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29/09/2022 | FRANCE | N°21/01202

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 21/01202


ARRÊT N°



N° RG 21/01202 - N°Portalis DBVH-V-B7F-H7VH



ET - NR



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

09 février 2021

RG:19/03196



CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'[Localité 5]



C/



[X]

[W]

















Grosse délivrée

le 29/09/2022

à Me Céline GABERT

à Me Guillaume GUTIERREZ











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre




ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022







APPELANTE :



CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'[Localité 5]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Céline GABERT de la SELARL FAYOL ET ...

ARRÊT N°

N° RG 21/01202 - N°Portalis DBVH-V-B7F-H7VH

ET - NR

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

09 février 2021

RG:19/03196

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'[Localité 5]

C/

[X]

[W]

Grosse délivrée

le 29/09/2022

à Me Céline GABERT

à Me Guillaume GUTIERREZ

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'[Localité 5]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Céline GABERT de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

INTIMÉS :

Madame [K] [X]

née le [Date naissance 3] 1969 à

[Adresse 6]

[Localité 1]

Monsieur [L] [W]

né le [Date naissance 2] 1954 à

le [Adresse 6]

[Localité 1]

Représentés par Me Guillaume GUTIERREZ de la SCP CHATELAIN GUTIERREZ, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentés par Me Raphaël YERNAUX de la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX, Plaidant, avocat au barreau D'AUBE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

À l'audience publique du 17 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Juin 2022, et prorogé au 29 Septembre 2022,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 29 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par offre préalable de prêt sous seing privé du 7 août 2009, la SCI Oseraie a souscrit un prêt immobilier 'modulimmo' auprès de la banque Crédit Mutuel d'[Localité 5] pour un montant de 500 000 euros en vue de l'achat d'une maison d'habitation à [Adresse 6], à taux variable portant sur 240 échéances dont des échéances mensuelles initiales de 3 486,74 euros, assurance de prêt comprise. Cet engagement a été réitéré par acte authentique reçu le 27 août 2009 devant Maître [V] [E], notaire à [Localité 5].

Par actes sous seing privé et séparés du 19 août 2009, M. [L] [W] et Mme [K] [X] se sont portés cautions solidaires en garantie du paiement du prêt en cas de défaillance de la SCI Oseraie à hauteur de 600 000 euros en renonçant au bénéfice de division.

Par acte authentique de vente du 27 août 2009, dressé par Maître [V] [E], notaire à Aubenas, la SCI Oseraie a acquis l'immeuble situé à [Adresse 6], lequel reprend le prêt associé et les garanties souscrites.

La SCI Oseraie a cessé de payer les mensualités du prêt, à compter du 20 novembre 2014.

Par ordonnance de référé du 4 juin 2015, un moratoire de 24 mois a été accordé à la SCI Oseraie pour s'exécuter.

Celle-ci n'étant pas parvenue à honorer ses engagements, la société Crédit Mutuel [Localité 5] l'a mise en demeure de payer par courrier du 24 juillet 2017, puis a prononcé la déchéance du terme le 13 décembre 2017 selon courrier recommandé réceptionné le 18 décembre 2017.

Le même jour, la banque a mis en demeure les cautions d'exécuter leur engagement et de payer la somme due au titre du décompte arrêté au 13 décembre 2017. Ces courriers ont été réceptionnés par chacune des cautions le 18 décembre 2017.

Une procédure a été engagée par la société Crédit Mutuel [Localité 5] devant le juge de l'exécution de Privas, laquelle a abouti à un jugement du 12 décembre 2019 ordonnant la vente forcée de l'immeuble de la SCI Oseraie.

Par actes du 4 novembre 2019, la société Crédit Mutuel [Localité 5] a assigné M. [L] [W] et Mme [K] [X] devant le tribunal de grande instance de Privas devenu le tribunal judiciaire de Privas, en exécution de leur engagement de caution du 19 août 2019.

