ARRÊT N°
N° RG 20/02725 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H2UL
MAM
TRIBUNAL DE PROXIMITE D'ORANGE
15 septembre 2020 RG :11-19-0236
[M]
C/
[E]
Grosse délivrée
le
à Selarl Pericchi
Me Durand-Viens
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 30 JUIN 2022
APPELANT :
Monsieur [T] [M]
né le 30 Mai 1963 à MORAMANGA (MADAGASGAR)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Emile-Henri BISCARRAT de la SELARL EMILE-HENRI BISCARRAT, Plaidant, avocat au barreau de CARPENTRAS
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [U] [E]
né le 02 Août 1962 à [Localité 3]
1593 POSADAS PISO 4
RECOLETA CABA
[Localité 1] ARGENTINE
Représenté par Me Marie-Claude DURAND-VIENS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre
Mme Catherine Ginoux, conseillère
Madame Laure Mallet, conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 04 avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 juin 2022 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière le 30 juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat sous seing privé du 5 juillet 2017 intitulé «'contrat pour rénovation et gros oeuvre de l'appartement du deuxième étage sise [Adresse 2] à [Localité 3], propriété de M. [U] [E] avant sa location'», M. [E] a confié à M. [T] [M] la réalisation de divers travaux.
Le 4 avril 2018, M. [U] [E] et M. [T] [M] ont signé un document sous seing privé ainsi rédigé: «' A la date du 30 mars 2017 au retour de M. [U] [E] d'Argentine, il a été constaté par M. [U] [E] et M. [I] [C] que l'intégralité des travaux susmentionnés dans le contrat n'ont pas été effectués comme convenu et accordé par M. [T] [M]. Un constat d'huissier a été dressé le 2 avril 2018 par Me [Z] [Y] où il est noté et photographié l'absence d'avancement et de réalisation des travaux prévus au contrat. M. [T] [M] s'engage donc à restituer l'intégralité des fonds perçus, soit la somme de 15 300 € à M. [U] [E] dans un délai qui n'excédera pas la date du 15 mai 2018.
Je soussigné [T] [M] devoir restituer à M. [U] [E] la somme de 15 300 € avant le 15 mai 2018'».
Le chèque de 15 300 € établi le 10 mai 2018 par M. [T] [M] au bénéfice de M. [E] n'a pas été payé faute de provision suffisante.
Par courrier recommandé du 4 juillet 2019, M. [M] a formé opposition à l'ordonnance du juge d'instance d'Orange en date du 11 avril 2019 lui enjoignant de payer à M. [U] [E] la somme principale de 15'300'€ avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2018.
Statuant sur cette opposition, par jugement du 15 septembre 2020, la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Carpentras a statué comme suit':
- accueille l'opposition de M. [T] [M] à l'ordonnance d'injonction de payer du 11 avril 2019 et la met à néant,
Statuant à nouveau,
- dit que le contrat du 5 juillet 2017 liant les parties est un contrat d'entreprise,
en conséquence,
- rejette l'exception d'incompétence matérielle au profit du conseil des prud'hommes d'Orange,
- condamne M. [M] à verser à M. [E] la somme de 15'300'€,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- condamne M. [M] aux dépens,
- condamne M. [M] à verser à M. [E] la somme de 800'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 27 octobre 2020, M. [M] a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 avril 2021, auxquelles il est expressément référé, M. [M] demande à la cour de':
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail,
Vu l'article 1406 du code de procédure civile,
Vu les pièces produites aux débats,
- infirmer le jugement rendu par la chambre de proximité d'Orange le 15 septembre 2020 en ce qu'il a :
« * dit que le contrat du 5 juillet 2017 liant les parties est un contrat d'entreprise,
* rejeté l'exception d'incompétence matérielle au profit du conseil de prud'hommes d'Orange,
* condamné M. [M] à M. [E] la somme de 15'300'€,
* dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
* condamné M. [M] aux dépens,
* condamné M. [M] à verser à M. [E] la somme de 800'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* rejeté toute autre demande plus ample ou contraire. »
Et statuant à nouveau :
à titre principal : sur l'incompétence du tribunal de proximité,
- accueillir l'exception d'incompétence matérielle soulevée par M. [M] en première instance au profit du conseil de prud'hommes, seule juridiction compétente pour statuer sur un litige relatif à l'exécution d'une relation de travail,
