ARRÊT N°
N° RG 18/04091 - N° Portalis DBVH-V-B7C-HFAV
YRD/ID
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AUBENAS
05 novembre 2018
RG :17/00158
[A]
C/
S.A.R.L. LVA07
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [W] [A]
né le 11 Juillet 1974 à [Localité 6]
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean LECAT de la SCP D'AVOCATS BERAUD LECAT BOUCHET, avocat au barreau D'ARDECHE
INTIMÉE :
S.A.R.L. LVA07
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Justine BISTOLFI de la SCP FORSTER-BISTOLFI, avocat au barreau de VALENCE
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
SELARL ETUDE BALINCOURT
3. [Adresse 7]
[Localité 1]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 15 Juin 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Virginie HUET, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
À l'audience publique du 29 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Septembre 2022
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 27 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [W] [A] soutient qu'il a été engagé à compter du 1er avril 2015 en qualité de carrossier peintre par la SARL LVA 07 avec un logement de fonction sans formaliser de contrat de travail et sans avoir pu discuter des horaires, du salaire et du bail de location.
M. [W] [A] déclarait n'avoir perçu aucun salaire ni fiche de paie pour le mois d'avril.
Le 5 mai 2015, un premier chèque était remis sans bulletin de salaire à M. [W] [A], un second le 7 décembre 2015 et d'autres chèques étaient établis en 2016 et 2017 toujours sans bulletin de paie.
M. [W] [A] déclarait qu'un seul contrat de travail aurait été conclu entre les parties en date du 10 novembre 2015 et rompu abusivement par la SARL LVA 07.
Le 30 août 2017, M. [W] [A] recevait un courrier de la SARL LVA 07 lui indiquant ne plus avoir besoin de lui.
M. [A] saisissait le conseil de prud'hommes d'Aubenas aux fins d'entendre prononcer la requalification des relations de travail en relation salariale compte tenu du maintien du lien de subordination et condamner la SARL LVA 07 au paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire lequel, par jugement contradictoire du 05 novembre 2018, a :
- dit et jugé qu'il y a eu la preuve d'un lien contractuel et de subordination que pour la période du 16 novembre 2015 au 15 décembre 2015,
En conséquence,
- ordonné à la SARL LVA 07 de remettre à M. [W] [A] :
- les bulletins de salaires de novembre et décembre 2015,
- l'attestation pôle emploi pour la période du 16 novembre 2015 au 15 décembre 2015,
- ces documents seront à remettre sous huitaine dès la notification de la décision sous peine d'astreinte de 50.00 euros par jour de retard et par document,
- débouté M. [W] [A] du surplus de ses demandes,
- dit que le conseil se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte,
- condamné la SARL LVA 07 aux dépens.
Par acte du 17 novembre 2018 M. [W] [A] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
En l'état de ses dernières écritures en date du 3 juin 2022, M. [A] a demander de :
- Infirmer le jugement du conseil des prud'hommes d'AUBENAS rendu le 5 novembre 2018 en ce qu'il :
- a dit et jugé qu'il y a eu la preuve d'un lien contractuel et de subordination que pour la période du 16 novembre 2015 au 15 décembre 2015 ;
- a ordonné à la SARL LVA 07 de remettre à Mr [A] les bulletins de salaires de novembre et décembre 2015, l'attestation pôle emploi pour la période du 16 novembre 2015 au 15 décembre 2015 ; que ces documents seront à remettre sous huitaine dès la notification de la décision sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;
- a débouté Mr [A] [W] du surplus de ses demandes ;
- a dit que le Conseil se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte.
