

Définir et décliner la politique de développement de l'entreprise en lien avec la direction générale'.

Pour ce faire, la fiche de mission établie notamment par M. [C], donne à ce dernier des pouvoirs et des tâches étendus.

Pour exemple de cette autonomie dans la prise de decision, l'employeur produit

en piece n°70 un courriel de M. [C] dans lequel il transmet à sa direction un rapport d'audit industriel 'que nous avons conduit en Slovaquie avec l'assistance de monsieur [J] de chez CLAAS.

Bien qu'un peu longue, la lecture en est intéressante.

Cet audit s'inscrit dans les actions que nous avons engagées depuis notre séminaire industriel Agri que nous avons conduit en 2015 en Espagne.

La conclusion fixe le cap des actions prioritaires conduites d'ici fin d'année à PSRO.'

L'employeur produit le contrat de travail de M. [W] [O], du 2 mai 2011, signé par M. [Z]. Pour autant, il résulte de la piece n°71 produite par l'employeur que le recrutement a été réalisé par M. [C], ce dernier écrivant le 11 août 2015 à Mme [I] en ces termes :

'... dans le dossier S [O] j'ai la lettre d'intention que nous lui avions faite lors de l'embauche...'

Le dossier de l'employeur comporte encore deux rapports d'analyse de 'Fabrice [J] consulting' suite à ses visites à [Localité 5] les 14 et 15 juin 2016 et à Jäen les 3 et 4 mai 2016, lesquels ont été adressés à M. [C], pour seul représentant de la SAS [V].

M. [C] participait également à la stratégie de l'entreprise ainsi qu'il résulte d'une présentation de 'réorganisation direction industrielle 2016-2017" réalisée par l'appelant, afin de 'rendre le modèle industriel performant pour se préparer aux challenges de demain'.

Le salarié est en outre actionnaire de la société et fait partie du conseil d'administration, de sorte qu'il participait à la direction de l'entreprise, ce qui est démontré par les pièces analysées ci-dessus et les rapports d'activité du salarié à M. [V] en pièces n°55 et 61 (du 08/04/2005 et 21/11/2016). Ces rapports démontrent que M. [C] prenait, dans le cadre de ses fonctions, des décisions dans des domaines essentiels de la direction de l'entreprise, concernant la production industrielle, puis en tant que directeur du développement groupe, poste stratégique dans l'entreprise.

Enfin, il doit être observé que le statut de cadre dirigeant n'exclut pas tout lien de subordination ou tout rapport hiérarchique notamment comme en l'espèce, à l'égard du président directeur général et du directeur général, lesquels conservent notamment un pouvoir disciplinaire en cas de manquements du salarié à ses obligations.

En effet, si M. [C] restait subordonné hiérarchiquement à M. [V] et au directeur général, ainsi qu'il le souligne, cette circonstance est indifférente, la reconnaissance du statut de cadre dirigeant n'exigeant pas la démonstration d'une absence totale de lien de subordination à l'employeur, M. [C] restant en définitive salarié de la SAS [V].

Au regard de ces éléments, il apparaît que M. [C] a bénéficié du statut de cadre dirigeant sans référence horaire et que la clause prévue à son contrat de travail relative à la durée du service sous forme de convention de forfait est valable.

M. [C] ne peut dans ces circonstances prétendre à la rémunération d'heures supplémentaires, et sera débouté de ses demandes financières subséquentes (indemnité pour travail dissimulé et non respect des dispositions relatives aux temps de déplacements professionnels et contreparties y afférentes), par confirmation du jugement critiqué.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Si le salarié saisit le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail et qu'il est ensuite licencié, le juge doit examiner d'abord la demande de résiliation judiciaire, avant de se prononcer sur la régularité du licenciement.

S'il fait droit à la demande de résiliation judiciaire :

- les effets de la résiliation judiciaire sont fixés à la date du licenciement,

- il n'y a pas lieu de statuer sur l'éventuelle contestation du licenciement.

En l'espèce, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon le 7 août 2017 et a ensuite été licencié pour faute grave par courrier en date du 29 août 2017.

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

Les juges doivent dès lors caractériser l'existence d'un ou plusieurs manquements de l'employeur et, cela fait, ils doivent, dans un second temps, apprécier si ce ou ces manquements sont d'une gravité suffisante pour justifier l'impossibilité de poursuivre le contrat de travail.

En matière de résiliation judiciaire, les manquements s'apprécient à la date à laquelle le juge prend sa décision.

En l'espèce, M. [C] soutient qu'il a subi un harcèlement moral justifiant la résiliation du contrat de travail.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [C] invoque les faits suivants, constitutifs, selon lui, d'actes de harcèlement :

- une situation de surmenage constatée médicalement

- des critiques proférées par M. [V] tout au long de l'année 2016 et au début de l'année 2017

- l'absence de gestion de son évolution professionnelle

- les insultes proférées par M. [V] le 21 novembre 2016

- les multiples critiques figurant dans la lettre de l'employeur du 19 décembre 2016 en réponse à sa dénonciation du harcèlement moral

- les critiques virulentes formulées par l'employeur dans son courriel du 3 janvier 2017

- les correspondances adressées par l'employeur les 19 décembre 2016 et 3 janvier 2017 sont qualifiables d'avertissements

- l'employeur va continuer à revendiquer ses agissements par la voix de son conseil le 13 février 2017

