RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03738 -
N° Portalis DBVH-V-B7F-IGZC
MPF - NR
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
11 octobre 2021
RG :21/03248
[G]
C/
[H]
Grosse délivrée
le 13/10/2022
à Me Laure REINHARD
à Me Romain LEONARD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 11 Octobre 2021, N°21/03248
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2022,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [F] [G]
né le 26 Juin 1976 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [S] [H]
né le 01 Décembre 1999 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Martine VELLY, Plaidant, avocat au barreau de LYON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 13 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS ET PROCÉDURE :
[F] [G] a vendu le 7 février 2021 à [S] [H] un véhicule Mitsubishi L 200 au prix de 16 500 euros. Le vendeur précisait à l'acquéreur qu'il avait effectué l'entretien régulier du véhicule mais qu'il ne détenait pas le carnet d'entretien et n'était pas en mesure de produire les factures, les dépenses d'entretien ayant été réglées par la société dans laquelle il était associé.
Sur assignation de l'acquéreur, le tribunal judiciaire de Nîmes a prononcé la nullité du contrat de vente, condamné [F] [G] à restituer le prix de 16 500 euros ainsi la somme de 2 660,62 euros à titre de dommages-intérêts, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard au-delà d'un délai de trente jours suivant le prononcé du jugement.
Les premiers juges ont en effet estimé que le vendeur avait failli à son obligation d'information en omettant d'informer l'acquéreur de la réalité de l'entretien du véhicule et ont annulé la vente sur le fondement des articles 1112 -1 et 1130 du code civil.
[F] [G] a interjeté appel du jugement le 13 octobre 2021.
PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES:
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par Rpva le 26 juillet 2022, l'appelant demande à la cour de réformer le jugement, de débouter [S] [H] de l'intégralité de ses demandes, de lui rembourser les sommes payées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement et de lui allouer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral outre celle de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[F] [G] estime qu'il s'est acquitté de son obligation d'information et fait grief au tribunal d'avoir inversé la charge de la preuve, la démonstration de l'absence d'entretien régulier du véhicule incombant à l'acquéreur. Il verse aux débats l'attestation du garage qui a régulièrement procédé à l'entretien du véhicule litigieux ainsi que les factures réglées à ce prestataire. L'appelant fait enfin observer à la cour qu'avant le vente, le véhicule litigieux avait été soumis à un contrôle technique lequel n'aurait pas manqué de révéler un défaut d'entretien s'il avait existé. Faute de preuve de manoeuvres dolosives antérieures à la vente, l'appelant conclut au rejet de la demande d'annulation de la vente. Il plaide enfin que les manoeuvres de [S] [H] lui ont causé un préjudice moral.
L'intimé, dans ses dernières conclusions déposées et signifiées par Rpva le 23 août 2022, demande à la cour de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la somme de 4 000 euros au titre de la dépréciation du véhicule et de confirmer le jugement entrepris sauf sur le quantum du préjudice moral, les frais de gardiennage, de location d'un nouveau véhicule, de frais d'assurance. Il sollicite la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[S] [H] reproche au vendeur d'avoir manqué à son obligation précontractuelle d'information en l'assurant que l'entretien régulier du véhicule était effectué sans lui remettre les pièces justificatives l'établissant.
MOTIFS:
Sur l'état d'entretien régulier du véhicule :
[F] [G] a acheté le véhicule en 2017 et l'a revendu le 7 février 2021. Le kilométrage parcouru était de 57731 km lors de l'achat et de 117 743 km lors de la revente.
Il produit diverses factures attestant des prestations d'entretien suivantes:
une facture du 31 juillet 2019 de 379,48 euros correspondant au changement du filtre à huile, du filtre à air, du filtre carburant, de l'huile moteur, des plaquettes de frein avant et de la veilleuse avant-gauche.
une facture du 6 décembre 2018 de 325,18 euros correspondant au remplacement du joint d'injecteur, à l'ajout de six litres d'huile moteur et au changement du filtre à huile.
une facture du 15 octobre 2019 de 73,84 euros correspondant au changement du filtre carburant,
une facture du 17 novembre 2020 de 313,70 euros correspondant au changement du filtre à huile, du filtre à air, du filtre carburant, de l'huile moteur,
Une facture du 13 septembre 2018 de 166,20 euros correspondant au remplacement des plaquettes de frein avant,
une facture du 5 juillet 2018 de 787,44 euros correspondant au remplacement des quatre amortisseurs,
une facture du 15 octobre 2019 d'un montant de 1 113,28 euros correspondant entre autres au changement du filtre à huile et au remplacement de la chaîne de distribution.