Confirmer pour le surplus
Et par conséquent
- Dire et juger la date d'embauche de Monsieur [W] [A] au 1er avril 2015 et la date de rupture des relations salariales avec la société LVA 07 au 30 août 2017 ;
- Dire et juger que pendant toute cette période la société LVA 07 s'est rendue coupable de dissimulation d'emploi pour absence de déclaration unique d'embauche, d'établissement de bulletins de salaires et de paiement des cotisations sociales ;
- Dire et juger que la période d'immatriculation de Monsieur [W] [A] en qualité
d'autoentrepreneur à compter du 1er octobre 2016 doit être requalifiée en relation salariale compte tenu du maintien du lien de subordination et de l'identité des conditions d'exécution des prestations de Monsieur [A] pour la société LVA 07 ;
- Dire et juger la rupture du contrat de travail de Monsieur [A] au 30 août 2017 irrégulière et abusive ;
Et subsidiairement :
- Fixer la date de rupture du contrat de travail au 15 décembre 2016 et en tirer les conséquences de droit en matière indemnitaire ;
Dans tous les cas,
- Fixer le salaire moyen de Monsieur [A] à la somme de 2.722 euros ;
- Condamner l'Unédic Délégation AGS - CGEA d'[Localité 5] au paiement des sommes
suivantes :
- 2.722 euros au titre de la rémunération du mois d'août 2017 ;
- 272,22 euros au titre des congés payés sur salaire du mois d'août 2017 ;
- 5.444 euros au titre de l'indemnité de préavis de deux mois ;
- 1088,80 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
- 544,40 euros au titre de l'indemnité des congés payés sur préavis ;
- 2.722 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
- 16.332 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif ;
- 15.000 euros au titre du préjudice moral pour licenciement vexatoire ;
- 16.332 euros à titre de dommage et intérêt pour travail dissimulé ;
- 5.000 euros au titre des dommages et intérêts pour retard dans la remise des documents de fin de contrat.
- Condamner la SELARL ETUDE BALINCOURT ès qualité de mandataire ad 'oc de la SARL LVA07 à remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document dès notification de la décision à intervenir, des bulletins de salaire du mois d'avril 2015 au mois d'août 2017, du certificat de travail d'avril 2015 à août 2017 et de l'attestation Pôle emploi pour la période de 2015 à 2017 ;
- Condamner la SARL l'UNEDIC Délégation AGS - CGEA d'[Localité 5] et la SELARL
ETUDE BALINCOURT ès qualité à payer la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Il fait valoir que l'employeur s'est rendu coupable :
- de travail dissimulé par dissimulation d'embauche :
- au cours de la période du 1er avril 2015 au 11 novembre 2015, il n'a bénéficié d'aucun contrat de travail, d'aucune déclaration unique d'embauche, d'aucune visite médicale d'embauche,
- à compter du 1er novembre 2015 et en dépit de la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée écrit, il n'a reçu aucun bulletin de salaire et tout comme la période précédente, aucune cotisation sociale n'a jamais été réglée, pour lui, par son employeur,
- à compter du 15 décembre 2015 jusqu'au 1er octobre 2016, il a continué à travailler en toute illégalité pour la société LVA 07 et à compter du 1er octobre 2016, il a été démontré ci avant que cette période de prestations en qualité prétendument d'autoentrepreneur doit être requalifiée en relation salariale,
- la société LVA07 était son seul donneur d'ordres, cette situation a fait suite à une situation salariale incontestable pour un poste identique et il a continué à exercer ses fonctions au même lieu et avec les mêmes équipements appartenant à la société LVA 07,
- l'employeur a mis fin à la relation salariale suivant courrier du 30 août 2017, mais son salaire du mois d'août 2017 ne lui a pas été réglé,
- l'employeur n'a pas mentionné les heures de travail réellement accomplies par le salarié sur des bulletins de salaires ; alors que ces heures lui étaient par ailleurs réglées.