- l'employeur va diligenter une contre visite médicale le 14 mars 2017

- l'employeur lui a tout simplement tourné le dos

- l'employeur attendra d'être avisé de son recours pour introduire une procédure de licenciement pour faute grave

- les manoeuvres de l'employeur pour tenter d'échapper à ses obligations

Pour étayer ses affirmations, M. [C] produit les éléments suivants :

Une situation de surmenage constatée médicalement

- un compte rendu d'hospitalisation du 14 au 17 mars 2016 pour asthénie depuis un mois et demi environ probablement secondaire à un contexte de surmenage professionnel

- impression des agendas Outlook pour les années 2015 et 2016

- tableau récapitulatif des temps de travail effectif et de déplacements professionnels en 2015 et 2016

- lettre du 27 avril 2017 du docteur [M], psychiatre, à un confrère, dans laquelle il indique suivre M. [C] 'pour un état dépressif profond secondaire à un surmenage professionnel type burn out et à une remise en cause professionnelle très (illisible) avec blessure narcissique intense.

Son état mental est à l'heure actuelle strictement incompatible avec la reprise du travail selon moi. Il vient d'accepter de prendre un traitement ATD par Prozac Xanax et Imovane.

Merci de ce que vous ferez pour lui.

Très cordialement'

Les critiques proférées par M. [V] tout au long de l'année 2016 et au debut de l'année 2017

- un courrier de l'employeur du 19 décembre 2016 adressé à M. [C] dans lequel M. [V] conteste le harcèlement moral dénoncé par le salarié et indique notamment :

' ...

En fait, tu n'acceptes pas les reproches, ni les conseils et tu refuses de te remettre en cause avec manifestement un manque flagrant d'humilité. Probalement, tu souffres en voyant l'ambiance de réussite de l'entreprise que tu n'arrives plus à partager. Cette soufrance transpire sur ton visage crispé et sur ton message très souvent négatif.

...'

L'employeur parle d'un comportement devenu acariâtre de M. [C], son incrédulité obsessionnelle et son impossible remise en cause avec un manque manifeste d'humilité.

Il est ainsi demandé au salarié de coopérer 'avec humilité en changeant tes attitudes mesquines, que tu sortes de ton égocentrisme et surtout que tu écoutes nos conseils pour rétablir la confiance'.

L'employeur ajoutant :

'Il est évident que si tu considères que la solution à ton mal être est la démission, comme tu nous l'as énoncé au moins à trois reprises avec un brin de chantage, je l'accepterais peut-être à contre coeur, mais je l'accepterais sans arrière-pensée.'

M. [V] reconnaît son exapération 'de ce lundi' et l'explique par la suite, en concluant :

'Une fois de plus ta susceptibilité t'a conduit à une réponse minable et déconcertante, pas digne du n°5 de l'entreprise, se traduisant qui plus est par un chiffon en guise de rapport de voyage.'

M. [V] reproche également à M. [C] l'absence de rapports réguliers écrits de ses activités, sa jalousie 'en milieu conquis', ses retards du matin, sa négligence dans le management du service logistique.

- un courriel de 'mea culpa' de M. [C] à M. [V] du 13 septembre 2016, l'appelant soutenant que, accablé de reproches du mois d'avril au mois de septembre 2016 , il s'est senti contraint de lui adresser cet email dans lequel il s'excuse de certaines situations.

L'absence de gestion de son évolution professionnelle

Le salarié soutient que l'employeur n'a mené aucun entretien d'évaluation depuis 2012 et n'a pas mis en place l'entretien professionnel prévu par l'article L6315-1 du code du travail.

L'employeur lui a demandé de lui soumettre la définition de poste de directeur du développement groupe alors qu'il lui appartenait de le faire.

Les insultes proférées par M. [V] le 21 novembre 2016

- un courrier adressé le 24 novembre 2016 par M. [C] à M. [V] dans lequel il dénonce le harcèlement moral dont il se dit victime depuis plusieurs mois en ces termes :

'...

Alors que je m'investis sans relâche dans mes fonctions et que les résultats sont au rendez-vous, vous n'avez en effet de cesse de me dénigrer systématiquement dans des termes qui sont devenus si injurieux que je ne peux plus passer cette situation sous silence.

Je tiens donc à relater par la présente les différentes étapes de la dégradation de ma situation professionnelle au cours de ces derniers mois.

...

A peine de retour au bureau ce lundi 21 novembre à 8h15, vous m'avez joint par téléphone pour me reprocher de ne pas vous avoir tenu informé de ce déplacement, pourtant programmé.

Vous avez ensuite proféré une avalanche d'insultes à mon égard, en ces termes : 'Je t'emmerde, tu me pisses au cul, tu n'as qu'à te casser, tu es un bon à rien, tu ne te remets pas en cause.'

...'

Les multiples critiques figurant dans la lettre de l'employeur du 19 décembre 2016 en réponse à sa dénonciation du harcèlement moral

La cour se reporte aux développements concernant les critiques proférées par M. [V] tout au long de l'année 2016 et au début de l'année 2017.

Les critiques virulentes formulées par l'employeur dans son courriel du 3 janvier 2017

Ce courriel a été adressé à M. [C], mais également à MMS [G], [Z] et [Y] :

'...

