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06/12/2022 | FRANCE | N°19/04357

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 06 décembre 2022, 19/04357


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 19/04357 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HRUQ



LR/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON SECT.ENCADREMENT

15 octobre 2019 RG :F18/00488



[C]



C/



S.A. CLINEA-CLINIQUE [4]



















Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES




CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON SECT.ENCADREMENT en date du 15 Octobre 2019, N°F18/00488



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Leila REMIL...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 19/04357 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HRUQ

LR/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON SECT.ENCADREMENT

15 octobre 2019 RG :F18/00488

[C]

C/

S.A. CLINEA-CLINIQUE [4]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON SECT.ENCADREMENT en date du 15 Octobre 2019, N°F18/00488

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [O] [C]

né le 26 Décembre 1951 à [Localité 1] (13)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Georges BANTOS de la SELARL SELARL D'AVOCATS JURIS-THALES, avocat au barreau de MARSEILLE

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

SA CLINEA-CLINIQUE [4] SIRET 30116075000537 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [O] [C] a été engagé à compter du 3 janvier 1983 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de comptable-informaticien par la société Clinique [4] à [Localité 1].

À compter du 19 janvier 2005, M. [C] était désigné directeur général de la société Clinique [4].

En date du 1er avril 2005, M. [C] signait un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à temps complet avec la société SGPR, holding de la Clinique [4], en tant que directeur. Dans ce contrat figurait une clause de non-concurrence.

Le 1er janvier 2008, un nouveau contrat de travail était conclu entre la société Clinique [4] et M. [C] reprenant les mêmes termes que le contrat de travail signé précédemment avec la société SGPR.

En mars 2008, la société Orpea Clinea a racheté à la société holding SGPR le capital qu'elle détenait au sein de la société Clinique [4] et la société holding SGPR a fait l'objet d'une radiation définitive auprès du registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Marseille.

Le 3 mars 2008, M. [C] cédait à Clinea les 35 actions qu'il détenait dans le capital de la société SGPR et démissionnait de ses fonctions de directeur général .

Par courrier du 20 octobre 2015, M. [C] faisait valoir ses droits à la retraite et informait son employeur de son départ de la Clinique à effet du 31 mars 2016.

Par courrier recommandé du 15 juillet 2017, M. [C] réclamait auprès de la société Clinea l'application du paiement de l'indemnité mensuelle contractuelle de la clause de non concurrence figurant à son contrat de travail.

L'employeur ne donnant aucune suite à sa demande, le 24 novembre 2017, M. [C] saisissait le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence en lieu et place de celui de Marseille normalement compétent territorialement pour tenir compte des fonctions prud'homales qu'il avait exercées pendant de nombreuses années auprès dudit conseil de prud'hommes de Marseille.

Par décision du 4 septembre 2018, le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence, sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile, a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes d'Avignon lequel, par jugement contradictoire du 15 octobre 2019, a :

- déclaré le contrat de travail conclu entre M. [C] et la Clinique [4] SA nul et non avenu ;

En conséquence :

- débouté M. [C] de l'intégralité de ses demandes formulées à ce titre et des demandes subséquentes ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire

- condamné M. [C] aux entiers dépens.

Par acte du 15 novembre 2019, M. [C] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 juillet 2022, M. [O] [C] demande à la cour de :

1) Avant dire droit, sur la fin de non-recevoir introduite par la Clinique [4] SAS

- juger que la fin de non-recevoir soutenue par la partie intimée n'est en aucune façon recevable tant au plan des faits de l'espèce qu'en ce qui concerne sa légalité intrinsèque et qu'elle sera donc rejetée comme mal fondée,

-juger que les assertions relatives à l'absence d'appel via la communication électronique sont totalement sans fondement et qu'elles devront être écartées dans leur entier.

2) Sur le fond

- dire et juger que c'est par une appréciation largement critiquable que le conseil de prud'hommes d'Avignon a déclaré dans son jugement rendu le 15 octobre 2019 que son contrat devait être considéré comme nul et non avenu au motif que les règles de validité du contrat de travail n'avaient pas été respectées.

Le réformant dans son entier en statuant à nouveau :

- il devra être jugé que le contrat de travail du 01 janvier 2008 était parfaitement régulier et totalement opposable à l'employeur, ainsi tout particulièrement la clause de non-concurrence y figurant à laquelle il est avéré que l'employeur n'a pas renoncé suivant les formes prescrites.

