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21/06/2022 | FRANCE | N°19/02528

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 21 juin 2022, 19/02528


ARRÊT N°



N° RG 19/02528 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMXG



MS/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY

28 mai 2019



RG :F18/00072





S.A.S. L2B





C/



[F]





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 21 JUIN 2022







AP

PELANTE :



SAS L2B VENANT AUX DROITS DE LA SARL LES AGREGATS DU PLATEAU

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES



INTIMÉ :



Monsieur [S] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Marylène NINOTTA de la SCP DELOCHE, avocat au ba...

ARRÊT N°

N° RG 19/02528 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMXG

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY

28 mai 2019

RG :F18/00072

S.A.S. L2B

C/

[F]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 JUIN 2022

APPELANTE :

SAS L2B VENANT AUX DROITS DE LA SARL LES AGREGATS DU PLATEAU

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [S] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Marylène NINOTTA de la SCP DELOCHE, avocat au barreau d'ARDECHE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 31 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Virginie HUET, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 14 avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SARL LES AGREGATS DU PLATEAU a embauché M. [S] [F] par contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent de maîtrise à compter du 17 mars 2008. Le salarié occupait, au dernier état, un poste de vendeur, chauffeur-livreur.

Par avenant en date du 27/01/2014, il a été spécifié que la convention collective devant être appliquée désormais était la convention collective nationale du négoce des matériaux de construction.

La société relevait auparavant de la convention collective des industries et du commerce de la récupération.

La rémunération de M. [F] était de 2.701,54 euros bruts pour 42,5 heures de travail hebdomadaire.

M. [F] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement collectif pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 14 octobre 2015 et fixé au 20 octobre suivant.

Au cours de cet entretien, la Société LES AGREGATS DU PLATEAU a exposé à M. [F] les motifs la conduisant à envisager son licenciement pour motif économique, a recueilli ses observations et lui a remis des documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle.

M. [F] a accepté le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle dans le délai de 21 jours, ce qui a entraîné la rupture amiable de son contrat de travail au terme dudit délai.

Contestant la légitimité de la rupture, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Annonay afin de voir prononcer la requalification du licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à diverses sommes à caractère indemnitaire, lequel, par jugement contradictoire du 28 mai 2019 a :

- Condamné à titre principal la SAS L2B venant aux droits de la SARL LES AGREGATS DU PLATEAU au paiement de 32.400 euros au titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ;

- Ecarté la demande à titre subsidiaire ;

- Condamné à titre principal la SAS L2B venant aux droits de la SARL LES AGREGATS DU PLATEAU au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné le demandeur aux dépens.

Par acte du 24 juin 2019, la SAS L2B a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 2 mars 2020, la SAS L2B venant aux droit de la SARL LES AGREGATS DU PLATEAU demande à la cour de :

Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SARL LES AGREGATS DU PLATEAU à l'encontre de la décision rendue le 28 mai 2019 par le conseil de prud'hommes d'Annonay,

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- Condamné à titre principal la SAS L2B venant aux droits de la SARL LES

AGREGATS DU PLATEAU au paiement de 32.400 euros au titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ;

- Condamné à titre principal la société SAS L2B venant aux droits de la SARL LES AGREGATS DU PLATEAU au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu les articles L. 1233-1 et suivants du code du travail ainsi que l'article L. 1224-1 du même code,

Dire et juger que le licenciement pour motif économique de M.[F] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Dire et juger que M.[F] n'établit pas l'existence d'une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail,

Dire et juger que la société LES AGREGATS DU PLATEAU a rempli ses obligations en matière de recherche de reclassement,

En conséquence,

Débouter M.[F] de l'intégralité de ses demandes relatives au caractère abusif de son licenciement pour motif économique.

Débouter M.[F] du surplus de ses demandes.

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour considérait que le licenciement pour motif économique de M.[F] est abusif,

Ramener les prétentions de M.[F] à de plus justes proportions.

En tout état de cause, débouter M.[F] du surplus de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, outre appel incident.

