RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/03468 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H4O5
AV
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
17 décembre 2020 RG :20/02184
S.A.R.L. GESDIFET
C/
S.C. MONKEUR
Grosses envoyées le 09 novembre 2022 à :
- Me FLOUTIER
- Me PELLEGRIN
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 17 Décembre 2020, N°20/02184
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Christine CODOL, Présidente de chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère.
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.R.L. GESDIFET, Société à responsabilité limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NIMES sous le numéro 439 859 786, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social,
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Romain FLOUTIER de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.C. MONKEUR, société civile immobilière au capital de 1000 € immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NÎMES sous le numéro 507 472 546, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me DELER Marion, substituant Me Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Christine CODOL, Présidente de chambre, le 09 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'appel interjeté le 24 décembre 2020 par la SARL Gesdifet à l'encontre du jugement prononcé le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes, dans l'instance n°20/02184
Vu la signification en date du 5 mars 2021 de la déclaration d'appel à la SCI Monkeur,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 17 septembre 2021 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 mai 2021par l'intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l'ordonnance en date du 24 mars 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 29 septembre 2022
La SARL Gesdifet (le preneur) vient aux droits d'une société commerciale, dont elle a acquis le droit au bail, par acte notarié du 22 décembre 2016. Cette société cédante était titulaire d'un bail notarié à usage commercial du 24 décembre 2008, ayant pris effet le 1er janvier 2009, portant sur un local dans un ensemble immobilier situé [Adresse 5] (30).
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 juin 2017, le preneur a demandé au bailleur de procéder au remplacement de l'installation de chauffage et de climatisation défectueuse.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juin 2017, le bailleur a répondu que le remplacement de l'installation de chauffage était la charge du locataire.
Par acte d'huissier du 6 novembre 2017, le preneur a assigné le bailleur devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de suspension du paiement des loyers, à titre principal, ou aux fins de leur consignation, à titre subsidiaire.
Suivant arrêt en date du 25 octobre 2018, la cour d'appel de Nîmes a infirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes du 21 mars 2018 qui avait autorisé le preneur à consigner le montant des loyers pendant une durée d'une année.
Suivant ordonnance du 24 avril 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes a débouté le preneur de sa demande d'expertise judiciaire afin, notamment, d'établir la réalité du non-fonctionnement du système chauffage et de climatisation.
Par acte d'huissier du 28 avril 2020, le preneur a assigné le bailleur devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins notamment, à titre principal, de le voir condamner à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation, sous astreinte, ainsi que les travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, et, à titre subsidiaire, voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire aux fins d'établir si les travaux de réfection sont de nature à porter atteinte à la structure de l'immeuble et si les désordres sont imputables à la vétusté de l'immeuble et du système de chauffage et de climatisation.
Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes a notamment :
-rejeté la demande principale de condamnation à réaliser des travaux sous astreinte
-ordonné une mesure d'expertise judiciaire
-rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-réservé les dépens de l'instance.