Il est bien évident que j'attends de toi une remise en cause fondamentale avec beaucoup d'humilité autrement on va piétiner et tu ne sortira pas de ta révolte malsaine. Je pense qu'une aide psychologique t'est nécessaire encore faut-il être volontaire et y croire. Il faut que tu écrives et surtout t'exprimes avec clarté. Très souvent tes explications ne sont pas claire, tout le monde s'en plaind. Tu dois absolument travailler ta communication en y joignant de l'affect et du respect, cela n'empêche pas de dire aux autres leurs 4 vérités, ils acceptent s'ils ont en retou un sentiment de respect et d'exemplarité. C'est l'humilité au plus profond de toi même qu'il faut que tu cultives, les autres le ressentiront. Je pense que ton caractère particulier te dessert, connu depuis ton arrivée chez [V] (j'ai le souvenir de conversations avec [B] qui t'aimait bien, mais se posait déjà des questions sur ton fichu caractère). Il faut comme tout le monde (moi y compris) que tu cultives tes valeurs et combattes tes difficultés. Je pense que sur certains côtés tu as atteint ton seuil d'incompétence notamment en management humain, prends en conscience et tu feras de gros progrès.

...

Apprends à encaisser mes critiques,...

C'est très déplaisant lorsque tu joues ce rôle, il transpire sur ton visage, sur ta voix et sur ton intonation, tu joues souvent un rôle prétentieux qui te va mal et te dessert. Arrêtes cette révolte, c'est ton pire mal qui te caricature et te rabaisse...'

Les correspondances adressées par l'employeur les 19 décembre 2016 et 3 janvier 2017 sont qualifiables d'avertissements, au regard de leur contenu et des reproches qu'elles contiennent.

L'employeur va continuer à revendiquer ses agissements par la voix de son conseil le 13 février 2017, en ces termes :

'Il ne peut sérieusement être reproché à Monsieur [V] d'avoir 'dans le courant de l'année 2016, fait des reproches répétés à l'encontre de Monsieur [C]' dans la mesure où ces reproches étaient fondés.

...

La définition du poste de directeur développement groupe remise par Monsieur [C], que Monsieur [V] lui a demandé de revoir, n'était que du verbiage sans aucune information sur les différents objectifs rappelés tout au long des différents conseils d'administration et rappelés de façon sommaire dans le mail que Monsieur [V] lui a personnellement adressé le 3 janvier 2017 pensant qu'il allait se ressaisir.'

L'employeur va diligenter une contre visite médicale le 14 mars 2017

- avis de contre-visite du 14 mars 2017 à la demande de l'employeur et qui a conclu à un arrêt de travail médicalement justifié.

L'employeur lui a tout simplement tourné le dos

M. [C] soutient que l'employeur a donné comme consigne à ses collaborateurs de ne pas entrer en contact avec lui, mais ne produit aucun élément pour en justifier.

L'employeur attendra d'être avisé de son recours pour introduire une procédure de licenciement pour faute grave

M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon par requête du 7 août 2017 et l'employeur l'a licencié par lettre du 29 août 2017.

Les manoeuvres de l'employeur pour tenter d'échapper à ses obligations

- recommandations après visite de pré-reprise du 30 août 2017 :

'Inaptitude en un seul temps à prévoir après le 11/09/17, en fonction de l'avis du spécialiste

étude de poste à faire

avis transmis à l'employeur avec accord de l'intéressé'

- lettre de licenciement datée du 29 août 2017 avec l'enveloppe portant le cachet de la poste daté du 31 août 2017.

Pris dans leur ensemble, ces faits permettent de présumer un harcèlement moral.

L'employeur conteste le harcèlement moral invoqué.

Une situation de surmenage constatée médicalement

L'employeur soutient avoir fait jouer ses relations pour permettre à M. [C] de faire un bilan médical complet à l'hôpital de [Localité 1] par l'intermédiaire du docteur [A], mais ne produit aucun élément justifiant cette allégation.

Le bilan d'hospitalisation produit en piece n°6 par l'appelant mentionne en conclusion :

'Asthénie physique et psychique probablement secondaire à un contexte de surmenage professionnel.

Possible gastrite de 'stress'.

Hypertriglycéridémie (consommation excessive d'alcool et de repas riche en graisse).

Stéatose hépatique.

Tachycardie psychogène.

Diverticules sigmoïdiens non compliqués.'

Il n'est pas contestable qu'à la suite de cette hospitalisation, aucun arrêt de travail n'a été prescrit au salarié, aucune recommandation à la charge de l'employeur n'a été faite sur les conditions de travail du salarié, de sorte qu'aucune faute ne saurait être reprochée à la société [V] à ce titre.

Il apparaît encore que sur le plan psychiatrique, le compte rendu d'hospitalisation identifie 'une humeur légèrement dépressive avec irritabilité, sommeil non réparateur, manque d'envie, tendance à l'anhédonie avec probablement existence de crises d'angoisse avec oppression thoracique et tachycardie. Des recommandations lui sont faites sur son hygiène de vie et il pourra revoir en externe le docteur [F] à [Localité 3] qui l'a déjà consulté. Il n'existe pas à l'heure actuelle de décompensation psychiatrique nécessitant l'instauration d'un traitement psychoactif.'

Ainsi, si le médecin indique que l'asthénie physique et psychique est probablement secondaire à un contexte de surmenage professionnel, il met également en avant une mauvaise hygiène de vie de par la consommation excessive d'alcool et de repas riche en graisse.