Condamner M.[F] à payer à la société L2B venant aux droits de la société LES AGREGATS DU PLATEAU la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SAS L2B soutient essentiellement que :

- sur le bien fondé du licenciement économique

- elle verse aux débats différents éléments prouvant lesdites difficultés économiques

- conscient du caractère fondé des difficultés économiques rencontrées par la société LES AGREGATS DU PLATEAU, M.[F] tente de contester le motif économique sur lequel est fondé son licenciement en invoquant une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail

- M.[F] déduit de la création de la société AMPLITUDE MATERIAUX, qui exerce effectivement la même activité que la société LES AGREGATS DU PLATEAU, et de la cession par la SCI LE CLOS DE LACHAUX à la SCI MATIS du terrain sur lequel la société LES AGREGATS DU PLATEAU exploitait son activité, le transfert d'une entité économique autonome

- les sociétés ayant vendu et acquis l'immeuble en question sont des personnes morales distinctes des sociétés LES AGREGATS DU PLATEAU et AMPLITUDE MATÉRIAUX

- il est impossible de soutenir que le transfert d'un immeuble constituant exclusivement un bien corporel immobilier à une société serait de nature à entrainer le transfert de contrats de travail entre deux autres sociétés entre lesquelles aucune cession d'actif n'est intervenue

- si la SARL AMPLITUDE MATERIAUX exploite toujours une activité de négoce de matériaux, il n'y a eu aucun transfert entre la société LES AGREGATS DU PLATEAU et la société AMPLITUDE MATERIAUX et, à fortiori, en aucun cas le transfert d'une entité économique autonome

- La société LES AGREGATS DU PLATEAU n'a pas cédé son fonds de commerce ou une quelconque activité économique ni un quelconque bien ou matériel à la société AMPLITUDE MATÉRIAUX

- une entité économique autonome n'est caractérisée qu'à la condition que soient cédés à la fois une activité, des personnes et des éléments corporels ou

incorporels, absents dans le cas d'espèce

- en aucun cas la seule cession d'un immeuble ne saurait caractériser la cession d'une entité économique autonome

- Sur le respect de l'obligation de reclassement

- la société LES AGREGATS DU PLATEAU a effectivement cherché à le reclasser au sein de l'ensemble des sociétés composant le groupe préalablement à la rupture de son contrat de travail

- elle produit les registres du personnel des sociétés du groupe et aucune embauche n'est intervenue au sein de ces différentes sociétés depuis le licenciement pour motif économique de M.[F]

- à titre subsidiaire, sur le caractère disproportionné des demandes

- la société LES AGREGATS DU PLATEAU employant moins de 11 salariés, M.[F] ne peut prétendre qu'à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi dont il lui appartient de prouver l'existence et l'étendue

- le salarié ne produit aucun document récent permettant de connaître sa situation réelle auprès de son nouvel employeur.

Dans le dernier état de ses conclusions récapitulatives en date du 16 juillet 2020, M.[F] demande à la cour de :

- Recevoir M.[F] en sa demande,

- La déclarer bien fondée,

Sur la rupture du contrat de travail :

- A titre principal, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes

d'Annonay en date du 28/05/2019 en ce qu'il a constaté que le licenciement

économique de M.[F] est intervenu en fraude aux dispositions de l'article L 1244-1 du code du travail et dire et juger le licenciement prononcé à l'encontre de M.[F] privé d'effets

- A titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la demande à titre subsidiaire, dire et juger le licenciement prononcé à l'encontre de M.[F] dépourvu de cause réelle et sérieuse pour défaut de motif économique et défaut de tentative de reclassement

- En conséquence, et en tout état de cause, infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Annonay en date du 28 mai 2019 concernant le quantum de dommages et intérêts alloués et condamner la SARL LES AGREGATS DU PLATEAU et la SAS L2B venant aux droits de la SARL LES AGREGATS DU PLATEAU à verser à M.[F] la somme de 40.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif

- Les condamner à la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel

- Débouter la société L2 B de toutes ses demandes.

Il fait essentiellement valoir que :

- sur le licenciement

- il démontre que son licenciement a été fait en violation de l'article L 1224-1 du code du travail.

En cédant la propriété immobilière et tous les éléments corporels existants, la SCI LE CLOS DE LACHAUX (qui a le même gérant que la SARL L2 B) a réalisé le transfert d'une entité économique sans pour autant transférer les contrats de travail des salariés présents

- les futurs associés de la société MATIS (également associés au sein de la SARL AMPLITUDE MATERIAUX, M.[C] et M. [V]) avaient été en pourparlers durant l'été 2016 avec la SARL LES AGREGATS DU PLATEAU et finalement seul le foncier avait été vendu.

