ARRÊT N°
N° RG 18/04084 - N° Portalis DBVH-V-B7C-HFAE
YRD/ID
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
25 septembre 2018
RG :17/00557
[V]
C/
S.A.S.U. SOBECA
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [T] [V]
né le 09 Novembre 1975 à [Localité 4] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Géraldine DUPAYS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
SASU SOBECA Poursuites et diligences de son représentant
légal en exercice domicilié en cette qualité en
son siège social.
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe CHASSANY de la SELCA CHASSANY WATRELOT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 15 Juin 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Virginie HUET, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 29 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Septembre 2022
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 27 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [T] [V] a été engagé à compter du 1er décembre 2003 en qualité d'aide conducteur de travaux par la SAS SOBECA en contrat à durée indéterminée.
A compter du 1er avril 2009, M. [T] [V] évoluait et était détaché de la société au sein de la filiale marocaine, la société SOBECA'M, laquelle faisait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 11 juin 2012 et cessait en pratique toute activité, subsistant pour les besoins de sa liquidation, confirmée par jugement du 15 avril 2014.
A compter du 1er octobre 2012, M. [T] [V] était nommé directeur de l'agence de [Localité 6].
A la suite d'anomalies, la hiérarchie de M. [T] [V], en la personne de M. [B], lui même licencié depuis, procédait à une analyse détaillée de l'agence de [Localité 6].
La société SAS SOBECA convoquait M. [T] [V] à un entretien préalable avant une éventuelle mesure de licenciement fixée au 1er juillet 2014.
M. [V] était licencié pour cause réelle et sérieuse avec dispense d'effectuer son préavis de trois mois par courrier du 10 juillet 2014 aux motifs suivants :
«...Dès sa prise de fonction en qualité de directeur régional, Monsieur [N] [B] a constaté de sérieuses anomalies dans les arrêts d'OT établis début mai et relatifs au mois d'avril. Il a par ailleurs refusé de les valider en l'état car, contrairement à ce qu'une analyse sommaire et rapide des affaires en cours pouvait facilement laisser apparaître, aucune perte n'était annoncée sur le mois d'avril. Il vous a alors demandé une analyse détaillée de la situation de l'agence de [Localité 6] pour début juin 2014.
Lors des arrêts d'OT du mois de mai réalisés le 5 juin 2014, les affaires les plus significatives de l'agence ont donc fait l'objet d'une analyse détaillée. Et de graves anomalies ont été détectées.
En effet les factures, datant de fin 2013 et début 2014 auraient du faire l'objet d'avoirs, car elles correspondaient à des travaux soit déjà facturés au client soit non réalisés.
Ces factures non justifiées, d'un montant de plus de 75 000 €, représentent donc des pertes dissimulées.
Sauf à vouloir fausser les résultats de l'agence, rien ne justifie de telles pratiques !
De plus, cela nuit à l'image de l'entreprise auprès des clients.
Par ailleurs d'importantes pertes sur chantier démarrés en 2013 ou début 2014 non pas été déclarées.
Vous n'êtes pourtant pas sans ignorer nos règles et procédures internes.
Les arrêts d'OT établis chaque mois sont un point de gestion essentiel afin d'identifier les écarts entre les budgets de vente et de coûts. Seule une affectation des coûts réels permet une analyse fiable et le cas échéant la mise en place d'un plan d'action.
Les pertes à terminaison doivent donc impérativement être déclarées.
En ne les déclarant pas, vous tronquez la situation financière de l'agence, et vous ne permettez pas à votre hiérarchie une vision réelle de la situation.
Ce sont près de 400 000 € de pertes qui ont été déclarées sur le mois de mai suite à l'intervention de votre directeur régional !
Bien évidemment, la découverte de ces différents manquements graves affecte profondément la confiance que vous nous que nous vous accordions.
Nous ne pouvons accepter ce type de comportement en complète contradiction avec les règles élémentaires de bonne gestion, et qui est la traduction d'une volonté de fausser les résultats
En outre nous constatons un défaut de management et d'organisation au sein de l'agence de [Localité 6].
Ainsi, et à titre d'exemple :
L'encadrement de chantier semble complètement dépassé et démotivé.