et par conséquent,
- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire : sur le vice du consentement,
- dire et juger que le consentement de M. [M] à la signature du courrier en date du 4 avril 2018 a été vicié,
par conséquent,
- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause,
- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- ordonner la restitution du chèque de 15'300'€ par M. [E] à M. [M] sous astreinte de 50'€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner M. [E] à payer à M. [M] la somme de 1'500'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er mars 2021, auxquelles il est expressément référé, M. [E] demande à la cour de':
- déclarer l'appel infondé,
en conséquence,
- confirmer le jugement rendu par la chambre de proximité d'Orange le 15 septembre 2020 en ce qu'il a :
* dit que le contrat liant les parties est un contrat d'entreprise et a, en conséquence rejeté l'exception d'incompétence matérielle au profit du conseil des prud'hommes d'Orange,
* condamné M. [M] à verser à M. [E] la somme de 15'300'€,
* condamné M. [M] au paiement d'une somme de 800'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- accueillir l'appel incident du concluant et y faisant droit,
- dire et juger que la somme de 15'300'€ produira intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance portant injonction de payer soit du 11 avril 2019,
- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner à régler à M. [E] la somme de 1'500'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens exposés devant la cour.
La clôture de la procédure a été fixée au 17 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.
Sur l'exception d'incompétence,
Selon l'article 78 du code de procédure civile, modifié par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, «'le juge peut, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, après avoir, le cas échéant, mis préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond'».
Aux termes de l'article L.211-3 du code de l'organisation judiciaire, «'le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction'».
Et selon l'article L.1411-1 du code du travail, «'le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. »
Au soutien de sa demande, M. [M] fait valoir que la relation le liant à M. [E] s'analyse en un contrat de travail. Il considère qu'une rémunération d'un montant de 15'300'euros est prévue selon un échéancier constituant des salaires de juillet 2017 à janvier 2018 pour réaliser des travaux de rénovation et de gros 'uvre sur l'appartement de M. [E]. Il avance plusieurs éléments permettant de caractériser un lien de subordination, notamment la détermination de la nature des tâches à accomplir, les conditions d'exécution et moyens mis à sa disposition (estimation des fonds nécessaires 15'300'euros), les délais pour réaliser les travaux (du 15 juillet au 31 janvier 2017), le lieu d'exécution ([Adresse 2] à [Localité 3]). Il précise qu'il devait régulièrement rendre compte de l'avancée des travaux entrepris et que M. [E] exerçait un pouvoir de contrôle en lui donnant des instructions quant à la nature et la qualité des matériaux à utiliser. Il estime que sa prestation de travail ne peut s'analyser en un contrat d'entreprise dans la mesure où n'étant pas inscrit au registre du commerce et des sociétés, il n'a pas établi de devis et de factures et que le contrat a été rédigé unilatéralement par M. [E] .
En réplique, l'intimé soutient que le contrat litigieux s'analyse en un contrat d'entreprise en l'absence de lien de subordination. Il fait valoir que M. [M] jouissait d'une totale autonomie et qu'aucune contrainte horaire ne lui a été imposée. Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la qualification de contrat de travail et considéré que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent.
Le contrat de travail n'est pas défini par un texte. Il est de principe qu'il est constitué par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par le pouvoir qu'a l'employeur de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son salarié.
L'existence d'une relation de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité, l'office du juge étant d'apprécier le faisceau d'indices qui lui est soumis pour dire si cette qualification peut être retenue.
