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15/11/2022 | FRANCE | N°19/03776

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 15 novembre 2022, 19/03776


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 19/03776 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQBN



LD/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

05 septembre 2019 RG :F17/00056



[S]



C/



Société SUEZ VR MEDITERRANEE

S.A.S. SUEZ RV MEDITERRANEE - [Adresse 4]



















Grosse délivrée

le

à







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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 05 Septembre 2019, N°F17/00056



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mad...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 19/03776 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQBN

LD/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

05 septembre 2019 RG :F17/00056

[S]

C/

Société SUEZ VR MEDITERRANEE

S.A.S. SUEZ RV MEDITERRANEE - [Adresse 4]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 05 Septembre 2019, N°F17/00056

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [I] [S]

né le 14 Juin 1970 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Savine DEMARQUETTE MARCHAT, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

Société SUEZ VR MEDITERRANEE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Florian GROBON de la SELARL ELECTA JURIS, avocat au barreau de LYON

S.A.S. SUEZ RV MEDITERRANEE - ENTRAIGUES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Ordonnance de clôture du 23 Août 2022, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [I] [S] a été engagé à compter du 21 février 2005, suivant contrat à durée indéterminée signé le 11 février 2005, en qualité de conducteur d'engins, par la société Sita Sud, devenue la SAS Suez RV Méditerranée.

A compter du 1er janvier 2014, M. [S] occupait le poste d'agent qualifié d'exploitation. Il était affecté sur le site d'[Adresse 4].

Le 2 janvier 2017, une altercation violente opposait M. [S] à un autre salarié, M. [N] [X]. Suivant certificat initial du 2 janvier 2017 prolongé le 9 janvier 2017, M. [S] était placé en accident de travail.

Par lettre recommandée du 18 janvier 2017, la société Suez RV Méditerranée notifiait à M. [S] une mise à pied disciplinaire de deux jours.

Par lettre remise en main propre le 31 janvier 2017, M. [S] était convoqué à un entretien préalable fixé le 10 février 2017, en vue d'un éventuel licenciement, avec une mise à pied à titre conservatoire.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 février 2017, M. [S] était licencié pour faute grave aux motifs suivants :

« (') vous avez été embauché au sein de notre société en date du 21 février 2005 avec reprise

d'ancienneté au 21 novembre 2004, sur notre site de traitement situé à [Adresse 4], en qualité de conducteur d'engins.

Depuis 2014, vous occupez la fonction d'agent qualifié d'exploitation, statut ouvrier, coefficient

118.

Nous avons eu connaissance de faits dont vous êtes l'auteur et avons découvert qu'ils se produisaient depuis plusieurs années sur notre site. Vous avez été surpris, en dehors de vos horaires de travail, en train de siphonner les réservoirs d'engins présents sur le site à des fins personnelles.

Des photos nous ont été communiquées prouvant expressément que vous videz le réservoir du compacteur pour remplir un bidon. Vous avez été vu à plusieurs reprises en train de remplir des bidons de 20 L et 50 L. Ces faits ont été confirmés par le constat d'un niveau anormal de consommation de carburant d'un de nos engins, le compacteur.

Face à ce constat, nous avons installé un bouchon sécurisé afin de bloquer l'accès au réservoir du compacteur : la comparaison des consommations avant et après l'installation du bouchon démontre une consommation moindre de carburant après sa mise en place.

Un de nos sous-traitants nous a par ailleurs informés que ses engins avaient été siphonnés lors de ses interventions sur le site d'[Adresse 4]. Alors que ses engins sont restés tout un week-end, inutilisés sur le site, avec un réservoir plein au moment du départ, le réservoir n'était plus plein lundi matin, lors de leur utilisation et ce à 2 reprises.

Enfin, nous avons été informés que vous avez proposé de vendre du gasoil à des personnes quifréquentent la déchetterie du site !

Vos agissements sont graves : ils sont constitutifs de vol de carburant appartenant à la société, ils constituent une violation des dispositions du règlement intérieur de SUEZ RV MEDITERRANEE (')

Par ces man'uvres, vous faites du détournement de biens appartenant à l'entreprise à des fins personnelles. Vous vous êtes organisé de manière délibérée et ce, avant ou après, votre prise de poste. Votre attitude traduit une violation de vos obligations professionnelles dans le cadre de l'exécution de vos missions d'agent qualifié d'exploitation, missions qui exigent de par leur nature, autonomie et confiance.