- les indemnités de rupture : la société LVA 07 a cessé toute relation salariale avec lui le 30 août 2017, sans qu'aucune procédure de licenciement ne soit engagée, à cette date, il avait une ancienneté supérieure à deux ans,
- de licenciement abusif et irrégulier :
- la rupture du contrat de travail est intervenue le 30 août 2017 sans qu'aucune lettre de convocation à l'entretien préalable n'ait été adressée au salarié ni aucune lettre de licenciement,
- l'indemnité pour préjudice moral et licenciement vexatoire : le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts supplémentaires s'il justifie d'un préjudice distinct résultant de son licenciement abusif. C'est le cas lorsque la rupture est intervenue dans des circonstances vexatoires. En l'espèce, il a fait l'objet d'une première rupture par le maintien de son emploi du 15 décembre 2015 au 1er octobre 2016, puis par l'obligation qui lui a été faite de s'immatriculer en qualité d'auto-entrepreneur et a fait l'objet d'une seconde rupture au 30 août 2017, faisant état de fautes professionnelles qu'il n'avait pas commises, dans le seul but de se débarrasser d'un salarié. De surcroît, il a également été humilié directement et indirectement par l'intermédiaire de sa famille qui a fait l'objet d'une expulsion du logement de fonction qu'il occupait depuis avril 2015.
En l'état de ses dernières écritures d'intimée en date du 14 mai 2019, la SARL ALV 07 demande à la cour de :
Vu les articles L1411-1, R1455-5 à R1455-8 du Code du Travail,
Vu la jurisprudence citée,
- débouter M. [W] [A] de l'intégralité de ses demandes,
- en conséquence, confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2018 par le conseil de prud'hommes d'Aubenas en toutes ses dispositions,
- condamner M. [W] [A] à verser à la société LVA 07 la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [W] [A] aux entiers dépens de l'instance.
Elle fait valoir que :
- M. [A] s'est présenté à M. [C] en qualité d'auto entrepreneur, c'est ainsi que ce dernier a eu recours aux services de M. [A] à compter de 2015, lui attribuant certaines réparations des véhicules des clients de sa société LVA07, M. [A] a rapidement fait part à M. [C] qu'il était à la recherche d'un nouveau logement avec sa compagne, Mme [X] [H],
- il n'a jamais été contesté en 1ère instance par les parties qu'elles n'avaient conclu un contrat de travail que pour la période du 1er novembre 2015 au 15 décembre 2015 dans le cadre d'un CUI,
- elle se demande comment M. [A] peut soutenir avoir signé deux contrats de travail l'un le 1er novembre 2015 et le second le 10 novembre 2015 pour tenter de justifier le prétendu non-respect d'une période d'essai prétendument non prévue au titre du 2nd contrat alors même que le conseil de prud'hommes d'Aubenas a acté, dans son jugement, que M. [A] reconnaissait l'existence d'un seul contrat de travail le CUI, en apposant sa signature à la demande d'aide au CUI, M. [A] a reconnu qu'il n'était pas lié par un contrat de travail à la SARL LVA 07 à compter d'avril
2015,
- M. [A] se présentait d'ailleurs systématiquement aux clients comme étant à son compte, il a établi des devis et des factures à l'ordre de LVA07, avec l'en-tête de son entreprise «[W] Restauration Auto Passion», les prestations réalisées par M.[A] l'ont été en qualité d'auto entrepreneur nonobstant l'absence d'immatriculation de celui-ci en 2015,
- ainsi les parties ne sont pas liées par un contrat de travail et ce quelque soit la période visée par M. [A] puisque les conditions cumulatives faisant défaut, la chronologie des événements et surtout l'absence de réclamation de la part de M. [A], témoignent de l'absence d'existence d'un contrat de travail, l'évolution de la position de M. [A] quant aux périodes relevant prétendument du droit du travail témoigne du peu de crédit à apporter à ces propos et de l'absence de cohérence de sa position.
La société LVA07 a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 28 mai 2019 par le tribunal de commerce d'Aubenas suivant procédure simplifiée, avec effet au 28 mai 2019 et, par jugement en date du 26 novembre 2019, ce même tribunal a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire simplifiée. La société a été radiée au registre du commerce et des sociétés le 4 décembre 2019.
