RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00412 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5T7
AD
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS
01 décembre 2020
RG:19/00453
[X]
[X]
[X]
[X] ÉPOUSE [D]
C/
S.C.I. SCI DUO
[P]
[E]
Grosse délivrée
le
à Selarl Lexavoue
SELAFA AVOCAJURIS
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Privas en date du 01 Décembre 2020, N°19/00453
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,
Madame Laure MALLET, Conseillère,
Madame Virginie HUET, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
Madame [V] [X]
née le 28 Juin 1942 à [Localité 42] (74)
[Adresse 36]
[Localité 39]
Représentée par Me Didier CHAMPAUZAC de la SELARL CABINET CHAMPAUZAC, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [C] [X]
né le 10 Septembre 1970 à [Localité 41]
[Adresse 14]
[Localité 39]
Représenté par Me Didier CHAMPAUZAC de la SELARL CABINET CHAMPAUZAC, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [I] [X]
née le 01 Juillet 1967 à [Localité 41]
[Adresse 35]
[Localité 39]
Représentée par Me Didier CHAMPAUZAC de la SELARL CABINET CHAMPAUZAC, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [A] [X] ÉPOUSE [D]
née le 10 Septembre 1971 à [Localité 41]
[Adresse 38]
[Localité 37]
Représentée par Me Didier CHAMPAUZAC de la SELARL CABINET CHAMPAUZAC, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
SCI DUO Société Civile Immobilière au capital social de 1000 € inscrite au RCS de Marseille sous le n° 813 690 104 dont le siège social est
[Adresse 28]
[Localité 7]
Représentée par Me Roland DARNOUX de la SELAFA AVOCAJURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE
INTERVENANTS
Monsieur [O] [Y] [P]
assigné en intervention forcée à étude d'huissier le 27/07/21
[Adresse 34]
[Localité 1]
Monsieur [K] [E]
assignée en intervention forcée à étude d'huissier le 27/07/21
[Adresse 34]
[Localité 1]
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 12 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
Exposé :
Vu le jugement rendu le 1er décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Privas :
- ayant déclaré les consorts [X] propriétaires de l'ensemble des ouvrages de canalisation du tronçon BC ainsi que de la bande de terrain située en dessous de ces ouvrages,
- ayant constaté l'existence d'une servitude canalisation au profit de la parcelle [X] sur les parcelles de la société civile immobilière Duo [Cadastre 18],[Cadastre 19],[Cadastre 20],[Cadastre 21] et [Cadastre 23] pour la canalisation du tronçon CG,
- ayant rejeté la demande de servitude sur le tronçon KLMN,
- ayant débouté les consorts [X] de leur demande tendant à leur accorder une servitude de passage, de leur demande d'astreinte en cas d'empêchement à l'exercice de la servitude par la société Duo
- ayant ordonné l'enlèvement de la canalisation sur le tronçon KLMN sous astreinte,
- ayant rejeté les demandes des consorts [X] sur les travaux de la société Duo (réalisation de travaux d'enfouissement de la béalière existante, création d'une plate-forme et d'un exhaussement de terrain sur les parcelles [Cadastre 18] et [Cadastre 19])
- ayant rejeté l'application de l'article 700 du code de procédure civile
- et ayant condamné les demandeurs, d'une part, et la défenderesse, d'autre part, à supporter par moitié les entiers dépens.
Vu l'appel interjeté par [V] [X], [C] [X], [I] [X], [A] [X] le 29 janvier 2021.