Des salariés de l'agence s'autorisent de ne pas porter la tenue de travail de l'entreprise qui est pourtant obligatoire, ou encore de fumer dans le dépôt, ce qui est strictement interdit.
L'entretien du matériel laisse à désirer.
D'ailleurs le nombre d'accidents de travail déclaré ces derniers mois est révélateur. Certes ces accidents sont contestables est contestés, mais ils traduisent le mal-être des salariés de votre agence.
Les objectifs de facturation ne sont pas atteints, et aucun des indicateurs de votre agence ne s'améliore.
Compte tenu de cette expérience, de votre profil et de votre statut de cadre dirigeant, nous vous avions confié ce poste de directeur d'agence en étant persuadés que vous seriez à même de mettre en place à [Localité 6] une gestion et une organisation fiables et saines.
Mais force est de constater aujourd'hui que je n'ai pas à même de remplir vos missions de façon satisfaisante, que vos pratiques de gestion sont contraires à celles de l'entreprise et fragilisent sa santé financière, et que votre management ne permet pas de structurer et de mobiliser l'encadrement et le personnel de l'agence.
Lors de l'entretien préalable vous avez reconnu l'intégralité des faits.
Et les échanges que nous avons eus ne nous ont pas permis d'en modifier notre appréciation.
Nous sommes ainsi contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, et pour les motifs que nous vous avons rappelés ci-dessus. »
Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, M. [T] [V] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins d'entendre prononcer la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société SOBECA au paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire lequel, par jugement contradictoire du 25 septembre 2018, a :
- débouté M. [T] [V] de sa demande de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que de toutes les demandes qui déclinent, et inhérentes à celle-ci,
- débouté M. [T] [V] de sa demande de condamner la SAS SOBECA à lui verser la somme de 40 000.00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier découlant de l'affaire marocaine.
- débouté M. [T] [V] de sa demande de condamner la SAS SOBECA à lui verser la somme de 5 000.00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [T] [V] à payer la somme de sept cents (700.00) euros à la SAS SOBECA au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [T] [V] aux entiers dépens de l'instance,
Par acte du 16 novembre 2018 [T] [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Le conseiller de la mise en état, par une ordonnance du 18 mars 2022, a dit n'y avoir lieu de prononcer la péremption de l'instance dans l'affaire enregistrée sous le n° de rôle 18 04084.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 février 2019 M. [V] demande à la cour de :
- Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Avignon le 25 septembre
2018,
- Dire le licenciement prononcé le 10 juillet 2014 à l'encontre de Monsieur [V] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- Condamner la Société SOBECA à lui verser une somme de 280.000 € pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- La condamner à lui verser une somme de 40.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la procédure engagée au Maroc à l'encontre du salarié,
- La condamner à lui verser une somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
La condamner aux dépens.
Il soutient que :
- entre octobre 2012 et mars 2014 il a cumulé deux fonctions et géré une procédure pénale engagée à son encontre avec une menace de peine privative de liberté sur un territoire étranger ainsi que les opérations tendant à la liquidation des intérêts marocains de la SOBECA ce qui ne lui a pas permis de se consacrer pleinement à ses fonctions de directeur de l'Agence de [Localité 6], par la suite a été présenté un avenant à son contrat de travail lui supprimant ses avantages et diminuant sa rémunération ce qu'il refusait,
- sur la dissimulation de pertes sur des factures établies fin 2013 - début 2014 et anomalies de facturations (pertes non enregistrées sur les arrêts d'OT) : il avait bien constaté ces anomalies imputables à un autre salarié, qui en atteste, ce dont il avait averti sa direction, certains salariés témoignent qu'il leur a été demandé de passer en pertes des affaires ouvertes par ou sous sa direction quitte à passer ultérieurement un profit lors de l'encaissement des factures démontrant la duplicité de SOBECA dans cette affaire, il est démontré que les erreurs de facturations ou les pertes non déclarées ne sont pas de son fait mais d'un autre salarié, et sont intervenues au cours d'une période durant laquelle il se débattait pour la société et à titre personnel du fait de la société avec la justice marocaine, sans pouvoir consacrer tout son temps à ses fonctions françaises, pour le surplus les pertes alléguées par SOBECA n'existent pas et ont été créées de façon totalement artificielle,
- Sur le défaut de management et d'organisation :
- sur un encadrement de chantier dépassé et démotivé : il verse des attestations de salariés démontrant son implication,
- sur le non respect des obligations liées au port de la tenue, des salariés qui fument dans le dépôt : rien ne démontre que des salariés aient refusé le port de leur tenue ou des équipements de sécurité ou aient fumé dans le dépôt,
- sur les accidents de travail qui bien que « contestables et contestés » traduisent un mal-être des salariés de l'agence : il n'était qu'épisodiquement sur le site et ne pouvait donc suivre les chantiers,
- sur les objectifs de facturation non atteints : il a récupéré l'agence de [Localité 6] en situation de grande difficulté,
- l'absence d'amélioration des indicateurs de l'agence : il rappelle qu'il était à cheval sur deux postes,
- en réalité son employeur a mal vécu le fait d'avoir dû assumer les promesses de son père et de verser plus de 400.000 euros afin de permettre sa libération au Maroc.