En conséquence :

- condamner la société Clinea à lui verser les sommes suivantes :

* 204.000 euros (8.500 euros x24 mois) au titre de l'indemnité spécifique au titre de l'application de la clause de non-concurrence contractuelle,

* 10.000 euros au titre de dommages et intérêts en l'état de la résistance particulièrement abusive manifestée par l'employeur depuis juillet 2017,

* 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour tenir compte des frais irrépétibles qu'il a engagés pour faire valoir ses moyens en demande tant en première instance qu'en cause d'appel, outre les intérêts de droit courant depuis le courrier valant mise en demeure adressé en lettre recommandée avec accusé de réception par son conseil en date du 19 septembre 2017 et reçu le 25.

- la société Clinea sera condamnée enfin à supporter, par application cumulée des articles 696 et 699 du même code, les entiers dépens avec distraction pour ceux d'appel au profit de Me Georges Pomies-Richaud, Avocat à la cour de Nîmes, qui déclare en avoir fait l'avance.

L'appelant soutient que :

- C'est à tort que les premiers juges ont fait application de l'article L.225-38 du code de commerce pour déclarer que les règles de validité du contrat de travail n'avaient pas été respectées, et qu'en conséquence il était nul et non avenu. Il conteste cette position retenue par le conseil et affirme que :

* le contrat de travail régissant les rapports entre la société Clinique [4] et lui-même était parfaitement régulier aussi bien dans la forme que sur le fond,

* l'article L. 225-38 du code de commerce est inapplicable en l'espèce car son contrat de travail n'entre pas dans la catégorie des conventions réglementées prévue à cet article,

* la société SGPR SAS était une société de famille, appartenant exclusivement à la famille [R], ce qui l'aurait exonéré du respect des dispositions impératives et des obligations imposées par l'article 17 de ses statuts.

* si une convention passée n'est pas approuvée par la collectivité des associés ou n'est pas soumise à son approbation, elle n'est pas nulle pour autant et continue à produire ses effets,

* son contrat de travail n'était en rien préjudiciable aux intérêts de la société

* il n'a jamais exercé en tant que mandataire social

* le fait qu'il ne soit pas en mesure de produire un document émanant du conseil d'administration de la société validant son contrat de travail ne peut en aucun cas lui être opposable.

- le poste qu'il a occupé en qualité de salarié tant au sein de la société SGPR SAS qu'au sein de la société Clinique [4] à partir du 01 janvier 2008 en tant que directeur général correspondait bien à un emploi effectif.

- le contrat de travail de janvier 2008 signé entre la société Clinique [4] SAS et lui était parfaitement connu de la société Clinea au moment de l'acquisition de l'intégralité des actions de la holding familiale SGPR, et est parfaitement opposable à cette dernière en totalité.

- son contrat de travail non annulé s'est poursuivi avec l'intégralité de ses éléments lors du transfert. Il a ainsi conservé sa rémunération et son ancienneté . Cependant, il a été nommé ipso facto "directeur d'exploitation" par la société Clinea en lieu et place de "directeur général".

- l'employeur n'a pas renoncé à la clause de non-concurrence suivant les formes contractuellement prévues à l'article 12 du contrat de travail, d'autant plus qu'il avait scrupuleusement respecté les obligations mises à sa charge dans le cadre de l'application de cette clause et avait informé officiellement la direction de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite le 31 mars 2016.

- qu'aucune prescription ne peut lui être opposée au fondement de sa demande dans la mesure où son contrat de travail s'est terminé le 31 mars 2016 avec un effet successif de deux années en raison de l'application de la clause de non-concurrence courant jusqu'au 31 mars 2018.

- l'employeur a manifesté une résistance particulièrement abusive pendant plusieurs mois en ne répondant à aucune de ses demandes particulièrement explicites.

- contrairement à ce que soutient son employeur, il n'a pas formé appel général du jugement du conseil de prud'hommes. Il fait constater qu'à la lecture de sa déclaration d'appel, il ne s'agit en aucun cas d'un appel général qui ne serait pas détaillé dans son contenu mais d'un appel relatif à l'ensemble des dispositions du jugement entrepris.

- la fin de non recevoir déposée par l'employeur n'est ni justifiée dans le cadre des faits de l'espèce et compte tenu de la déclaration d'appel n° 19/04685 en date du 15 novembre 2019 ni justifiée au plan de sa recevabilité formelle.

