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15/11/2022 | FRANCE | N°19/03777

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 15 novembre 2022, 19/03777


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 19/03777 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQBP



LD/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

05 septembre 2019

RG :19/00017





[I]



C/



S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'HOTEL DU MIDI



















Grosse délivrée

le

à











COU

R D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 05 Septembre 2019, N°19/00017



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Leila DAFRE, Vice...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 19/03777 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQBP

LD/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

05 septembre 2019

RG :19/00017

[I]

C/

S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'HOTEL DU MIDI

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 05 Septembre 2019, N°19/00017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée

GREFFIER :

Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [P] [I] épouse [X]

née le 22 Octobre 1986 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Nadia EL BOUROUMI de la SELAS PRAETEOM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

Représentée par Me Lauriane DILLENSEGER, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'HOTEL DU MIDI

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par M. [V] [Z] (Délégué syndical patronal)

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Août 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [P] [I] épouse [X] a été engagée à compter du 4 décembre 2012 suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel, en qualité de réceptionniste polyvalente, par la SARL société d'exploitation de l'Hôtel du Midi.

Le 4 juillet 2013, Mme [X] déclarait à son employeur une première grossesse. Elle était placée en congé maternité jusqu'au 23 octobre 2013, suivi d'un arrêt maladie du 24 octobre 2013 au 30 octobre 2014.

En novembre 2014, elle déclarait à son employeur une seconde grossesse. Elle bénéficiait d'un congé parental d'éducation jusqu'au mois de septembre 2017.

Au mois d'août 2017, Mme [X] déclarait une troisième grossesse et était placée en congé maternité du 1er août 2017 au 29 janvier 2018.

Par courrier du 27 janvier 2018, Mme [X] demandait à bénéficier d'un congé parental d'éducation de deux ans, refusé par l'employeur.

Par courrier en date du 28 mars 2018, Mme [X] était convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 9 avril 2018.

Par courrier recommandé du 13 avril 2018, Mme [X] était licenciée pour faute grave en raison de ses absences injustifiées et abandon de poste depuis le 1er février 2018.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 17 janvier 2019 Mme [X] saisissait le conseil de prud'hommes d'Orange en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 5 septembre 2019, a :

- débouté Mme [I] [P] épouse [X] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [I] [P] épouse [X] aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 27 septembre 2019, Mme [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 31 janvier 2022, Mme [P] [I] épouse [X] demande à la cour de :

- réformer en intégralité le jugement rendu le 05 septembre 2019

Statuer à nouveau,

- dire et juger que son licenciement est injustifié

Par voie de conséquence,

- condamner la société SARL exploitation du Midi à lui verser les sommes suivantes :

* 7.791,86 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

* 1.669,62 euros à titre d'indemnités de licenciement

* 1.113,08 euros à titre d'indemnités de préavis

* 111,30 euros à titre d'indemnités de congés sur préavis

* 599,32 euros à titre de remboursement d'absences injustifiées

* 513,76 euros à titre d'indemnités compensatrice de congés

- constater le harcèlement moral

* 13.356, 96 euros au titre du harcèlement moral

- dire et juger que la société SARL exploitation du Midi n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat

- constater l'absence de visite médicale

* 4.452,32 euros pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat

* 4.452,32 euros pour absence de visite médicale

* 2.000,00 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

- elle a une ancienneté de 3 ans et six mois dans l'entreprise pour être entrée le 4 décembre 2012 et réunit les conditions pour prétendre à un congé parental d'éducation. Cependant, pour sa troisième grossesse, l'employeur lui a refusé cette demande de congé au motif qu'elle avait adressé tardivement sa demande (soit un jour avant la fin du congé maternité).

- son licenciement est motivé par son absence injustifiée à compter du 31 janvier 2018, or elle a justifié son absence par courrier du 27 janvier 2018, en informant l'employeur qu'elle entendait bénéficier de son congé parental de deux ans (soit à compter du 31 janvier 2018 et jusqu'au 1er février 2020).

- pendant sa deuxième grossesse, elle a subi des agissements de harcèlement moral au sein de la société commis par son directeur, son supérieur hiérarchique direct. Ces agissements se sont manifestés par sa mise à l'écart systématique, des reproches incessants et ce dernier lui a imposé de porter des charges lourdes alors qu'il était informé de sa grossesse.