Il est manifeste que du fait de ce montage juridique, la SCI LE CLOS DE LA CHAUX et la SCI MATIS (propriétaires successives de l'immeuble servant de lieu d'exploitation de l'activité de négoces de matériaux) ainsi que les SARL LES AGREGATS DU PLATEAU et la SARL AMPLITUDES MATERIAUX (exploitantes successives d'un commerce de négoces de matériaux) ont tenté de faire obstacle à l'application de l'article L1224-1 du code du travail

- une entité juridique autonome peut être transférée même lorsqu'il n'y a pas de lien de droit entre l'ancien employeur et le nouveau ou celui qui aurait dû l'être

- la notion d'entité économique autonome dépasse la simple notion de société et elle combine différents éléments au-delà d'un simple statut juridique

- en vendant l'immeuble où exerçait la SARL LES AGREGATS DU

PLATEAU, la SCI LE CLOS DE LA CHAUX a vendu le terrain, les bâtiments établis sur ce terrain, le matériel.

Et moins de quatre semaines plus tard, débutait sous l'enseigne AMPLITUDE MATERIAUX une activité de négoce de matériaux

- la société LES AGREGATS DU PLATEAU était une entité économique autonome et a été transférée dans son intégralité au propriétaire voisin

- subsidiairement, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ne mettant pas la cour en mesure de vérifier l'exactitude des

difficultés économiques au moment du licenciement soit en novembre 2015

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures,

Par ordonnance en date du 17 février 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet du 31 mars 2022.

MOTIFS

Sur la fraude à l'article L 1224-1 du code du travail

L'article L.1224-1 du code du travail prévoit que 'lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise'.

Le transfert des contrats de travail suppose le transfert d'une entité économique autonome qui se définit comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

A ce titre, la directive du Conseil no 98/50 du 29 juin 1998 précise que les contrats se maintiennent lorsqu'il y a transfert d'une « entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique que celle-ci soit essentielle ou accessoire ».

L'article 1, § 1, b, de la directive du 12 mars 2001 (2001/23/CE) définit plus brièvement cette entité comme étant caractérisée par 'un ensemble organisé de moyen en vue de la poursuite d'une activité économique'.

L'entité économique est constituée de trois éléments : une activité ; des personnes ; des éléments corporels ou incorporels.

L'ensemble doit être organisé. La réunion de quelques éléments d'exploitation non significatifs ne suffit pas à caractériser l'entité.

Il appartient aux juges du fond de rechercher les éléments qui constituent une telle entité, indépendamment des règles d'organisation et de gestion du service au sein duquel s'exerce l'activité économique.

Cette notion d'entité économique suppose donc que des moyens matériels et techniques et en personnel, aient été spécifiquement affectés à la poursuite d'une finalité économique propre.

Cette entité doit ensuite conserver son identité à la suite du transfert dont elle est l'objet, l'activité exercée devant être poursuivie ou reprise sous une autre direction. Le maintien de l'identité doit être contrôlé au jour du transfert lui-même. Il faut que les moyens d'exploitation significatifs, nécessaires à l'exercice de l'activité, soient repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant et que l'activité se maintienne et se poursuive, peu important que l'entité en cause ne représente qu'une partie de l'entreprise dont elle relève, puisque les directives européennes successives visent expressément le transfert de parties d'entreprises ou d'établissement, même lorsque l'activité concernée présente un caractère accessoire. Dès lors, en présence d'une branche d'activité formant une véritable entité économique autonome, les salariés qui y sont rattachés passent au service du nouvel exploitant.

L'entité économique transférée doit jouir d'une autonomie fonctionnelle suffisante, d'un personnel propre et doté d'une qualification professionnelle spécifique à l'activité à l'exercice de laquelle il est affecté. Elle doit disposer de moyens corporels (bâtiments, outillages, équipements, stocks, terrains...) ou incorporels (clientèle, droit au bail, marque.....), qui concourent à l'exercice de l'activité économique qui peut être de production ou de services qui poursuit son objectif propre.

En cas de changement de prestataire ou de reprise d'une activité, l'article L 1224-1 du code du travail s'applique si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'activité sont repris, directement ou indirectement par le nouveau prestataire ou par l'entreprise.

