RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00521 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H54T
VH
TRIBUNAL D'INSTANCE DE NÎMES
10 novembre 2020 RG :11-17-0006
[C]
C/
[D]
[D]
[D]
Grosse délivrée
le
à SCP Lemoine Clabeaut
Selarl Blanc-Tardivel...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de NÎMES en date du 10 Novembre 2020, N°11-17-0006
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Virginie HUET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre
Madame Laure MALLET, Conseillère
Madame Virginie HUET, Conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2022 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [L] [Z] épouse [A]
née à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Christèle CLABEAUT de la SCP LEMOINE CLABEAUT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Madame [M] [D]
née le 26 Juin 1941 à [Localité 10]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Pierre-Henry BLANC de la SELARL BLANC-TARDIVEL-BOCOGNANO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [V] [D]
né le 28 Février 1967 à [Localité 9]-ALLEMAGNE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Pierre-Henry BLANC de la SELARL BLANC-TARDIVEL-BOCOGNANO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [R] [D]
née le 27 Avril 1965 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Pierre-Henry BLANC de la SELARL BLANC-TARDIVEL-BOCOGNANO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, le 12 janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE
Mme [M] [D] et ses enfants, M. [V] [D] et Mme [R] [D] (les consorts [D]) sont propriétaires en indivision d'une parcelle cadastrée section [Cadastre 7] sise [Adresse 5], jouxtant la parcelle [Cadastre 8] sise [Adresse 1], appartenant à Mme [L] [A]-[Z].
Un différend oppose les parties quant à la position de la limite séparative.
Les consorts [D] ont fait appel à Mme [B], géomètre-expert, qui a proposé un plan de bornage, lequel a donné lieu à un procès-verbal de carence.
Par acte d'huissier en date du 5 juin 2015, les consorts [D] ont assigné Mme [L] [A]-[Z] devant le tribunal d'instance de Nîmes aux fins de voir nommer un géomètre-expert pour proposer un bornage judiciaire des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
Par jugement rendu le 12 juillet 2016, le tribunal d'instance de Nîmes a fait droit à cette demande et commis M. [U] [F] [N], géomètre-expert, pour y procéder.
L'expert a rendu son rapport le 8 mars 2019.
Par jugement du 10 novembre 2020, le tribunal de Nîmes a statué comme suit :
- homologue le rapport d'expertise judiciaire du 8 mars 2019 déposé par M. [U] [F] [N],
- fixe les limites séparatives des fonds déterminées par le plan de bornage proposé entre les parcelles voisines, d'une part, [Cadastre 7] sise [Adresse 5], de Mme [M] [D], M. [V] [D] et Mme [R] [D], et d'autre part, DY [Cadastre 8] sise [Adresse 1], de Mme [L] [A]-[Z], selon la proposition faite par l'expert, M. [U] [F] [N], en pages 22, 23, et 24 de son rapport, et selon plan annexé au présent jugement qui correspond à l'annexe n°45 du rapport de l'expert judiciaire,
- fixe la limite séparative des fonds entre la parcelle [Cadastre 7] et la parcelle [Cadastre 8] suivant les points 420, 421,422, 435, 360, 363, 108, 366, 152, 130, 434, 425, 426, 427,428, 429,430, 431, 134, 135, 432, et 433, rappelant que la position des points 420 et 433 ne sont pas garantis selon l'expert, en raison des propriétaires des parcelles pour chacun des points qui n'ont pas été appelés dans la cause, ne permettant pas de leur rendre opposable l'expertise aux fins de bornage,
- dit que les points 420, 421, 422, 135, 432, et 433 devront être matérialisés sur les lieux par des bornes ou des clous métalliques, rappelant que les autres points de la limite correspondent à des éléments déjà matérialisés par des ouvrages existants,
- commet M. [U] [F] [N], avec mission complémentaire de procéder à l'implantation des bornes ou des clous métalliques aux points 420, 421, 422, 135, 432, et 433 et à l'enlèvement de toutes bornes OGE apposées provisoirement sur les parcelles le cas échéant,
- condamne Mme [M] [D], M. [V] [D] et Mme [R] [D] in solidum, d'une part, et Mme [L] [A]-[Z], d'autre part, à payer la moitié des dépens, en ce compris la moitié des frais d'expertise,
- déboute Mme [M] [D], M. [V] [D] et Mme [R] [D] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute Mme [L] [A]-[Z], de ses demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 5 février 2021, Mme [L] [A]-[Z] a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 septembre 2022, auxquelles il est expressément référé, Mme [L] [A]-[Z] demande à la cour de :
Vu les articles 646 et suivants du code civil,
Vu le pré-rapport et le rapport d'expertise établis par M. [N],
Vu le jugement du 10 novembre 2020,
Vu la déclaration d'appel du 5 février 2021,
Vu les présentes conclusions et les pièces versées aux débats, ces dernières complétant le rapport d'expertise,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel qu'elle a formé,
- rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétention de l'indivision [D],
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 10 novembre 2020,
à titre principal,
- fixer la délimitation entre la parcelle [Cadastre 7] et la parcelle [Cadastre 8] selon la ligne passant par les points 420, 421, 366, 130, 434, 426, 427, 428, 429, 430, 431, 134, 135,
à titre subsidiaire,
- homologuer le plan de proposition de bornage,
- fixer la délimitation entre la parcelle [Cadastre 7] et la parcelle [Cadastre 8] selon la ligne passant par les points 420, 421, 422, 435, 360, 363, 108, 366, 130, 434, 426, 427, 428, 429, 430, 431, 134, 135,
en tout état de cause,
- désigner tel expert géomètre qu'il lui plaira pour procéder à l'implantation des bornes,
- faire masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties, en ce compris les frais d'expertise et de bornage,
- condamner les consorts [D] in solidum à lui porter et payer la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante soutient que son appel est justifié en ce qu'elle a critiqué le jugement en chacune de ses dispositions dans sa déclaration d'appel, et que, concernant ses conclusions d'appel, elle n'est pas dans le cas dans lequel l'appelant ne demandant dans le dispositif ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ou prononcer la caducité de la déclaration d'appel.
Elle reproche au premier juge de ne pas avoir fait droit à sa demande tendant à la fixation d'une limite rectiligne passant par les points 420-421 (1- 2 -3) et 366, l'enjeu de la fixation des limites étant important car lié à la gestion de ses eaux pluviales. Elle affirme que l'expert a retenu à juste titre la limite des deux propriétés des points 420 et 421.
Elle fait valoir que les points 422, 360, 363 et 108 doivent être modifiés ceux-ci ne correspondant pas à la réalité de la limite de propriété, de sorte qu'une ligne droite doit être fixée du point 421 à 366 dès lors :
- qu'une conduite métallique très ancienne a été retrouvée à l'ouest du bâtiment et que contrairement à ce soutiennent les consorts [D], il ne s'agit pas d'un tuyau installé en 2015, mais d'une réparation de la canalisation d'eau de pluie qui existe depuis toujours, dès lors que ses auteurs n'ont pas pu construire le mazet en violation de la loi et déverser les eaux pluviales chez leur voisin, notamment également au regard de l'importance de la surface des parcelles, de sorte que la limite de propriété ne pouvait être confondue avec la façade du bâtiment,
- que les plans produits aux débats, comme le plan établi par M. [X] en 1978, qui situent artificiellement la limite comme confondue avec la façade devront être purement et simplement écartés dans la mesure où ils n'avaient aucun caractère régulier et contradictoire,
- que l'expert devait respecter le plan cadastral qui est un principe gouvernant impérativement le choix à retenir pour le positionnement de la limite,
- que la clôture grillagée proposée par l'expert comme limite entre les points 420-421 serait dans le parfait prolongement de cette limite à fixer en décalage par rapport à la façade, consolidant ainsi la zone de déversement des eaux pluviales comme parfaitement licite puisque incluse dans sa propriété,
- qu'elle conteste l'argumentation de Mme [D] selon laquelle elle aurait accepté de déplacer le grillage provisoirement en 1987 pour lui permettre de déposer des matériaux lors de l'extension de son mazet, alors qu'au regard des photographies qu'elle verse aux débats il existait bien un clapas qui passait derrière son mazet devant l'angle de la maison de Mme [D] et un abri de jardin accolé au mazet qui a été pris à tort pour un décroché de clapas par la partie adverse,
- qu'elle reproche à l'expert de ne pas avoir tenu compte de la prescription acquisitive.
A titre subsidiaire, elle sollicite l'homologation du plan de proposition de bornage établi par M. [N].
Elle estime que la condamnation des consorts [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles est justifiée, aucune tentative de règlement amiable n'ayant en définitive jamais été faite dans la mesure où elle ne pouvait pas signer un procès-verbal de bornage amiable sans aucun élément de nature à éclairer son consentement.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 7 juin 2021, auxquelles il est expressément référé, Mme [M] [D], M. [V] [D] et Mme [R] [D] demandent à la cour de :
y venir la requise,
- rejeter l'appel comme étant irrecevable,
- rejeter l'appel comme étant infondé,
à titre principal,
- réformer le jugement,
- fixer la délimitation entre la parcelle [Cadastre 7] et la parcelle [Cadastre 8] selon la ligne passant par les points 433, 432, 135, 134, 431, 430, 429, 428, 427, 426, 425, 434, 130, 152, 366, 108, 363, 360, 435, 422, extrémité sud-ouest de la maison et 420,
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement déféré,
- fixer la délimitation entre la parcelle [Cadastre 7] et [Cadastre 8], suivant les points 420, 421, 422, 435, 360, 363, 108, 366, 152, 130, 434, 425, 426, 427, 428, 429, 430, 431, 134, 135, 432 et 433,
en tout état de cause,
- condamner Mme [A] à verser 3 000 euros au titre d'une amende pour recours abusif,
- condamner Mme [A] à verser 5 000 euros à la famille [D] pour réparation du préjudice subi du fait de ce recours abusif,
- désigner tel expert géomètre qu'il lui plaira pour procéder à l'implantation des bornes aux points 420, 421, 422, 135, 432 et 433 et à l'enlèvement de toutes bornes OGE apposées provisoirement sur les parcelles le cas échéant,
- faire masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties, en ce compris les frais d'expertise et de bornage,
- condamner Mme [A]-[Z] à leur verser la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés soutiennent :
- que les conclusions d'appel ne sont pas présentées conformément à l'article 954 du code de procédure civile et que ne contenant aucune critique du jugement déféré, l'appel formé par Mme [A] est irrecevable,
- qu'en n'apportant aucune pièce nouvelle, aucune critique sérieuse au jugement, la seule mention nouvelle visant à voir réformer la décision critiquée ne pouvant suffire à caractériser un recours nouveau, et les conclusions d'appel n'étant qu'un simple copier/coller des conclusions produites en première instance, l'appel de Mme [A] est constitutif d'un abus de droit, justifiant le paiement d'une amende au Trésor public, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- qu'au regard des motifs exposés ci-dessus et de la multiplication des recours de Mme [A] affectant la jouissance de leur bien, le comportement de celle-ci est constitutif d'une faute et leur a causé un préjudice financier et moral, justifiant des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- que contrairement à ce que soutiennent les consorts [A], l'expert judiciaire n'a pas retenu la seule solution contenue dans son pré-rapport,
- qu'il n'est pas possible de retenir une ligne droite entre les points 421 à 366 dès lors :
* que le seul argument qui justifie la demande de Mme [A] résulte de la libération des eaux pluviales sur leur propriété, l'appelante revendiquant ainsi une partie de leur propriété en violation de la loi,
* que la seule présence d'un tuyau d'évacuation placé à une date inconnue est insuffisante pour justifier l'appartenance de la partie de parcelle revendiquée comme propriété des consorts [A], d'autant que ces derniers admettent que le tuyau d'évacuation est récent dans leurs conclusions,
* qu'il résulte d'un constat d'huissier du 15 avril 2015 dressé à la demande de Mme [D] que le muret qu'elle avait fait construire a été détruit en 2015 par les consorts [A] afin de pénétrer chez Mme [D] pour y placer un tuyau d'écoulement destiné à la réalisation d'une gouttière, et qu'aucun vestige de tuyau ancien n'était présent comme l'invoque l'appelante,
* que Mme [A] ne rapporte pas la preuve de sa propriété d'une portion de parcelle qui en réalité leur appartient,
* que le cadastre invoqué par l'appelante pour justifier de sa propriété d'une partie de leur parcelle entre les points 422 et 366, n'est pas de nature à rapporter une telle preuve dans la mesure où il n'a aucune valeur ni juridique ni factuelle, et qu'il est purement informatif,
- qu'ils sollicitent que le tribunal entérine la proposition alternative de l'expert judiciaire exposée en page 23 de son rapport définitif consistant à placer la limite entre les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], suivant le point 420, le point correspondant à l'angle sud-ouest du mazet, les points 422,435,360, 363, 108, 366, 152, 130, 434, 425, 426, 427, 428, 429, 430, 431, 134, 135, 432 et 433, inscrits sur le plan joint en pièce annexe 45, dès lors :
* qu'ils démontrent que la prescription ne peut être acquise en l'espèce,
* que la limite de propriété a toujours été en décroché vers la propriété des consorts [A], contrairement à ce que l'expert judiciaire a d'abord proposé dans son pré-rapport ou à ce que soutient l'appelante, comme le confirment les pièces suivantes :
- le plan [X] établi en 1973 qui fait apparaître un décroché relatif aux points 421 et 422 du pré-rapport de l'expert judiciaire, vers la propriété [Z], et qui constitue un premier élément de preuve en ce qu'il a été établi par un géomètre, de sorte qu'il ne peut être rejeté sur le seul motif qu'il n'aurait pas été validé par les consorts [Z],
- une photographie aérienne datant du 13 juin 1947 (certification IGN) sur laquelle le décroché apparaît clairement,
- d'autres prises de vues qu'ils produisent conduisent à penser que ledit décroché, repris dans le plan [X], est parfaitement justifié par la situation topographique des lieux,
- à titre subsidiaire, que la limite de propriété ne peut être retenue qu'en effectuant une ligne droite du point 422 à 129, aucun décroché vers leur propriété ne pouvant être effectué au regard des pièces versées aux débats, notamment le plan de situation du 2 novembre 1992 visé par la ville de [Localité 4], qui fait clairement apparaître une limite conforme au plan cadastral actuel et cette situation ayant également été déclarée par les consorts [A] dans leur demande de permis de construire de 2015,
- que les arguments de l'appelante ne sont qu'approximatifs et que l'affirmation de son géomètre selon laquelle le positionnement actuel du grillage, et notamment sa longueur, justifiaient la limite telle que proposée dans le pré-rapport de l'expert judiciaire est dénuée de toute force probante, d'autant que la position d'un grillage ne peut justifier une quelconque prescription acquisitive, et que le déplacement du grillage résulte d'un accord amiable et verbal qu'ils ont donné aux consorts [A] parce qu'ils s'étaient engagés à le remettre ensuite à sa place initiale,
- que la prescription acquisitive invoquée par Mme [A] a nécessairement été interrompue par leur contestation judiciaire de cette revendication de leur propriété en date de 2016, le grillage ayant été déplacé en 1988,
- à titre subsidiaire, qu'ils acceptent de retenir la proposition de l'expert judiciaire contenue dans son pré-rapport plaçant la limite entre les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], suivant les points 420, 421, 422, 435, 360, 363, 108, 366, 152, 130, 434, 425, 426, 427, 428, 429, 430, 431, 134, 135, 432 et 433, inscrits sur le plan joint en pièce annexe 45,
- que la désignation du géomètre-expert ayant profité aux deux parties, les frais d'expertise seront mis à la charge pour moitié des deux parties au litige,
- qu'ils ont réellement tenté de résoudre ce litige à l'amiable en mandatant un géomètre-expert avant toute saisine du juge, de sorte qu'il est inéquitable de laisser à leur charge les dépens qui ont été rendus nécessaires du fait du refus des consorts [A] de signer le bornage amiable.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction de la procédure est intervenue le 8 septembre 2022.
L'affaire a été plaidée à l'audience en date du 26 septembre 2022 et mise en délibéré au 1er décembre 2022.
MOTIVATION
Sur l'irrecevabilité de l'appel soulevé :
Les intimés soutiennent que les conclusions ne sont qu'un simple copier/coller des conclusions produites en première instance par la partie appelante mais qu'en outre les conclusions d'appelant ne contiennent aucune critique du jugement dont appel.
Réponse de la cour :
Il résulte ainsi de la combinaison des articles 542, 562, 901 et 954 du code de procédure civile que, lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ou prononcer la caducité de la déclaration d'appel.
En l'espèce, la déclaration d'appel en date du 5 février 2022 reprend in extenso, dans sa rubrique « objet/portée de l'appel, appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués », l'intégralité des termes du dispositif du jugement entrepris. Par ailleurs dans ses écritures, Madame [A] demande expressément à la cour de « réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 10 novembre 2020 ».
L'appel est ainsi recevable.
Sur la demande de fixation de la délimitation entre la parcelle [Cadastre 7] et la parcelle [Cadastre 8] :
Le bornage est l'opération qui a pour effet de définir juridiquement et de matérialiser sur le terrain les limites de propriétés privées, appartenant ou destinées à appartenir à des propriétaires différents.
Il a pour objectif de fixer pour l'avenir et de manière contradictoire les limites de fonds.
L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif en date du 08 mars 2019 et a établi un plan de proposition de bornage (ANNEXE du rapport définitif N°45).
Le premier juge a homologué le rapport d'expertise déposé par M. [N] le 8 mars 2019.
Mme [A] sollicite que soit confirmée la position des points 420 et 421, mais que toutefois les points 422, 360, 363 et 108 soient modifiés ceux-ci ne correspondant pas, selon elle, à la réalité de la limite de propriété et qu'en conséquence, une ligne droite soit fixée du point 421 à 366.
Elle s'appuie essentiellement :
- sur l'existence, avant les travaux réalisés par les parties sur leurs propriétés, du clapas apparaissant sur les photographies anciennes dont la plus récente date de 1965
- sur le plan cadastral.
Les consorts [D] s'y opposent considérant qu'il est impossible de retenir une ligne droite entre les points 421 à 366. Ils sollicitent de placer la limite entre les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], suivant le point 420, le point correspondant à l'angle sud-ouest du mazet, les points 422,435,360, 363, 108, 366, 152, 130, 434, 425, 426, 427, 428, 429, 430, 431, 134, 135, 432 et 433, inscrits sur le plan joint en pièce annexe 45.
Réponse de la cour :
Les parties critiquent le rapport de l'expert mais n'apportent pas d'élément permettant de remettre en cause les conclusions de l'expert.
Sur la valeur des documents et plans :
Aucun des actes de propriété ne fournit d'explication sur la position de la limite entre les deux propriétés.
Ainsi il est exact que le plan de morcellement du lotissement établi en 1973 par M. [X] versé aux débats définit uniquement les limites entre les différents lots du lotissement et les limites entre ces lots et la voie de desserte. Il ne constitue donc pas un élément probant à lui seul dans la solution de ce litige.
L'expert par ailleurs répond aux dires des parties, à juste titre, que le plan cadastral n'a pas pour objet de définir les limites, ni de garantir des contenances des parcelles, que son objet est essentiellement fiscal.
Concernant le grillage et les clapas :
Il n'est pas établi par les parties si le grillage a été déplacé ou pas en 1987, les parties procédant par simples affirmations. La position de ce grillage ne permet donc pas de revendiquer une quelconque prescription acquisitive ce d'autant qu'une procédure judiciaire en contestation de limite de propriété a été entamée en 2016. L'existence et l'emplacement du clapas avant les travaux réalisés par les parties sur leur propriété ne sont pas davantage démontrés. En effet si le clapas apparait sur des photographies de 1945, il se situe à l'est du prolongement vers le sud de la façade ouest du mazet formant ainsi un décroché, il n'apparait nullement en revanche à l'ouest du mazet, il n'apparait pas non plus sur le plan dressé par M. [X] en 1973, puis modifié en 1975 et 1976.
La conduite métallique ancienne :
Il n'est pas établi l'ancienneté de la conduite métallique. L'expert relève qu'en tout état de cause, la conduite métallique n'apparait pas dans les plans dressés en 2012, ni sur les lieux. Il précise que la seule conduite existante en PVC fut mise en place en 2015. L'allégation selon laquelle les anciens respectaient les servitudes d'écoulement des eaux de toiture et qu'ainsi aucunes eaux n'étaient déversées chez son voisin, est inopérante pour établir la limite de propriété.
Concernant le décroché :
Le document d'arpentage qui situe la limite cadastrale comme confondue avec la façade ouest du mazet n'a effectivement été signé que par le lotisseur et le premier acquéreur des lots 3 et 5. La cour relève cependant que ce document d'arpentage dressé en 1978 avant que M. [X] ne modifie la limite litigieuse, n'était pas rectiligne. L'expert souligne d'ailleurs que le décroché apparaissant sur les photographies anciennes aériennes correspond sensiblement au décroché apparent sur le document d'arpentage.
L'expert a expliqué aux parties que « tout laisse penser que lors de l'application de ce document sur le plan cadastral, une erreur ait été commise puisque la limite rectifiée se trouve parallèle au mazet décalée d'environ 90 centimètres à l'ouest de celui-ci. Nous constatons très souvent ce type d'erreur résultant d'une application faite au mieux du document d'arpentage dressé par le géomètre expert sur le fonds de plan cadastral imprécis, étant précisé qu'à cette époque, en 1978, nous ne disposions pas des outils modernes permettant de minimiser ces erreurs. Nous rappelons que le plan d'arpentage fut établi d'après un plan d'implantation comme l'indique la certification apparaissant au bas de ce document, plan à priori plus précis que le plan cadastral ».
A défaut d'argument permettant de remettre en cause les conclusions de l'expert, le premier juge a, à bon droit, homologué son rapport. Le jugement mérite donc confirmation.
Sur la demande de désigner un géomètre pour procéder à l'implantation des bornes :
Il a été fait droit à cette demande par le premier juge, laquelle est à nouveau sollicitée par les deux parties. La décision de première instance est donc confirmée sur ce point.
Sur la demande relative à l'abus de droit au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile :
Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile allant jusqu'à 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que dans l'hypothèse de malice ou mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol mais l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.
Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, la mauvaise foi de l'appelante n'étant nullement établie, ce d'autant que l'expert explique que l'origine du désaccord entre les parties provient probablement de l'erreur lors de la retranscription de la limite de séparation sur le cadastre, chacune des parties se pensant dans son bon droit.
Sur la demande de dommage et intérêts formée par les intimés :
L'exercice d'une action en justice étant un droit et la preuve d'une intention malveillante ou d'une erreur grossière équipollente au dol n'étant pas rapportée, la demande des intimés de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée sera rejetée de la même manière.
Sur les frais du procès :
L'article 646 du code civil dispose : « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs. »
De jurisprudence constante, la désignation du géomètre-expert profite aux deux parties en cause.
Il y a donc lieu de faire masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties en ce compris les frais d'expertise et de bornage. Les parties ne contestent d'ailleurs pas ce point. Le jugement sera ainsi confirmé.
L'équité dans ce dossier commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 10 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande des consorts [D] au titre des dommages-intérêts pour préjudice subi du fait d'un recours abusif,
Rejette la demande des consorts [D] au titre d'une amende pour recours abusif,
Fait masse des dépens,
Condamne Madame [M] [D], M. [V] [D] et Mme [R] [D] in solidum d'une part, et Mme [L] [A]-[Z] d'autre part à payer la moitié des dépens, en ce compris la moitié des frais d'expertise,
Rejette les demandes respectives des parties formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
La greffière, La présidente,