- ces agissements ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'aggraver son état de santé puisque elle a été placée en arrêt de travail pour accident de travail le 12 janvier 2015.

- l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et de résultat en ne faisant rien pour la préserver du harcèlement et des agissements de son directeur.

- elle n'a jamais bénéficié de visite de reprise à l'issue de ses congés maternité ce qui lui a causé nécessairement un préjudice.

En l'état de ses dernières écritures en date du 3 mars 2020, contenant appel incident, la SARL société exploitation de l'Hôtel du midi demande à la cour de:

- à titre principal, confirmer le jugement du 5 septembre 2019 du conseil de prud'hommes d'Orange dans toutes ses dispositions ;

- à titre subsidiaire, si la cour requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, la condamner au paiement de :

* préavis : 639,49 euros

* congés payés sur préavis : 63,49 euros

* indemnités de licenciement : 173,19 euros

- et débouter Mme [I] du surplus de ses demandes.

Elle fait valoir que :

- entre le 4 décembre 2012 et le 13 avril 2018, Mme [I] n'a travaillé 4,35 mois en taux plein pour 65 mois de relation contractuelle.

- la salariée n'apporte aucune précision quant à la période d'ancienneté, de sorte que la cour confirmera le jugement de première instance.

- elle a refusé la demande de congé parental de Mme [I] compte tenu du non-respect des dispositions légales par cette dernière.

- le licenciement de Mme [I] est justifié car celle-ci a délibérément manqué à ses obligations légales et contractuelles. Elle expose que, malgré ses demandes aux fins de voir la salariée reprendre son activité, cette dernière, qui n'avait obtenu aucune autorisation d'absence, s'est placée de manière délibérée dans une situation d'abandon de poste dès le 31 janvier 2018 et jusqu'à la date de son licenciement.

- la demande de Mme [I] sur le harcèlement est prescrite puisque les faits se seraient passés en 2013 et 2015. Par ailleurs, elle ne prouve pas en quoi elle aurait subi du harcèlement de sa part.

- concernant l'absence de visite médicale, Mme [I] ne produit aucun justificatif de son préjudice de sorte qu'il conviendra de la débouter de sa demande.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 août 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 07 septembre 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement :

Mme [P] [I] épouse [X], embauchée le 4 décembre 2012 en qualité de réceptionniste polyvalente, a été licenciée le 13 avril 2018 pour faute grave par la SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi. La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, mentionne notamment :

'Depuis le 31 janvier 2018, vous êtes considérée en absences injustifiées.

Nous vous rappelons qu'en date du 16 février 2018, nous avons répondu négativement à votre demande de congé parental car vous n'avez pas respecté l'Article L 122-28-21 du Code du Travail à savoir 'lorsque la demande de congé parental suit immédiatement le congé de maternité ou congé d'adoption, le salarié doit informer l'employeur, par lettre recommandé avec avis de réception, au moins un mois avant le terme dudit congé'.

Nous vous confirmons que vous avez envoyé votre demande en date du 29 janvier 2018 pour un souhait de congé parental qui débutait le 30 janvier 2018.

Nous vous avons alors mis en demeure de reprendre votre poste de travail.

En dépit de notre deuxième demande de nouvelles du 7 mars 2018 qui vous a été envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception, présentée et retirée le 17 mars 2018, vous n'avez pas repris votre poste.

Aussi, nous devons constater que, de manière délibérée, et malgré nos demandes, vous avez souhaité vous placer dans une situation d'absences injustifiées répétées qui caractérisent un abandon de poste et qui démontre votre volonté de contrevenir à nos instructions de reprendre votre poste de travail et aux dispositions légales, conventionnelles et contractuelles.

Lors de notre entretien du lundi 9 avril 2018, vous avez indiqué que votre fils était malade, raison pour laquelle vous n'avez pas justifié de vos absences.

Les éléments reprochés ci-dessus nous imposent de vous signifier votre licenciement pour faute grave.

Ce licenciement est immédiat, sans préavis, ni indemnité. Il sera effectif à la date de cette lettre.'