La SELARL Etude Balincourt représentée par Me [O], ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL LVA 07, désigné suivant ordonnance du tribunal de commerce d'Aubenas du 23 septembre 2020, appelé à la procédure par acte du 9 novembre 2021 n'a pas constitué avocat.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 5], reprenant ses conclusions transmises le 13 juin 2022, demande à la cour de :
- Confirmer la décision rendue.
Subsidiairement, déclarer irrecevable les demandes de condamnation formulées par M. [A] à l'encontre de l'UNEDIC AGS au regard des articles L 625-1 et suivants du Code de Commerce.
- Apprécier, éventuellement dans l'hypothèse où l'intention frauduleuse de l'employeur serait établie, le montant des dommages et intérêts qui seront alloués à Monsieur [A] pour travail dissimulé.
- Apprécier le bien fondé de la demande de Monsieur [A] tendant au règlement d'un rappel de salaires pour le mois d'août 2017.
- Dans l'hypothèse où le licenciement de Monsieur [A] serait déclaré fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- Apprécier le bien fondé des demandes de Monsieur [A] tendant au règlement d'une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et tendant au règlement d'une indemnité de licenciement.
- Très subsidiairement, si le licenciement de Monsieur [A] était considéré comme infondé, rechercher au regard de l'ancienneté de Monsieur [A] qui sera retenue, le bien fondé de la demande de Monsieur [A] tendant au règlement d'une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et tendant au règlement d'une indemnité de licenciement.
- Apprécier le montant des dommages et intérêts qui sera alloué à Monsieur [A] sur le fondement de l'article 1235-3 du Code du Travail.
- Débouter Monsieur [A] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture .
- Dire et juger dans l'hypothèse où une somme serait accordée à Monsieur [A] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile que cette somme est hors garantie AGS.
- Faire application des dispositions législatives et réglementaires du Code de Commerce.
- Donner acte à la Délégation UNEDIC et l'AGS de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-1 7 et D.3253-5 du Code du Travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 18 mars 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 15 juin 2022.
MOTIFS
Sur l'existence d'une relation de travail
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements et l'intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant.
M. [A] soutient avoir travaillé pour le compte de la société LVA07 durant la période du 1er avril 2015 au 30 août 2017 sans discontinuer et distingue quatre périodes.
- Sur la période du 1er avril 2015 au 1er novembre 2015 :
Pour cette période M. [A] indique avoir été engagé en l'absence de tout contrat de travail écrit.
A l'appui de son argumentation, il expose qu'il a démissionné début mars avec effet au 31 mars 2015 de son poste de carrossier peintre qu'il occupait dans la SARL Garage du Mistral à [Localité 8] depuis mai 2008.
Il produit une promesse d'embauche signée par M. [L] [C], père de M. [J] [C], gérant de droit de la SARL LVA07 fondée en 2014, ainsi rédigée: « Je soussigné, [C] [L], gérant de la société LVA 07, atteste sur l'honneur que Monsieur [A] [W] a été retenu pour le poste de carrossier peintre dans cette dite société. Son contrat de travail débute le 1er avril 2015 à la condition qu'il emménage dans l'appartement de fonction à cette même date », le reçu du montant du loyer du mois de juin 2015 établi par M. [J] [C] et la quittance relative au loyer du mois de juillet 2015, un chèque d'un montant de 1.700 euros établi le 5 mai 2015 par M. [J] [C] venant, selon lui, en complément d'un chèque remis par un client à la société LVA 07 et sur lequel l'ordre de paiement à M. [W] [A] a été rajouté par M. [C].
La société intimée rétorque que M. [A], alors qu'il se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'avril 2015 à août 2017, n'a jamais formulé la moindre réclamation quant à la communication de bulletins de salaire et que, pendant près de 28 mois, il n'aurait perçu que deux chèques des 5 mai 2015 et 7 décembre 2015.