Vous avez commis des faits graves alors que nous attendons de nos salariés, professionnalisme et honnêteté.

Ces agissements sont d'autant moins admissibles qu'ils caractérisent également un véritable mépris du règlement intérieur, alors même que nous sommes employés au sein de notre société depuis plus de 10 ans. Le vol et le détournement de biens portent gravement atteinte à l'image de notre entreprise et nous mettent en position de violation de nos obligations contractuelles, professionnelles et commerciales.

Nous ne pouvons pas tolérer de tels agissements. Votre comportement n'est pas compatible à la poursuite de votre contrat de travail. (') ».

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, M. [S] saisissait le conseil de prud'hommes d'Orange le 14 avril 2017 aux fins de voir annuler sa mise à pied disciplinaire du 26 et 27 janvier 2017 et voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement contradictoire du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes d'Orange a :

- débouté M. [I] [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [I] [S] à payer à la SAS Suez RV Méditerannée, prise en la personne de son représentant légal en exercice, la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] [S] aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 27 septembre 2019, M. [S] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 août 2022, M. [I] [S] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé

- révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 23 août 2022 et admettre aux débats les présentes écritures en réponse à celles notifiées par l'employeur le 26 août 2022

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Orange du 5.09.2019

- annuler la mise à pied disciplinaire du 26 et 27 janvier 2017

- condamner la SAS Suez RV Méditerranée à lui porter et payer, les sommes suivantes :

* rappel de salaires sur mise à pied disciplinaire : 167,44 euros

* congés payés sur mise à pied disciplinaire 10% : 17,74 euros

- dire et juger son licenciement, sans cause réelle et sérieuse et abusif

- annuler sa mise à pied conservatoire du 31 janvier 2017 au 18 février 2017

- condamner la SAS Suez RV Méditerranée à lui porter et payer, les sommes suivantes :

* rappel de salaires sur mise à pied conservatoire du 31 janvier 2017 au 18 février 2017: 1590,68 euros brut

* indemnité compensatrice de congés payés sur rappels de salaire sur mise à pied conservatoire :159,06 euros brut

* indemnités compensatrice de préavis : 4 400 euros brut

* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 440 euros brut

* indemnité de licenciement : 5 424 euros

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:26 400 euros

- dire et juger que les sommes produiront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes d'Orange

- ordonner la capitalisation des intérêts

- constater que la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élève à la somme de 2 200 euros brut

- débouter la SAS Suez RV Méditerranée de toutes ses demandes, fins et conclusions

- condamner la SAS Suez RV Méditerranée à lui porter et payer une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- l'irrecevabilité de la prescription soutenue par l'employeur n'est pas fondée s'agissant d'une fin de non-recevoir destinée à répondre aux conclusions et pièces adverses.

- les faits fautifs figurant dans la lettre de licenciement sont prescrits dans la mesure où l'employeur a eu connaissance des faits de vol reprochés au salarié antérieurement aux 2 mois précédents l'engagement des poursuites ( depuis au moins 2012) mais a laissé faire.

- l'employeur n'a organisé aucune enquête réelle et contradictoire, pour vérifier si oui ou non il avait pu commettre des vols ou avait eu un comportement inadéquat dans l'entreprise.

-l'employeur n'apporte aucune preuve qu'il était sur le site en dehors de ses heures de travail. Par ailleurs, il n'a jamais déposé plainte à son encontre pour des vols, il n'y a jamais eu

signalement antérieur à son encontre.

- sa mise à pied disciplinaire des 26 et 27 janvier 2017 n'est pas justifiée car c'est lui qui a été victime d'une agression de la part d'un autre salarié, ce qui l'a conduit aux urgences.

- il n'a commis la moindre faute, qui plus est avoir volé son employeur.

- les photos produites aux débats par l'employeur ne démontrent pas qu'il a volé du gasoil

dans les engins situés sur le site d'[Adresse 4]. Elles ne sont ni datées, ni probantes.

- il a subi un préjudice économique et moral important : il a été licencié alors même qu'il avait été agressé sur son lieu de travail le 2 janvier 2017 et qu'il est innocent des faits de vol dont on l'accuse ; il a perdu son emploi et s'est retrouvé dans une situation financière catastrophique.