En l'état de ses dernières écritures d'intimé en date du 13 mai 2019 , la société SOBECA demande à la Cour de :
à titre principal :
confirmer intégralement le jugement déféré
en conséquence,
sur le licenciement :
- dire et juger bien-fondé le licenciement de M. [T] [V],
- débouter M. [T] [V] de l'ensemble de ses demandes présentées à ce titre,
sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier 'découlant de l'affaire marocaine'
- constater l'absence de tout élément probant concernant cette demande et au surplus tout élément relatif au préjudice qui en aurait découlé,
- débouter en conséquence M. [T] [V] de ses demandes présentées à ce titre
et donc débouter M. [T] [V] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
condamner :
- l'appelant au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,
subsidiairement,
sur le licenciement :
- si la Cour ne devait pas confirmer le jugement déféré et considérer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, constater l'absence de tout élément probant relatif à un préjudice causé par ledit licenciement,
- limiter en conséquence une éventuelle condamnation à ce titre à hauteur de 6 mois de salaire,
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier 'découlant de l'affaire marocaine'
- constater l'absence de tout élément relatif au préjudice qui en aurait découlé ou justificatif de l'évaluation faite de ce prétendu préjudice
- limiter en conséquence une éventuelle condamnation à ce titre à hauteur de 1euro symbolique.
Elle fait valoir que :
- elle rappelle les procédures en vigueur connues de M. [V], notamment la procédure d'arrêt d'ordres de travaux (OT) sur la nécessité de suivre l'état d'avancement chantier par chantier (tant en termes de coût, d'avancement que de facturation) ainsi que de revue de chantier pour validation et clôture de chantier, cette procédure relève de la responsabilité du directeur d'agence et exige que la vérification quotidienne de la saisie des coûts soit observée, ainsi il convient d'anticiper la « Perte à terminaison» qui est constituée dès lors qu'il y a un risque de constater une perte à terminaison de chantier selon la formule suivante : (total facturation prévisionnelle
- M. [V] bénéficiait d'une délégation de pouvoir et son contrat de travail énumère ses responsabilités, il devait chaque mois procéder aux arrêts d'OT : pour chaque chantier, il devait donc définir si ce dernier était terminé ou au contraire s'il devait se poursuivre sur le mois suivant,
- l'analyse des factures de l'agence de [Localité 6] a permis de relever :
- des factures non justifiées de plus de 75 000 euros au titre de fin 2013 et début 2014,
- des pertes de chantiers non déclarées pour plus de 400 000 euros
- sur les manquements dans l'encadrement de chantiers et organisation de l'agence, sont reprochés au salarié les recours à la sous traitance sans contrat, l'absence de réunion mensuelle, l'autorisation d'intervention d'une entreprise d'entretien des espaces verts pour l'agence sans qu'aucun plan de prévention n'ait été réalisé, le rapport d'audit réalisé le 19 juin et dont le compte-rendu était établi le 20 juin 2014 pointe les insuffisances du salarié, la négligence dans le suivi du matériel était également constatée,
- ses objectifs en matière de facturation étaient clairement définis en termes de suivi de facturation, rotation de créances, hygiène et sécurité' or ces objectifs n'étaient pas réalisés malgré une mise en garde lors de l'entretien de 2013,
- M. [V] n'a pas, comme il le prétend, été licencié pour d'autres raisons que celles mentionnées dans sa lettre de licenciement, il était amené à se rendre que très épisodiquement au Maroc dans le cadre des contentieux en cours, M. [T] [K] n'a pas été licencié pour les mêmes faits reprochés
à M. [V], elle pointe le caractère partial et mensonger des attestations produites par ce dernier et affirme que les anomalies, qu'au demeurant il reconnaît, lui sont totalement imputables, nonobstant son détachement au Maroc,
- en aucun cas la dissimulation de pertes n'était « chose courante » chez SOBECA qui n'a découvert ces anomalies qu'en mai 2014 puis juin 2014, peu importe que M. [V] se targue d'avoir redressé de manière conséquente la situation de cette agence de 2012 à 2013,
- elle indique que M. [V] a immédiatement créé une société après son licenciement,
- M. [V] sollicite 40 000 euros en réparation du préjudice « moral et financier » qui découlerait de « l'affaire marocaine » sans en justifier.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 8 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 15 juin 2022.