Vu les dernières conclusions des appelants en date du 6 octobre 2022, demandant de :
' confirmer le jugement en ce qu'il les a déclarés propriétaires de l'ensemble des ouvrages de canalisation sur le tronçon BC du plan annexe deux de l'expert ainsi que de la bande de terrains situés au-dessous de ces ouvrages ,
' réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
' juger que les parcelles E [Cadastre 6],[Cadastre 24],[Cadastre 26] bénéficient d'une servitude de canalisation et de tuyaux sur les parcelles E [Cadastre 18],[Cadastre 20] à [Cadastre 22], [Cadastre 2], [Cadastre 10], [Cadastre 12] et [Cadastre 11],
' juger que les mêmes parcelles bénéficient sur les mêmes parcelles d'une servitude de passage,
' juger que la société Duo ou ses ayants droits doivent permettre l'exercice de ces servitudes sous une astreinte de 800 € par infraction constatée,
' faire interdiction à la société Duo de réaliser tous travaux d'enfouissement de la Béalière existante sous astreinte et de procéder à la création d'une plate-forme et à un exhaussement de terrain sur les parcelles E [Cadastre 18], [Cadastre 10] et [Cadastre 2] sous astreinte,
' condamner la société Duo à leur verser la somme de 5000 € à titre de réparation du préjudice subi ,
' déclarer irrecevables au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile les conclusions de la société Duo du 26 juillet 2021, 30 septembre 2022 et toutes conclusions ultérieures du même chef,
' à titre subsidiaire, réformer le jugement
' juger que les parcelles E [Cadastre 6],[Cadastre 24],[Cadastre 26] bénéficient d'une servitude de canalisation et de tuyaux sur les parcelles E [Cadastre 18],[Cadastre 20] à [Cadastre 22], [Cadastre 2], [Cadastre 10], [Cadastre 12], [Cadastre 11] et [Cadastre 25],
' juger que les mêmes parcelles bénéficient sur les mêmes parcelles d'une servitude de passage,
' juger que la société Duo ou ses ayants droits doivent permettre l'exercice de ces servitudes sous une astreinte de 800 € par infraction constatée,
' Faire interdiction à la société Duo de réaliser tous travaux d'enfouissement de la Béalière existante sous astreinte et de procéder à la création d'une plate-forme et à un exhaussement de terrain sur les parcelles E [Cadastre 18], [Cadastre 10], et [Cadastre 2] sous astreinte,
' condamner la société Duo à leur verser la somme de 5000 € à titre de réparation du préjudice subi ,
' en tout état de cause,
' rejeter toutes demandes contraires, dire irrecevables et mal fondées les demandes de la société intimée,
' rejeter tout appel incident,
' condamner la société intimée à leur payer 8000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Vu les conclusions du 30 septembre 2022 de la société civile immobilière Duo, demandant de :
' la recevoir en ses conclusions et en son appel incident,
' rejeter les demandes des consorts [X] en raison de l'absence d'un droit d'eau et également leurs demandes sur les travaux,
' dire la servitude de passage éteinte en regard des dispositions de l'article 703 du Code civil,
' juger que la proposition d'enfouir les canalisations est conforme au droit et aux règles de l'art,
' ordonner l'enlèvement sous astreinte du tuyau noir dans les 15 jours après signification de la décision à intervenir,
' dire que les appelants ont porté atteinte à leur droit de propriété et les condamner à lui verser la somme de 15'000 € pour les contraintes techniques du chantier, outre 49'000 € pour
le préjudice global et forfaitaire des lots 3 et 4,
' condamner les appelants à leur payer la somme de 8000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Vu l'assignation en intervention forcée du 27 juillet 2021, délivrée par les appelants à Monsieur [P] et Madame [E], ceux- ci ayant acquis les parcelles E [Cadastre 13],[Cadastre 30],[Cadastre 21],[Cadastre 22] et [Cadastre 25], l'acte contenant dénonce des conclusions prises à cette date, l'assignation ayant été délivrée à l'étude de l'huissier.
L'arrêt sera rendu par défaut.
Motifs
Les consorts [X] sont propriétaires, à [Localité 39], de biens immobiliers constitués des parcelles E [Cadastre 16],[Cadastre 17],[Cadastre 24],[Cadastre 26] à [Cadastre 29],[Cadastre 31], [Cadastre 3] à [Cadastre 4], [Cadastre 5] à [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] tandis que que la société civile immobilière Duo était propriétaire d'un fonds voisin, cadastré E [Cadastre 18],[Cadastre 19],[Cadastre 20],[Cadastre 21],[Cadastre 22],[Cadastre 23],[Cadastre 25] dont elle a vendu certaines des parcelles sus citées.