En l'état de ses dernières écritures en date du 26 août 2022, la SAS Suez RV Méditerranée demande à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 23 août 2022 et admettre aux débats les présentes écritures en réponse à celles signifiées le 11 août par M. [I] [S]

- déclarer M. [I] [S] irrecevable à invoquer la prétendue prescription des faits fautifs fondant son licenciement.

- confirmer le jugement entrepris rendu par le conseil de prud'hommes d'Orange le 5 septembre 2019 sous le numéro RG 17/00056, Minute n°19/130,

- débouter M. [S] de son appel,

- dire et juger que la sanction de mise à pied disciplinaire en date des 26 et 27 janvier 2017 pour les faits du 2 janvier 2017 est justifiée et fondée : débouter

en conséquence M. [S] de ses demandes attachées à cette mise à pied disciplinaire

- dire et juger que le licenciement de M. [S] repose bien sur une faute grave caractérisée et, a fortiori et en tout état de cause, sur une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes qui, en tant que telles, demeurent aussi exorbitantes qu'injustifiées ;

- condamner M. [S] à lui payer une indemnité de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- la mise à pied disciplinaire des 26 et 27 janvier 2017 est justifiée car, même si c'est M.[X] qui a été violent envers M. [S], ce dernier n'était pas exempt de toute responsabilité dans cette altercation dès lors qu'il avait participé à des échanges provoquants et agressifs vis-à-vis de M. [X].

- contrairement aux allégations de M. [S], les faits sont parfaitement établis et

caractérisés tel que cela ressort : de la lettre de M. [X] du 16 janvier 2017 accompagnée de photos ne laissant place à aucune ambiguïté et de l'enquête interne qui a permis de recueillir certains témoignages confirmant les accusations portées par M. [X] à l'encontre de M. [S], à savoir un vol de gasoil dans les réservoirs d'engins présents sur le site.

- les fautes du salarié sont d'autant plus graves que d'une part, il a profité des ses fonctions

et responsabilités pour abuser de la confiance de l'employeur, et d'autre part ces faits sont expressément interdits par le règlement intérieur.

- M. [S] pouvait entrer et sortir librement sur le site et circuler ensuite non moins librement, ce qui lui permettait parfaitement d'emporter les bidons de gasoil siphonnés.

- la demande de dommages et intérêts de M. [S] est injustifiée et exorbitante dans la mesure où ce n'est pas lui qui a subi un préjudice mais bien l'employeur et que, de surcroît, il n'avait que 12 ans d'ancienneté.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer expressément à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 août 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 07 septembre 2022.

A cette audience il a été fait droit aux demandes des parties visant au rabat de l'ordonnance de clôture et à l'admission de leurs écritures respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée avant les débats.

MOTIFS

Sur la recevabilité du moyen tiré de la prescription :

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Par ailleurs il résulte des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Enfin, selon l'article 910-4 du même code, seules les prétentions au fond doivent être présentées par les parties dès leurs premières conclusions.

M. [I] [S] est en conséquence recevable à soulever en appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription des faits qui ont justifié son licenciement.

Sur le bien fondé de la fin de non-recevoir :

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Dés lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans ce délai, lequel est conditionné à une connaissance exacte et complète des faits reprochés par l'employeur. A cet égard, le supérieur hiérarchique qui a connaissance des faits fautifs d'un salarié doit être considéré comme l'employeur même s'il n'est pas titulaire du pouvoir disciplinaire.

Dans le cas d'espèce M. [I] [S] produit de nombreuses pièces à l'appui de ses affirmations selon lesquelles la SAS Suez RV Méditerranée avait eu connaissance, bien antérieurement aux deux mois précédant l'engagement des poursuites contre lui, des faits de vols susceptibles de lui être reprochés.

Il produit principalement une lettre adressée par M. [N] [X] à son employeur en date du 16 janvier 2017, à laquelle sont joints un feuillet manuscrit et la copie en noir et blanc de trois photographies. Si ces dernières sont inexploitables du fait de leur très mauvaise qualité et de l'absence d'horodatage, il résulte du contenu circonstancié de ce courrier que son auteur avait alerté à plusieurs reprises, au cours des dernières années, son employeur sur les vols susceptibles d'être perpétrés par M. [I] [S], sans qu'aucune suite ne soit donnée.

