ARRÊT N°
N° RG 19/02053 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HLQL
GLG/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
19 avril 2019
RG :F16/00758
[W]
C/
S.A.S. TRANSDEV OCCITANIE PAYS NIMOIS
S.A. TRANSDEV GROUP
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
Madame [K] [W]
Chez Mme [V]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Loubna HASSANALY de la SELEURL LOUBNA HASSANALY, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Pauline GARCIA, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
SAS TRANSDEV OCCITANIE PAYS NIMOIS Venant aux droits de la SOCIETE DES TRANSPORTS DEPARTEMENTAUX DU GARD
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Anne laure PERIES de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
SA TRANSDEV GROUP
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 13 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Juillet 2022 et prorogé ce jour ;
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 20 septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [K] [W] a été embauchée par la Société des Transports Départementaux du Gard (STDG), en qualité de juriste, coefficient 185, groupe 5, annexe 3 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, suivant contrat de travail à durée déterminée du 24 août 2009 au 23 février 2010, poursuivi par un contrat à durée indéterminée lui confiant les fonctions de responsable juridique et fixant son salaire mensuel brut de base à 2 500 euros.
Ce contrat a été modifié par avenant à effet au 1er janvier 2011, lui attribuant le statut de cadre, emploi type cadre juridique, niveau 5 position 2, selon la classification interne Veolia Transport, sa rémunération étant composée d'un salaire mensuel fixe de 2 800 euros, d'un treizième mois, et d'une prime de résultat égale à 10 % de sa rémunération annuelle fixe en fonction de l'atteinte des objectifs définis annuellement.
Par courriel du 15 août 2013, la salariée a été invitée par M. [U] [A], directeur adjoint France du groupe rebaptisé Transdev, son nouveau supérieur hiérarchique depuis le 15 juillet 2013, à transmettre un curriculum vitae en vue de se voir proposer une affectation en lien avec ses compétences du fait qu'aucun poste juridique n'était prévu au sein du pôle régional Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon dans le cadre de la nouvelle organisation dite 'Novar', les fonctions juridiques relevant désormais exclusivement de la direction juridique.
Suivant courrier du 5 février 2014, Mme [W] s'est vu notifier le classement de son poste à la position 15 au sein de la filière 'Juridique et Assurances', selon la classification interne du groupe Transdev.
Informée de la fermeture des locaux de [Localité 9]-[Localité 6] au 31 juillet 2014, elle a été informée, par courrier du 3 juillet 2014, que son lieu de travail serait transféré au sein d'un autre local de la société STDG situé à [Localité 8] à compter du 17 juillet 2014.
Par courrier du 27 juillet 2015, M. [M], directeur des ressources humaines du Pôle Régional Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, lui a confirmé son rattachement hiérarchique à Mme [B] [C] [L], directrice de ce pôle, en qualité de chargée de missions.
Selon la fiche annexe, ses responsabilités étaient de divers ordres : Mobili 30 à compter du 01/09/2015, Transdev Aéroport de Perpignan et Transdev Pôle MPLR.
Mise en demeure d'exécuter ses missions par lettre du 13 novembre 2015, Mme [W] a été convoquée, par lettre du 7 décembre 2015, à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 23 décembre 2015, puis reporté au 5 janvier 2016. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre du 12 janvier 2016.
Considérant qu'elle restait créancière de la société à divers titres, la salariée a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Nîmes, le 26 février 2016, lequel a, par décision du 13 juillet 2016, ordonné à l'employeur de lui verser plusieurs sommes au titre des primes d'objectifs 2011 à 2015 et de la NAO 2012 à 2015, outre 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui remettre sous astreinte la NAO et les résultats de l'entreprise pour l'année 2015.
Cette décision a été infirmée par arrêt de la cour de céans du 7 janvier 2020, 'mais seulement en ce qu'elle a condamné la Société des Transports Départementaux du Gard à payer à titre provisionnel à Mme [W] les sommes de 4 569,94 euros au titre des objectifs 2011 à 2014, celle de 3 750,50 euros au titre des objectifs pour l'année 2015, celle de 3 619 euros bruts au titre de l'application de la NAO sur augmentation de salaire, et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens'.
Statuant à nouveau, la cour a condamné l'employeur à verser à la salariée la somme provisionnelle de 2 800 euros au titre de la prime d'objectifs pour l'année 2015, ainsi qu'une indemnité de 750 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, débouté Mme [W] du surplus de ses demandes de provisions, renvoyé les parties à se pourvoir au fond, confirmé l'ordonnance entreprise pour le surplus, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et laissé à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.