Le contrat de travail se distingue du contrat d'entreprise par la relation subordonnée qu'il fait naître entre le salarié et son employeur.
L'article 1710 du code civil dispose que « le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ». La jurisprudence qui s'y rattache précise que le contrat d'entreprise peut se définir comme la convention par laquelle une personne charge un entrepreneur d'exécuter, en toute indépendance, un ouvrage. Il en résulte que ce contrat, relatif à de simples actes matériels, ne confère à l'entrepreneur aucun pouvoir de représentation.
En l'espèce, le contrat signé par les parties le 5 juillet 2017 mentionne:
- le détail des travaux à effectuer sur la période du 15 juillet au 31 janvier 2017 ('),
- l'estimatif des fonds à engager pour la réalisation des travaux, soit 15'300'euros,
- un échéancier des avances de fonds contre factures à la réception des travaux finis : «'M. [E] versera à M. [M] qui supervisera les travaux et payera les fournisseurs, les sommes suivantes pour payer les sommes suivantes pour payer les matériaux et main d''uvre associés aux travaux à réaliser'», suit une liste des sommes payées ou à payer par chèques ou espèces, du 5 juillet 2017 au 16 janvier 2017 ('), de montant variable, de 300 € à 3800 €.
Il est précisé que M. [T] [M] remettra toutes les factures à M. [U] [E] à la date de réception des travaux, au 31 janvier 2017.
Les sommes susvisées ne correspondent pas à une rémunération, mais au coût des matériaux et main d'oeuvre, s'il ressort des échanges de SMS que les parties emploient, à plusieurs reprises, le terme de «'salaire'», ce seul élément ne peut suffire à qualifier la relation entre les parties de contrat de travail.
S'agissant des conditions d'exécution du travail de M. [M], il résulte des échanges de SMS que ce dernier bénéficiait d'une autonomie dans l'exercice de son activité notamment quant à son emploi du temps, M. [M] indiquant lui-même ses horaires de travail («'j'ai fait 6h30/16h sans interruption), son échange de travail avec un maçon («'j'ai accepté un échange de travail depuis la semaine dernière et jusqu'à samedi inclus, je travaille chez un maçon qui me donne en échange 15 jours de travail sur mon chantier à partir de la seconde semaine d'octobre ('); nous commencerons la dalle, les carrelages, les faïences et la cuisine que fin de semaine prochaine. J'ai dû m'adapter à son planning (')'»), son choix dans le recours à d'autres professionnels («'j'ai trouvé de bons artisans pour la menuiserie, la ferronnerie, et pour la bâche'»), son choix des matériaux («'j'ai fait le choix des matériaux (...), j'ai fait une trouvaille pour la salle de bain (') merci de ta confiance';'j'ai fait un choix de carrelage que je vais te soumettre la semaine prochaine ('), et même dans la fixation de sa rémunération «'en conséquence, je travaillerai sans salaire en janvier. Ce qui est normal'». M. [E] laisse ainsi une grande liberté à M. [M] dans le choix des matériaux «'pour les électroménagers, choisis de bonnes marques'», lui fait connaître son avis, mais ne lui donne pas d'ordres précis, celui-ci écrivant «'as-tu des questions ou besoin de mon avis pour le choix des matériaux (')'» ou bien encore «'les dalles et les mosaïques sont très belles et me plaisent, par contre, j'ai toujours eu un problème avec le rouge ('), je préfèrerais quelque chose de plus neutre ('), une autre couleur plus soft serait la bienvenue'». Il se contente de lui demander de le tenir informé de l'avancement des travaux («'envoie-moi des photos des progrès (') ; comment vont les travaux, as-tu des questions ou des préoccupations '), sans toutefois prévoir de sanction, alors même que M. [M] énonce «''je sais que c'est frustrant, mais des heures et des heures de travail ne sont pas visibles par photo! (') Je ne te donne pas beaucoup de news'». M. [E] prévoit également de lui envoyer des fonds en cas de besoin («'tu me tiens au courant si tu as besoin de fonds supplémentaires...'») selon les prévisions effectuées par M. [M] («'j'ai demandé les devis. Je pourrai te dire alors où nous en sommes financièrement au niveau des travaux mais il faudra d'autres fonds'» ; (') j'ai tout négocié les prix avec une remise professionnelle ('). Il me reste moins de 2000 € sur l'argent des travaux, il va falloir une rallonge'»).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [M] bénéficiait d'une grande latitude dans l'organisation et la réalisation des travaux qui lui étaient confiés, exclusives d'un lien de subordination avec M. [E], au surplus à l'étranger, de sorte que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la qualification de contrat de travail ne pouvait être retenue.