En l'état de ses dernières écritures en date du 30 août 2022, contenant appel incident, la SAS Clinea demande à la cour de :

- se déclarer non saisie faute de dévolution opérée par la déclaration d'appel ;

En conséquence de quoi, dire n'y avoir lieu à statuer.

Plus subsidiairement,

- dire et juger M. [C] infondé en ses conclusions,

- confirmer le jugement dont appel ;

En conséquence,

- débouter M. [C] de toutes ses demandes ; à tout le moins le déclarer irrecevable

- le condamner au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'instance d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

L'intimée fait valoir que :

- l'appel déposé par M. [C] est un appel général notamment en ce qu'il sollicite l'infirmation ou l'annulation du jugement rendu sans soutenir son caractère indivisible ou les moyens qui en justifieraient l'annulation, ce qui ne répond pas aux exigences cumulées de l'article 901 du code de procédure civile, de la circulaire d'application du décret du 06 mai 2017 et de l'arrêt de la cour de cassation du 2 juillet 2020. En conséquence, l'appel régularisé par M. [C] ne peut opérer dévolution à la cour.

- c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé nul et non avenu le contrat de travail de M. [C] du 1er janvier 2008 au visa de l'article L225-38 du code de commerce car :

* le docteur [Z] [R], président de la SGPR SA et de la Clinique [4] SA a signé un contrat avec M. [C], son directeur général, sans le moindre respect du formalisme légal, des règles de droit des sociétés et des dispositions statutaires ;

* la convention du 1er janvier 2008 était « réglementée » au sens de la loi et des dispositions statutaires de la SAS SGPR, singulièrement leur article 17;

* en intégrant au sein du contrat de travail une clause de non-concurrence mieux rémunérée que le contrat lui-même, le contrat n'a absolument pas été conclu à des conditions normales ;

* le salarié a bel et bien été mandataire social de la SAS SGPR comme l'atteste le PV du 3 mars 2008 enregistré au greffe du tribunal de commerce de Paris.

* le contrat de travail du 1er janvier 2008 est nul dans la mesure où il ne remplit par les conditions posées par la jurisprudence en présence d'un mandat social de président ou de directeur général :

° il n'est pas réel puisqu' il a été conclu aux seules fins de "préserver ses intérêts" dans le contexte d'une cession de la Clinique [4],

° il n'est pas sérieux puisque M. [C] n'assumait que des fonctions de direction générale,

° il ne prouve pas qu'il percevait une rémunération distincte,

° lors de la signature de ce contrat, M. [C] n'avait plus aucun lien de subordination puisqu'il était le seul et unique directeur général de la société Clinique [4],

° M. [C] n'a réalisé aucun travail effectif dans l'intérêt de la Clinique [4] lors de la signature du contrat.

- la clause de non concurrence litigieuse est dépourvue de cause licite et partant nulle et non avenue sur le fondement de l'article 1131 du code civil dans la mesure où sa cause procède non pas de la volonté d'assurer une réelle protection de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre important, mais de faire bénéficier à M. [C] d'une somme particulièrement importante en cas de rupture de son contrat de travail pour quelque motif que ce soit.

- M. [C] a commis une fraude pure et simple en tentant de dissimuler son contrat de travail du 1er janvier 2008, la clause de non-concurrence et l'étendue de celle-ci. Par ailleurs, cette clause contrevient en nombre de points aux recommandations du MEDEF.

- au moment de l'acquisition des parts de la société Clinique [4], elle ignorait tous des engagements exorbitants contractés à son insu la veille de la cession au titre de la clause de non-concurrence.

- M. [C] n'a jamais notifié explicitement la rupture de son contrat de travail dans les conditions prévues par la loi, par conséquent son départ en retraite ne lui est pas opposable. De surcroît, il n'a jamais sollicité verbalement ou par écrit la mainlevée de la clause de non-concurrence après son départ en retraite ou la renonciation à son bénéfice.

- la demande de M. [C] de voir qualifier son courrier du 20 octobre 2015 en notification de rupture de son contrat de travail en départ en retraite est prescrite conformément à l'article L1471-1 du code du travail.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 19 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 septembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 22 septembre 2022.

MOTIFS :

L'intimée ne maintient pas dans ses dernières conclusions le moyen tiré de l'absence d'appel via la communication électronique.