Saisi parallèment au fond par Mme [W], suivant requête reçue le 14 octobre 2016, en vue de voir dire qu'elle avait été victime de harcèlement moral, prononcer la nullité de son licenciement, et condamner la Société des Transports Départementaux du Gard en qualité d'employeur, et la société Transdev Group en qualité de co-employeur, à lui payer plusieurs sommes à caractère salarial et indemnitaire, le conseil de prud'hommes de Nîmes a, par jugement du 19 avril 2019, statué en ces termes :
'Dit que Madame [K] [W] a été victime de harcèlement moral de la part de la société STDG Groupe Transdev SA ;
En conséquence, condamne la société STDG Groupe Transdev SA à verser à Madame [W] :
- 30 000 € au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 28 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul
- 8 655 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 865,50 € de congés payés sur préavis
- 6 996,70 € au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 2 885 € au titre de rappel de salaires pour mise à pied conservatoire injustifiée, outre la somme de 288,50 € de congés payés y afférents,
- 1 000 € au titre de l'obligation de formation
Déboute Madame [W] de l'ensemble de ses autres demandes,
Déboute la société STDG Groupe Transdev de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la société STDG Groupe Transdev au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'application de 'larticle 700 du CPC.
Dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'établit à la somme de 2 885 €,
Ordonne le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi de la somme correspondant à 6 mois de salaire au titre des indemnités de chômage payées au salarié,
Fixe les dépens à la charge exclusive du défendeur.'
Mme [W] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 20 mai 2019.
' Aux termes de ses conclusions responsives et récapitulatives du 12 janvier 2021, l'appelante demande à la cour de :
'' CONFIRMER dans son principe le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de NIMES le 19 avril 2019 ayant reconnu le harcèlement moral dont a été victime Madame [W] et prononcer la nullité du licenciement de la salariée ;
' ORDONNER la réintégration de Madame [W] à son poste de travail ou à un poste équivalent rattachée directement au directeur général sous astreinte de 100€ par jour de retard ;
' INFIRMER dans ses quantum les condamnations prononcées à l'encontre de la partie adverse ;
' INFIRMER le jugement rendu le 19 avril 2019 par le Conseil de prud'hommes de NIMES en ce qu'il n'a pas statué sur l'ensemble des demandes de Madame [W] ;
Ainsi,
' A titre principal, que le licenciement de Madame [W] soit considéré comme nul en raison du harcèlement moral subi par cette dernière et par conséquent que la Société soit condamnée :
D'une part,
- A la réintégration de Madame [W] à son poste ou à un poste équivalent au sein de la Société TRANSDEV ;
D'autre part, au paiement des sommes suivantes :
' 225 505,80 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la période courant entre la rupture du contrat et la réintégration effective de Madame [W] au sein de Transdev (somme arrêtée à la date de l'audience de jugement, à parfaire suivant la date de réintégration effective), outre les congés payés y afférents soit la somme de 25 250,58 euros,
' 50 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
' 3 874,64 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée outre la somme de 387,46 euros au titre des congés payés y afférents,
' 3 758,43 euros à titre de dommages-intérêts pour mise à pied conservatoire abusive et son caractère vexatoire.
' A titre subsidiaire, dès lors que sa réintégration serait considérée impossible matériellement, de condamner l'employeur à réparer l'entier préjudice qu'elle a subi soit la somme de :
' 56 376,45 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (15 mois),
' 50 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
' 11 275,29 euros à titre de d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) outre le paiement de la somme de 1 127,53 euros au titre des congés payés y afférents,
' 9 114,95 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 3 758,43 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure (1 mois),
' 3874,64 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée outre la somme de 387,46 euros au titre des congés payés y afférents,
' 3 758,43 euros à titre de dommages-intérêts pour mise à pied conservatoire abusive et son caractère vexatoire.
' A titre infiniment subsidiaire, que le licenciement de Madame [W] soit considéré comme sans cause réelle et sérieuse et par conséquent que la Société soit condamnée au paiement des sommes suivantes :
' 56 376,45 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (15 mois),
' 11 275,29 euros à titre de d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) outre le paiement de la somme de 1 127,53 euros au titre des congés payés y afférents,
' 9 114,95 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 3 758,43 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure (1 mois),
' 3 874,64 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée outre la somme de 387,46 euros au titre des congés payés y afférents,
' 3 758,43 euros à titre de dommages-intérêts pour mise à pied conservatoire abusive et son caractère vexatoire.
' En tout état de cause, que la Société STDG soit condamnée au paiement des sommes suivantes :
' 21 387,44 euros à titre de rappel de salaire pour rappel de salaire en application du Groupe 6 de la Convention collective applicable, outre la somme de 2 137,74 euros au titre des congés payés y afférents,
' 647,96 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la prime d'objectif outre la somme de 896,84 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
' 3 517,25 euros bruts à titre de rappel de salaire conformément à l'application des NAO sur l'augmentation des salaires courant des années 2012, 2013, 2014 et 2015, outre la somme de 713,65 euros au titre des congés payés y afférents,
' 3 758,43 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation annuelle de négocier article L. 2243-1 et 2 du Code du travail,
' 1 951,61 euros nets à titre des IJSS pour accident de travail au titre de l'année 2015,
' 355,74 euros bruts à titre de rappel de salaire relatifs aux RTT, outre la somme de 35,57 euros au titre des congés payés y afférents,
' 3 758,43 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'adaptation du poste de travail et de formation (1 mois),
' 3 758,43 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral (1 mois),
' CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de NIMES du 19 avril 2019 en ce qu'il a condamné la Société à la somme de 1000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
' CONDAMNER la Société à la somme de 3000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en raison des frais engagés devant la Cour d'appel.'