Les agendas Outlook produits par l'appelant montrent un emploi du temps chargé mais celui-ci ne démontre aucunement avoir alerté l'employeur sur une quelconque pression avant le 24 novembre 2016.

En outre, dans ce courrier, le salarié indique ne plus supporter la pression induite par son poste de directeur industriel, ce qui a conduit l'employeur, à la demande de M. [C], à lui proposer un changement de poste en tant que directeur développement groupe, lui demandant d'établir la fiche de mission correspondante.

Il apparaît ainsi que l'employeur a réagi dès lors que M. [C] lui a fait part de ses difficultés.

L'état de M. [C] ne va pas s'améliorer d'où la lettre de son psychiatre en date du 27 avril 2017 (alors que le salarié était en arrêt maladie), l'état dépressif du salarié étant secondaire à un surmenage professionnel et à une remise en cause professionnelle avec blessure narcissique intense.

Ce médecin confirmera le 28 juin 2017 les troubles psychiques constatés, en précisant que le lien avec la situation professionnelle de surmenage et de conflit avec la hiérarchie est établi selon les dires de M. [C].

Pour autant, aucun élément produit par l'appelant ne vient démontrer que cet état dépressif est consécutif à des actes de harcèlement de l'employeur.

Les critiques proférées par M. [V] tout au long de l'année 2016 et au début de l'année 2017

La lettre adressée à M. [C] par M. [V] le 19 décembre 2016 répond à celle du salarié du 24 novembre 2016, l'employeur contestant tout acte de harcèlement et détaillant l'historique de la dégradation des relations employeur/salarié.

Les reproches y contenus, s'ils sont sévères pour le salarié, n'en sont pas moins dénués de toute insulte ou harcèlement, une lecture de l'intégralité de la lettre et non seulement des morceaux choisis permettant de s'en convaincre. Ils s'inscrivent dans le pouvoir de direction de l'employeur qui reproche à un collaborateur cadre dirigeant un problème relationnel et managerial avec la direction dans son ensemble et le personnel sous sa subordination.

M. [V] tente ainsi d'en expliquer les causes en répondant, point par point, au courrier du salarié du 24 novembre 2016.

L'employeur termine sa lettre en ces termes :

'Tu as compris que c'est de ta collaboration volontariste et affective que nous retrouverons ensemble la sérénité. Tu peux, bien sûr, compter sur moi pour te soutenir, comme je te l'ai prouvé dans le passé et lors de l'épisode hôpital, sans imaginer qu'il n'y aura plus de reproches mais des reproches amicaux et constructifs.

Merci de prendre en considération mes propos, ils sont sincères.

En aspirant que tu arrives à retrouver la paix intérieure. Je te renouvelle mon amitié en reconnaissance du travail accompli depuis 28 ans.'

Le grief tenant aux reproches formulés par l'employeur n'est donc pas fondé.

L'absence de gestion de son évolution professionnelle

S'agissant de l'entretien professionnel, la version en vigueur pendant la relation de travail de l'article L 6315-1 du code du travail (version en vigueur du 26 novembre 2009 au 07 mars 2014 et création de l'article par la loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009 - art. 12) prévoyait que le salarié 'bénéficie à sa demande d'un bilan d'étape professionnel. Toujours à sa demande, ce bilan peut être renouvelé tous les cinq ans.

M. [C] ne justifie pas avoir sollicité un tel entretien professionnel auprès de l'employeur, de sorte qu'aucune faute ne saurait être reprochée à ce dernier.

La version en vigueur du 07 mars 2014 au 10 août 2016 prévoit que :

'I. A l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié.

...'

La version en vigueur du 10 août 2016 au 01 janvier 2019 prévoit également cet entretien professionnel.

L'employeur ne démontre aucunement avoir mis en place cet entretien, ce qui ne saurait s'apparenter à un harcèlement moral.

Il en est de même concernant l'absence d'entretien d'évaluation depuis 2012.

Concernant la définition du poste de directeur du développement, aucun acte de harcèlement ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur qui a sollicité M. [C] pour établir la fiche de fonction de ce poste créé pour ce dernier eu égard à la pression trop importante induite par la fonction de directeur industriel occupée par l'appelant.

Cette définition de poste a été réalisée en partenariat avec l'employeur et a abouti à la signature d'un avenant le 29 novembre 2016.

Les insultes proférées par M. [V] le 21 novembre 2016

M. [V] conteste avoir proféré les insultes contenues dans le courrier de M. [C] du 24 novembre 2016, mais reconnaît avoir été exaspéré par le comportement de ce dernier.

En réponse aux accusations de l'appelant, l'employeur écrit le 19 décembre 2016 :

'...