Le grief inscrit dans la lettre de rupture est le reproche fait à Mme [P] [I] épouse [X] de n'avoir pas respecté le délai d'un mois prescrit par le code du travail pour solliciter un congé parental à compter du 30 janvier 2018 et de n'avoir pas réintégré son poste de travail le 30 janvier 2018, à l'issue de son congé pour maternité, lequel se terminait le 29 janvier 2018.

La mesure de licenciement intervient dans un contexte où la salariée était en absence justifiée de l'entreprise depuis le 13 janvier 2015 en raison :

- d'un arrêt résultant d'un accident du travail survenu le 12 janvier 2015,

- d'un congé de maternité à compter du 8 juin 2015,

- d'un congé parental jusqu'au mois de septembre 2017,

- d'un nouveau congé maternité à compter du 1er août 2017 venant à terme le 29 janvier 2018.

Il résulte des articles L 122-28-1, devenu L 1225 -47, et L 1225-50 du code du travail que tout salarié est admis au bénéfice d'un congé parental d'éducation, dont la demande doit être formalisée auprès de l'employeur en respectant un délai de prévenance de un mois, lorsque cette période suit immédiatement notamment le congé de maternité, dans un souci légitime d'information afin de ne pas désorganiser l'entreprise par cette absence prolongée.

Il est cependant constant que le non-respect de ce délai ne justifie pas l'irrecevabilité de la demande du salarié, le bénéfice du congé parental d'éducation étant de droit, de même que l'obligation d'informer l'employeur n'est pas une condition du droit à son bénéfice mais seulement un moyen de preuve de l'information donnée à l'employeur.

En l'espèce Mme [P] [I] épouse [X] ne conteste pas qu'elle n'a informé son employeur de sa demande de congé parental que le 27 janvier 2018, par courrier recommandé réceptionné par celui-ci le 29 janvier 2018, soit la veille du jour où elle était censée reprendre le travail.

Pour autant, il est constant qu'au moment des mises en demeure adressées par l'employeur à sa salariée, d'abord le 16 février 2018, laquelle vise expressément le courrier de Mme [I] et rejette la demande de congé parental, puis le 7 mars 2018, celui-ci avait parfaitement connaissance de la demande de congé formulée, quoique tardivement, par sa salariée.

Le non respect du délai énoncé par l' article L 1225-47 du code du travail ne peut en aucun cas s'analyser comme une faute grave légitimant la rupture de contrat de travail du ou de la salarié concerné, l'employeur ne pouvant prétendre qu'à une indemnisation sous la forme de dommages-intérêts.

De surcroît, l'absence de la salariée ayant en l'espèce débuté le 13 janvier 2015, soit plus de 36 mois auparavant, l'employeur avait depuis cette date toute opportunité de s'organiser, ce qu'il n'a sans doute pas manqué de faire pour pallier depuis l'origine l'absence de Mme [P] [I] épouse [X].

La SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi, en licenciant sa salariée pour le seul motif du non-respect du délai de prévenance puis de son absence, ressortissant directement du congé parental, n'a pas respecté les règles protectrices de la maternité et le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, ouvrant droit, outre les indemnités de rupture, à indemnisation au titre de la rupture abusive.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement abusif :

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail relatives au calcul de l'indemnité due au salarié en cas de rupture abusive, et de celles des articles L 1226-7, L 1225-24, L 1225-54 du code du travail relatives aux modalités de prise en compte des périodes de suspension du contrat de travail, applicables en l'espèce, il convient, compte tenu de l'ancienneté de 3 ans et six mois de Mme [P] [I] épouse [X] dans l'entreprise, de son âge de 31 ans au moment de la rupture et d'un salaire mensuel brut justifié à hauteur de 1113,08 euros de lui allouer en réparation de la rupture abusive la somme de 3 339,24 euros et de condamner la SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi au paiement de ladite somme à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera donc réformé sur ce point.

Sur l'indemnité de licenciement :

Mme [P] [I] épouse [X] sollicite la somme de 1 669, 62 euros à ce titre.

Il sera fait droit à cette demande, laquelle apparaît justifiée dans son principe, à hauteur de 973,87 euros, conformément aux dispositions des articles L 1234-9, R 1234-1 et R 1234-2 du code du travail.

Le jugement sera donc réformé sur ce point.

Sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents :

Il sera fait droit aux demandes relatives à l'indemnité de préavis à hauteur de 1.113,08 euros et à l'indemnité de congés sur préavis à hauteur de 111,30 euros, lesquelles découlent de la requalification du licenciement opérée par la cour et ne sont pas utilement contestées par l'intimée.

Le jugement sera réformé de ces chefs.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

Cette prétention, formulée à hauteur de 513,76 euros par Mme [P] [I] épouse [X] à qui il appartient au visa de l'article 9 du code de procédure civile d'établir ce qu'elle allègue et réclame, n'est ni explicitée ni justifiée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [P] [I] épouse [X].

Sur la demande de remboursement pour absences injustifiées :

Mme [P] [I] épouse [X] sollicite la somme de 899,32 euros pour 'remboursement d'absences injustifiées'.

Si cette demande est formée pour la première fois en cause d'appel, il y a lieu de relever qu'elle n'apparaît pas contraire aux dispositions des articles 564 et 566 du code de procédure civile, s'agissant d'une demande accessoire à la demande principale, et respecte les prescriptions émises par l'article 910-4 du même code puisqu'elle figure dans les premières écritures signifiées en instance d'appel.

Mme [P] [I] épouse [X], qui n'aurait perçu aucune rémunération de la part de son employeur dans l'hypothèse où sa demande de congé parental aurait été - très légitimement - accordée et a été indemnisée des conséquences résultant de la rupture abusive de son contrat de travail, ne démontre cependant pas en quoi le fait de n'avoir pas été rémunérée pour un travail qu'elle n'a pas été effectué constituerait un fait dommageable imputable à son employeur lui ouvrant droit à réparation.

Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Sur la prescription de la demande :

Si l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version applicable à compter du 17 juin 2013 prévoit que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, ce délai n'est pas applicable aux actions exercées en application des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 et L. 1153-1 du même code et notamment aux demandes reposant sur des faits de harcèlement, lesquelles restent soumises aux règles de prescription de droit commun telles que prévues par l'article 2224 du code civil, soit une prescription par 5 ans.

Dés lors cette demande, relative à des faits qui seraient survenus entre novembre 2014 et le 12 janvier 2015, n'est pas prescrite.

Sur le bien fondé de la demande :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Ainsi, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande Mme [P] [I] épouse [X] affirme avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur de novembre 2014 au 12 février 2015, date à laquelle elle a bénéficié d'un arrêt maladie suite à un accident du travail.

Pour caractériser les agissements qu'elle dénonce elle indique dans ses écritures : 'les faits de l'employeur se sont manifestés par une mise à l'écart systématique de la salariée, des reproches incessants et surtout il lui a imposé de porter des charges lourdes alors qu'il était informé de sa grossesse'.

Elle produit aux débats deux attestations dont la validité formelle est contestée par la SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi car ne répondant pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.

La cour retient toutefois que ces dispositions n'étant pas prescrites à peine de nullité, il n'y a pas lieu d'écarter des débats le témoignage de Mme [F], dont l'auteur est clairement identifiable, la SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi produisant en sa pièce numéro 10 un témoignage de la même personne, qui ne comporte aucun indice de nature à mettre en doute son authenticité et dont il ressort que cette dernière avait connaissance de l'utilisation qui allait être faite de son témoignage, Mme [Y] précisant : 'je me déclare témoin pour une mise en justice.'

En revanche, le témoignage de la dénommée Ana Martins, qui ne comporte aucune information sur l'identité et la qualité de son auteur, sera écarté des débats.

Dans son attestation, Mme [Y] atteste 'que Mme [I] [P] juste aprés avoir déclarer sa deuxième grossesse, Mr [B] demandant d'apporter deux caisses lourdes à la cave coopérative à [Localité 6] à 500 m de l'hôtel. chose qui ne lui avait jamais demandait car ce n'est pas son travail. je l'ai aidée à en porter une. Et elle s'est coincée le dos, elle as appellée Mr [B] qui a sugerer de finir sa journée de travail et sa c'est passer vers10h30. elle finissait à 18h.

Juste après l'annonce de sa grossesse j'entendait souvent Mr [U] criait sur [P]. Elle était à bout de nerfs, et la directrice ne lui disait plus bonjour.'