Elle expose que :
' elle a subi le harcèlement moral de l'employeur, lequel, au lieu de la reclasser, de lui appliquer la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique ou de la licencier pour cette cause, comme il y était tenu après avoir supprimé son poste dans le cadre d'une réorganisation, l'a isolée, privée de ses missions juridiques, laissée sans travail, sanctionnée et finalement licenciée pour faute grave en raison de son refus des modifications imposées ;
' son licenciement est nul et vexatoire, ses préjudices n'ont pas été évalués à leur juste importance, et sa demande de réintégration, nouvelle en appel, est recevable car elle est tirée de la nullité du licenciement demandée en première instance ;
' elle n'a pu assister à l'entretien préalable du 5 janvier 2016, auquel elle n'a pas été convoquée ;
' elle aurait dû être classée dans le groupe 6 compte tenu des fonctions exercées;
' l'employeur lui est redevable des primes de résultats faute d'avoir fixé ses objectifs ;
' les cadres ayant été exclus sans justification de la négociation annuelle obligatoire, l'employeur reste lui devoir un rappel de salaire à ce titre, ainsi que les RTT afférents, et ce manquement à ses obligations justifie en outre l'octroi de dommages et intérêts ;
' les indemnités journalières correspondant à sa période d'arrêt de travail pour accident du travail du 20 février 2015 au 7 juin 2015 ne lui ont pas été intégralement reversées et l'employeur a mis en place la subrogation sans son accord ;
' l'employeur a manqué à son obligation de formation.
' La société STDG, devenue la SAS Transdev Occitanie Pays Nîmois, et la société Transdev Group SA forment les demandes suivantes au dispositif de leurs dernières conclusions du 11 février 2022 :
'Réformer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de NIMES le 19 avril 2019 en ce qu'il a :
o Dit que Madame [K] [W] a été victime de harcèlement moral de la part de la société STDG Groupe TRANSDEV SA ;
o Condamné la société STDG Groupe TRANSDEV SA à verser à Madame [W] :
' 30 000 € au titre de dommages et intrêts pour harcèlement moral, 28000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
' 8 655 € au titre d'indemnit compensatrice de préavis, outre la somme de 865,50 € de congés payés sur préavis,
' 6 996,70 € au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 2 885 € au titre de rappel de salaires pour mise pied conservatoire injustifiée, outre la somme de 288,50 € de congs payés y afférents,
' 1 000 € au titre de l'obligation de formation,
o Débouté la société STDG Groupe TRANSDEV de l'ensemble de ses demandes,
o Condamné la société STDG Groupe TRANSDEV au paiement de la somme de 1000 € au titre de l'application de l'article 700 du CPC.
o Dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s' établit à la somme de 2 885 €,
o Ordonné le remboursement par l'employeur à POLE EMPLOI de la somme correspondant à 6 mois de salaire au titre des indemnités de chômage payées au salarié.
o Fixé les dépens à la charge exclusive du défendeur
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de NIMES le 19 avril 2019 en ce qu'il a :
o Débouté Madame [W] de l'ensemble de ses autres demandes.
En conséquence :
A titre principal :
- CONSTATER l'absence de tout harcèlement moral ;
- CONSTATER l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité;
- CONSTATER l'absence de tout autre manquement de l'employeur dans le cadre de l'exécution de la relation contractuelle ;
- CONSTATER le bien-fondé du licenciement pour faute grave notifié à Madame [W] ;
- DECLARER IRRECEVABLE la demande nouvelle formée par Madame [W] en cause d'appel, à savoir sa demande de réintégration à son poste de travail ou à un poste équivalent rattachée directement au directeur général sous astreinte de 100€ par jour de retard ;
- DEBOUTER Madame [W] de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
- CONSTATER le caractère manifestement excessif des demandes de Madame [W] ;
- LES RAMENER à de plus justes quantums ;
En tout état de cause :
- CONDAMNER Madame [W] au paiement de la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
- CONDAMNER Madame [W] aux entiers dépens.'
Elles répliquent que :
' Mme [W] n'a subi aucun harcèlement moral ; les tâches qui lui ont été confiées après la réorganisation 'Novar' correspondaient au moins pour moitié à ses missions antérieures, lesquelles pouvaient évoluer afin d'assurer son employabilité compte tenu de la réorganisation du groupe ; son consentement n'était pas nécessaire puisqu'elle conservait le même niveau de responsabilités et que son contrat n'était pas modifié ; son licenciement repose sur une faute grave car elle a refusé de manière systématique et réitérée d'accomplir les missions confiées ; subsidiairement, ses demandes sont manifestement excessives ;
' les cadres n'ont nullement été exclus de la NAO et l'absence de disposition en leur faveur s'explique simplement par le fait que les délégués syndicaux n'ont demandé aucune augmentation salariale pour cette catégorie ;
' la salariée ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que ses fonctions réellement exercées correspondaient à la position 17 groupe 6 ; elle a été remplie de ses droits au titre des primes d'objectifs ; elle n'a subi aucune perte de salaire pendant son arrêt de travail pour accident de trajet, la subrogation a été mise en place conformément aux dispositions légales et aucune rétention d'IJSS n'a été pratiquée ; ses demandes de formation n'ont nullement été ignorées, et si elles n'ont pas abouti, c'est en raison de ses propres carences.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 1er décembre 2021, à effet au 11 février 2022. Fixée au 25 février 2022, l'audience de plaidoiries a été déplacée au 4 mars 2022, puis renvoyée au 13 mai 2022.