Par jugement contradictoire du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Privas a :

- débouté la société Crédit Mutuel d'[Localité 5] de ses demandes tendant à voir rejeter toute argumentation contraire en la jugeant prescrite ;

- dit que la demande d'inopposabilité des engagements de cautions à M. [L] [U] [W] et Mme [K] [X] est recevable et non prescrite ;

- dit que l'action en responsabilité exercée par M. [L] [U] [W] et Mme [K] [X] contre la société Crédit Mutuel [Localité 5] est recevable et non prescrite ;

- dit que les engagements de cautions solidaires contractés par M. [L] [U] [W] et Mme [K] [X] le 19 août 2009 au profit du Crédit Mutuel à hauteur de 600 000 euros chacun, en garantie du prêt immobilier modulimmo n° 15899.08911.00020310001 contracté par la SCI Oseraie auprès du Crédit Mutuel, selon réitération notariée du 27 août 2009 reçue par Maître [V] [E], notaire à Aubenas (07) pour un montant de 500 000 euros, sont manifestement disproportionnés aux biens et revenus des cautions au sens des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

- dit que la société Crédit Mutuel [Localité 5] ne peut s'en prévaloir et ne peut solliciter l'exécution de l'acte de cautionnement souscrit par M. [L] [U] [W] le 19 août 2009 ;

- dit que la société Crédit Mutuel [Localité 5] ne peut s'en prévaloir et ne peut solliciter l'exécution de l'acte de cautionnement souscrit par Mme [K] [X] le 19 août 2009 ;

- débouté la société Crédit Mutuel [Localité 5] de sa demande tendant à voir condamnés M. [L] [U] [W] et Mme [K] [X] solidairement à lui payer la somme de 478 947,14 euros outre intérêts au taux de 1,70 % à compter de la mise en demeure, au titre des engagements de cautions solidaires de la SCI Oseraie du 19 août 2009 ;

- condamné la société Crédit Mutuel [Localité 5] à payer à M. [L] [U] [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Crédit Mutuel [Localité 5] à payer à Mme [K] [X] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Crédit Mutuel [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Crédit Mutuel [Localité 5] aux entiers dépens de l'instance ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 24 mars 2021, la société caisse de Crédit mutuel [Localité 5] a interjeté appel de cette décision.

La clôture de l'instruction est en date du 3 mai 2022.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2021, le Crédit Mutuel d'[Localité 5] demande à la cour de :

- rejeter toutes demandes contraires ;

- infirmer dans son intégralité la décision entreprise ;

En conséquence,

- condamner solidairement M. [L] [W] et Mme [K] [X] à lui payer la somme de 478 947,14 euros outre intérêts au taux de 1,70 % à compter de la mise en demeure du 13 décembre 2017 au titre de l'engagement souscrit ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum M. [L] [W] et Mme [K] [X] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir qu' au regard des dispositions des articles 2288 et suivants du code civil, les cautions personnelles sont tenues en raison de la défaillance du débiteur et qu'elles avaient jusqu'au 19 août 2014 pour engager toute action en disproportion ou en manquement à l'obligation de mise en garde, ce qu'elles n'ont pas fait se retrouvant par voie de conséquence prescrites.

Au fond, il soutient que le caractère manifeste de la disproportion n'est pas établi contrairement à ce qu'a jugé le tribunal et que l'opposabilité des cautionnement la rend fondée dans sa demande en paiement.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2021, M. [L] [W] et Mme [K] [X] demandent à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf concernant les dispositions au titre de la condamnation du Crédit mutuel d'[Localité 5] à leur verser la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de faire droit à leur appel incident en condamnant la société Crédit mutuel [Localité 5] à leur verser la somme de 3 000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles de première instance et enfin de la condamner à leur verser la somme de 4 000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

Ils demandent en outre à la cour de débouter la société Crédit mutuel d'[Localité 5] de toutes ses demandes et de la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Subsidiairement, ils lui demandent de juger que la société Crédit mutuel d'[Localité 5] a manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde à l'encontre de la SCI Oseraie et à leur encontre en leur qualité de cautions personnelles solidaires, et qu'ils ont subi un préjudice du fait d'une perte d'une chance de ne pas contracter.

Par conséquent, ils sollicitent de condamner la société Crédit mutuel [Localité 5] à leur payer la somme de 478 947,14 euros de dommages et intérêts et d'ordonner la compensation de ces dommages et intérêts avec la créance de la société Crédit mutuel [Localité 5] revendiquée pour un montant de 478 947,14 euros ; d'ordonner la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la société Crédit mutuel [Localité 5] et la déchéance envers la caution des pénalités et intérêts de retard postérieurs à la date du premier incident de paiement caractérisé concernant le crédit immobilier souscrit par la SCI Oseraie, étant précisé que la société Crédit mutuel [Localité 5] ne peut se prévaloir d'intérêts de retard à compter du 13 décembre 2017.