Il est à relever que ce témoignage ne fait mention d'aucune date précise. Par ailleurs, si l'incident qu'elle évoque, au cours duquel Mme [P] [I] épouse [X] se serait 'coincée le dos' en 'apportant deux caisses lourdes à la cave coopérative', est susceptible de correspondre à l'accident du travail survenu le 12 octobre 2015, il n'en demeure pas moins que Mme [F] donnait une tout autre version de cet incident dans son témoignage en date du 13 janvier 2015, produit en pièce n°10 par la SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi, puisqu'elle déclarait alors '[P] m'a demandé d'allé l'aidé à jeter les bouteilles de verre à la poubelle. Je l'ai accompagné en remontant des poubelles, elle s'est plein d'un mal au dos. Elle est pas tombée'.

Le surplus du témoignage de Mme [Y], ni daté, ni circonstancié, n'apporte pas plus d'éléments crédibles et probants de nature à caractériser des faits de harcèlement.

Mme [P] [I] épouse [X] qui ne produit, outre ce témoignage, que son arrêt de travail du 12 octobre 2015, sans démontrer l'existence d'un quelconque lien entre sa blessure au dos et les faits de harcèlement qu'elle affirme avoir subis, échoue à établir une présomption de harcèlement moral.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'obligation de sécurité de résultat :

Aux termes de l'article L4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, 'l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

L'article L.4121-2 précise : 'l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'

En l'espèce Mme [P] [I] épouse [X] reproche à son employeur de n'avoir 'rien fait pour préserver sa salariée du harcèlement moral et des agissements de son directeur MR [L].'.

D'une part Mme [P] [I] épouse [X] ne justifie aucunement de ce qu'elle aurait informé son employeur de ce qu'elle affirme avoir subi. D'autre part, et surtout, l'existence d'un harcèlement moral n'est pas retenue.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'absence de visite médicale :

Aux termes de l'article R 4624-22 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce : 'Le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise. modalités définies par la présente sous-section.'

En l'espèce Mme [P] [I] épouse [X] affirme, sans être contredite, qu'elle n'a jamais bénéficié d'une visite médicale de reprise du travail 'à l'issue de ses congés maternités soit en date des : ' sans préciser lesquels. Elle estime à la somme de 4.452,32 euros le préjudice qui en résulte.

Elle ne produit aucun justificatif à l'appui de sa demande.

Il ressort cependant des pièces versées aux débats que Mme [P] [I] épouse [X] était en absence justifiée de l'entreprise depuis le 13 janvier 2015 en raison successivement : d'un accident du travail survenu le 12 janvier 2015, d'un congé de maternité à compter du 8 juin 2015, d'un congé parental jusqu'au mois de septembre 2017 puis d'un nouveau congé maternité à compter du 1er août 2017 venu à terme le 29 janvier 2018.

Il est constant, par ailleurs, que Mme [P] [I] épouse [X], qui a sollicité le bénéfice d'un congé parental, n'a pas repris son travail au terme de son congé maternité le 29 janvier 2018, les demandes relatives aux congés maternité antérieurs étant prescrites en application des dispositions de l'article L1471-1 du code du travail dans sa version applicable au cas d'espèce.

L'employeur n'était par conséquent pas tenu de saisir le service de santé au travail, cette visite ne pouvant s'effectuer en amont puisque l'article susvisé prévoit au contraire sa réalisation dans un délai de huit jours à compter du jour de reprise effective.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [P] [I] épouse [X] et le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Il y a lieu, enfin, de condamner la SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [P] [I] épouse [X] de ses demandes tendant à obtenir réparation pour harcèlement moral, manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et défaut de visite médicale de reprise ainsi que de sa demande relative à l'octroi d'une indemnité compensatrice de congés payés ;

Réforme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déclare le licenciement de Mme [P] [I] épouse [X] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi à payer à Mme [P] [I] épouse [X] les sommes suivantes :

- 3 339,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 973,87 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1.113,08 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 111,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente;

Déboute Mme [P] [I] épouse [X] de sa demande de remboursement au titre des absences injustifiées ;

Dit n'y avoir lieu à faire droit aux demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Société d'exploitation de l'hôtel du Midi aux dépens d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/03777
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;19.03777 ?
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