Sur l'absence de dévolution à la cour de l'appel général formé par M. [O] [C]

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il résulte de ce texte non pas une fin de non-recevoir mais, conformément à l'article 901 du même code, une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile.

En application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur cette absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel est en l'espèce précisément formalisée :

« Le présent appel tend à faire droit à toutes les exceptions de procédure, infirmation, annulation ou tout au moins réformation de la décision faisant grief à la partie appelante APPEL DU JUGEMENT DONT LES CHEFS EXPRESSEMENT CRITIQUES SONT :

*Qui déclare le contrat de travail conclu entre M. [C] et la CLINIQUE [4] SA nul et non avenu.

*Qui déboute Mr [C] de l'intégralité de ses demandes formulées à ce titre et des demandes subséquentes.

*Qui dit n' y avoir lieu à l'application de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE.

*Qui condamne Mr [C] aux entiers dépens. »

S'il n'est pas contestable que la rédaction de la déclaration d'appel est maladroite, il n'en résulte cependant pas un appel général, dans la mesure où sont visés expressément les chefs de jugement critiqués.

Il convient donc de considérer que l'effet dévolutif a bien opéré en l'espèce et que la cour d'appel est saisie.

Sur l'application par le conseil de prud'hommes de l'article L. 225-38 du code de commerce

M. [O] [C] a signé, le 1er janvier 2008, un contrat de travail avec la société Clinique [4] qui, en réalité, selon les statuts produits est une société par actions simplifiée, comme la SGPR d'ailleurs et non une société anonyme.

L'article L. 225-38 du code de commerce ne concerne que le sociétés anonymes.

Les statuts, en leur article 14 relatif aux « conventions entre la société et ses dirigeants » reprend les dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce relatif aux sociétés par actions simplifiées.

Ainsi, selon ces dispositions, toute convention intervenant entre la société et l'un de ses dirigeants doit être portée à la connaissance des commissaires aux comptes dans le mois de sa conclusion.

Le commissaire aux comptes présente aux associés un rapport sur la conclusion et l'exécution des conventions au cours de l'exercice écoulé.

Les associés statuent sur ce rapport lors de la décision collective statuant sur les comptes de cet exercice.

Il est prévu cependant que les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour la personne intéressée d'en supporter les conséquences dommageables pour la société.

Il s'agit donc d'un contrôle à posteriori de la convention qui n'est pas sanctionné par la nullité de celle-ci.

Il convient de relever en outre que le contrat a été signé entre M. [O] [C] et M. [Z] [R], président du conseil d'administration, titulaire de plus de 60 % du capital social et aucun des deux autres associés, fils et neveu de M. [R], n'a contesté la conclusion du contrat de travail, conclu dans les mêmes conditions que le contrat de travail signé le 1er avril 2005 avec la société SGPR et qui comporte les mêmes dispositions que ce dernier dont notamment la clause de non-concurrence.

De plus, les statuts prévoient expressément en leur article 12 que le directeur général, qui est nommé par le président, peut bénéficier d'un contrat de travail au sein de la société.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le conseil de prud'hommes ne pouvait prononcer la nullité du contrat de travail pour violation des dispositions du code de commerce.

Sur l'existence d'un contrat de travail

Il convient de relever que M. [O] [C] ne possédait, au moment de la conclusion du contrat et avant l'acte de cession, que 35 actions sur un total de 42 325 et s'il avait, selon les statuts, des pouvoirs de direction, il ne disposait pas du pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers, sauf délégation spéciale et écrite du président.

Ceci étant, l'existence d'un mandat social de directeur général n'est pas exclusive de l'existence d'un contrat de travail.

Le seul fait, au vu du préambule explicatif figurant au contrat de travail, qu'il soit indiqué qu'il s'agissait notamment de préserver les intérêts de M. [O] [C] dans un contexte de reprise de l'intégralité du capital social de la SAS SGPR, ne saurait permettre d'en déduire l'existence d'un emploi fictif, étant relevé que la société SGPR allait être dissoute, de sorte que la conclusion avec la société Clinique [4] d'un nouveau contrat, qui au demeurant reprenait les dispositions antérieures, est normal.