Le 24 décembre 2020, le preneur a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en ce qu'elle a rejeté sa demande principale de condamnation du bailleur à réaliser les travaux sous astreinte, ordonné une expertise, commis pour y procéder Monsieur [L] [H], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Nîmes, avec sa mission complète, rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens de l'instance.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2021, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 606, 1719, 1720 et 1755 du code civil, de :
Recevant l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes,
Le disant bien fondé,
-Réformer le dit jugement dans toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
A titre principal,
-Dire et juger que les travaux de remise en état de l'installation de chauffage et de climatisation sont occasionnés par la vétusté
-Dire et juger que les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation atteindront la structure de l'immeuble dans la mesure où ils nécessiteront de lourdes interventions sur la toiture et le plafond
-Dire et juger que les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation sont à la charge exclusive du bailleur, suivant acte authentique en date du 24 décembre 2008
-Condamner le bailleur à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation des locaux commerciaux pris à bail, suivant acte authentique en date du 24 décembre 2008, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
-Condamner le bailleur à réaliser les travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir
A titre subsidiaire et avant dire-droit,
-Ordonner une mesure d'expertise judiciaire avant-dire droit
-Commettre, à cet effet, l'expert judiciaire qu'il plaira de désigner à la cour
-Dire et juger que la mission de l'expert judiciaire est la suivante :
Prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés et autres
Se rendre sur les lieux du litige, après y avoir convoqué les parties,
Examiner les désordres affectant le système de chauffage et de climatisation (absence de chauffage l'hiver et de climatisation l'été) et les trappes de désenfumage,
Décrire les désordres, en indiquer la nature, l'étendue, l'importance et en rechercher la cause,
Préciser la date d'apparition des désordres dans toutes leurs composantes, leur ampleur et leurs conséquences ;
Préciser de façon motivée si les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou si, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, ils le rendent impropre à sa destination ; dans le cas où ces désordres constitueraient des dommages affectant l'ouvrage dans un de ses éléments d'équipement sans rendre l'immeuble impropre à sa destination, dire si cet élément fait ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, fondation, ossature, clos ou couvert;
Dans l'affirmative, préciser si ces désordres affectent la solidité du système de chauffage et de climatisation ou son bon fonctionnement ,
Dire si les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation intégré à l'immeuble sont de nature à porter atteinte à la structure de l'immeuble,
Donner tous éléments motivés sur les causes et origines des désordres dont il s'agit en précisant s'ils sont imputables au bailleur ,
Dire si l'origine des désordres est imputable à la vétusté de l'immeuble et du système de chauffage et de climatisation,
Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer le coût des travaux à mettre en 'uvre ;
Fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres et non conformités contractuelles, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état
Dire si des travaux urgents sont nécessaires, soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible
Faire toutes observations utiles au règlement du litige
En tout état de cause,
-Débouter le bailleur de toutes ses demandes, fins et conclusions
-Condamner le bailleur à porter et payer à l'appelante la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
L'appelante fait grief au jugement déféré de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation du bailleur à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation des locaux commerciaux pris à bail aux motifs qu'il n'y avait pas de certitude en l'état du dossier permettant de démontrer la faute du bailleur et son obligation de prendre en charge les réparations.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante explique que, si l'expert judiciaire désigné venait à considérer que les travaux utiles à la reprise des désordres incombaient au bailleur, elle ne serait plus recevable à engager une procédure à son encontre afin de l'entendre à réaliser les travaux sous astreinte, du fait de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision du 17 décembre 2020 qui l'a déboutée d'une telle demande.
L'appelante reproche au tribunal judiciaire de ne pas avoir statué sur le moyen tenant aux conséquences de la vétusté de l'installation de chauffage/climatisation alors que les travaux de remise en état d'une telle installation sont à la charge exclusive du bailleur lorsqu'ils sont occasionnés par la vétusté, et ce, même lorsque le contrat de bail commercial met à la charge du locataire les réparations visées à l'article 606 du code civil.
L'appelante précise que le bailleur ne peut sérieusement soutenir que le système de chauffage/climatisation ne serait pas dans le bail alors qu'il l'est depuis l'origine même de la création de l'immeuble et de la zone dite « Ville Active » il y a plus de trente ans ; que le prix de cession du droit au bail de 30 000 euros n'a rien à voir avec le système de chauffage/climatisation qui n'a jamais constitué un élément de négociation; que la société qui lui a cédé le droit au bail était en liquidation judiciaire et ne lui a jamais remis l'état des lieux, contrairement à la clause de style contenue dans l'acte notarié du 22 décembre 2016.
L'appelante indique qu'afin de rapporter la preuve des carences mises en exergue par la cour d'appel, dans son arrêt du 25 octobre 2018, elle a mandaté un huissier de justice qui a constaté que le système de chauffage/climatisation était intégré dans la toiture.