M. [N] [X] déclare notamment dans ce courrier au sujet de M. [I] [S] : 'vous êtes au courant sur le vol de carburant depuis plus de 8 ans avec photos et mon propre témoignage, avec la récupération de laine de verre avec son propre camion qui montait sur le K2 sur les regards de tous les chauffeurs en plein journée, avec la présence de MR [C] sur le site d'[Adresse 4], et de MR [O], avec une photo de son camion sur le K2 que j'avais envoyé à MR [C] le jour même des faits.

Soit des notes de service ont été mise sous forme d'affiches mais cette personne n'en tenait pas compte car aucune remarque de la direction n'a été dite, mise à part des cadenas pour lui en dissuader mais cela à continuer avec le siphonages des engins du centre de tris. je vous avait dis que cette personne agissait le samedi, je vous avait dit les heures, mais bon ça fait plus d'1 an que MR [C] ne fait rien car si il y aurait eu enquête je l'aurais vu et rien ne serait arrivés car il aurait dû être déja licencier pour fautes pénales.

il n'y a pas que moi qui peut vous confirmer ces faits : des chauffeurs étaient même étonnés de voir un tel agissementmême la société AGRI TP de [Localité 5] MR [Z] [H] qui est venu voir MR [C] en lui disant (qu'on avait siphonné du gasoil dans leur engin) !!'

Dans le feuillet joint à son courrier M. [X] ajoute notamment '..mon témoignage a qui j'avais confié à MR [C] [M] depuis plus de 2 ans' évoquant un 'trafic de carburant à grande échelle qui lui servait à ses chauffer et à la revente pour véhicules.' et précisant 'j'avais fait un courrier en 2015 qui n'a pas donner suite'.

Le fait que M. [N] [X] avait informé son employeur bien antérieurement à la procédure diligentée à l'encontre de M. [I] [S] est confirmé par les témoignages émanant de :

- M. [K] [D] en date du 10 février 2017 lequel mentionne : 'Monsieur [X] [N] a bien signalé à plusieurs reprises à la direction, avec photos à l'appui pour le vol de gasoil de [S] depuis 2014 et rien n'a été fait à ce jour'.

- M. [L] [T] en date du 7 février 2017 qui mentionne : 'Mr [X] [N] s'est [mot illisible] à plusieurs reprises à la direction du site d'[Adresse 4] que [S] volé du gazoil avec des photos et aucune sanction n'a été faite sur cette personne.'

- M. [R] [Y] en date du 9 mars 2017 selon lequel M. [N] [X] 'en avais parlée à la direction depuis 2014" évoquant la vente illicite par M. [I] [S] de 'gazoil rouge par bidon' .

- M. [B] [A] en date du 8 février 2017 qui indique : 'monsieur [X] [N] à bien signalé à plusieur reprise à la direction avec photo à l'appui pour le vol de gas-oil par [S] et rien n'a était fait à ce jour (sauf deux cadenas)', ce dernier précisant : 'de plus moi même j'ai eu dénoncé cela en 2012 avec l'ancienne direction.'

- M. [G] [E] en date du 12 juin 2017 lequel atteste 'avoir entendu Monsieur M. [N] [X] signalé à plusieurs reprises à la direction Monsieur [M] [C] le vole de gazoil sur le site [Adresse 4] sur la sorgues part Monsieur [S] en 2015 sans aucunes réactions de sa part.'

En réponse à ces témoignages, non contestés dans leur principe, la SAS Suez RV Méditerranée se borne à affirmer qu'elle ne pouvait envisager de sanctionner M. [I] [S] sans disposer de preuves suffisantes et avait du attendre 'la dénonciation écrite de Monsieur [X], détaillant les faits, visant expressément Monsieur [S] et fournissant le nom des témoins, pour permettre à la société SUEZ RV MEDITERRANEE de disposer des éléments pouvant justifier une enquête et la prise d'une sanction disciplinaire.'

Il n'est cependant pas justifié des éléments nouveaux, constituant des 'preuves suffisantes', dont la SAS Suez RV Méditerranée n'aurait pas disposé avant le courrier du 16 janvier 2017 de M. [X], lequel ne fait que réitérer des dénonciations circonstanciées déjà exprimées de longue date et à plusieurs reprises, ni en quoi cet écrit serait apparu, à sa réception, davantage probant que l'écrit et la photographie que son auteur affirme avoir transmis, à même fin, dès 2015 à son supérieur hiérarchique.