Le contrat de travail fixe la mission et les attributions de M. [O] [C] comme suit :

-participer à l'élaboration des politiques et orientations de la société et donner ses avis et conseils sur les objectifs, programmes et budgets qui lui seront présentés par le conseil de la clinique [4] auquel il assistera ;

-mettre ensuite en 'uvre ces politiques et orientations.

Il s'agit des mêmes attributions que dans le contrat du 1er avril 2005 conclu entre la SAS SGPR et l'appelant.

M. [Z] [R] confirme dans son attestation l'existence d'un lien de subordination « Monsieur [O] [C] a toujours été tenu de rendre compte de son activité en tant que directeur général auprès de l'organe de direction que j'ai présidé au cours de réunions, le plus souvent quotidiennes. Il était notamment chargé de mettre en place et suivre les orientations décidées en AG et cela, sous ma direction ».

La SA Clinea ne peut sérieusement remettre en cause les fonctions salariées de directeur général de M. [O] [C] alors que le contrat de travail lui a été transféré tel quel, en pleine connaissance de cause, comme cela ressort de la convention de garantie du 3 mars 2008 à laquelle était annexé le contrat travail.

En outre, l'acte de cession des actions SGPR conclu entre M. [O] [C] et la société CLINEA précise bien que « le contrat de travail de Monsieur [O] [C] a été transféré depuis le 1er janvier 2008 dans la CLINIQUE [4] avec reprise de l'ensemble des droits y attachés.

Par ailleurs, il ressort de l'entretien de carrière réalisé le 26 juin 2008 par la DRH du groupe ORPEA CLINEA que M. [O] [C] « assure la direction de la clinique » depuis 25 ans et dans le cadre de la description de son expérience professionnelle, il est bien repris, sans contestation de leur accomplissement, l'ensemble des missions techniques que l'intéressé a remplies pendant toutes ces années, dont : l'élaboration, la mise en place et le suivi des orientations stratégiques de l'établissement (ARH, travaux de planification et de suivi, investissements, élaboration du budget prévisionnel) relation avec les fournisseurs et entreprises intervenantes (négociation, devis, contrats), prise en charge des quatre fonctions support de l'établissement (DRH, responsable comptable, responsable informatique, responsable qualité).

La DRH ajoutait d'ailleurs que M. [O] [C] « est un collaborateur à fort potentiel pouvant dans un premier temps apporter ses connaissances et son expérience au sein des groupes de travail transversaux ».

Le fait que ses fonctions soient désormais exécutées dans le cadre d'un poste de « directeur exploitation » et non plus de « directeur général » ne sert en rien la démonstration de l'intimée puisqu'il n'est pas contesté qu'au sein du groupe Clinea tous les directeurs d'établissement portent ce titre avec un statut de salarié cadre.

Au vu de ces éléments, M. [O] [C] exerçait bien des fonctions de salarié distinctes de celles d'un mandataire social, pour lesquelles il percevait une rémunération de 7945 euros bruts par mois, outre les avantages en nature dont le logement.

Au demeurant, le contrat s'est ensuite poursuivi sans modification des termes du contrat transféré jusqu'à son terme le 31 mars 2016, après que M. [O] [C] a fait valoir ses droits à la retraite.

Enfin, il ne peut sérieusement être soutenu par l'intimée qu'elle ignorait au jour de la cession, l'existence de la clause de non-concurrence, dans la mesure où l'article 4 de l'acte de cession d'actions intitulé « clause de non-concurrence et de non rétablissement » prévoit que « la présente cession est acceptée sans clause de non-concurrence et de non rétablissement ,le cédant étant par ailleurs tenu par une clause spécifique dans son contrat de travail qui se poursuit avec la clinique [4] ».

Sur la nullité du contrat au regard des dispositions de l'article 1131 du Code civil

Le contrat de travail conclu le 1er janvier 2008 contient une clause de non-concurrence dont les dispositions sont les suivantes :

« Monsieur [O] [C] sera tenu, en cas de rupture du lien contractuel de travail le liant avec la société Clinique [4], par une obligation de non-concurrence portant sur les établissements de santé ayant une activité sensiblement analogue à celle de la clinique [4] ou simplement complémentaire ou connexe à celle exercée par son employeur actuel.

Il s'interdit en conséquence de s'intéresser directement ou indirectement à une entreprise concurrente ou de collaborer sous quelque forme que ce soit avec une telle entreprise.

Cette obligation sera limitée à une période de deux années commençant à courir au jour de la rupture effective du lien de contractuel et s'appliquera sur le secteur géographique du département des Bouches-du-Rhône dans son entier.