Enfin, ils demandent à la cour de juger que le prix de vente amiable d'un montant de 265 000 euros du bien situé [Adresse 6] à la suite de la procédure de saisie immobilière ayant donné lieu à une carence d'enchère viendra en déduction de la dette revendiquée par la société Crédit mutuel [Localité 5], juger que les cautions seront déchargées de leur engagement de cautionnements solidaires à hauteur de 265 000 euros et juger qu'en leur qualité de cautions personnelles solidaires, ils ne pourront être condamnés qu'au montant de la créance diminué du prix de vente de l'immeuble ayant partiellement désintéressé la société Crédit mutuel [Localité 5].

Ils soutiennent essentiellement que la demande visant à invoquer la disproportion des cautionnements doit être qualifiée de défense au fond et ne peut être déclarer prescrite.

S'agissant de la contestation du caractère manifestement disproportionné de leurs cautionnements, ils font valoir que la banque n'est pas fondée à agir à leur encontre et doit être déboutée de ses demandes pour n'avoir produit aucune fiche de renseignements concernant les actes de cautionnements du 19 août 2009, la fiche concernant M. [W] étant relative à un engagement de caution distinct du 12 août 2009 à hauteur de 40 000 euros. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, la déchéance de son droit de poursuite s'impose à son égard également en raison de la disproportion manifeste des engagements avec ses ressources et son patrimoine figurant sur cette fiche, étant souligné cependant qu'en réalité ses revenus annuels nets étaient de 65 884 euros, qu'il détient un bien immobilier pour une valeur de 110 000 euros, et que son endettement se monte à plus de 652 000 euros ; enfin qu'au jour de l'appel en garantie, le Crédit mutuel d'[Localité 5] n'apporte pas la preuve d'un retour à meilleure fortune.

Concernant Mme [X], la banque ne peut pas davantage se prévaloir de ses déclarations pour l'appréciation de ses capacités à faire face à son engagement ; qu'en toute hypothèse, la déchéance s'impose là encore en raison de la disproportion manifeste des engagements avec ses ressources et son patrimoine puisqu'elle ne disposait pas de revenus au jour de l'engagement de caution, et qu'au jour de l'appel en garantie, le Crédit mutuel d'[Localité 5] n'apporte pas la preuve d'un retour à meilleure fortune.

Ils soutiennent à titre subsidiaire que la banque doit être déchue de son droits aux intérêts sur le fondement de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et L. 341-6 du code de la consommation, pour défaut d'information annuelle qui ne peut être déclarée prescrite et dés lors que la banque n'apporte pas la preuve d'avoir respecté lesdits articles.

Ils ajoutent que la banque ne justifie pas leur avoir donné l'information exigée à l'article L. 313-9 devenu L. 341-1 du code de la consommation, et doit être à ce titre déchue des pénalités et intérêts de retard postérieurs à la date de l'incident.

Ils demandent enfin à la cour d'écarter la prescription invoquée s'agissant de leur action en responsabilité de la banque pour violation de son obligation de conseil et de son devoir de mise en garde, celle-ci ayant été engagée moins de 3 ans après la mise ne demeure de payer. A ce titre ils doivent être considérés comme des cautions non averties et rappellent que la seule qualité de président, de dirigeant ou d'associé ne peut suffire à considérer les cautions comme averties. Ils prétendent ainsi que M. [W] n'est pas un professionnel de l'octroi du crédit ni un professionnel bancaire habitué à ce type d'opération.

Pour l'exécution de la décision, ils sollicitent que les dommages et intérêts octroyés viennent en compensation de la créance de la banque et que le prix de vente de l'immeuble saisie vienne également en déduction de la dette.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La banque fait grief en premier lieu au tribunal d'avoir rejeté sa demande en paiement du solde du prêt et d'avoir retenu la disproprotion des engagements de caution souscrits par les intimés alors que tant la disproportion des engagements de caution invoqués par les intimés que le manquement de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde, sont des demandes prescrites.

Cependant, les prétentions des cautions fondées sur la disproportion manifeste de leurs engagements à leurs biens et revenus tendent seulement au rejet de la demande en paiement formée par la banque à leur encontre. Elle constitue ainsi un simple moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence.