Par ailleurs, il y a lieu d'observer que la SAS Suez RV Méditerranée n'explique ni ne conteste les attestations selon lesquelles elle aurait installé des cadenas pour seule réponse aux vols dénoncés, évoquant d'ailleurs dans la lettre de licenciement du 17 février 2017 adressée à M. [I] [S], l'installation d'un 'bouchon sécurisé bloquant l'accès au réservoir du compacteur' dont il n'est pas démontré que celui-ci aurait été installé entre le 16 janvier 2017, date du courrier de M. [X] et le 31 janvier 2017, date de la mise à pied conservatoire décidée à l'encontre de M. [I] [S].

Aussi, en application des dispositions précitées, il y a lieu de constater que les faits de vols reprochés à M. [I] [S] sont prescrits.

Sur la qualification du licenciement :

Du fait de la prescription des faits de vols allégués, lesquels constituent le seul motif invoqué par l'employeur au soutien du licenciement, celui-ci apparaît sans cause réelle ni sérieuse et le jugement sera infirmé sur ce point.

En considération de l'effectif de l'entreprise et de l'ancienneté de plus de douze ans de M. [I] [S], ce dernier peut prétendre à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au cas d'espèce, laquelle ne saurait être inférieure aux six derniers mois de salaire.

La cour retient un salaire mensuel brut moyen de 2.200 euros ainsi qu'il est allégué, sans contestation adverse, par M. [I] [S],.

M. [I] [S], qui était âgé de 37 ans au moment de la rupture et invoque un préjudice 'économique et moral important' consistant dans le fait de s'être retrouvé dans 'une situation financière catastrophique, générant un découvert bancaire important', ne produit, pour justifier de celui-ci, qu'un certificat de radiation en date du 23 février 2017 émanant par Eovi Mcd mutuelle.

D'autre part, si M. [I] [S] affirme dans ses écritures qu'il a subi un préjudice résultant notamment de ce qu'il est innocent des faits de vol qui lui sont reprochés, la cour, à qui il n'appartient pas d'établir la manifestation de la vérité, ne peut cependant qu'observer que celui-ci a produit de nombreux témoignages et pièces de nature à démontrer que les dénonciations de vols le concernant avaient été multiples et présentaient un caractère ancien.

Au surplus, ce n'est que le 5 avril 2017, et par l'intermédiaire de son conseil, que M. [I] [S] contestait son licenciement puisque, contrairement à ce qu'il soutient, alors même qu'il était informé à cette date des vols qui lui étaient reprochés, dans son courrier en date du 21 février 2017 il se bornait à 'contester la mise à pied disciplinaire survenue suite au lundi 2 janvier 2017" revenant longuement sur les raisons et les conditions de l'altercation l'ayant opposé ce jour là à M. [X] sans aucunement évoquer la mise à pied intervenue le 31 janvier 2017, ni contester son licenciement, ni, a fortiori, les dénonciations de vols à l'origine de celui-ci.

En considération de l'ensemble de ces éléments il sera alloué à M. [I] [S] la somme 13 200 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il lui sera, par ailleurs, alloué la somme de 5 424 euros au titre de l'indemnité de licenciement laquelle n'est pas contestée par la SAS Suez RV Méditerranée.

Enfin, il y a lieu de condamner cette dernière à payer à M. [I] [S] la somme de 4 400 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 440 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente, lesquelles ne sont pas davantage contestées par l'intimée.

L'annulation de la mise à pied conservatoire prononcée pour la période du 31 janvier 2017 au 18 février 2017 sera, par ailleurs, prononcée.

M. [I] [S] se verra octroyer en conséquence, sur la base du calcul proposé par la SAS Suez RV Méditerranée, la somme de 1 393 euros bruts au titre du rappel de salaire pour cette période outre celle de 139 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Ces sommes porteront intérêts à compter du présent arrêt et la capitalisation des intérêts, qui est de droit, sera ordonnée.

Sur la mise à pied à titre disciplinaire des 26 et 27 janvier 2017 :

Aux termes de l'article L 1333-2 du code du travail le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Le contrôle judiciaire peut donc porter sur chacun de ces trois objets.

Il résulte d'autre part des dispositions de l'article L 1333-1 du code de travail que la charge de la preuve incombe à l'employeur.