Elle soutient que le chèque du mois de mai 2015 a été émis par M. [C] à titre personnel pour une intervention de M. [A] sur l'un de ses véhicules et non pour faire face à l'absence de trésorerie de la société LVA.
L'UNEDIC relève que ce chèque a été établi par M. [J] [C], qui n'était à priori pas l'employeur de M. [A] [W], ni même le gérant de la Société LVA07 ce qui accréditerait les déclarations de la société intimée.
En outre, M. [A], lors de la signature du contrat unique d'insertion, avait déclaré qu'il était sans emploi depuis moins de 6 mois.
Il résulte de ce qui précède qu'en dépit de la promesse d'embauche au 1er avril 2015, l'existence d'un travail sous un lien de subordination durant cette période n'est pas rapportée.
- Sur la période du 1er novembre 2015 au 15 décembre 2015 :
Un contrat de travail a été établi à compter du 1er novembre 2015, avec une période d'essai de deux mois, moyennant une rémunération mensuelle de 1.500 euros bruts sur la base de 35 heures, signé par son père, M. [L] [C].
La société intimée précise qu'il n'est pas discuté qu'un contrat de travail a été établi pour la période du 1er novembre 2015 au 15 décembre 2015 dans le cadre d'un CUI.
M. [A] ajoute qu'un contrat unique d'insertion été signé par les parties le 10 novembre 2015 en remplacement du précédent contrat à compter du 16 novembre 2015 prévoyant une nouvelle date d'embauche au 16 novembre 2015 pour un salaire brut mensuel de 1.457 euros, pour 35 heures, ce nouveau contrat ne prévoyait aucune période d'essai.
Il considère que ce nouveau contrat d'insertion et de professionnalisation n'avait aucune justification, puisqu'il était déjà titulaire du CAP et du BEP peintre en carrosserie et qu'aucun véritable tuteur n'avait été désigné.
Il avance que M. [J] [C] lui payait une partie de ses salaires à partir de son compte personnel et par la remise de chèques émis par les clients à la société sans ordre lesquels complétaient ainsi le montant de ses salaires.
Il soutient que M. [C] l'aurait informé qu'il avait un souci au niveau de l'aide à l'embauche car il devait rembourser la totalité de l'argent qu'il a perçu pour non présentation des fiches de paies, qu'il n'a d'ailleurs jamais établies et à fortiori, remises au salarié, que c'est dans ces circonstances qu'il parvenait à le convaincre de mettre un terme au contrat de travail par un courrier de rupture, daté du13 décembre 2015, libellé dans les termes suivants : « Monsieur, Par la présente, je vous informe de la rupture de votre contrat de travail signé le 16 novembre 2015. Cette rupture prendra effet le 15 décembre 2015.
Fait à SAINT MARCEL
Le 13 décembre 2015
En deux exemplaires »
M. [A] poursuit en soutenant que l'employeur ne saurait prétendre que cette lettre avait pour vocation de mettre un terme au premier contrat puisque la lettre de rupture vise précisément le contrat de travail signé le16 novembre 2015, lequel ne prévoit aucune période d'essai, que par conséquent, en l'absence de stipulation écrite de période d'essai, la rupture du 13 décembre 2015 avec effet au 15 décembre 2015 est dépourvue de cause réelle et sérieuse. Il se réfère à l'attestation Pôle emploi qui indique bien comme début d'activité le 16 novembre 2015 et non
le 1er novembre 2015.
Pour la société intimée, la demande d'aide au Contrat Unique d'Insertion signée le 10 novembre 2015 constitue le document d'adhésion au CUI et non un nouveau contrat de travail. Elle souligne que ce document a été rempli par la société LVA 07 le 10 novembre 2015 mais a surtout été signé par M. [A] de sorte que celui-ci ne peut sérieusement soutenir que, malgré l'intitulé du document « Contrat Unique D'insertion Demande d'Aide » il pensait avoir signé un second contrat de travail 10 jours après la prétendue signature du précédent.