S'agissant des travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, l'appelante expose que si les trappes ont été remplacées, les raccordements n'ont jamais été effectués ; que les trappes sont désormais en permanence coincées en position fermée.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2021, l'intimée demande à la cour, au visa de l'article 606 du code civil, de :
-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le preneur de sa demande aux fins de condamnation de le bailleur à exécuter des travaux
-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise et statuant à nouveau sur ce dernier point,
-Débouter le preneur de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
-Condamner le preneur à payer au bailleur la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner le preneur aux dépens de première instance et d'appel.
A l'appui de son appel incident, l'intimée fait valoir que le tribunal ayant justement considéré que les travaux litigieux ne lui incombaient pas, la mesure d'expertise ordonnée est sans objet et que les chefs de mission que l'appelante se proposait de confier à l'expert ne tendaient qu'à lui permettre de rapporter une preuve, au demeurant incertaine, qui lui fait défaut depuis le départ et qui a déjà abouti par deux fois au rejet de ses demandes.
L'intimée indique que le bail conclu en 2008 n'est pas soumis aux dispositions de l'article R. 145-35 du code de commerce qui mettent à la charge du bailleur les grosses réparations visées à l'article 606 du code civil ainsi que les travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le local loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors que ces travaux relèvent des grosses réparations ; que la convention conclue en 2008 prévoyait que le bailleur aurait la seule charge des grosses réparations définies à l'article 606 du code civil ; que la climatisation n'étant pas assimilable aux gros murs, aux voûtes, aux poutres et couvertures entières, sa réparation n'entre pas contractuellement dans les obligations du bailleur.
L'intimée précise que la clause par laquelle « le preneur prendra les lieux dans leur état, sans pouvoir exiger aucune réparation » interdit au preneur, qui a ainsi accepté la vétusté, de réclamer le coût des réparations au bailleur ; que le preneur ne pouvait ignorer l'état de ces installations, lors de la proposition d'achat du droit au bail, et c'est probablement cette vétusté qui l'a conduit à faire accepter une proposition d'achat du droit au bail commercial à hauteur de 30 000 euros, provisionnant ainsi indirectement et indéniablement le coût des travaux de remise en état.
L'intimée soutient également qu'en se gardant de communiquer l'état des lieux dont elle a expressément reconnu la délivrance dans l'acte d'achat du droit au bail, le preneur ne fait qu'alimenter la suspicion sur l'existence de cet élément d'équipement dans le périmètre contractuel du bail qu'il a acquis.
L'intimée réplique que l'huissier de justice qui a constaté que les deux compresseurs installés en toiture feraient « corps avec le plafond » et en déduit que le système serait « indissociable de l'immeuble sans porter atteinte à la structure », n'a fait que reprendre les affirmations du preneur ; que le diagnostic dont se prévaut l'appelante n'établit pas en quoi les compresseurs seraient indissociables du bâti, c'est-à-dire qu'il serait techniquement impossible de les réparer ou de les remplacer, sans affecter la solidité et la structure, sachant que la panne n'affecte manifestement que la machinerie et que le clos et le couvert du bâtiment ne sont nullement en cause.
S'agissant des évacuations de fumée en toiture, l'intimée précise que les travaux ont été menés à bien.
MOTIFS
1) Sur l'installation de chauffage/climatisation
Au terme de l'article 606 du code civil, "Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien".
Il résulte de l'article 1755 du code civil qu'aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.
En l'occurrence, le bail notarié du 24 décembre 2008 a mis à la charge du bailleur les grosses réparations énumérées à l'article 606 du code civil. Ces grosses réparations s'entendent de celles qui affectent la structure des ouvrages, ainsi que le clos et le couvert.
Le bail ne contient par ailleurs aucune clause déchargeant le bailleur des travaux rendus nécessaires par la vétusté.
Suivant procès-verbal du 24 décembre 2019, l'huissier de justice mandaté par le preneur, qui est monté sur le toit de l'immeuble donné à bail, a constaté que les deux compresseurs de la climatisation, protégés par une structure métallique, étaient intégrés dans la toiture ; à partir de l'intérieur du local, il a également constaté que la structure était totalement imbriquée et faisait corps avec le plafond dans la continuité de la structure installée, déjà constatée à l'extérieur sur le toit.