Le jugement, qui a exclu la compétence du conseil de prud'hommes, sera donc confirmé et le contrat liant les parties sera qualifié de contrat d'entreprise.
Sur la demande en remboursement de la somme de 15 300 €,
Selon l'article 1130 du code civil «'l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'».
Aux termes de l'article 1140 du même code «'il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable'».
L'article 1169 du code civil ajoute «'un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire'».
L'appelant soutient qu'il a signé sous la contrainte le document du 4 avril 2018 par lequel il s'engage à rembourser à M. [E] les sommes qu'il a perçues, alors qu'il fait valoir qu'il ressort dudit document qu'il a réalisé une partie des travaux commandés. Il ajoute que le remboursement de ces sommes qui incluent le prix des matériaux est sans cause dans la mesure où il a travaillé pendant plusieurs mois sur le chantier et que les matériaux qu'il a achetés sont restés la propriété de M. [E]. Il verse aux débats des factures faisant état de l'exécution de sa mission.
L'intimé fait valoir que le montant total des factures produites est dérisoire et qu'il ressort d'un constat d'huissier que les travaux n'ont pas été réalisés. Il fait observer que M. [M] n'a jamais contesté sa dette et que la violence n'est pas établie.
Il ressort des échanges de SMS que M. [M] énonce : «'je viens m'excuser pour mon silence, j'ai été pris dans une spirale infernale (') je ne me suis pas rendu compte, et je t'en demande réellement pardon», et reconnaît sa dette : «lors de notre rencontre, nous avions établi le 1er juin, même si tu avais fait marquer le 15 mai...! De plus, je t'aurais prévenu dans la semaine de ne le déposer que le 1er juillet ('). A partir du 1er juillet, les fonds seront disponibles ' et le chèque encaissable. Tu as peut-être été déçu, mais ce chantier ne m'a créé que des problèmes ('), je suis d'accord, je me suis fait avoir, et tu n'y es pour rien ('), au départ tu as voulu me rendre service, et à ce titre là, je te rends la totalité y compris ce que j'ai travaillé et les achats des matériaux que j'ai utilisés... etc. J'estime que le minimum, c'est d'attendre la date du 1er juillet. De toute façon, avant cette date, tu me créeras un incident, et tu ne seras pas payé. Sois assuré, ça s'est passé malheureusement comme ça, mais je ne suis pas malhonnête, tu seras payé à partir du 1er juillet et ensuite, je veux plus entendre parler de rien, je veux oublier ces huit mois d'enfer...!'».
Il ne résulte pas des écrits de M. [M] qu'il aurait signé l'engagement de remboursement précité sous la contrainte, aucun acte de violence n'étant prouvé en l'espèce. Au contraire, M. [M] demande seulement un report de la date d'encaissement du chèque et fait état de la raison pour laquelle il reverse les sommes perçues. Par conséquent, le consentement de M. [M] n'est pas vicié.