MOTIFS
Sur le licenciement
Il convient d'examiner les motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige.
- Sur les anomalies dans les arrêts d'OT :
- l'absence de perte sur le mois d'avril 2014 et des factures, datant de fin 2013 et début 2014 qui auraient dû faire l'objet d'avoirs, car elles correspondaient à des travaux soit déjà facturés au client soit non réalisés (montant de plus de 75 000 €, représentent donc des pertes dissimulées) :
Cette procédure dite des arrêts d'OT avait pour but de prévenir les dérives financières sur les chantiers. Cette procédure était bien applicable en 2014 comme le révèle la pièce 5-1 de l'intimée dont la date portée correspond à celle de l'émission du document, non de la création de celui-ci.
En outre ces exigences étaient connues de M. [V] comme cela résulte des courriels des 5 octobre, 23 octobre et 8 novembre 2012 de M. [Y] : « Vous trouverez ci-joint un tableau sur l'état actuel des pertes et bien sûres votre agence. Il est indispensable que vous soyez tous conscients de la situation exacte dans laquelle votre agence se trouve en termes de résultats
Il est évident que le plan d'action que vous venez de mettre en place doit être en application immédiate que chacun d'entre vous prenne conscience de ses propres responsabilités dans ces résultats
Ce matin, nous avons détecté de nouvelles pertes sur des vieux chantiers en phase terminale ce qui ne permet pas d'actions correctives de la production' attention
Je ne tolérerai plus des OT préparés sans précision et sans justificatif valoriser le mois prochain ».
L'employeur rappelle que M. [V] devait chaque mois procéder aux arrêts d'OT : pour chaque chantier, il devait donc définir si ce dernier était terminé ou au contraire s'il devait se poursuivre sur le mois suivant. La réalisation impérative de ces arrêts d'OT permettait l'édition, par le contrôle de gestion, des « fiches flash mensuelles », concernant les seuls chantiers terminés.
Le nouveau directeur régional, lors de sa prise de fonction, constatait l'absence de perte sur les chantiers en mai 2014. Il effectuait par contre une analyse au début du mois de juin 2014 de la liste des arrêts d'OT établie au titre du mois de mai 2014 et relevait alors :
- des factures non justifiées de plus de 75 000 euros au titre de fin 2013 et début 2014 qui avaient dû faire l'objet d'avoirs pour la plupart au cours du mois de juin 2014,
- des pertes de chantiers concernant l'agence de [Localité 6] pour près de 400 000 euros, soit des pertes inscrites très tardivement au cours des mois d'avril et mai 2014 pour des affaires ouvertes bien avant et pour la plupart en 2013.
La société Sobeca y voit une volonté de dissimuler ces éléments durant les mois précédents.