Toutefois, ces constatations non effectuées contradictoirement ne permettent pas à elles seules d'établir, de manière certaine, que le remplacement du compresseur de la climatisation affecterait la structure du bâtiment et constituerait des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil.
Le preneur indique ne pas être en possession de l'état des lieux qui aurait été établi, lors de l'entrée du précédant locataire au 1er janvier 2009. Le bailleur ne produit pas non plus ce document.
Le compte-rendu d'intervention de diagnostic du 17 octobre 2017, versé au débat par le preneur, mentionne que la pompe à chaleur date de 1989, qu'elle présente une usure normale au bout de vingt-huit ans, qu'elle n'est pas rechargeable en gaz R22 désormais interdit et qu'elle n'est pas économiquement réparable.
Ce compte-rendu laisse penser que, lors de la conclusion du bail du 24 décembre 2008, les locaux pouvaient avoir été déjà équipés du système de climatisation chauffage, intégré en toiture.
L'existence d'une clause dans un contrat de bail, aux termes de laquelle le preneur prend les lieux dans leur état actuel, au jour de l'entrée en jouissance, ne saurait dispenser le bailleur, ni de son obligation de délivrance conforme, ni de son obligation de prendre en charge les grosses réparations. Cette clause ne peut concerner que l'état dont le locataire a pu se convaincre, lors de la conclusion du bail.
En l'espèce, il n'est pas établi que les désordres affectant la climatisation étaient déjà présents, lorsque le premier preneur est entré dans les lieux le 1er janvier 2009. Ils n'étaient pas non plus apparents, lorsque l'appelante a acquis le droit au bail, le 22 décembre 2016; ce n'est que lorsqu'elle a voulu faire fonctionner la climatisation, au cours de l'été suivant, qu'elle a constaté qu'elle n'était pas efficace, ce qui est confirmé par le diagnostic d'un technicien du 17 octobre 2017 qui précise que le rendement en chaud par 18° d'extérieur est d'environ la moitié de la puissance et que les constats de défaillance des compresseurs sont les mêmes en chaud et en froid.
Une mesure d'expertise judiciaire s'avère donc nécessaire pour confirmer que, lors de la conclusion du bail, l'installation de chauffage climatisation faisait partie des éléments équipant les lieux et qu'il appartient donc bien au bailleur de la maintenir en bon état de marche. Il est également utile pour la solution du litige que l'expert précise si les réparations du système de chauffage climatisation affecteront la structure de l'immeuble.
L'expertise instaurée par le jugement du 17 décembre 2020 est devenue caduque du fait du non versement par le preneur de la consignation mise à sa charge. Il convient, par conséquent, d'ordonner une nouvelle mesure d'instruction aux frais avancés du preneur.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté le preneur de sa demande principale de condamnation à réaliser des travaux de réfection du système de chauffage climatisation, sans attendre le résultat de la mesure d'instruction ordonnée.
Statuant à nouveau, il convient de surseoir à statuer sur une telle demande dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire.
2) Sur les évacuations de fumée en toiture
Le bailleur a fait procéder au remplacement des trappes de désenfumage. Toutefois, il ne démontre pas avoir fait raccorder les trappes par une entreprise agréée alors que la facture du 11 octobre 2019 dont il s'est acquitté mentionne que cette prestation doit être exécutée par la suite.