En contrepartie de cette obligation, l'employeur s'engage à verser à M. [O] [C] une somme mensuelle de 8500 € à titre d'indemnité mensuelle spéciale et pendant tout le temps où l'obligation mise à sa charge sera en état de s'appliquer.

Le versement de cette indemnité ne cessera qu'en cas de violation de la clause par M. [O] [C] sans préjudice des dommages-intérêts qui pourront dans ce cas lui être réclamés.

L'employeur pourra se dégager du paiement de ladite indemnité mensuelle spéciale en libérant M. [C] de ladite clause de non-concurrence et sous la condition de le prévenir par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard lors de la notification de son licenciement ou dans les huit jours qui suivent la réception par l'employeur de la notification de la rupture du contrat travail à l'initiative du salarié à son employeur. »

La société Clinea fait valoir que cette clause, loin de protéger les intérêts de l'entreprise, est concentrée sur les seuls intérêts du directeur général, de sorte qu'elle est dépourvue de cause licite et donc nulle, dans la mesure où :

' M. [O] [C] était directeur général au jour de la signature de la clause,

'qu'il allait dans un futur très proche abandonner tous ses mandats au sein de la clinique [4] ,

' que la clause de non-concurrence était alors rémunérée à plus de 100 % (de fait 107 %) du salaire moyen brut de 8500 euros au regard de 7945 euros, intégrant des frais de bouche pour 450 € et avantages en nature de logement pour 500 euros,

' que la somme était d'autant plus importante qu'accordée en tout temps et quelles que soient les conditions futures de la rupture du contrat de travail,

'que son périmètre était explicitement limité au seul département des Bouches-du-Rhône, alors que le groupe CLINEA appelé à devenir créancier de l'obligation de non-concurrence a une envergure internationale.

Toutefois, il convient de relever que la clause de non-concurrence était déjà prévue dans les mêmes termes, si ce n'est une augmentation de l'indemnité de 7500 euros à 8500 euros, dans le contrat de travail signé le 1er avril 2005, soit trois ans auparavant.

Il n'est pas non plus contestable que le salarié, présent au sein de la clinique [4] depuis janvier 1983, d'abord en qualité de comptable et informaticien, a acquis au fur et à mesure des années une expérience et une compétence certaines lui permettant de se voir proposer en 2005 le poste de directeur général, la société recherchant, comme cela ressort du préambule du contrat, une personne capable de remplir des missions dans les domaines de gestion du personnel, informatique, comptabilité, gestion de trésorerie et juridique. Or précisément, comme cela ressort de l'entretien de suivi de carrière que réalisera la DRH du groupe ORPEA CLINEA en juin 2008, le salarié avait toutes ces compétences professionnelles.

M. [O] [C] a également exercé durant son activité professionnelle au sein de la clinique des fonctions syndicales de haut niveau (syndicat national des cliniques psychiatriques de France, membre du bureau, administrateur et trésorier ; au niveau régional, représentant de la branche psychiatrie au sein de l'ARS, administrateur du groupement de formation professionnelle de l'hospitalisation privée ).

Il n'est pas contestable, dans ces conditions, que le salarié, fort de cette expérience et de ses acquis, pouvait sans difficultés les faire valoir dans une autre entreprise ou en tant que consultant en intervention libérale.

Par ailleurs, l'intimée ne conteste pas que dans le seul département des Bouches-du-Rhône, il existe une dizaine d'établissements exerçant dans le même domaine que la clinique [4].

La clause de non-concurrence, dont la société Clinea ne pouvait ignorer l'existence et qui résulte d'un accord entre employeur et salarié, protégeait manifestement l'entreprise contre la concurrence d'un cadre important. Elle n'est nullement disproportionnée au regard des compétences de ce dernier, du périmètre de la zone protégée et des usages habituels de la société dont la situation financière n'était nullement obérée comme cela ressort des documents financiers produits.

Le montant de la clause de non-concurrence, soit 8500 euros par mois pendant deux ans, n'est dans ces conditions pas excessif, alors qu'il ressort des bulletins de paie que le salaire brut mensuel total comprenant le salaire de base, les primes et les avantages en nature s'élevait à une moyenne de 8500 euros.