Les deux propriétés sont traversées par des canalisations qui partent d'une prise d'eau dans le ruisseau de Chaumette, (prise d'eau située sur la parcelle [Cadastre 26]), à partir de laquelle l'eau est désormais acheminée par une canalisation qui se poursuit sur les tènements de la SCI Duo en suivant notamment les traces bâties d'une ancienne béalière .
La société civile immobilière Duo projetant des travaux de création d'un lotissement sur les parcelles [Cadastre 19] et [Cadastre 23] a sollicité les consorts [X] pour des travaux sur parties de la canalisation, auxquels ceux-ci se sont opposés, diligentant une procédure de référé et obtenant la désignation d'un expert.
Les consorts [X], qui sollicitent à ce jour de voir juger la régularité de leurs droits sur les différents tronçons de la canalisation, se voient opposer par la société civile immobilière Duo, d'une part, qu'ils ont perdu leur droit d'eau ou ne l'ont jamais eu, d'autre part, qu'ils ne peuvent, par suite, prétendre à aucunes servitudes, lesquelles se trouvent éteintes et qu'ils ne peuvent non plus s'opposer à leurs travaux au visa de l'article 701 du Code civil, enfin, à titre subsidiaire que ses demandes d'enlèvement des ouvrages sont fondées en application de l'article 701 du code civil.
Sur la procédure :
Préalablement à l'appréciation au fond des prétentions ainsi débattues, il y a lieu d'examiner la demandes des consorts [X] tendant, aux termes du dispositif de leurs conclusions qui en application de l'article 954 lie la cour, à voir rejeter comme irrecevables, au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile, 'les conclusions' de la société Duo des 26 juillet 2021 et 30 septembre 2022, ainsi que toutes conclusions ultérieures du même chef.
Au soutien de cette réclamation, les consorts [X] font valoir que les conclusions ne comportent pas de demande de réformation ou d'infirmation et que la cour n'est donc saisie d'aucun appel incident sur lequel elle devrait statuer.
Ce moyen, qui ne pourrait fonder qu'une demande tendant à voir dire, au visa également des articles 542 et 954 du code de procédure civile, que la cour n'est saisie d'aucun appel incident et qu'elle ne pourrait, en conséquence, que confirmer le jugement, ne peut cependant fonder le prononcé, tel que sollicité en application de l'article 910-4, de l'irrecevabilité des conclusions, elles mêmes, seule demande dont la cour est donc saisie.
Les appelants développent, ensuite, le moyen plus spécifiquement tiré de l'article 910-4.
Si ce texte prévoit effectivement qu'il appartient aux parties de développer, dès leurs premières conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, la sanction y énoncée est celle de l'irrecevabilité des demandes et non celle de l'irrecevabilité des conclusions, telle que demandée par le dispositif des conclusions des appelants .
La demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions de la société Duo du 26 juillet 2021 et 30 septembre 2022 ainsi que toutes éventuelles conclusions ultérieures, sera donc rejetée.
Sur le fond :
L'examen des divers titres et documents versés aux débats relatifs aux droits des parties sur les parcelles concernées ainsi que sur le ruisseau qui les borde et les différentes observations topographiques précises faites sur les lieux, notamment par l'expert, permettent de retenir, relativement à l'historique des droits sur les parcelles :
Qu'il existe, sur le ruisseau de Chaumette, une prise d'eau se situant sur la parcelle [Cadastre 26] des consorts [X] et alimentant une canalisation, posée au moins en partie (et jusqu'au point F de son plan) sur une ancienne béalière ;
Qu'au vu de la chaîne des titres, les parcelles constituant les propriétés respectives des consorts [X] et de la société civile immobilière Duo sont toutes issues d'un même auteur, [W] [H] [U], qui a procédé le 16 septembre 1853, à la vente d'une partie de sa propriété, laquelle comportait deux fabriques destinées à l'exploitation de la soie, vendant ainsi à Monsieur [N], aux droits duquel vient désormais la société Duo, la fabrique située sur la parcelle anciennement numérotée [Cadastre 33], dite 'fabrique haute', avec divers terrains contigus au bâtiment de la fabrique limitant les propriétés restant au vendeur et se réservant la fabrique dite 'basse', située sur la parcelle anciennement numérotée [Cadastre 32];
Que par ailleurs, une convention était établie relativement à l'eau nécessaire au fonctionnement des fabriques : ainsi, y était-il prévu que l'entretien et la construction des éléments de chaussée et de la béalière jusqu'à la fabrique haute, vendue, se faisait à frais communs ; l'eau ainsi prélevée était également stipulée comme ayant un usage d'irrigation des terrains de M [N] et un usage ménager pour M [U], celui-ci ayant le droit de prendre de l'eau pour le service de sa maison ou les besoins de ménage de ses habitants ; Monsieur [N] devait fournir sur sa propriété un chemin à Monsieur [U] pour arriver à la prise d'eau, appelée dans l'acte « chaussée commune » ; Monsieur [U] se réservait comme lui appartenant le canal souterrain existant dans la propriété vendue, à ce jour, selon l'expert, la parcelle [Cadastre 18] de son plan et amenant les eaux à sa fabrique à partir de celle de l'acquéreur; il se réservait également le droit de faire placer dans la propriété vendue, à ce jour, selon l'expert, parcelles [Cadastre 19] et [Cadastre 23] de son plan, des conduits pour dériver un filet d'eau au profit de son habitation, pouvant également à partir du canal de fuite prendre de l'eau pour arroser sa prairie ;
Que ces dispositions prévues pour l'usage respectif de chacune des propriétés ainsi créees par cette vente n'ont été remises en cause par aucun autre des titres postérieurs ;
Que depuis 1948, le tracé de la béalière est apparent sur toutes les photographies aériennes, notamment dans le tronçon aérien FG conduisant l'eau sur la propriété [X] et que depuis au moins 1969, l'eau est acheminée du ruisseau vers le réservoir situé sur la propriété [X] en sa parcelle [Cadastre 6], l'utilisation de l'eau au moyen de la canalisation partant du point A et existant dans la béalière étant cohérente avec l'acte de 1853 ;
Qu'en revanche, dans sa poursuite à partir du point K jusqu'au point N, la canalisation n'est prévue dans aucun des titres et qu'à cet égard, la cour relève que le tribunal qui a ordonné l'enlèvement par les consorts [X] de cette partie de canalisation située sur la parcelle [Cadastre 18] sous astreinte n'est pas critiqué de ce chef, ni au demeurant en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir constater l'existence d'une servitude de canalisations et de tuyaux sur la parcelle [Cadastre 18] pour la canalisation KLMN;
Que le préfet de l'Ardèche a considéré, le 17 septembre 2015, que l'éventuel droit fondé en titre de prise d'eau des consorts [X] pour l'utilisation de la force motrice de ce cours d'eau était perdu ; que néanmoins, cette décision a fait l'objet d'une annulation par la juridiction administrative pour des problèmes de procédure.
Il s'en suit :
- que si le droit d'eau fondé en titre existe, il ne peut, en revanche, être utilement allégué un état de ruine des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume du cours d'eau dès lors qu'il résulte des constatations expertales que par l'installation des canalisations, toujours en fonction, même si quelque peu fuyardes, à l'emplacement de la béalière au moins jusqu'à la parcelle [Cadastre 6], la force motrice de ce cours d'eau est toujours utilisée de sorte que cette situation, qui ne permet donc pas de retenir un état de ruine, ne permet pas, non plus, de considérer que les dispositions de l'article 703 du Code civil invoqué par la société civile immobilière Duo seraient applicables, l'extinction y prèvue d'une servitude y étant réservée au cas d'impossibilité d'en user, qui en l'espèce, n'est ainsi nullement avérée;
- que la canalisation acheminant l'eau jusqu'à la propriété [X], cadastrée [Cadastre 6], à partir du point A et jusqu'au point G est parfaitement cohérente et correspond au tracé de l'ancienne béalière qui traverse l'écluse entre les points D et E ; que jusqu'à la vente d'une partie de sa propriété en 1853 à Monsieur [N], aux droits duquel vient la société Duo, la béalière ne fonctionnait qu'à l'usage de Monsieur [U], alors propriétaire des deux fabriques et de l'ensemble des tènements ; que c'est cet acte qui prévoit les conditions d'aménagement, y compris sur les parcelles vendues, de l'amenée de l'eau jusqu'aux parcelles restant appartenir à Monsieur [U] et les droits de chacun des propriétaires conçus comme des servitudes tant de passage pour accéder depuis le fond [Cadastre 6] jusqu'à l'ouvrage de prise d'eau situé sur le ruisseau au point A que de canalisations (sous forme de canal, dit béalière, ou dans leur version adaptée à l'évolution des techniques, sous forme de tuyaux) sur l'ensemble des parcelles, désormais propriété de la société Duo et formellement identifiées par l'expert à la page 39 de son rapport, identification non utilement remise en cause par la société intimée;
- que dans ces conditions, les consorts [X] invoquent, à juste titre, une servitude de canalisation, à la fois par titre et par destination du père de famille sur les parcelles concernées par le litige entre les points D et G, le jugement ayant exactement retenu que cette servitude de canalisations bénéficiait à la parcelle [Cadastre 6] et grevait les parcelles numérotées au plan de l'expert [Cadastre 18],[Cadastre 19],[Cadastre 20],[Cadastre 21] et [Cadastre 23], désormais numérotées selon les appelants et sans contestation de la société intimée [Cadastre 18],[Cadastre 20],[Cadastre 21],[Cadastre 22], [Cadastre 2], [Cadastre 10], [Cadastre 12], [Cadastre 11], sans enfin, qu'il y ait lieu d'assortir l'exercice de la servitude ainsi reconnue d'une astreinte ;
- qu'il existe aussi et dans les mêmes conditions une servitude de passage pour permettre à Monsieur [U] l'accès à la prise d'eau dont il n'est pas contesté que son tracé existe jusqu'au point A à partir de la parcelle [Cadastre 6] des appelants, l'expert notant même l'avoir emprunté entre les points F et A pour rejoindre la prise d'eau, de sorte qu'à défaut d'avoir été précisément définie à l'acte de 1853 quant à son cheminement, cette servitude de passage dont le droit en son principe peut résulter de la destination du père de famille est, en ce qui concerne son tracé, acquise par prescription, étant encore précisé qu'elle existe au profit des parcelles [X] [Cadastre 6],[Cadastre 24] et [Cadastre 26], telles que citées au plan de l'expert, et qu'elle grève les parcelles de la société Duo [Cadastre 18],[Cadastre 20], [Cadastre 21],[Cadastre 22], [Cadastre 2], [Cadastre 10], [Cadastre 12] et [Cadastre 11], qu'elle s'exerce le long du canal sur les parcelles de la SCI Duo tel que le chemin existe actuellement entre les points D et G puis jusqu'au point B, au delà duquel le canal est sur la propriété [X], l'exercice de cette servitude n'ayant pas, non plus, lieu d'être, à ce stade, assorti d'une astreinte.
Reste, dès lors, à apprécier la demande de la société civile immobilière Duo relative à l'enlèvement du tuyau noir sous astreinte.
La société civile immobilière Duo expose à ce sujet que les photos produites montrent que ce tuyau noir n'existe pas en 2013 et qu'il n'a été installé que très récemment.