Par ailleurs, il est relevé que M. [M] ne démontre pas qu'il a effectué les travaux. Il résulte des SMS versés aux débats qu'il repousse l'envoi de ces photos : «pas de photo représentative, pour l'instant, patience, patience ('); 'laisse-moi encore un peu de temps et je t'envoie les photos (...) ; difficile de t'envoyer des photos car tout ce que j'ai fait sur le chantier dernièrement n'est pas révélateur sur les photos (...) ; dans le courant du mois, quand ça commence à prendre tournure visuellement, je t'enverrai des photos... je sais que c'est très frustrant, mais des heures et des heures de travail ne sont pas visibles par photos !'»
Les factures datées du 24 juillet 2017 au 8 août 2017 que l'appelant verse aux débats dont le montant total s'élève à la somme de 216,19'€ sont insuffisantes pour établir qu'il a effectué une partie des travaux dès lors que, comme l'a relevé le premier juge, il n'est pas établi que les matériaux indiqués sur ces factures ont été utilisés pour la réalisation des travaux dans l'appartement de M. [E].
De plus, il résulte de la comparaison entre le contrat signé par les parties le 5 juillet 2017 et le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 2 avril 2018 que :
- la terrasse du troisième étage est revêtue d'une dalle de béton brut alors qu'elle devait comporter des dalles aspect pierre,
- les bacs qui devaient être végétalisés ne le sont pas,
- les surfaces du grenier sont brutes alors que celui-ci devait être enduit,
- la porte du grenier est en mauvais état, cassée, dépourvue de poignée et de mécanisme de fermeture alors qu'elle devait être remplacée,
- la bâche du store de la terrasse est usagée, ternie et déchirée alors qu'elle devait être remplacée,
- la rénovation de la cuisine (plan de travail, installation d'une plaque induction et four encastré) n'a pas été effectuée,
- la rénovation de la salle de bains, carrelages muraux et sols, n'a pas été réalisée, l'ensemble étant usagé et vétuste,
- la peinture des plafonds et des murs de l'appartement n'a pas été effectuée,
- les radiateurs électriques nouvelle génération n'ont pas été installés,
- l'installation d'étagères dans la penderie de la chambre n'a pas été effectuée au regard de la photo n°9,
- l'installation de portes sur la penderie de la chambre n'a pas été réalisée, le placard équipé d'un cadre en bois, étant dépourvu de porte.
Il est donc clairement établi que M. [M] n'a effectué aucune réalisation concrète quant aux travaux commandés dans l'appartement de M. [E] .
Dans ces conditions, l'engagement de M. [M] de restituer les sommes qu'il a perçues au titre de la réalisation des travaux et de l'achat des matériaux n'est pas dépourvu de cause dès lors que celui-ci ne démontre pas avoir exécuté ses obligations en contrepartie des sommes reçues.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [M] à rembourser la somme de 15'300'€ à M. [E]. S'agissant d'une somme due en exécution d'un contrat, le point de départ des intérêts sera fixé à la date de la première sommation de payer, soit la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, par acte d'huissier du 4 juin 2019, remis à personne.
Le jugement sera donc confirmé sauf s'agissant du point de départ des intérêts.
Sur la demande de restitution du chèque de 15 300 €,
L'appelant sollicite la restitution du chèque de 15'300'€ sous astreinte d'un montant de 50'€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir. Compte tenu des motifs exposés ci-dessus, sa demande sera rejetée d'autant qu'elle est sans objet dans la mesure où, comme le fait observer l'intimé, le chèque, étant daté du 10 mai 2018, ne peut plus être présenté à l'encaissement.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,
Succombant en l'ensemble de ses demandes, M. [M] supportera les dépens d'appel.
L'équité commande de condamner M. [M] à payer à M. [E] la somme de 1000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf s'agissant du point de départ des intérêts de la condamnation de M. [T] [M] à payer à M. [U] [E] la somme de 15 300 €,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Dit que la somme de 15'300'€ portera intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2019,
Y ajoutant,
Déboute M. [T] [M] de l'ensemble de ses demandes,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne M. [T] [M] à payer à M. [U] [E] la somme de 1'000'euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne M. [T] [M] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
la greffière, la présidente,