Enfin, il ne peut être prétendu qu'il s'agissait en janvier 2008 de faire bénéficier à M. [O] [C] immédiatement d'une somme particulièrement importante en cas de rupture du contrat de travail, puis qu'elle existait depuis trois ans et que l'intéressé restera encore sept années au service de son employeur.

Ce moyen est donc également inopérant.

Sur l'existence d'une fraude

Si la cour n'est nullement tenue par les recommandations du MEDEF dont fait mention l'intimée et édictées au demeurant en 2018, il convient tout de même de relever que cet organisme estime que « la conclusion d'un accord de non-concurrence au moment du départ du dirigeant mandataire social alors qu'aucune clause n'avait été préalablement stipulée, doit être exclue », ce qui ne concerne pas le cas de M. [O] [C] .

La SAS Clinea, parfaitement informée de l'existence de la clause de non-concurrence au moment du transfert du contrat, ne peut sérieusement prétendre que M. [O] [C] aurait « tenu occulte le contrat de travail conclu à son profit par la société qu'il dirigeait et singulièrement ses dispositions les plus exorbitantes du droit commun ».

Par ailleurs, il a été vu que le contrat de travail correspondait à des fonctions salariées réellement exercées, de sorte que le fait que le contrat ait pu être signé un « 1er janvier 2008 » ou ait pu porter la mention erronée d'une forme sociale de SA au lieu de SAS, est sans intérêt.

Si le contrat a effectivement été conclu peu de temps avant la démission de directeur général en mars 2008 et la cession concomitante de la Clinique à Clinea, il a été relevé qu'il ne faisait que reprendre les dispositions antérieures dont la clause de non-concurrence et la seule augmentation de l'indemnité, corrélativement d'ailleurs avec le salaire, ne démontre aucune fraude.

Ce moyen ne peut donc pas plus prospérer.

Sur le transfert du contrat de travail et de la clause de non-concurrence

Dès lors, aucune nullité n'étant encourue et aucune fraude n'étant retenue, la société Clinea, nouvel employeur, est bien tenue des obligations qui incombaient à la société Clinique [4], l'ancien employeur, l'obligation de non-concurrence ayant été transmise avec le contrat de travail.

Sur l'opposabilité du départ en retraite et la faculté de mainlevée de l'obligation

Le départ à la retraite du salarié n'empêche pas l'application de la clause de non-concurrence.

La lettre du 20 octobre 2015 constitue bien une notification de départ à la retraite au 31 mars 2016, l'employeur étant alors informé de la volonté du salarié de rompre le contrat. Il importe peu que le départ en retraite n'ait pas été notifié dans les termes précis de la convention collective, dès lors que le contrat ne prévoit pas de forme particulière.

En tout état de cause, l'employeur n'a pas plus renoncé à la clause de non-concurrence dans les huit jours du départ effectif à la retraite le 31 mars 2016, date à laquelle la rupture était explicite et irrévocable.

Enfin, s'agissant de la prescription de la demande, l'indemnité au titre de la clause de non-concurrence n'est due que si le salarié respecte la clause pendant deux ans, à compter de la cessation du contrat de travail, soit jusqu'au 31 mars 2018. Dès lors, l'action n'était pas prescrite en novembre 2017, comme le soutient l'intimée.

Dès lors, en l'absence de renonciation de l'employeur et le salarié en ayant respecté les termes, il convient de faire droit à la demande au titre de la clause de non-concurrence et de condamner la SAS Clinea à payer à M. [O] [C] la somme de :

8500 € brut X 24 mois = 204 000 euros.

Sur la résistance abusive

La mauvaise foi de l'employeur n'est pas en l'espèce démontrée, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, laquelle ne peut résulter de l'absence de réponse à deux courriers, sera rejetée.

En tout état de cause, l'appelant ne justifie pas d'un préjudice distinct du simple retard de paiement.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SAS Clinea sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie parfaitement d'accorder à M. [O] [C] la somme réclamée de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Infirme le jugement rendu le 15 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf en ce qu'il a débouté M. [O] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Et statuant à nouveau sur tous les autres chefs et y ajoutant,

- Déclare l'action non prescrite,

- Condamne la SAS Clinea à payer à M. [O] [C] la somme de 204 000 euros au titre de la clause de non-concurrence avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2017,

- Condamne la SAS Clinea à payer à M. [O] [C] la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette le surplus des demandes,

- Condamne la SAS Clinea aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/04357
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;19.04357 ?
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