Par ailleurs, sur la recevabilité des prétentions au titre du manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde, il doit être rappelé que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par la caution contre une banque en raison du manquement de cette dernière à son devoir de conseil et de mise en garde, se situe au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée ou les voies d'exécution qui ont été diligentées à son encontre, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal. En l'espèce, cette date se situe au 18 décembre 2017, date à laquelle un courrier recommandé a été réceptionné par les cautions si bien que l'action en responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations, formée à titre subsidiaire et reconventionnel dans le cadre de l'instance introduite par la banque devant le tribunal de de Privas le 4 novembre 2019, n'est pas prescrite.

La cour devra donc examiné au fond la disproportion des engagements des cautions retenu par le tribunal et dans l'hypothèse où elle ne la retiendrait pas, la responsabilité de la banque.

1- Sur la disproportion manifeste des cautionnements

L'article L341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'espèce, dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

L'existence d'une disproportion suppose que la caution se trouve, lorsqu'elle le souscrit, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus, et s'apprécie en prenant l'endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.

Si le prêteur n'a pas à vérifier l'exactitude des renseignements fournis par la caution lorsqu'il n'existe pas d'anomalie apparente de ceux-ci, il doit néanmoins s'informer de la situation financière et patrimoniale de celle-ci afin de s'assurer du sérieux de la garantie qu'il recherche.

Pour déclarer disproportionné l'engagement de caution de M. [W] à ses biens et revenus au jour de sa souscription, le premier juge relève qu'au moment de l'engagement de caution du 19 août 2009, M. [W] percevait des revenus d'un montant de 8 333,33 euros par mois, il était propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur de 110 000 euros et titulaire de 50% des parts sociales de la SCI Oseraie, propriétaire d'un immeuble d'une valeur de 227 500 euros. Ses charges de crédit étaient retenues à hauteur de 122 000 euros et il était engagé en qualité de caution de la convention compte bancaire souscrite auprès de la banque Marze par la société Thermo'Eco, à hauteur de 40 000 euros.

Il en retient que l'obligation de M.[W] au titre de son engagement de caution du 19 août 2009 représentait dans l'hypothèse d'une défaillance de l'emprunteur principal une mensualité de 17 687,50 euros alors même que les revenus de ce dernier ne dépassait pas 8 333 euros mensuels.

S'agissant de Mme [X] le tribunal retient qu'elle est titulaire à hauteur de 50% des parts sociales de la SCI Oseraie de la même manière que M.[W] évaluées à 227 500 euros et qu'elle n'avait aucun revenu en 2009 et moins de 1 150 euros en 2011.

L'appelante conteste cette analyse pour Mme [X] en ce qu'elle avait produit un bilan prévisionnel de l'activité de sa galerie pour 34 346 euros annuels et fait valoir que le montant du cautionnement était inférieur à deux années de revenus du couple. Quant à M.[W], sur lequel pèse essentiellement la charge de la preuve de la disproportion, il ne fournirait aucun élément démontrant la fausseté de ses propres déclarations dans la fiche de renseignements permettant d'établir la disproportion. Enfin, elle considère que le cautionnement de 40 000 euros qui n'est pas mentionné dans la fiche de renseignement doit être écarté et elle prend en compte un avoir bancaire de septembre 2008 d'un montant de 146 000 euros environ qui aurait disparu des comptes et pour lequel M.[W] ne fournit aucune explication.

M.[W] lui oppose, comme en première instance, que lors de son engagement en tant que caution solidaire, le bien immobilier évalué à 110 000 euros était grevé d'un prêt de 122 000 euros, les parts sociales de la SCI Oseraie ne devaient pas être pris en compte et qu'il ne percevait aucun autre revenu que ceux de son travail, à hauteur d'environ 65 884 euros, enfin que sa compagne n'avait pas pour sa part de revenus fixes. Il conclut que son endettement global était de 762 000 euros et que la somme cautionnée de 652 000 euros, représentait des mensualités de 27 166, 67 euros alors qu'il ne disposait que de 5 490,34 euros de revenus démontrant ainsi que son engagement était disproportionnée à ses biens et revenus.

Au vu de l'avis d'imposition 2009 (revenus 2008), le revenu personnel de M.[W] s'élevait à 72 803 euros l'année précédent l'engagement de caution. L'attestation de M.[B] expert comptable de la société Therm'Eco produit par la banque indique par ailleurs que ses dividendes se sont élevés à la somme de 30 000 euros au terme de l'année 2008.

L'avis d'imposition 2010 sur les revenus 2009, année de son engagement de caution, démontre que les revenus de l'intimé n'ont pas évolué, la part de dividendes étant cependant ignorée.