MOTIFS DE L'ARRÊT
' sur le rappel de salaire au titre de la classification conventionnelle
La qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions qu'il exerce réellement, correspondant à son activité principale.Il appartient au salarié de rapporter la preuve qu'il exerce réellement des fonctions correspondant à la classification qu'il revendique.
En l'espèce, l'employeur lui ayant notifié, par courrier du 5 février 2014, que son dernier poste avait fait l'objet de l'évaluation suivante selon la classification interne du groupe Transdev : 'Filière juridique et Assurances - Position 15", la salariée, considérant qu'elle aurait du se voir attribuer la position 17 correspondant au groupe 6 de l'annexe 4 de la convention collective des transports routiers, demande de lui allouer un rappel de salaire d'un montant de 21 387,44 euros pour la période 2012-2015.
Le groupe 6 est ainsi défini à l'annexe IV de la convention collective : 'Agents d'encadrement ayant la responsabilité d'un service très important ou agents chargés d'un travail de conception particulièrement vaste nécessitant soit une formation intellectuelle étendue sanctionnée par les diplômes de l'enseignement supérieur, soit des connaissances et une expérience professionnelles approfondies et étendues. Tout agent exerçant un commandement sur des agents classés dans le groupe 5 doit être classé dans le groupe 6.'
La position 17 au sein de la filière juridique et assurances du groupe Transdev répond à des critères de 'technicité', 'complexité' et 'impact'.
Il est notamment indiqué, au titre de la complexité, que le salarié classé à cette position gère des dossiers se rapportant à l'activité courante de l'entreprise, mais également qu'il 'intervient, avec l'appui de juristes confirmés sur des dossiers plus complexes en menant des analyses techniques et des recherches documentaires poussées'.
Le critère d'impact est ainsi défini : 'Apporte une expertise technique solide et des analyses approfondies en appui des projets pris en charge par les juristes confirmés et responsables juridiques.'
Mme [W] fait valoir au soutien de sa demande de reclassification qu'elle était titulaire d'un Master en droit public, qu'elle disposait d'une expertise en droit du transport, droit de l'aviation civile et réglementation aéroportuaire, qu'elle intervenait sur des dossiers complexes l'amenant à effectuer des analyses techniques et des recherches documentaires poussées concernant les appels d'offres, les contrats de délégation de service public, les contrats de compagnies aériennes, que son expertise du droit a eu un impact très positif sur les résultats, et que ses notes juridiques versées aux débats démontrent son niveau élevé de connaissances.
Elle admet cependant qu'elle travaillait seule et 'en totale autonomie', essentiellement en appui des 'opérationnels du Pôle', même si elle pouvait être consultée par des filiales du groupe sur divers sujets, et les pièces qu'elle verse aux débats ne suffisent pas à établir qu'elle avait la responsabilité d'un service très important, qu'elle était chargée d'un travail de conception particulièrement vaste, qu'elle exerçait un commandement sur des agents du groupe 5, qu'elle intervenait avec l'appui de juristes confirmés sur des dossiers complexes, qu'elle fournissait son expertise technique et des analyses approfondies en appui de projets pris en charge par des juristes confirmés et des responsables juridiques.
En conséquence, la preuve n'étant pas rapportée que les fonctions réellement exercées par la salariée justifient sa reclassification au niveau sollicité, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
' sur le rappel de primes d'objectif
Il est stipulé à l'avenant du 17 janvier 2011, à effet au 1er janvier 2011, lui confiant le poste de responsable juridique du pôle Languedoc-Roussillon, statut cadre, que Mme [W] percevra 'une prime de résultat, versée en février de l'année suivante au titre de l'exercice de l'année civile précédente', dont le montant sera 'déterminé en fonction de l'atteinte des objectifs qui (lui) seront définis annuellement', la prime 'cible' étant fixée à 10 % de sa rémunération annuelle fixe.
Constatant qu'aucun objectif ne lui a été fixé par l'employeur, la salariée réclame le paiement de l'intégralité de sa rémunération variable pour les années 2011 à 2015, déduction faite de la somme de 2 800 euros qui lui était versée annuellement.
Non seulement l'employeur réplique de manière inopérante que 'Mme [W] ne démontre à aucun moment avoir sollicité son employeur pour la fixation d'objectifs', mais cette affirmation est au surplus inexacte car le compte-rendu de son entretien d'évaluation du 28 janvier 2013 comporte les mentions suivantes : 'Pas d'objectifs fixés sur 2012 - Pas d'entretien depuis 2 ans malgré les demandes de [K].'