En l'espèce, M. [I] [S] sollicite l'annulation de la mise à pied disciplinaire qui lui a été infligée les 26 et 27 janvier 2017 suite à l'altercation l'ayant opposé à M. [N] [X] et sollicite un rappel de salaire pour ces deux journées à hauteur de 167,44 euros outre la somme de 17,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

M. [I] [S] fait valoir qu'à l'occasion de cet incident il a subi des violences de la part de son collègue, auxquelles il n'a pas riposté, lesquelles l'ont conduit au service des urgences du centre hospitalier d'[Localité 3].

Il produit les attestations de deux salariés confirmant sa version relative au motif de l'altercation.

Dans le courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 janvier 2017 adressé à M. [I] [S] et lui notifiant sa mise à pied conservatoire, la SAS Suez RV Méditerranée expose notamment : 'le lundi 2 janvier 2017, alors que vous étiez sur le point de prendre votre poste à 12h30, vous vous trouviez dans les vestiaires du site d'[Adresse 4] en présence de M. [X], agent technique qualifié et avez eu des propos agressifs l'un envers l'autre au sujet d'affaires personnelles qui ne concerne en aucun cas le cadre du travail.

le ton et monté et vous avez reçu un coup de poing au visage asséné par M. [X] vous faisant tomber au sol.

sur ce, vous vous êtes relevé et êtes immédiatement allé prévenir votre responsable, M. [C] de cette agression. Celui-ci a contacté les secours et vous avez été amené aux urgences pour recevoir des soins.

(...)

Nous ne pouvons tolérer une telle attitude de violence et d'agressivité sur le lieu de travail, et ce, quelques que soient les raisons du différend. En aucun cas une altercation physique ne doit survenir au travail.

(...)

Nous considérons que vous avez été impliqué dans cette altercation qui s'est produite sur votre lieu de travail.'

Il résulte des termes de ce courrier que M. [I] [S] a été sanctionné pour son attitude et ses propos agressifs à l'égard de M. [N] [X] alors que les deux hommes se trouvaient sur leur lieu de travail, concourant par son comportement inadéquat à la survenue d'une altercation verbale puis à des violences physiques dont il n'est pas contesté par son employeur qu'il en a été l'unique victime.

Les faits reprochés à M. [I] [S], tels qu'ils sont caractérisés, apparaissent de nature à porter atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise et à l'obligation de sécurité dont l'employeur est redevable à l'égard de tous ses salariés, le règlement intérieur de l'entreprise versé aux débats visant expressément en son article 12.1 la possibilité pour l'employeur de sanctionner tout agissement fautif constitué notamment par des '- rixes, injure et/ou violence à l'encontre d'un tiers, membre du personnel ou non'.

Or, ni le courrier de contestation du 21 février 2017 émanant de M. [I] [S] dans lequel ce dernier confirme l'existence d'un différend avec son collègue de travail et l'altercation qui en est résultée, ni les attestations émanant de M. [U] [W] et de M. [J] [V], lesquelles font référence à des faits survenus respectivement les 27 janvier et 4 mars 2017, sans aucun lien avec l'altercation du 2 janvier 2017, n'apparaissent de nature à apporter la démonstration inverse.

Enfin, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, il est constant que l'employeur a apporté à cet incident des réponses proportionnées aux responsabilités respectives des deux protagonistes puisque M. [N] [X] a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour faute grave, avec mise à pied conservatoire prononcée dès le 3 janvier 2017 soit le lendemain des faits.

Le jugement mérite donc confirmation sur ce point.

Sur les autres demandes :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais irrépétibles.

Enfin SAS Suez RV Méditerranée sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] [S] de sa demande tendant à l'annulation de sa mise à pied disciplinaire des 26 et 27 janvier 2017 et les demandes indemnitaires afférentes ;

Réforme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déclare le licenciement de M. [I] [S] sans cause réelle et sérieuse ;

Annule la mise à pied conservatoire prononcée pour la période du 31 janvier 2017 au 18 février 2017 ;

Condamne la SAS Suez RV Méditerranée à payer à M. [I] [S] les sommes suivantes :

- 13 200 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

- 5 424 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 4 400 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 440 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente

- 1 393 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période du 31 janvier 2017 au 18 février 2017

- 139 euros bruts au titre des congés payés afférents à la même période

le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à faire droit aux demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Suez RV Méditerranée aux dépens d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/03776
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;19.03776 ?
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