Mme [X] quant à elle ne disposait d'aucun revenu déclaré en 2009 et l'avis d'imposition 2011 ne faisait état que d'une somme minime de 1 147 euros.

Par ailleurs, M.[W] et Mme [X] ne contestent pas être associés au sein de la société civile immobilière Oseraie, propriétaire de la maison d'habitation de M.[W] et Mme [X] d'une valeur de 455 000 euros grevée par la charge du crédit souscrit auprès de la banque Crédit Mutuel (500 000 euros). Les parts sociales détenues par les intimés dans cette SCI doivent être prises en compte contrairement à ce qu'ils soutiennent afin d'évaluer la disproportion de leurs engagements mais leur valorisation doit être faite en 2009 à leur montant nominal soit 2 500 euros et non à la valeur de l'immeuble.

Ainsi, en août 2009, compte tenu des revenus de M.[W] déclarés à environ 100 000 euros et justifiés par les documents versés aux débats pour l'année 2008, du bien immobilier dont il était propriétaire valorisé à 110 000 euros et de l'emprunt grevant la valeur de cet immeuble, ainsi que de la valeur des parts de la SCI, son patrimoine et ses revenus pouvait être évalués à la somme 212 500 euros. Son endettement à cette période était alors de 162 000 euros (Crédit 110 000 euros et cautionnement antérieur 40 000 euros). Le montant de son engagement à hauteur de 600 000 euros était assurément excessif, comme l'a estimé le premier juge, et cela même à retenir la thèse de la banque concernant le cautionnement antérieur non déclaré dans sa fiche de renseignement et de fonds toujours détenus à hauteur de 146 000 euros, figurant au crédit de son compte bancaire en septembre 2008.

S'agissant de Mme [X] caution solidaire ce qui induit que sa situation soit envisagée à part et pour le tout, il sera rappelé que lorsque la caution n'a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement.

Le banque ne démontre pas avoir demandé à cette dernière de compléter, au jour de leur engagement, une fiche de renseignement relative à sa situation patrimoniale, une telle demande étant toujours facultative.

Mme [X] est ainsi fondée à démontrer par tous moyens la réalité de sa situation patrimoniale au jour de la conclusion de son engagements

Ainsi, en août 2019, compte tenu de l'absence de revenus justifiés par ses avis d'impositions rappelés ci-dessus et des valeurs mobilières dont elle était propriétaire à hauteur de 2 500 euros s'agissant de ses parts sociales dans la SCI Oseraie, et même à supposer qu'elle ait perçu le montant de revenus indiqué sur le prévisionnels de M.[B] expert-comptable concernant l'activité de sa galerie d'art et enfin, n'ait eu aucune charge d'emprunt ou engagement antérieur, le montant de son engagement à hauteur de 600 000 euros était manifestement excessif, comme l'a justement estimé le premier juge.

C'est donc de manière pertinente que le premier juge a retenu que les deux cautions poursuivies ne disposaient pas au jour de l'engagement souscrit de revenus et d'un patrimoine mobilier et immobilier dont la valeur, les rendait apte à répondre de leur engagement.

C'est également à bon droit qu'il a jugé qu'au moment où les cautions ont été appelées, elles n'étaient pas plus aptes à le faire puisque la banque à laquelle incombe la charge de la preuve ne démontre pas que leur situation financière respective avait évolué favorablement et elle leur permettait à ce jour d'y répondre.

Le jugement déféré mérite en conséquence confirmation en ce qu'il a débouté la société Crédit Mutuel d'[Localité 5] de sa demande tendant à voir condamnés M. [L] [U] [W] et Mme [K] [X] solidairement à lui payer la somme de 478 947,14 euros outre intérêts au taux de 1,70 % à compter de la mise en demeure, au titre des engagements de cautions solidaires de la SCI Oseraie du 19 août 2009 .

2- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la Société Crédit Mutuel d'[Localité 5] supportera la charge des dépens de première instance et d 'appel.

L'équité commande en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et il sera alloué à M.[W] et Mme [X] la somme de 2 500 euros chacun, la décision de première instance leur allouant la somme de 1 000 euros chacun étant par ailleurs confirmée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

y ajoutant,

Condamne la Société Crédit Mutuel d'[Localité 5] supportera la charge des dépens de première instance et d 'appel ;

La condamne à payer à M.[L] [W] et Mme [K] [X] la somme de 2 500 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente de chambre et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01202
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;21.01202 ?
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