La salariée ne saurait par ailleurs se voir imputer la responsabilité de l'absence de fixation d'objectifs, motifs pris qu'elle aurait refusé de soumettre à l'autorité de son supérieur hiérarchique et fait preuve de 'mauvaise volonté' en refusant les affectations proposées suite à 'la nouvelle organisation du Groupe Transdev mise en place en septembre 2013", entraînant 'la modification progressive des périmètres géographiques régionaux ainsi que le déploiement de certaines fonctions, notamment les services juridiques locaux mutualisés avec la Direction Juridique Groupe.'
Elle soutient en effet à bon droit que son contrat de travail ne pouvait être modifié sans son accord et qu'il appartenait à l'employeur de lui fixer annuellement des objectifs.
En conséquence, il sera fait droit à la demande arrêtée au dispositif à la somme de 647,96 euros, ouvrant droit à des congés payés de 64,79 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
' sur les demandes au titre de la NAO et des RTT
L'article L. 2242-1 du code du travail, dans sa version applicable, prévoit que dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage chaque année une négociation portant sur diverses matières. À défaut d'une initiative de l'employeur depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, celle-ci s'engage obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative. Selon l'article L. 2242-8, cette négociation porte notamment sur les salaires effectifs.
Les différences de traitement entre catégories professionnelles, opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
Au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre de l'application des NAO 2012, 2013, 2014 et 2015, Mme [W] expose que si la société a respecté ses obligations concernant la NAO sur l'augmentation des salaires des ouvriers/employés, la catégorie des cadres à laquelle elle appartenait a été exclue de la négociation sans raison valable et objective, que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle, et qu'elle est en droit de bénéficier de l'augmentation annuelle accordée aux autres salariés de l'entreprise, conformément à l'évaluation faite par le cabinet APEG, ainsi qu'à des dommages et intérêts.
Les procès-verbaux versés aux débats établissent toutefois que l'employeur a satisfait à son obligation d'engager les négociations annuelles obligatoires, peu important que les accords conclus n'aient bénéficié qu'aux salariés conducteurs, ouvriers et employés, aucune demande d'augmentation salariale n'ayant été formulée par les organisations syndicales représentatives en faveur des cadres.
Cette différence de traitement étant présumée justifiée et l'appelante ne démontrant pas qu'elle est étrangère à toute considération de nature professionnelle, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de ses demandes à caractère salarial et indemnitaire au titre des NAO, ainsi que de sa demande connexe à titre de rappel de 'RTT revalorisés découlant de l'application des NAO'.
' sur les indemnités journalières de sécurité sociale
Victime d'un accident de trajet, Mme [W] a été placée en arrêt de travail du 20 février 2015 au 7 juin 2015.
Faisant grief à l'employeur de ne lui avoir reversé que la somme nette de 6 667,84 euros, alors qu'il a perçu la somme nette de 8 619,45 euros au titre des indemnités journalières de sécurité sociale, la salariée réclame le paiement de la différence, soit la somme de 1 951,61 euros nets.
Il résulte néanmoins de l'attestation de paiement des indemnités journalières, à laquelle elle se réfère, que l'employeur a plus exactement perçu la somme nette de 8 371,44 euros, comme le confirment les bordereaux également versés aux débats.
De plus, l'employeur justifie lui avoir versé une somme équivalente au titre du maintien de salaire, comme le prouvent son tableau comparatif et les bulletins de salaire.
Au demeurant, la régularisation effectuée sur le bulletin du mois de juillet 2015, portant sur la somme de 185,88 euros, n'apparaît pas avoir donné lieu à une quelconque observation de la part de la salariée avant sa lettre du 19 février 2016, alors qu'elle avait indiqué dans son courriel du 4 août 2015 : 'je regarde mon BP de juillet et reviens vers vous si besoin', étant observé qu'elle avait alors limité sa réclamation à la somme nette de 859,67 euros.
En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef.
' sur le manquement à l'obligation de formation
L'article L. 6321-1 du code du travail, dans sa version applicable, dispose que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme. Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1.
En l'espèce, Mme [W] fait grief à l'employeur de n'avoir mis en oeuvre aucune mesure afin d'assurer sa formation et son adaptation à un poste équivalent, d'abord lorsqu'il a supprimé son poste, puis lorsqu'il a tenté de lui imposer les nouvelles fonctions de chargée de missions, alors qu'elle avait sollicité une formation en anglais et la mise en place d'un bilan de compétence.
Il résulte des échanges versés aux débats qu'à la suite des informations qui lui avaient été communiquées par la responsable des ressources humaines, la salariée a indiqué, le 4 novembre 2013, qu'elle se chargeait de contacter l'organisme de formation en anglais et qu'elle reviendrait ensuite vers cette responsable, ce qu'elle n'apparaît pas avoir fait.
De même, elle ne justifie pas avoir donné suite à sa proposition du 20 octobre 2014, offrant à la même responsable de se rapprocher de l'un des centres habilités à effectuer un bilan de compétence et de lui faire 'un retour du choix arrêté'.
Il reste que l'employeur, auquel il appartenait de prendre des initiatives en matière de formation et d'adaptation à l'emploi, n'établit pas avoir satisfait à cette obligation.
Les dommages et intérêts alloués en première instance constituant la juste réparation du préjudice subi, le jugement sera confirmé de ce chef.
' sur le harcèlement moral
Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, l'article L.1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable, prévoit que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [W] établit que la suppression de son poste était actée dès le début de l'année 2013, ce qui résulte clairement du courriel de M. [X], DRH Veolia Transdev Région Sud-Est Méditerranée, daté du 1er février 2013, annonçant à divers interlocuteurs qu'une solution de reclassement allait être recherchée au sein du groupe concernant la responsable juridique, 'son poste devant être supprimé'.
Cette suppression lui a été confirmée par son nouveau supérieur hiérarchique, M. [A], directeur adjoint France du groupe, lequel lui a réclamé, par courriel du 15 août 2013, un curriculum vitae en vue de rechercher une affectation en lien avec ses compétences, du fait que dans le cadre de la nouvelle organisation 'Novar', les 'question juridiques étaient de l'unique compétence de la direction juridique et qu'en conséquence de quoi il n'y aurait aucune fonction juridique tant en pôle régional qu'en direction adjointe.'
Alors qu'elle avait manifesté le souhait de rencontrer Mme [H], son 'RH référent pendant cette phase de transition', chargée de 's'assurer de ses conditions de travail et de traitement sur cette période', M. [A] s'est interposé, lui indiquant qu'il la recevrait personnellement.
Ayant fait part de son souhait d'être assistée lors de cet entretien, eu égard à l'évolution de sa situation se traduisant notamment par une réduction de son champ de responsabilités, l'impossibilité de bénéficier d'un accompagnement des ressources humaines, une proposition de rupture conventionnelle, ce qui provoquait la dégradation de son état de santé, la salariée a été convoquée, le 21 octobre 2013, à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.
Par lettre du 12 novembre 2013, l'employeur lui a notifié qu'il ne prononçait aucune sanction à son encontre compte tenu à la fois de son engagement de répondre aux convocations de sa hiérarchie et de son état de santé, ajoutant toutefois que si elle ne modifiait pas son état d'esprit et son comportement, il serait conduit 'à en tirer des conséquences disciplinaires.'
L'entretien prévu ayant été tenu le 8 janvier 2014, M. [A] a indiqué à Mme [W], le 22 janvier 2014, qu'aucun poste de juriste n'était disponible au sein de la direction juridique du fait que l'équipe était 'totalement staffée', mais que les recherches seraient étendues au sein du groupe.
Début 2014, Mme [W] a découvert que son abonnement professionnel Dalloz avait été résilié sans communication préalable.
Le 10 avril 2014, la fermeture des locaux de [Localité 9]-[Localité 6] lui a été annoncée. Plusieurs affectations géographiques ont alors été évoquées, à [Localité 9] ou [Localité 5]. Le 3 juillet 2014, elle a été informée que son lieu de travail était fixé dans un autre local de la société STDG situé à [Localité 8] à compter du 17 juillet 2014.
Mme [F], assistante commerciale alors en congé maternité, atteste avoir constaté que lorsqu'elle se trouvait 'dans les locaux du Pôle à [Localité 6] (...), Mme [W] occupait seule, isolée physiquement et fonctionnellement de l'organisation, le 1er étage, et ce jusqu'à son déménagement à [Localité 8] en juillet 2014". Elle ajoute qu'il en a été de même dans les nouveaux locaux, la responsable juridique étant 'coupée totalement des liens de communication avec tous ses collègues', jusqu'à sa mise à pied conservatoire en décembre 2015.
La salariée s'étant plainte, le 24 septembre 2014, de ce que sa ligne téléphonique n'était toujours pas opérationnelle, M. [N], responsable support télécom & câblage lui a répondu : 'il m'avait été demandé début août de ne pas donner suite à ce dossier.'
Le 20 octobre 2014, Mme [Y], Responsable Recrutement & Mobilités, a transmis à Mme [W] une offre d'un poste de juriste en droit des sociétés au sein de Transdev Group à [Localité 7].
Considérant que le profil de ce poste ne correspondait pas à ses compétences dans la mesure où elle était titulaire d'un master 2 en droit public et non en droit des sociétés, Mme [W] a demandé à cette responsable de la tenir informée dès l'ouverture au recrutement interne d'un autre poste qui allait devenir vacant au sein du département de droit public.
Par lettre du 4 mars 2015, Mme [Y] lui a indiqué qu'elle essayait de la joindre depuis une quinzaine de jours sans succès concernant une offre de poste de juriste en droit public parue sur la bourse de l'emploi du groupe, dont la fiche lui était communiquée.
La salariée qui se trouvait en arrêt de travail depuis le 20 février 2015 n'a pu répondre à cette correspondance qu'après son retour dans l'entreprise, le 9 juin 2015. Elle a été informée, le 17 juin 2015, que le poste avait été pourvu.
Par courrier du 27 juillet 2015, Mme [W] s'est vu notifier son rattachement hiérarchique à Mme [B] [C] [L], directrice du Pôle Régional Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, en qualité de chargée de missions, à compter du 1er septembre 2015.
Ses missions étaient de trois ordres : Mobili 30, Transdev Aéroport de Perpignan et Transdev Pôle MPLR.
Invitée à donner son accord, la salariée a, par courriel du 14 août 2015, sollicité des explications complémentaires afin de se voir préciser les éventuelles incidences sur son contrat de travail (dénomination de poste, statut, position dans l'organigramme...)
Après lui avoir confirmé pour l'essentiel les éléments déjà communiqués, le directeur des ressources humaines a, par courriel du 17 septembre 2015, pris acte de sa demande en vue de conserver l'intitulé de poste de responsable juridique compte tenu du caractère temporaire du poste de chargée de missions.
Suite à leur entretien du 29 septembre 2015, Mme [W] a fait part à Mme [C], par courriel du 5 novembre 2015, de diverses objections concernant la fixation de ses objectifs, sa fiche de missions et l'organigramme, indiquant dans sa note jointe que la fonction 'QSE/Exploitation' au sein de Mobili30 n'avait jamais été évoquée au cours de leurs échanges, qu'il s'agissait d'une mission technique sans rapport avec ses compétences et son niveau de responsabilité, que la nouvelle version de l'organigramme la plaçait un niveau intermédiaire, qu'elle refusait par conséquent les modifications proposées, lesquelles nécessitaient son accord, qu'elle n'avait plus été sollicitée pour traiter les questions juridiques depuis la mise en place de l'organisation Novar, celles-ci étant désormais de la compétence exclusive de la direction juridique, qu'elle était 'sans travail depuis plus de deux ans', 'isolée, désinformée', et que 'cette situation était particulièrement difficile à gérer.'
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 novembre 2015, Mme [C] a mis Mme [W] en demeure d'exécuter dans l'intégralité les missions correspondant à sa fiche de poste adressée fin juillet, y compris celles concernant Mobili 30 pour lesquelles un point était prévu avec la responsable concernée le 19 novembre 2015, soulignant qu'une 'solution constructive et satisfaisante' avait toujours été recherchée, malgré la clause contractuelle de mobilité.
Le 7 décembre 2015, la salariée a répondu que les missions qui lui étaient confiées étaient manifestement contraires à la 'qualification professionnelle mentionnée dans (son) contrat de travail', ce qui suffisait à justifier son refus.
Convoquée le jour même à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 23 décembre 2015, puis reporté au 5 janvier 2016, elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 12 janvier 2016, en raison de ce refus constitutif d'insubordination.
Les certificats médicaux versés aux débats révèlent que Mme [W] a consulté un service de cardiologie, début 2013, 'pour un bilan cardiologique de palpitations', lequel s'est révélé 'strictement normal'. Elle a été régulièrement suivie par un médecin psychiatre 'du 4 avril 2013 au 7 août 2014 en raison d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des problèmes professionnels', et par une psychologue à compter de septembre 2015.
Les faits ainsi établis, pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, l'employeur réplique pour l'essentiel que la nouvelle organisation du Groupe Transdev mise en place en septembre 2013 a entraîné la modification progressive des périmètres géographiques régionaux et le redéploiement de certaines fonctions, notamment des services juridiques, que Mme [W] n'a pas été 'mise au placard', mais que le Pôle Languedoc-Roussillon ayant disparu, elle est restée avec Mme [R], responsable marketing, dans les anciens locaux de la société situés à [Localité 6], avant d'être affectée, en juillet 2014, dans de nouveaux bureaux situés au sein du dépôt d'autocars de [Localité 8], qu'elle disposait d'un téléphone portable professionnel avec une clé 4G dans l'attente de la résolution des problèmes de câblage électrique et de fibre internet, que ses fonctions n'étaient pas exclusivement de nature juridique et pouvaient évoluer compte tenu de la réorganisation du groupe, mais qu'elle a fait obstruction systématique, refusant les affectations proposées ainsi que les missions confiées dans sa fiche de poste finalisée en juillet 2015, et que les certificaux médicaux dont elle se prévaut ont été établis sur ses propres dires.
Ces éléments ne constituant pas les justifications requises, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un harcèlement moral et alloué à la salariée de justes dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
' sur la nullité du licenciement
Selon l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
En l'espèce, Mme [W] a été licenciée pour faute grave par lettre du 12 janvier 2016, énonçant notamment les motifs suivants :
'Malgré de nombreux rappels, vous avez refusé, de façon répétée et persistante, d'accomplir la globalité des tâches qui sont les vôtres.
[...]
Pire encore, lors de votre entretien du 12 novembre 2015 avec [B] [C] [L], vous avez affirmé votre intention de ne pas accepter de travailler sur les missions Mobili30 estimées à 50 % de votre temps de travail, à savoir :
[...]