M. [V], qui ne conteste pas la réalité de ces anomalies, en reporte la responsabilité sur M. [T] [K], salarié également licencié, alors que la procédure d'arrêt d'OT était de la responsabilité du responsable d'agence ( « Il est recommandé aux DA/DF/CA/Ctx de vérifier la saisie quotidienne des coûts et de suivre les prix de revient (') » et fiche de fonction de DA «gère le chiffre d'affaires de l'agence et son évolution, suit les objectifs de facturation à la lettre et relance, analyse et rend compte des résultats de l'agence»). Au soutien de sa défense M. [V] verse des attestations d'anciens salariés licenciés dont il convient de prendre les déclarations avec précaution. Ainsi l'attestation de M. [T] [K] ne peut être prise en considération alors que certaines factures ayant donné lieu à des avoirs ont été établies postérieurement au licenciement de M. [T] [K] de sorte que ce dernier ne pouvait en être à l'origine, que certaines affaires ayant entraîné des pertes non déclarées étaient ouvertes en avril 2014 donc bien postérieurement au départ de M. [T] [K] et que les pertes des dossiers ouverts en 2013 et pour un montant de plus de 180 000 euros étaient enregistrées en avril ou mai 2014 soit plus de quatre mois après le licenciement de M. [T] [K]. En tout état de cause, il n'en demeure pas moins que M. [T] [K] exerçait sous l'autorité de M. [V].
La responsabilité de M. [V] ne peut donc être écartée.
- Sur les manquements en matière de management et d'organisation :
- Sur le manquement dans l'encadrement de chantiers et organisation de l'agence :
M. [V] qui bénéficiait d'une délégation de pouvoir en matière de gestion du personnel, ne procédait pas à l'établissement de contrats de sous traitance ce que révélait un audit qualité réalisé le 19 juin 2014 par le service qualité interne au groupe FIRALP.
M. [V] ne formule aucune observation concernant ce grief.
- Sur la violation des règles impératives de sécurité non relevées et/ou tolérées par M. [V] :
La société Sobeca reproche à M. [V] de n'avoir pas réalisé comme il lui était demandé au moins une réunion qualité chaque mois. Ce dernier rétorque qu'il est «resté bloqué au Maroc du 20 au 30 janvier» ce qui n'est pas tout le mois et ne concerne que le mois de janvier. La société intimée relève à la lecture du passeport de M. [V] qu'il s'est rendu au Maroc du 19 au 22 février, du 7 au 9 mars puis du 15 au 18 juillet 2013, une fois au mois de janvier 2014, une fois au mois de février 2014 et deux fois au mois de mars 2014 alors que trois réunions seulement ont eu lieu en 2014. Elle ajoute qu'il incombait à M. [V] d'organiser son remplacement le cas échéant.
Il est également reproché à M. [V] d'avoir permis l'intervention d'une entreprise d'entretien des espaces verts pour l'agence sans qu'aucun plan de prévention n'ait été réalisé. M. [V] n'apporte aucune explication.
- Sur le taux d'accidentologie au travail :
Résultant de la délégation de pouvoir dont M. [V] bénéficiait, il a été constaté une augmentation dans la fréquence des accidents de travail laquelle est passée de 19,99 en avril 2014 à 42,37 en mai 2014 jusqu'à atteindre 61,91 en juillet 2014. M. [V] rétorque qu'il «n'a été sur place qu'en pointillés au cours des trois premiers mois de l'année et que du reste, comme le soulignent les salariés, personne n'est venu pallier son absence» ce qui, compte tenu de ce qui précède, ne peut constituer une excuse valable.
- Sur les objectifs de facturation :
Les objectifs fixés pour l'année 2013 n'étaient pas quantitatifs mais l'étaient en termes de suivi de facturation, rotation de créances, hygiène et sécurité'
Or l'employeur relève que notamment :
- l'objectif de taux de rotation de créances clients, fixé à 2.2, n'était jamais atteint et le taux ne cessait de s'aggraver pour dépasser les 13 points en juin 2014,
- le taux d'absentéisme ne cessait de croître, dépassant allègrement le taux fixé dans les objectifs 2014,
- les objectifs 2014 de résultat et de cash flow sur activité n'étaient pas non plus respectés.