Il est, je pense, nécessaire de te donner mon point de vue sur notre voyage commun en Chine du printemps dernier. Contrairement à tes affirmations, ce voyage s'est bien déroulé. Nos relations ont été amicales comme par le passé. Je te rappelle qu'à notre retour, j'ai confirmé, en Conseil d'Administration, les progrès réalisés par notre filiale chinoise sous ton impulsion. Que puis je faire de plus pour te valoriser '

En conclusion, comment peux tu dire que je tiens à ton encontre des propos insultants et dégradants qui ne correspondent pas à la réalité. Ton interprétation de notre échange musclé qui ne fait pas la part des choses correspond à ta façon de faire provocante alors que tu sais pertinemment que je ne suis pas quelqu'un de médisant. Tu me connais depuis 28 ans, tu sais que ma considération humaine pour mes collaborateurs est une valeur que je suis fier de porter. Malgré cette lettre inconvenante et provocatrice, mon affection envers toi demeure et j'espère qu'elle est réciproque. Il est vrai que quelques fois, comme tu le sais, je n'y vais pas par quatre chemin et d'ailleurs tu agis de la même façon avec tes équipes. La différence est que j'attache beaucoup d'importance aux propositions et solutions en ouvrant toujours la porte pour ne pas couper les liens. C'est cela qu'avec les directeurs généraux nous avons essayé de trouver ensemble dans nos dernières rencontres. Malheureusement sans résultats, compte tenu de ton incrédulité obsessionnelle et ton impossible remise en cause avec un manque manifeste d'humilité. Le ton de ta lettre est une confirmation.

...'

Les écrits de M.[V] sont confirmés par M. [K] en ce qui concerne le voyage en Chine et l'attitude inadéquate de M. [C] à l'égard de son président directeur général.

Bien plus, le dossier de la SAS [V] comporte des attestations d'anciens collègues de travail de M. [C], le décrivant comme un supérieur hiérarchique autoritaire, 'lunatique, paranoïaque et dictateur', tous précisant que travailler avec l'appelant était une épreuve difficile.

Ces témoins confirment les propos de l'employeur figurant dans le courrier du 19 décembre 2016 et contredisent les allégations de M. [C] quant à des critiques et des dénigrements à son égard notamment en avril 2016 lors du déplacement en Chine.

M. [C] conteste les attestations produites par l'employeur car émanant de salariés ayant toujours un lien de subordination direct avec la société intimée.

Il ne saurait être fait grief à l'employeur de produire des attestations de personnes placées sous son autorité dès lors que les faits ayant été commis dans le cadre du travail, les autres salariés en sont nécessairement témoins privilégiés, les faits qu'ils rapportent n'étant pas contradictoires entre eux.

Les multiples critiques figurant dans la lettre de l'employeur du 19 décembre 2016 en réponse à sa dénonciation du harcèlement moral

La cour reprend l'argumentation par elle développée supra au titre des critiques proférées par M. [V] tout au long de l'année 2016 et au début de l'année 2017, ce grief n'étant ainsi pas établi.

Les critiques virulentes formulées par l'employeur dans son courriel du 3 janvier 2017

Les termes employés par M. [V] ne sont pas plus injurieux ou critiquables que ceux contenus dans le courrier du 19 décembre 2016.

Il invite M. [C] à s'ouvrir à une aide psychologique et met en avant le 'fichu caractère' de celui-là, lequel est confirmé par les attestations versées au dossier de la SAS [V].

La cour relève encore que par email du 13 septembre 2016 adressé à M. [V], M. [C] admet être responsable de la situation décrite par l'employeur, reconnaissant ses faiblesses et ses défauts de communication.

L'appelant tente de minimiser ses propos en soutenant s'être senti contraint d'adresser cet email eu égard aux nombreux reproches entre les mois d'avril et septembre 2016, lesquels n'ont pas été retenus comme des actes de harcèlement.

Les correspondances adressées par l'employeur les 19 décembre 2016 et 3 janvier 2017 sont qualifiables d'avertissements

Constitue une sanction disciplinaire aux termes des dispositions de l'article L 1331-1 du code du travail, " toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ".

La sanction disciplinaire est essentiellement caractérisée par ses conséquences éventuelles, à plus au moins long terme, sur la poursuite en l'état du contrat de travail. Il s'agit ainsi de toute décision pouvant, en cas de récidive, conduire au licenciement du salarié, à sa rétrogradation ou sa mutation.

La qualification de sanction suppose ainsi la satisfaction de deux conditions cumulatives :

- l'existence d'un agissement considéré comme fautif par l'employeur ;

- la caractérisation d'une volonté de l'employeur de sanctionner cet agissement.

Ainsi, si la lettre se borne à exiger du salarié qu'il se ressaisisse ou qu'il change

de comportement, il sera considéré comme un simple rappel à l'ordre.

La cour relève que les courriers litigieux ne comportent aucune volonté de la part de l'employeur de sanctionner M. [C], invitant le salarié à se ressaisir et éventuellement se faire aider par un tiers dans l'optique de travailler plus sereinement, sans pour autant contenir une quelconque menace de sanction.

Ils ne sauraient dès lors être constitutifs d'avertissements, et ce d'autant plus que le salarié ne démontre pas que lesdites lettres ont été versées dans son dossier personnel.

L'employeur va continuer à revendiquer ses agissements par la voix de son conseil le 13 février 2017

Le courrier ainsi visé par M. [C] ne saurait être retenu à l'encontre de l'employeur eu égard aux développements de la cour concernant les propos de M. [V] du 19 décembre 2016.

L'employeur va diligenter une contre visite médicale le 14 mars 2017

L'employeur est en droit, sans que cela puisse être retenu à son encontre, de faire pratiquer une contre visite médicale de son salarié déclaré en arrêt de travail pour maladie.