La seule facture probante est la dernière, datée du 15 octobre 2019 et établie par le garage Sas Tisseron Dépannage. En effet, cette facture mentionne la marque et le modèle du véhicule réparé ainsi que son numéro d'immatriculation et son kilométrage.
Les autres factures sont établies par le garage FD Auto et ne mentionnent pas les caractéristiques propres à identifier le véhicule réparé, seules les factures du 15 octobre 2019 et celle du 6 décembre 2018 indiquant « L 200 ».
La facture du 31 Juillet 2019 vise quant à elle un tout autre véhicule « Nissan Primas imat 1CA54T révision plus remplacement plaquettes avant », de sorte qu'il est établi avec certitude que la liste des réparations énumérées dans cette facture -changement du filtre à huile, du filtre à air, du filtre carburant, de l'huile moteur, des plaquettes de frein avant et de la veilleuse avant-gauche- ne peuvent avoir été effectuées sur le véhicule litigieux Mitsubishi L 200 immatriculé BM708 DL.
L'attestation établie le 21 juin 2021 par le garage FD AUTO, dont l'identité du signataire reste ignorée, aucune pièce d'identité n'ayant été jointe, n'est pas suffisamment précise pour convaincre la cour que toutes les factures établies par ce garage et produites aux débats par le vendeur concernent des prestations d'entretien effectuées sur le véhicule litigieux Mitsubishi L 200 immatriculé BM708 DL.En effet, au lieu de reprendre la date et le numéro de chaque facture contestée par l'acquéreur, l'attestant s'est contenté d'une formule évasive : « j'atteste avoir eu le véhicule Mitsubishi L 200 immatriculé BM708 DL régulièrement en entretien courant: vidanges, révisions, plaquettes et pneumatiques, et que les factures ci-jointes correspondent à l'immatriculation du véhicule ».
Cette attestation est par ailleurs inexacte en ce qui concerne une des factures, celle du 31 juillet 2019 visant un autre véhicule « Nissan Primas imat 1CA54T ».
L'imprécision et l'inexactitude au moins partielle du contenu de cette attestation ne permet pas de considérer qu'elle est suffisamment fiable pour établir que les factures d'entretien contestées par l'acquéreur concernent le véhicule Mitsubishi.
Il n'est donc pas établi que le véhicule vendu à [S] [H] a été régulièrement entretenu par son propriétaire, une seule révision complète ayant été effectuée en quatre ans alors que le véhicule avait parcouru au cours de la même période plus de 60 000 km.
Sur le manquement à l'obligation précontractuelle d'information:
L'article L 1112-1 du code civil dispose que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette intervention ou fait confiance à son cocontractant.
Cette nouvelle disposition a instauré une véritable obligation de transparence contractuelle fondée sur l'exigence de bonne foi des contractants.
Alors que [S] [H] l'a interrogé sur l'état d'entretien du véhicule qu'il projetait d'acheter, [F] [G] l'a assuré que le véhicule avait été régulièrement entretenu mais qu'il ne pouvait en justifier, ne détenant pas le carnet d'entretien et ne pouvant produire les factures des prestations d'entretien au motif qu'elles avaient été libellées au nom de sa société.
Alors que le vendeur a affirmé que le véhicule avait été régulièrement entretenu, les pièces justificatives versées aux débats prouvent le contraire. La cour en déduit, à l'instar du tribunal, qu'il a sciemment dissimulé à son cocontractant que le véhicule n'avait pas été régulièrement entretenu, information déterminante s'agissant de l'achat d'un véhicule d'occasion de l'année 2011 et d'un kilométrage de 117 143 kms. Le manquement du vendeur à son obligation précontractuelle d'information sur l'état d'entretien réel du véhicule d'occasion vendu a été sciemment commis dans l'intention de provoquer dans l'esprit de l'acquéreur une erreur déterminante de son consentement. Le défaut de remise des factures d'entretien qu'il détenait pourtant corrobore la volonté délibérée de cacher à son cocontractant que le véhicule n'avait pas fait l'objet d'un entretien sérieux et régulier. Le seul fait que les factures d'entretien étaient établies au nom de la sarl [G] ne justifie en rien qu'il se dispense de les communiquer à son cocontractant et apparaît dès lors comme un prétexte procédant de la mauvaise foi et destiné exclusivement à éviter que l'acquéreur se rende compte de l'état réel d'entretien du véhicule.