Dans ce document, M. [A] a indiqué être sans emploi depuis moins de 6 mois au moment de la signature de la demande d'aide au CUI
La société intimée développe que fin 2015, M. [A] s'est ouvert à M. [C] du fait qu'il souhaitait bénéficier des avantages liés au dispositif du contrat unique d'insertion (CUI).
L'examen des pièces produites confirme que les parties ont signé le 1er novembre 2015 un contrat à durée indéterminée dans le cadre du dispositif CUI prévoyant une période d'essai de deux mois, en qualité de carrossier, qu'elles ont adhéré le 10 novembre 2015 au dispositif CUI à effet au 16 novembre 2015 en sorte qu'elles étaient liées par un seul et même contrat. Aussi l'employeur était fondé à mettre un terme à la période d'essai le 13 décembre 2015, courrier contresigné par M. [A] à cette même date. M. [A] n'a pas contesté cette rupture par la suite.
- Sur la période du 15 décembre 2015 au 1er octobre 2016 :
M. [A] soutient avoir poursuivi son activité au service de la société LVA07 entre le 15 décembre 2015 et le 1er octobre 2016, date de son immatriculation en qualité d'auto-entrepreneur.
Il produit au soutien de ses affirmations des chèques remis par l'employeur et des témoignages de proches.
Il prétend que cette période lui a été imposée par l'intimée dans l'attente de son immatriculation au 1er octobre 2016 après réalisation de la période de formation payée par l'employeur pour pouvoir s'immatriculer.
Comme le relève justement l'UNEDIC, aucune pièce ne témoigne d'une telle réalité. La remise de chèques de clients, quand bien même M. [A] n'aurait pas été encore immatriculé, pouvant trouver leur origine dans des prestations accomplies par ce dernier. En aucun cas, la remise de chèque clients n'établit l'existence d'un lien de subordination avec la société LVA07.
Par ailleurs, la société LVA 07 produit des devis et des factures établis durant cette période par
M. [A] confirmant une activité indépendante.
- Sur la période du 1er octobre 2016 au 30 août 2017 :
A compter du 1er octobre 2016, M. [W] [A] exerçait en qualité d'auto-entrepreneur jusqu'à la rupture des relations au 30 août 2017.
Il prétend avoir en réalité poursuivi une activité salariée pour le compte de la société LVA07 et soutient que M. [C] le rémunérait avec des chèques que des clients lui remettaient en règlement suite à des travaux qu'il réalisait et sur lesquels il inscrivait l'ordre de son salarié, de sorte qu'il n'avait plus qu'à compléter son salaire par un chèque de l'entreprise.
Il prétexte que suite à un accident domestique l'ayant contraint à cesser son travail, son employeur aurait mis fin à la relation de travail par courrier en date du 30 août 2017 libellé dans les termes suivants :
« ...Par la présente lettre, je vous informe que LVA 07 ne fera plus à présent appel à vos services. Les ennuis répétés avec des clients, le dernier en date du mois de juillet où le client menace d'une procédure suite à un cardan mal serré sur sont véhicule me contraint à cette décision... »
La société intimée indique que depuis 2008 déjà (et de surcroît de 2015 à 2017), M. [A] exerçait en qualité d'auto-entrepreneur, comme le démontrent :
- les nombreuses attestations versées aux débats
- le curriculum vitae de M. [A] ( «2008 à mars 2014 : Ets Lorefice [Localité 8] et Auto-entrepreneur») déposé au garage Atelier 76 en juin 2017,
- les factures et devis établis :
- pour LVA07
- pour les propres clients de M. [A]
Elle fait observer que suite à un bon de commande d'une valeur de 9.000 euros, édité initialement par LVA07 pour le client [E], la facture a été partagée entre LVA 07 et [W] RESTAURATION AUTO PASSION (enseigne de M. [A]), que M. [E] ayant en effet réglé :
- 4.500 euros à LVA07
- 4.500 euros à [W] RESTAURATION AUTO PASSION, moyennant deux chèques de 2.250 euros.