L'employeur lui a tout simplement tourné le dos

M. [C] ne produit aucun élément justifiant ce grief.

L'employeur attendra d'être avisé de son recours pour introduire une procédure de licenciement pour faute grave

Il ressort des pièces de procédure que :

- le 7 août 2017, le conseil de M. [C] informe son confrère, conseil de l'intimée, qu'il a reçu mandat afin de saisir le conseil de prud'hommes compétent,

- M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon par requête du 7 août 2017 reçue au greffe de ladite juridiction le 8 août 2017,

- la SAS [V] a été avisée de l'audience de conciliation par courrier du 25 août 2017 reçu le 28 août 2017,

- la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement est du 8 août 2017,

- la lettre de licenciement est du 29 août 2017.

Il en résulte que l'information de la saisine du conseil de prud'hommes 'compétent' a été donnée entre avocats et il n'y a aucune certitude que cette information a été répercutée le jour même à la société [V], et ce, d'autant plus que l'avocat de l'intimée précise dans ses conclusions avoir été en congés du 28 juillet au 23 août 2017.

L'allégation de M. [C] au terme de laquelle la société [V] a attendu d'être avisée de son recours pour introduire une procédure de licenciement pour faute grave n'est pas avérée.

Les manoeuvres de l'employeur pour tenter d'échapper à ses obligations

La lettre de licenciement est datée du 29 août 2017, soit antérieurement à la décision de la médecine du travail du 30 août 2017, bien qu'elle ait été adressée le 31 août suivant.

M. [C] émet des doutes sur la sincérité de la date figurant sur la lettre de rupture, s'agissant de simples supputations non corroborées par des pièces produites par l'appelant.

En outre, l'employeur ne saurait être déclaré fautif pour avoir poursuivi une procédure de licenciement disciplinaire alors que la situation du salarié faisait l'objet d'une instruction pour une éventuelle déclaration d'inaptitude.

La cour a repris ci-dessus les attestations de collègues de travail de l'appelant, décrivant les relations difficiles avec ce dernier et les propos parfois dénigrants qu'il pouvait avoir à leur encontre.

Il résulte de l'ensemble des explications développées supra que M. [C] semblait entretenir des relations professionnelles difficiles avec ses collègues de travail et parfois son employeur.

De plus, il résulte des pièces produites par les deux parties que l'appelant ne supportait plus la pression induite par ses fonctions de directeur industriel et qu'il s'est plaint de cette situation auprès de l'employeur qui a dès lors décidé de créer un poste de directeur développement groupe pour celui-là, sans que la détresse psychologique de M. [C] ne s'améliore.

Il ne peut être contesté que l'asthénie diagnostiquée a un lien avec l'activité professionnelle de M. [C], sans qu'elle puisse être rattachée à des actes répétés de harcèlement moral.

L'employeur démontre que les décisions prises sont étrangères à tout harcèlement moral, renversant ainsi la présomption relevée supra.

Les éléments de la cause ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un comportement harcelant à l'égard de M. [C].

Le harcèlement moral n'étant pas constitué, l'appelant doit être débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

· Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

· Des actions d'information et de formation ;

· La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes »

Pour la mise en 'uvre des mesures ci-dessus prévues, l'employeur doit s'appuyer sur les principes généraux suivants visés à l'article L.4121-23 du code du travail:

· [T] les risques

· Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

· Combattre les risques à la source ;

· Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

· Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

· Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

· Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l'article L. 1142-2-1 ;

· Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

· Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Enfin, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.

La cour relève que par courrier du 12 décembre 2016, la médecine du travail écrit à l'employeur en ces termes :

'Je vous écris avec l'accord de Mr [C] [P], suite à un courrier qu'il m'a adressé en copie, relatant une dégradation de ses conditions de travail et, à ses dires, des propos et agissements humiliants à son encontre.

Actuellement ce monsieur est en arrêt de travail.

Conformément à mes missions, je vous conseille de procéder dans les meilleurs délais à l'évaluation de la situation de travail de Mr [C] (fiche de poste, définition précise de ses missions), et de prendre toute disposition visant à réduire les risques professionnels. Dans ce cadre je me permets de vous rappeler votre 'obligation de sécurité et de résultat' contractuelle en matière de protection de la santé physique et mentale des salariés que vous employez.

Je me tiens à votre disposition, moi et mon équipe pluridisciplinaire, pour toute assistance que nous pourrions vous apporter.

Vous voudrez bien prendre en considération cette situation et me faire connaître les suites que vous entendez donner, conformément à l'article L 4624-3 du code du travail.'

L'employeur avait d'ores et déjà pris la mesure des difficultés soulevées par M. [C] ainsi qu'il résulte d'un courriel de ce dernier aux membres de la direction, dont M. [V], le 29 septembre 2016, par lequel l'appelant adresse les propositions de fiche de mission de directeur industriel groupe (pour son remplaçant M. [S]) et de directeur développement groupe, son futur poste.

Ainsi qu'il a été relevé supra, cette définition de poste a été réalisée en partenariat avec l'employeur et a abouti à la signature d'un avenant le 29 novembre 2016, postérieurement au courrier du salarié du 24 novembre 2016.

Par courrier du 19 décembre 2016, l'employeur répond à la médecine du travail en ces termes :

'Docteur,

J'ai bien reçu votre courrier du 12 décembre dernier, concernant M. [P] [C], cadre de direction dans mon entreprise [V] SA.

Je considère abusif ses déclarations. Vous trouverez ma réponse jointe. A la lecture de celle-ci, vous comprendrez la situation et les solutions proposées.

Vous pouvez utilement vous rapprocher du Docteur [A] à l'hôpital de [Localité 1] qui a pris en charge [P] [C].

Sans me substituer à vos compétences, mais compte tenu de la gravité de la situation, je pense que [P] [C] ne pourra pas s'en sortir sans un accompagnement psychologique médical. Sans cette aide, je crains en effet que son état s'aggrave. Il y a lieu d'être vigilant, car il ne se considère pas malade et pourtant il a fait appel à vous.

Je me tiens à votre disposition avec les autres cadres de direction pour évoquer cette situation préoccupante.'

Aucune suite ne sera donnée par la médecine du travail après ce courrier.

Par ailleurs, le harcèlement moral dénoncé par le salarié n'a pas été retenu par la cour.

Cependant, il ne peut être constesté que la situation de M. [C] ne va pas s'améliorer, aucun élément démontrant que l'employeur pouvait anticiper cette situation.

En effet, M. [C] a pris ses nouvelles fonctions le 29 novembre 2016 et il a été placé en arrêt maladie du 9 au 19 décembre 2016, puis a pris ses congés du 20 décembre 2016 au 1er janvier 2017, pour être de nouveau placé en arrêt maladie à compter du 2 janvier 2017 sans discontinuer jusqu'à la rupture des relations contractuelles.

La cour observe que M. [C] ne précise aucunement laquelle ou lesquelles des mesures destinées à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, telles que prévues par l'article L 4121-1 précité, l'employeur aurait méconnues entre le 29 novembre 2016 et le 9 décembre 2016. Le salarié ne justifie pas même d'un manquement particulier de l'employeur dans ce laps de temps qui aurait eu pour conséquence de porter atteinte à sa santé ou sa sécurité, se limitant sur ce plan à des allégations, notamment en ce qui concerne sa charge de travail ou les reproches qui lui auraient été faits ; l'employeur ayant pris en compte ladite charge de travail en créant un poste de directeur développement pour M. [C].

Il en résulte que l'employeur a pris 'les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale' de M. [C].

La demande du salarié au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur fondée sur l'obligation de sécurité de ce dernier sera dans ces circonstances rejetée et le jugement critiqué confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

M. [C] considère dans un premier temps que le licenciement prononcé s'analyse en une mesure de rétorsion suite à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, d'où la nullité de cette mesure disciplinaire.

Il se fonde sur la chronologie des faits.

Or, il a été relevé ci-dessus que la procédure de rupture a été engagée alors que l'employeur n'était pas encore informé de la saisine par le salarié du conseil de prud'hommes d'Avignon, ce qui justifie le rejet de cette demande d'annulation du licenciement.

L'appelant conteste ensuite la validité de la rupture du contrat pour faute grave.

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.

Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.

Il convient ainsi de reprendre les griefs reprochés à M. [C] :

L'utilisation frauduleusement du badge de télépéage de la société et la carte affaire pour un restaurant alors qu'il était en arrêt maladie

M. [C] soulève la prescription du grief relatif l'utilisation de la carte affaire.

Il reconnaît l'utilisation de cette carte le 5 janvier 2017, soit 7 mois avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance et l'employeur, qui a déjà sanctionné le salarié pour des faits fautifs, ne peut plus s'appuyer ensuite sur des faits antérieurs non sanctionnés.

Ce délai de deux mois commence à courir à compter du moment où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance des faits sanctionnés.

L'employeur soutient avoir eu connaissance de l'utilisation frauduleuse de la carte affaire début août 2017, au vu de l'utilisation abusive du bagde, les services financiers attendant le retour du relevé carte affaire mensuel de M. [C] de janvier et les justificatifs qu'il n'a jamais adressés.

La société intimée produit ainsi le relevé des opérations réalisées par M. [C] au moyen de la carte bancaire litigieuse pour le mois de janvier 2017, celui-ci étant daté du 31 janvier 2017.

L'employeur disposait dès lors de tous les renseignements concernant l'utilisation de ladite carte par le salarié au plus tard le vendredi 3 février 2017 compte tenu du délai d'acheminement de La Poste.

L'employeur devait dès lors engager la procédure disciplinaire avant le mois d'avril 2017.

Le 7 août 2017, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable, soit postérieurement au délai de deux mois pour ce faire.

L'échéance de la prescription sera, en l'état de l'ensemble de ces éléments, constatée sur ce grief.

Concernant le grief tenant à l'utilisation frauduleuse du badge de télépéage, M. [C] soutient que la société [V] a tardé à introduire une procédure de licenciement, l'employeur ayant constaté les agissements reprochés à partir du mois de janvier 2017 et attendra le mois d'août suivant pour diligenter une procédure disciplinaire.

Il ajoute que la tardiveté de cette réaction prive à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L'employeur répond que M. [U], nouveau directeur financier, a adressé à l'ensemble des salariés bénéficiant d'un badge professionnel et d'une carte d'essence professionnelle, un email le 11 juillet 2017 rappelant les règles d'utilisation du carburant et badge télépéage ; cet envoi faisant suite à un sondage aléatoire sur les relevés de consommations de juin 2017, lors de la réception de la facture accompagnant les relevés.

La société intimée ajoute que c'est dans ce contexte que M. [G], directeur général délégué, chargé des relations avec le personnel, a demandé à voir le listing et une analyse plus particulière depuis le début de l'année 2017 et c'est à cette occasion qu'il est ressorti que M. [C] avait, alors qu'il était en arrêt maladie, utilisé son badge télépéage régulièrement, plus de 25 fois.

La société [V] produit pour en justifier le courriel adressé par M. [U] le 11 juillet 2017 à M. [G], dont copie notamment à M. [C], ainsi libellé :

'Bonjour à tous,

Au vue d'une certain dérive dans l'utilisation des badges télépéages et cartes carburant voici quelques rappels de règles d'utilisation à appliquer :

Badge télépéage :

Il apparaît que quelques personnels utilisent leur badge société télépéage pour des usages privés (trajets domicile/travail, weekend, pause de midi, congés ...).

Je vous rappelle que ce badge sert uniquement à couvrir les frais inhérents à des déplacements professionnels et nous vous demandons donc pour tous vos déplacements privés, de ne pas utiliser votre badge professionnel, et de le ranger dans la pochette isolante prevue à cet effet.

...'

Il apparaît ainsi que M. [U] a entendu faire une mise au point auprès des salariés concernés sur l'utilisation du badge télépéage et de la carte carburant, suite à des utilisations non conformes.

Dans ces circonstances, aucun élément ne permet de considérer que l'employeur avait connaissance des faits reprochés à ce titre avant le 11 juillet 2017 de sorte que la réaction de l'employeur n'est pas tardive.

Sur le fond, ce fait n'est pas contesté par le salarié qui explique en avoir informé par email M. [N], directeur des services généraux, en lui demandant de déduire de son salaire les sommes correspondantes à une utilisation privée, allégation non démontrée par l'appelant.

M. [C] invoque encore une tolérance au sein de la société quant à l'utilisation du télépéage à des fins privées, laquelle n'est nullement justifiée.

L'employeur produit le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 18 décembre 2003, à laquelle participait M. [C] en sa qualité de membre du conseil d'administration, qui prévoit en son paragraphe 2.3 'Contrôle URSSAF :

Quelques régularisations sont à apporter. Des remarques sur l'utilisation des véhicules de service (2 places) hors des heures de travail ont été faites.'

Ledit contrôle a abouti à une lettre d'observations de l'URSSAF du 19 janvier 2004 et plus précisément concernant les frais d'autouroute :

'Dans les états détaillés de la société d'autoroute ESCOTA, il a été constaté la prise en charge par l'entreprise de dépenses de péages pendant les congés de fin de semaine (samedi ou dimanche) pour certains de vos salariés (M. [C] n'était pas visé)

...

En l'absence du caractère dûment professionnel que vous voudrez bien justifier à l'avenir (visites agriculteurs en période de vendanges, foires, salons agricoles, interventions service après-vente en week-end) ces dépenses ne peuvent être prises en charge par la société et leur montant constitute un complément de salaire devant être soumis à cotisations.'

Une note avait d'ailleurs été rédigée le 15 décembre 2003 dans laquelle il était prévu que l'usage du véhicule 2 places devait être strictement professionnel.

M. [C], de par sa fonction et sa participation au conseil d'administration de la société, ne pouvait ignorer les restrictions liées à l'utilisation du véhicule de service.

De plus, au vu des éléments justificatifs produits par l'employeur et notamment des factures et relevés de consommation péage des mois de janvier à août 2017, il apparaît que l'appelant a utilisé à 45 reprises le badge télépéage, alors qu'il était en arrêt de travail pour maladie à compter du 2 janvier 2017.

M. [C] a bien eu un comportement fautif.

En conséquence, le grief est fondé mais considérant le faible préjudice financier occasionné à la société, ce motif à lui seul ne pouvait asseoir un licenciement pour faute grave.

Il conviendra dans ces circonstances d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [C] reposait sur une faute grave, et, statuant à nouveau, de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

M. [C] peut ainsi prétendre aux sommes de:

- 47.198,22 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 4.719,82 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 139.879,75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur les autres demandes

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision, sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

Il y a lieu également d'ordonner la délivrance par l'employeur à M. [C] des documents sociaux conformes aux dispositions du présent arrêt.

Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d'une astreinte.

Le jugement querellé sera réformé en ce qu'il a condamné M. [C] au paiement d'une somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile et aux dépens.

Ce faisant, la SAS [V] sera condamnée à payer à l'appelant la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile.

La même prendra à sa charge les dépens de premiere instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Réforme le jugement rendu le 14 mai 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a dit fondé sur une faute grave le licenciement de M. [P] [C],

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [P] [C] par la SAS [V] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS [V] à payer à M. [P] [C] les sommes suivantes :

- 47.198,22 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 4.719,82 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 139.879,75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

Dit que les sommes à caractère alimentaire allouées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R1454-14 et 15 du code du travail porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts échus, sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière,

Dit que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision, avec capitalisation des intérêts échus, sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière,

Ordonne la délivrance par l'employeur à M. [C] des documents sociaux conformes aux dispositions du présent arrêt,

Réforme le jugement rendu le 14 mai 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qui concerne les dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens,

Le confirme pour le surplus,

Condamne la SAS [V] à payer à M. [P] [C] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile,

Condamne la même aux dépens de première instance et d'appel,

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/02342
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-21;19.02342 ?
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