Il est constant que la preuve de la fraude incombe à celui qui l'invoque.

En l'espèce, il résulte des pièces produites par le salarié que :

- les SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU a souhaité dans un premier temps vendre le fonds de commerce de la société, les salariés en ayant été informés le 1er septembre 2015 :

'Objet : Information des salariés relative au projet de cession du fonds de commerce de la société Les Agrégats du Plateau

Messieurs,

En application des dispositions de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, nous vous informons que la société LES AGRÉGATS DU PLATEAU envisage la vente du fonds de commerce dont elle est actuellement propriétaire et exploitante.

Nous vous informons également que vous avez la possibilité, en tant que salarié de la société LES AGRÉGATS DU PLATEAU, de présenter une offre d'achat du fonds de commerce dont la vente est prévue.

Si vous ne souhaitez pas présenter d'offre d'achat, nous vous remercions de bien vouloir compléter et nous retourner le formulaire ci-joint.

...'

- un échange de courriels est intervenu entre les deux salariés MM [G] et [F], et M. [D], dirigeant de la SARL, à ce titre,

- par email du 23 octobre 2015 à 9h16, M. [E], directeur administratif du groupe [D], écrit à M. [G] en ces termes :

'...

Comme indiqué également lors de l'entretien, le prix de 300 kEUR comprend l'ensemble des actifs de la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU et le fonds de commerce.'

- le même jour à 10h40, il répond à M. [G] ainsi :

'Le terrain n'est pas compris.

Le prix est de 100 kEUR'

- le 5 novembre 2015, les salariés écrivent à la SCI Le Clos de la Chaux, dont le gérant est M. [D], en ces termes :

'... en tant que gérant de la SCI 'le clos de la chaux', vous nous avez fait part de votre souhait de vendre le terrain situé '[Adresse 5] dont la SCI LE CLOS DE LA CHAUX est propriétaire. Vous nous avez, aussi, maintenu à plusieurs reprises qu'il n'y a aucun repreneur.

Suite à plusieurs mails échangés avec [N] [E] le 23 octobre 2015, nous répondons favorablement à votre offre : soit la somme de 100 000 € pour le terrain, d'un hectare correspondant aux parcelles N°193/194, y compris son bâti.

...'

- le 18 novembre 2015, M. [D], pour la SCI Le Clos de La chaux écrit aux salariés :

'Messieurs,

Nous faisons suite à votre lettre avec accusé de réception en date du 5 novembre 2015.

Nous prenons connaissance de son contenu avec une certaine surprise.

En effet, à aucun moment, la SCI Le clos de la chaux ne vous a adressé une quelconque offre de vente de son terrain immobilier sur lequel est exploité le fonds de commerce appartenant à la SARL Agrégats du plateau.

Votre prise de renseignements sur l'éventuel prix et la surface dudit terrain auprès de M. [E] ne saurait valoir en aucune manière offre de vente de notre part.'

L'appelante reconnaît ensuite que la SCI Le Clos de la Chaux a vendu le terrain sur lequel sont implantés les locaux de la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU à la SCI MATIS.

Il apparaît que :

- le gérant de la SCI Le Clos de la Chaux est M. [D], gérant également de la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU

- les gérants de la SCI MATIS sont les dirigerants de la SARL AMPLITUDE MATÉRIAUX

- la SARL AMPLITUDE MATÉRIAUX exerce la même activité que la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU sur le même terrain et dans les mêmes locaux.

L'activité de la SARL AMPLITUDE MATÉRIAUX est la suivante :

'le négoce de tous produits et matériaux liés à la construction, à l'agriculture, aux espaces verts et plus généralement tous produits liés au bricolage et à la construction, la perception, la collecte de tous déchets du bâtiment et de travaux publics et assimilés et tous autres déchets industriels, la location et la vente de tous matériels.'

L'activité de la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU était la suivante :

'le commerce, le négoce et la revalorisation des matériaux - la fabrication, la transformation, la commercialisation sous toutes ses formes de produits en béton - la réception, la collecte, le traitement, le recyclage des déchets du bâtiment et des travaux publics et assimilés et tous autres déchets industriels BANALS ; tous travaux ayant trait à la déconstruction, la démolition et la récupération des déchets sur sites ; la location de matériels...'