L'entretien annuel du 19 décembre 2013 se concluait ainsi « Objectifs pour la période à venir
Amélioration et maintien de l'ensemble de nos indicateurs (..) »
M. [V] fait valoir qu'il a récupéré l'agence de [Localité 6] en situation de grande difficulté, pour autant il a accepté les objectifs fixés. Il prétexte également ses problèmes rencontrés au Maroc qui ne sont pas aussi invalidants qu'il le prétend.
Il critique le rapport d'audit qui, selon lui, a manifestement pour objectif de motiver la procédure engagée alors que la décision de procéder à un audit est bien antérieure s'agissant d'un travail effectué par une société tierce.
Il en résulte que la matérialité des griefs reprochés à M. [V] est établie.
M. [V] conteste les vrais motifs de son licenciement soutenant dans ses écritures que M. [D] Vivant mal le fait d'avoir du assumer les promesses de son père et de verser plus de 400000 € afin de permettre la libération de Monsieur [V] il va dans un premier temps lui reprocher la prise en charge par la société de sa résidence au Maroc et lui imposer en échange d'un document réclamé par l'avocat marocain pour le laver de tout soupçons la signature de deux avenants à son contrat de travail puis une baisse de sa rémunération. Monsieur [V] ayant l'audace de répondre et de résister son licenciement sera acté en amont de sa convocati on à entretien préalable.
Or ces déclarations ne reposent sur aucun élément probant autre que l'attestation de M. [B] dont les motivations prêtées à l'employeur restent nébuleuses. La société intimée rappelle que la société SOBECA'M, filiale marocaine, avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 11 juin 2012 et avait cessé en pratique toute activité, subsistant pour les besoins de sa liquidation, confirmée par jugement du 15 avril 2014. Enfin, les déclarations de M. [B] sont d'autant plus surprenantes que ce dernier est à l'origine du licenciement de M. [V] dont il a mené l'entretien préalable.
Sur la demande reconventionnelle de M. [V]
M. [V] retrace qu'il a été nommé responsable d'exploitation puis directeur de la Société SOBECAM alors en grande difficultés, que lors d'un de ses passages au printemps 2012, M. [S] [D], président, devait convenir avec le dirigeant de la société marocaine PLASTINA de la régularisation d'un effet de commerce impayé par virement, lui ordonnant de tirer un chèque en garantie, que la contrevaleur de cette traite était d'environ 400.000 euros, que cet engagement n'a pas été respecté par SOBECA qui a pris la décision de déposer le bilan de la filiale en cessant tous concours, que la Société PLASTIMA a encaissé le chèque qui est revenu impayé ce qui constituait un délit au Maroc entraînant son arrestation et sa garde à vue lors d'un de ses déplacements au Maroc, qu'il a toujours fait preuve envers son employeur d'une loyauté sans faille respectant les instructions données et assumant comme il se doit des décisions de sa hiérarchie, que pour autant, ses fonctions ne pouvaient lui imposer d'accepter une peine privative de liberté ou d'assumer une condamnation pénale en répression d'agissements qui ne lui incombaient pas, que pour cette raison il a insisté afin que les engagements pris par M. [S] [D] soient exécutés ce qui a mis 10 jours, et afin que l'employeur s'emploie à établir les documents nécessaires afin qu'il soit lavé de tous soupçons et n'encoure aucune condamnation, que cette situation a duré plusieurs mois au cours desquels il a dû faire face afin de ne pas déstabiliser son équipe et surtout sa famille, consacrant beaucoup de temps à travailler ces dossiers.
Il poursuit en développant qu'en guise d'excuses, lui a été reproché d'avoir poursuivi le bail de la résidence de [5], alors qu'il n'avait jamais été question qu'il le résilie, ne serait ce que parce des archives importantes s'y trouvaient, ont été exercées des pressions afin qu'il abandonne une partie de sa rémunération et pour finir, a été prononcé son licenciement.
Il sollicite l'indemnisation de ce préjudice spécifique par l'allocation d'une somme de 40.000 euros de dommages et intérêts.
Outre que M. [V] ne produit aucune pièce justificative à l'appui de son argumentation, la cour ne relève dans le comportement de la société Sobeca aucun agissement fautif de nature à mettre en jeu sa responsabilité.
La demande est en voie de rejet.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [V] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,