Toutes nos injonctions, notamment lors de notre courrier du 13 novembre 2015, n'ont eu aucun effet.
[...]
Non seulement vous refusez d'effectuer les tâches qui vous sont imparties dans le cadre de votre travail mais vous vous croyez bien fondée à vous prévaloir de cette obstination, par mail du 7 décembre 2015.
[...]
En conséquence, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave, prenant effet immédiatement, sans préavis ni indemnité de licenciement [...]'
Ce licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement moral est nul.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
* sur la procédure de licenciement
Selon l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
En l'espèce, l'entretien fixé au 23 décembre 2015 ayant été reporté au 5 janvier 2016 à demande de la salariée observant qu'il ne devait pas se tenir à [Localité 10], mais sur son lieu de travail à [Localité 8] ou au siège de l'entreprise à [Localité 9], Mme [W] soutient ne pas avoir reçu la lettre de convocation du 22 décembre 2015, dont elle dit avoir été informée tardivement par courriel adressé sur sa messagerie personnelle, le 4 janvier 2016, de sorte qu'elle n'a pu assister à cet entretien.
Ni la preuve de dépôt, ni l'avis de réception de cette lettre n'étant produits par l'employeur, tandis que la salariée justifie, au vu de son acheminement postal, qu'elle n'a pas quitté [Localité 10], il en résulte que la procédure de licenciement est irrégulière.
Le jugement sera complété sur ce point.
* sur la demande de réintégration
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, l'employeur conclut à bon droit à l'irrecevabilité de la demande de réintégration, présentée pour la première fois en cause d'appel, dès lors qu'elle ne tend pas aux même fins que la demande d'indemnisation soumise au premier juge et qu'elle n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la nullité du licenciement, s'agissant d'une faculté laissée au choix du salarié.
Il en résulte que la demande de rappel de salaire sur la période courant entre le licenciement et la réintégration effective est également irrecevable.
* sur l'indemnisation
Le salarié dont le licenciement est nul et qui n'a pas demandé sa réintégration ou dont la réintégration est impossible a droit aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement d'un montant au moins égal à six mois de salaire.
Alors âgée de 35 ans , titulaire d'une ancienneté de six ans et cinq mois dans l'entreprise, Mme [W] percevait un salaire mensuel brut de 2 885 euros, outre un avantage en nature mensuel de 136,55 euros et un treizième mois.
Elle produit un avis de non-imposition sur les revenus de l'année 2018. Les attestations Pôle emploi versées aux débats font ressortir qu'elle a été indemnisée du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019.Sa situation ultérieure n'est pas justifiée.
Sa demande de rappel de salaire au titre de la mesure de mise à pied conservatoire prononcée à compter du 7 décembre 2015 sera accueillie dans la limite de la somme brute de 2 974,13 euros, montant de la retenue opérée sur ses bulletins de paie selon ses propres conclusions, ouvrant droit à 297,41 euros de congés payés afférents.
L'indemnité compensatrice de préavis, équivalente au salaire qu'elle aurait perçu si elle avait travaillé pendant le délai du préavis et non à la moyenne de sa rémunération perçue en 2015, s'établit à 9 064,65 euros bruts, outre 906,46 euros de congés payés afférents.
Calculée à bon droit sur la base de sa rémunération moyenne mensuelle brute de 3 758,43 euros perçue au cours des douze derniers mois et de son exacte ancienneté au sein de l'entreprise, l'indemnité conventionnelle de licenciement sera allouée conformément à la demande qui n'est pas discutée par l'employeur dans son montant.
Le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement ayant été exactement évalué en première instance, le jugement sera confirmé de ce chef, sauf à préciser que les dommages et intérêts alloués réparent également le préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement.
Enfin l'ensemble du préjudice matériel et moral subi par la salariée du fait de la nullité de son licenciement étant ainsi réparé, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressée de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral distinct, lequel n'apparaît pas autrement caractérisé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel de primes d'objectif et congés payés afférents, et en ce qu'il a limité le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire à 2 885 euros,outre 288,50 euros de congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis à 8 655 euros, outre 865,50 euros de congés payés afférents, et l'indemnité conventionelle de licenciement à 6 996,70 euros,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes, nouvelles en appel, en vue de voir ordonner la réintégration de la salariée à son poste de travail ou à un poste équivalent et voir condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire entre le licenciement et la réintégration effective,
Condamne la société STDG, devenue Transdev Occitanie Pays Nîmois, à payer à Mme [W] les sommes suivantes :
' rappel de primes d'objectif 647,96 euros
' congés payés afférents 64,79 euros
' rappel de salaire sur mise à pied conservatoire 2 974,13 euros
' congés payés afférents 297,41 euros
' indemnité compensatrice de préavis 9 064,65 euros
' congés payés afférents 906,46 euros
' indemnité conventionnelle de licenciement 9 114,95 euros
Dit que la somme de 28 000 euros allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul répare également le préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement,
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société Transdev Occitanie Pays Nîmois aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,