La société appelante cite une jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle elle a décidé qu'un immeuble ne constitue pas un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une

activité économique poursuivant un objectif propre et qu'il n'est donc pas une entité économique autonome.

Cependant, cet arrêt a été rendu pour un immeuble locatif et non industriel.

Ainsi, si la cession d'un bien immobilier ne constitue pas ipso facto le transfert d'un ensemble organisé de personnes, d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre, dans le cas d'espèce, il ressort des éléments détaillés supra que M. [D], gérant de la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU et de la SCI Le Clos de Lachaux a cédé, par l'intermédiaire de sa SCI, des éléments d'actifs de la SARL, soit un immeuble et un terrain, à la SCI MATIS, dont les dirigeants ont ensuite créé la SARL AMPLITUDE MATÉRIAUX qui exerce une activité identique dans lesdits locaux.

M.[F] souligne que le matériel et le stock de matériaux et de marchandises se trouvant sur place ont été repris par la SARL AMPLITUDE MATÉRIAUX, ce qui n'est pas contesté par l'appelante, qui ne formule aucune argumentation contraire, ni ne produit aucune pièce sur le sort de ces éléments corporels du fonds de commerce.

Il résulte encore des pièces produites par le salarié que le terrain a été vendu à un prix supérieur à celui qui avait été indiqué par M. [E] aux salariés désireux d'acheter.

Ce faisant, il ne s'agit pas là d'une simple cession d'un élément de son actif mais bien du droit d'exploiter sans transmission du fonds de commerce correspondant, ce qui caractérise le transfert d'une unité économique autonome.

Pour autant et même s'il n'y a pas eu cession de fonds de commerce, il y a eu transfert d'une entité économique autonome et l'activité de l'employeur a été reprise par la société AMPLITUDE MATÉRIAUX, par un système frauduleux et l'intervention de deux SCI, la première appartenant au dirigeant de la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU et la seconde appartenant aux dirigeants de la société AMPLITUDE MATÉRIAUX.

Ce montage ne peut faire échec à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail dès lors que se sont poursuivies dans les locaux loués des activités de nature similaire.

Enfin, cette vente du terrain puis l'occupation des locaux de la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU par la société AMPLITUDE MATÉRIAUX s'est accompagnée au bénéfice de cette dernière d'un transfert de fait de la clientèle attachée à la première.

En conclusion, la poursuite de la même activité dans le même lieu que la société employeur, accompagnée par ailleurs d'un transfert de fait de la clientèle, permet de caractériser l'existence d'un transfert d'une entité économique autonome au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Les éléments ainsi établis par l'intimé caractérisent une cession partielle d'activité de la société LES AGRÉGATS DU PLATEAU au profit de la société AMPLITUDE MATÉRIAUX, par l'intermédiaire d'un montage à travers deux sociétés civiles immobilières ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, qui obligeait l'appelante à respecter les dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Le licenciement d'un salarié prononcé à l'occasion du transfert d'une entité économique autonome dont l'activité est poursuivie est privé d'effet et le salarié licencié dans ces conditions peut, à son choix , demander au repreneur la poursuite du contrat de travail rompu ou demander à l'auteur du licenciement réparation du préjudice qui en est résulté.

Le licenciement de M.[F] est dès lors dépourvu d'effet et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M.[F] ne sollicitant par ailleurs pas sa réintégration.

Il y a lieu à confirmation du jugement déféré sur ce point.

L'intimé forme un appel incident sur le montant des dommages et intérêts alloués par les premièrs juges à hauteur de la somme de 32.000 euros.

Les éléments produits par M.[F], identiques à ceux produits en première instance, justifient la confirmation du jugement déféré, les premiers juges ayant parfaitement analysé la situation du salarié eu égard aux éléments par lui produits.

La confirmation portera ainsi également sur le montant des dommages et intérêts alloués au salarié.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.

L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel.

Les dispositions du jugement déféré tenant aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 28 mai 2019 par le conseil de prud'hommes d'Annonay en toutes ses dispositions,

Condamne la SAS L2B venant aux droits de la SARL LES AGRÉGATS DU PLATEAU à payer à M. [S] [F] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la même aux dépens d'appel,

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/02528
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-21;19.02528 ?
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