Il convient, par conséquent, d'infirmer le jugement sur ce point et statuant à nouveau, de condamner le bailleur à réaliser les travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt pendant une durée de 3 mois.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la SARL Gesdifet de sa demande principale de condamnation à réaliser des travaux de réfection du système de chauffage climatisation et des travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, sous astreinte
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SCI Monkeur à réaliser les travaux nécessaires au bon fonctionnement des trappes de désenfumage, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et pendant une durée de 3 mois,
Constatant la caducité de la mesure d'expertise judiciaire ordonnée,
Avant dire droit, sur la demande de condamnation de la SCI Monkeur à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage climatisation
Ordonne une mesure d'expertise
Commet pour y procéder Monsieur [H] [L] [W] Ingénierie Le Polygone, [Adresse 7] Tél : [XXXXXXXX01] - Mèl : [Courriel 8] avec pour mission de:
-Convoquer les parties et leurs conseils
-Se rendre sur les lieux donnés à bail à la SARL Gesdifet situés [Adresse 5]
-Prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés et autres
-Examiner le système de chauffage et de climatisation
-Dans la mesure du possible, indiquer la date du système de chauffage et de climatisation et préciser notamment s'il a été mis en place, lors de la construction du bâtiment, ou à une époque ultérieure
-Décrire les désordres, en indiquer la nature, l'étendue, l'importance et en rechercher la cause,
-Préciser la date d'apparition des désordres dans toutes leurs composantes, leur ampleur et leurs conséquences ;
-Préciser de façon motivée si les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou si, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, ils le rendent impropre à sa destination ; dans le cas où ces désordres constitueraient des dommages affectant l'ouvrage dans un de ses éléments d'équipement sans rendre l'immeuble impropre à sa destination, dire si cet élément fait ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, fondation, ossature, clos ou couvert
-Dans l'affirmative, préciser si ces désordres affectent la solidité du système de chauffage et de climatisation ou son bon fonctionnement ,
-Dire si les travaux de réfection du système de chauffage et de climatisation intégré à l'immeuble sont de nature à porter atteinte à la structure de l'immeuble,
-Donner tous éléments motivés sur les causes et origines des désordres dont il s'agit en précisant s'ils sont imputables au bailleur ,
-Dire si l'origine des désordres est imputable à la vétusté de l'immeuble et du système de chauffage et de climatisation,
-Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer le coût des travaux à mettre en 'uvre -Fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres et non conformités contractuelles, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état
-Dire si des travaux urgents sont nécessaires, soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible
-Faire toutes observations utiles au règlement du litige
Dit que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu'il pourra, conformément aux dispositions de l'article 278 du code de procédure civile, s'adjoindre d'initiative un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne,
Dit que la SARL Gesdifet devra consigner par chèque libellé à l'ordre du régisseur des avances et des recettes de la cour d'appel de Nîmes dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision la somme de 1 500 euros afin de garantir le paiement des frais et des honoraires d'expert,
Dit qu'à défaut de consignation selon les modalités fixées, la désignation de l'expert sera caduque à moins que le magistrat chargé du contrôle de l'expertise, à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime, ne décide d'une prorogation du délai ou du relevé de forclusion,
Dit que s'il estime insuffisante la provision fixée, l'expert devra, lors de la première convocation ou au plus tard lors de la deuxième, dresser un programme de ses investigations et évaluer de manière aussi précise que possible le montant de ses honoraires et débours,
Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la cour dans le délai de six mois à compter du versement de la consignation à moins qu'il refuse la mission,
Désigne le président de la chambre en qualité de magistrat chargé du contrôle des expertises, ou tout magistrat délégué par lui,
Dit que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées, les entendre en leurs observations et répondre à leurs dires,
Dit que l'expert devra déposer son pré-rapport au résultat de ses investigations et recueillera les avis des parties sous forme de dires auxquels il devra répondre dans son rapport d'expertise,
Dit qu'en application des dispositions de l'article 173 du code de procédure civile, l'expert devra remettre une copie de son rapport à chacune des parties, ou à leurs représentants, en mentionnant cette remise sur l'original,
Dit que si les parties viennent à se concilier, elles peuvent demander au magistrat chargé du contrôle de l'expertise de donner force exécutoire à leur accord,
Dit qu'il sera pourvu au remplacement de l'expert dans les cas, conditions et formes des articles 234 et 235 du code de procédure civile,
Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du jeudi 2 février 2023 à 9:30
pour vérifier le versement de la consignation, et prendre toutes mesures utiles du fait de ce versement ou non versement,
Sursoit à statuer sur la demande de condamnation de la SCI Monkeur à réaliser les travaux de réfection du système de chauffage climatisation
Réserve les dépens et les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par Madame Christine CODOL, Présidente de chambre, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE