RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 19/04053 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQZK
YRD/JL
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
08 octobre 2019
RG:F 19/00082
Association UNEDIC - DELEGATION AGS - CGEA DE [Localité 7]
S.E.L.A.R.L. BRMJ
C/
[M]
Grosse délivrée le 31 janvier 2023 à :
- Me JONZO
- Me IVORRA
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 08 Octobre 2019, N°F 19/00082
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
M. Michel SORIANO, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTES :
Association UNEDIC - DELEGATION AGS - CGEA DE [Localité 7] L'UNEDIC, Délégation AGS ' CGEA de [Localité 7], Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [L] [U], domiciliée à [Localité 7], [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
SELARL BRMJ Es qualité de « Mandataire ad'hoc» de la « CHECKMATE »
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Madame [S] [M]
née le 01 Janvier 1979 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Magali IVORRA de la SELARL IVORRA, ORTIGOSA LIAZ, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Soutenant avoir été engagée à compter du 27 septembre 2018 en qualité de responsable de projet par contrat verbal à durée indéterminée par la SAS Checkmate, placée en liquidation judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes le 16 janvier 2019 ayant désigné Me [Y] [A] en qualité de mandataire liquidateur, Mme [S] [M] divorcée [B], a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes en reconnaissance d'un contrat de travail et en paiement de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 8 octobre 2019, a :
- Reconnu l'existence d'un contrat de travail entre la salariée Mme [S] [M] et la SAS Checkmate .
- Dit que la relation de travail avait démarré le 27 septembre 2018 et terminé le 03 décembre 2018.
- Fixé la créance de Mme [S] [M] à l'encontre de la procédure collective de la SAS Checkmate aux sommes suivantes :
- 5.500 euros net au titre de rappels de salaire du 27 septembre 2018 au 03 décembre 2018
- 15.000 euros net à titre de travail dissimulation (sic)
- Débouté Mme [S] [M] du surplus de ses demandes.
- Déclaré le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 7] gestionnaire de 1'AGS.
- Dit que la garantie de cet organisme interviendra dans les limites et plafond réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du jugement de 1'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective (sic) ;
- Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure
collective (sic).
Par acte du 21 octobre 2019, l'UNEDIC CGEA de [Localité 7] gestionnaire de l'AGS et la SELARL BRMJ ont régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par jugement du 12 janvier 2022 le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la clôture pour insuffisance d'actifs de la procédure de liquidation poursuivie à l'encontre de la société Checkmate et, par ordonnance du 25 mai 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes a désigné la SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [A], es qualité de mandataire ad hoc. Par acte du 7 juin 2022, l'AGS CGEA de [Localité 7] a assigné en intervention forcée la SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [A], es qualité de mandataire ad hoc de la société Checkmate.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 janvier 2020, la SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [A], es qualité de mandataire liquidateur de la société SAS Checkmate demande à la cour de :
A titre principal :
- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en toutes ses dispositions,
- Constater l'absence de toute relation de travail salariée entre Mme [B] et la Société CHECKMATE.
En conséquence,
- Débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- La condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en ce qu'il a reconnu l'existence d'une situation de travail dissimulé,
- Apprécier le bien-fondé de la demande de rappel de salaire,
- Débouter Mme [B] de ses plus amples demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause
- Faire application des dispositions du code de commerce et du décret
La SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [A], es qualité de mandataire ad hoc de la société SAS Checkmate soutient que :
- à titre principal, concernant l'absence de toute relation de travail salarié : la salariée prétend à l'existence d'une relation de travail alors qu'aucun contrat de travail n'a été régularisé, qu'elle n'a jamais été rémunérée, que son emploi n'a jamais été déclaré auprès des services de l'URSSAF et qu'aucun bulletin de salaire ne lui été délivré, la société Checkmate n'a pas projeté d'embaucher Mme [S] [M] et aucune promesse ne lui a été faite en ce sens, les courriels produits par la salariée ne sont pas révélateurs de la réalisation d'une prestation de travail salarié.
Mme [P], gérante de la société Checkmate, et Mme [M] ont envisagé de mettre en 'uvre un projet commun visant à la création d'un institut de beauté, c'est uniquement dans ce contexte que Mme [M] a pu se trouver dans les locaux de la société Checkmate, Mme [M] n'a jamais accompli de prestation de travail au bénéfice de la société Checkmate, il n'y a aucun lien de subordination entre Mme [M] et la société Checkmate.