Le non-respect de l'obligation précontractuelle d'information permet au contractant de demander l'annulation du contrat lorsqu'il en résulte un dol, le dernier alinéa de l'article 1112-1 du code civil disposant: « ['] le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».
Le tribunal a donc à juste titre prononcé la nullité du contrat de vente et le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur les restitutions :
Le tribunal a condamné [F] [G] à restituer le prix de vente de 16 500 euros.
Il n'a pas été statué sur la restitution du véhicule, mais l'appelant expose qu'en vertu de l'exécution provisoire du jugement, il a récupéré le véhicule.
[F] [G] déplore que lors de sa restitution, le véhicule n'était plus en état de rouler et estime que les dégradations causées au véhicule et constatées par huissier doivent être prises en charge par l'intimé en application de l'article 1352-1 du code civil.
Il estime que la valeur du véhicule a été dépréciée de moitié et qu'il ne saurait être condamné à restituer la totalité du prix de vente mais seulement la moitié soit 8 250 euros.
[S] [H] explique que le moteur a été en partie démonté pour remplacer le turbo, qu'il n'a pas été remonté pour éviter un surcoût de main d'oeuvre et qu'il reste aisé à remonter: il conteste la réalité des dégradations alléguées par l'appelant.
Dans son procès-verbal de constat du 17 février 2022, réalisé le lendemain de la restitution du véhicule, Maître [R] [E], huissier de justice, a constaté après ouverture du capot que le boîtier papillon, la durite du turbo et les bougies de préchauffage étaient manquantes, que la batterie était déchargée, que la protection sous le moteur était enfoncée, que des traces de corrosion et de rouille importantes apparaissaient sur le châssis du moteur et le bas de caisse, que les fixations des marche-pieds et la traverse arrière étaient tordues et que la carrosserie présentait des rayures en de nombreux endroits.
L'huissier a par ailleurs constaté qu'à proximité du véhicule se trouvaient les éléments manquants du moteur, à savoir la durite du turbo, le boîtier papillon et les bougies de préchauffage, éléments démontés et restitués en même temps que le véhicule.
Le simple démontage desdits éléments et le fait que la batterie soit déchargée ne constituent pas des dégradations du véhicule que l'acquéreur serait tenu d'indemniser en application de l'article 1352-1 du code civil. Quant aux autres dégradations constatées par l'huissier, l'appelant ne rapporte pas la preuve qu'elles sont imputables à l'acquéreur et qu'elles n'existaient pas avant la vente, s'agissant d'un véhicule d'occasion mis en circulation en 2011 et ayant été utilisé par de nombreux conducteurs, [F] [G] l'ayant laissé à la disposition de son entreprise pendant près de deux ans. La seule mention suivante figurant dans le procès-verbal de constat: « Monsieur [B] me confirme avoir été chargé par le requérant de l'entretien du véhicule et que le véhicule était en très bon état lors de la vente et certainement pas dans l'état dans lequel il le découvre ce jour » ne suffit pas à établir l'implication de [S] [H] dans les dégradations déplorées par l'appelant.
Le jugement sera donc confirmé en ce qui concerne la restitution du prix de vente de 16 500 euros.
Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'intimé les frais de remorquage du véhicule, les frais liés à la restitution devant être supportés par le vendeur dont la faute est à l'origine de l'annulation de la vente.
Sur les dommages-intérêts :
Le tribunal a condamné le vendeur à payer la somme de 2 160,62 euros déboursée par l'acquéreur pour remplacer le turbo du moteur. La réalité de cette réparation, justifiée par la production d'une facture, n'est pas sérieusement contestable. Elle est corroborée par le procès-verbal de constat d'huissier du 17 février 2022 qui a relevé la présence d'un turbo neuf à l'intérieur du moteur. Le vendeur ayant récupéré son véhicule dont le turbo défectueux a été remplacé par un turbo neuf, il est tenu de supporter la charge de ce remplacement, peu important que l'intimé ne justifie pas du règlement effectif de cette réparation.
Le premier juge à bon droit a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre des frais de gardiennage non justifiés et des frais d'assurance du véhicule inhérents à sa détention. Le jugement sera confirmé sur ces points.
La demande d'indemnisation du préjudice financier lié aux frais de location de véhicule sera également rejetée car insuffisamment justifiée.
Le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice moral et sa décision sera confirmée.
Tout juge pouvant, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution du jugement aux termes de l'article L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité justifie de condamner [F] [G] à payer à [S] [H] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute [S] [H] de sa demande d'indemnisation du préjudice financier lié aux frais de location de véhicule,
Condamne [F] [G] à payer à [S] [H] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,