Elle verse aux débats :
- le bon de commande du 18/08/2016
- la facture du 10/07/2017
- l'attestation de M. [E]
M. [A] affirme que la somme perçue à hauteur de 4.500 euros était en fait destinée à le rémunérer pour le travail réalisé en qualité de salarié. Outre que les éléments versés témoignent du contraire, la cour ne voit aucun rapport entre cette somme et le montant du salaire que revendique l'appelant ( 2.213 euros, soit 2.722 euros bruts)
La société intimée relève de surcroît qu'il résulte des pièces que M. [A] verse aux débats qu'il était assisté de son beau-fils, M. [M] pour ses interventions.
La société verse également les factures éditées par [W] RESTAURATION AUTO PASSION pour LVA07 en dates des 29/11/2016 et 29/12/2016 (n°F2017050005 et F2017050007) et les devis édités par [W] RESTAURATION AUTO PASSION pour LVA07 en dates des 23/09/2016 et 09/10/2016 (n°D2016090004 et D2016100006) qui confirment l'exercice d'une activité indépendante.
La société intimée produit aussi les attestations de :
- M. [I] [D] qui certifie avoir été un client de M.[A] dès le début de l'année 2015 au même titre que les autres clients de ce dernier,
- Mme [G] qui déclare que M. [A] a collaboré dès 2015 avec le garage LVA 07,
- M. [R] qui certifie que M.[A] est venu dans son établissement pour y déposer un CV au motif qu'il était à la recherche d'un emploi courant juin 2017.
L'UNEDIC fait justement observer que dans la mesure où M. [A] était inscrit en qualité d'auto-entrepreneur à compter du 1er octobre 2016, la société LVA07 bénéficiait d'une présomption selon laquelle il n'était pas son salarié en application des dispositions de l'article L 8221-6 du Code du Travail.
Il s'en suit que M. [A] échoue à établir l'existence d'une relation salariée pour cette période également.
Sur le travail dissimulé
Selon l'article L.8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
S'il n'est pas établi qu'à compter du 1er avril 2015, M. [A] a travaillé dans le cadre d'une relation salariée avec la société LVA07, à compter du 1er novembre 2015 et en dépit de la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée écrit, M. [A] constate qu'il n'a reçu aucun bulletin de salaire et qu'aucune cotisation sociale n'a jamais été réglée, pour lui, par son employeur.
La seule omission d'accomplir ces formalités n'établit pas pour autant l'existence d'une intention frauduleuse de la part de l'employeur.
Si selon jugement correctionnel de [Localité 9] du 23 novembre 2021 l'EURL LVA07, MM. [L] [C] et [J] [C] ont été déclarés coupables de travail dissimulé, cette décision n'est pas définitive pour avoir fait l'objet d'un appel.
Sur le salaire du mois d'août 2017
En l'absence de relation salariée à cette époque, la demande est en voie de rejet.
Sur les indemnités de rupture, pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et irrégulier et licenciement vexatoire
M. [A] soutient que la société LVA 07 a définitivement cessé toute relation salariale avec lui au 30 août 2017 sans qu'aucune procédure de licenciement ne soit engagée.
Or, dès lors qu'il n'est pas établi que les parties étaient liées par un contrat de travail, les prétentions de M. [A] ne reposent sur aucun fondement.
Sur les dommages et intérêts pour absences et retard de remise des documents légaux et de fin de contrat
Il n'est pas discuté qu'aucun bulletin de paie n'a été remis au salarié, ce qui justifie la confirmation du jugement déféré.
Pour autant, M. [A] ne fait pas la démonstration du préjudice dont il demande réparation à hauteur de la somme de 5.000 euros à ce titre.
Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [A] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,