Il n'est pas contesté que ce tuyau noir est celui qui sert à l'amenée de l'eau jusqu'à la maison [X] conformément à l'usage domestique prévu à l'acte de 1853 qui envisage expressément le droit d'eau pour le service des habitants de la maison de [Adresse 40]( maison [X] )et dont il n'est pas démontré, alors qu'ils tiennent ce droit de leur auteur, qu'il serait abandonné, la seule circonstance invoquée par l'intimée que ce tuyau ne figure pas sur constat de huissier du 2 mai 2013 et qu'il n'est pas décrit par l'expert étant inopérante, de sorte que la demande de ce chef sera rejetée.
Les servitudes étant ainsi reconnues, il y a lieu d'apprécier le bien-fondé de la demande de travaux de la société Duo dont les appelants affirment qu'ils auront pour conséquence d'affecter leur mode d'exercice et à propos desquels la société Duo invoque, pour sa part, les dispositions de l'article 701 du Code civil qui prévoit :
-que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, à le rendre plus incommode,
-qu'il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée,
- mais que si cette assignation primitive est devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti ou si elle l'empêche ou diffère des réparations avantageuses, il peut offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits et celui-ci ne pourra pas le refuser.
À cet égard, l'expert s'est vu remettre les projets de travaux envisagés par la société civile immobilière Duo sur la partie de canalisation existante entre les points DEFG, situés sur la propriété Duo.
A aucun moment, l'expert ne spécifie à leur sujet qu'ils ne sont pas suffisamment précis pour qu'il ne puisse en examiner les conséquences sur l'exercice des servitudes.
Il retient donc à ce sujet que les travaux de la société civile immobilière prévoient le remplacement du tracé actuel entre les points D et G qui correspond à un cheminement tortueux par un tracé rectiligne qui ne peut qu'être bénéfique à la fois au respect du débit et à celui du volume de l'eau, que la circonstance qu'il soit enterré n'est pas préjudiciable dans la mesure où d'une part, l'enfouissement permet une meilleure conservation des matériaux,(abri de la lumière et des changements de température, raccords étanches) et où d'autre part, il doit être utilisé une bonne qualité de PVC, préconisant à cet égard d'utiliser une canalisation PVC de 125mm et de classe de rigidité CR et de créer deux regards dont il relève qu'ils sont projetés par la SCI Duo dans des parties, sans ou à faible remblai, et dont il conclut que leur dimension proposée pour 50cm/50cm est suffisante, en ajoutant que le regard à installer en D doit être équipé d'un fonds de regard avec le bassin de décantation et doit avoir un couvercle étanche et apparent, qu'il n'y a pas de nécessité d'une grille à ce niveau dans la mesure où les feuilles brindilles et déchets végétaux doivent pouvoir être piégés en amont, notamment sur la prise d'eau et qu'il est judicieux d'interdire les plantations de haie et d'arbres de haute tige à proximité de cette partie enterrée de la canalisation.
À aucun moment, l'expert n'a considéré que les travaux de la société civile immobilière duo exigeaient la création d'une plate-forme et d'un exhaussement de terrain, l'expert évoquant seulement un remblaiement du réservoir et du terrain entre les points F et G, qui sont sans influence sur le débit d'eau, et les consorts [X] ne démontrant d'ailleurs pas l'avoir sollicité sur ce point précis, de sorte que leur demande de ce chef tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la société Duo de la créer une plate-forme et un exhaussement de terrain, qui n'est pas fondée en l'état des éléments soumis à la cour, ne peut qu'être rejetée.
Compte tenu du bénéfice que la société Duo peut tirer de la réalisation de ces travaux pour une exploitation normale de son fonds et des exigences de l'article 701 ainsi que des conclusions sérieusement motivées de l'expert à ce sujet, il sera donc fait droit à la demande de travaux de celle-ci dans les conditions ci-dessus précisées conformément aux observations expertales.
Reste, dès lors, à examiner les demandes de dommages et intérêts formulés par la société civile immobilière Duo.
Cette demande exige la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien causal.
La société Duo ne produit cependant aucun document de nature à démontrer la réalité des divers préjudices qu'elle invoque de ce chef et elle ne saurait pas plus utilement invoquer la faute des consorts [X] compte tenu à la fois de la succombance respective de la société civile immobilière et des consorts [X] sur leurs prétentions contraires et de la complexité particulière de leurs situations en droit et en fait que seul, un travail conséquent de l'expert a permis d'éclairer.
Cette même succombance justifie le rejet de la demande de dommages et intérêts des consorts [X].
Au regard de la motivation ci-dessus retenue et des demandes telles que formulées au dispositif des conclusions des parties qui lie la cour, les développements plus amples, faits notamment sur le bassin et la canalisation KLMN sont sans objet.
Vu la succombance des parties sur leurs prétentions respectives, l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel seront supportés par moitié par chacune d'entre elles.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement , par défaut, en matière civile, et en dernier ressort,
Rejette la demande des consorts [X] tendant à voir déclarer irrecevables au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile les conclusions de la société civile immobilière Duo du 26 juillet 2021, du 30 septembre 2022, ainsi que toutes conclusions ultérieures du même chef,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré [V] [X], [C] [X], [I] [X], [A] [X] propriétaires de l'ensemble des ouvrages de canalisation matérialisés sur le tronçon BC du plan annexe deux de l'expert judiciaire ainsi que de la bande de terrain située au-dessous de ses ouvrages,
Confirme le jugement en ce qu'il a constaté l'existence d'une servitude de canalisation, sauf à dire que cette servitude concerne au titre des fonds servants les parcelles désormais dénommées au dernier cadastre E [Cadastre 18],[Cadastre 20],[Cadastre 21],[Cadastre 22]'[Cadastre 27], [Cadastre 10], [Cadastre 12] et [Cadastre 11], qu'elle bénéficie à la seule parcelle [Cadastre 6] appartenant aux consorts [X] et qu'elle correspond au tracé DG du même plan,
Réforme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des consorts [X] tendant à leur voir accorder une servitude de passage et statuant à nouveau :
Juge que les parcelles des consorts [X] E [Cadastre 6],[Cadastre 24] et [Cadastre 26] bénéficient d'une servitude de passage sur les parcelles fonds servants de la société civile immobilière Duo, désormais cadastrée E [Cadastre 18],[Cadastre 20],[Cadastre 15],[Cadastre 22], [Cadastre 2], [Cadastre 10], [Cadastre 12] et [Cadastre 11], cette servitude devant s'exercer le long du canal sur les parcelles de la SCI Duo tel que le chemin existe actuellement entre les points D et G, puis jusqu'au point B, au delà duquel le canal est sur la propriété [X],
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des consorts [X] tendant à interdire à la société civile immobilière Duo de réaliser des travaux d'enfouissement de la Béalière existante et autorise en conséquence lesdits travaux, sauf à préciser que ces travaux consistent dans le remplacement du tracé actuel entre les points D et G qui correspond à un cheminement tortueux par un tracé rectiligne, qu'il doit être utilisé une bonne qualité de PVC, soit une canalisation PVC de 125mm et de classe de rigidité CR et qu'il doit être créé deux regards tels que prévus par le projet soumis à l'expert dans les parties sans ou à faible remblai avec une dimension de 50cm/50cm et un regard à installer en D qui doit être équipé d'un fonds de regard avec le bassin de décantation et qui doit avoir un couvercle étanche et apparent sans cependant nécessité d'une grille à ce niveau, enfin qu'il y a lieu d'interdire les plantations de haie et d'arbres de haute tige tout le long de cette canalisation enterrée ,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des consorts [X] tendant à interdire à la société civile immobilière Duo de procéder à la création d'une plate-forme et à un exhaussement de terrain sur les parcelles [Cadastre 18] et [Cadastre 19],
Confirme le jugement sur toutes ses autres dispositions plus amples et non réformées par le présent arrêt,
y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples des parties,
Condamne d'une part, les consorts [V] [X], [C] [X], [I] [X], [A] [X] et d'autre part, la société civile immobilière Duo à supporter par moitié chacun les entiers dépens de la procédure.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,