- à titre subsidiaire, concernant les demandes de Mme [M] :
- les rappels de salaire : Mme [M] n'ayant jamais été embauchée en qualité de salariée, elle ne peut prétendre au versement d'un salaire, si la cour retenait l'existence d'une relation de travail salariée, il s'en remet à justice quant au bien-fondé de la demande de rappel de salaire. Il rappelle que Mme [M] ne s'est jamais manifestée auprès de la société Checkmate concernant le prétendu non-paiement de ses rémunérations.
- le travail dissimulé : la carence dans le paiement des salaires, et par conséquent la délivrance des bulletins de salaire, est exclusivement due à de graves difficultés économiques découlant d'un litige entre l'employeur et une tierce personne et aucune plainte n'est intervenue en raison de l'absence de DPAE, l'élément intentionnel n'existe pas et par conséquent, l'infraction de travail dissimulé ne saurait être caractérisée.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7], reprenant ses conclusions transmises le 14 janvier 2020, demande à la cour de :
A titre principal :
- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en toutes ses dispositions,
- Constater l'absence de toute relation de travail salariée entre Mme [B] et la Société CHECKMATE.
En conséquence,
- Débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- La condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en ce qu'il a reconnu l'existence d'une situation de travail dissimulé,
- Apprécier le bien-fondé de la demande de rappel de salaire,
- Débouter Mme [B] de ses plus amples demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause
- Faire application des dispositions du code de commerce et du décret.
Ses moyens sont similaires à ceux du mandataire ad hoc.
En l'état de ses dernières écritures en date du 18 mars 2020 contenant appel incident Mme [M] a sollicité que la cour :
- confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes, section activités diverses, rendu le 8 octobre 2019 seulement en ce qu'il a :
- Jugé l'existence d'un contrat de travail entre Mme [M] divorcée [B] et la société Checkmate ;
- Jugé l'absence de paiement des salaires pour la période du 27 septembre au 3
décembre 2018 ;
- Jugé l'existence d'un délit de travail dissimulé par la société Checkmate.
- infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes, section activités diverses, rendu le 8 octobre 2019 seulement en ce qu'il a :
- Fixé la créance de Mme [M] divorcée [B] au titre du rappel de salaire pour la période du 27 septembre au 3 décembre 2018 à la somme de 5.500 euros nets ;
- Fixé la créance de Mme [M] divorcée [B] au titre du travail dissimulé à la somme de 15.000 euros nets
En conséquence, la Cour statuant à nouveau
- Fixera la créance de Mme [M] divorcée [B] au passif de la SASU Checkmate aux sommes suivantes :
- Rappel de salaires du 24 septembre 2018 au 03 décembre 2018 : 7478,30 euros bruts;
- Congés payés sur le rappel de salaire : 747,83 euros bruts;
- Dommages et intérêts en raison du délit de travail dissimulé : 19.230 euros nets
- Mention dans le jugement de la moyenne du salaire brut moyen : 3.205 euros bruts
- Assortir les condamnations de l'intérêt légal à compter de la présente saisine
- Article 700 du code de procédure civile : 3.000 euros nets ;
- Condamner Me [Y] [A] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Checkmate aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- Exécution provisoire de plein droit sur l'intégralité de la décision à intervenir
Mme [M] fait valoir que :
- concernant l'existence du contrat de travail et le rappel de salaire correspondant, dans un courrier de dispense d'activité établi de la main de la présidente de la société Checkmate , elle était mentionnée comme faisant partie des salariés dispensés d'activité, la présidente n'avait pas d'intérêt à ajouter son nom à la liste des salariés dispensés si elle ne faisait pas partie du personnel, plusieurs attestations établies par d'autres salariés de la société attestent qu'elle travaillait pour la société Checkmate à compter du 27 septembre 2018 et cela jusqu'au 3 décembre 2018.
- concernant le travail dissimulé : elle a été embauchée par la société Checkmate à compter du 27 septembre 2018 en qualité de responsable de projet pour une rémunération mensuelle nette de 2.500 euros pour 35heures hebdomadaires de temps de travail effectif, elle a débuté ses fonctions sans qu'un contrat ne soit signé, ce qui n'est pas anormal en présence d'un contrat à durée indéterminée. Elle ajoute que si aucun salaire ne lui a été versé pour le mois de septembre, elle a fait confiance à son employeur qui lui a dit qu'il lui serait versé en octobre. Mme [M] explique que lorsqu'elle a compris qu'elle ne serait pas payée, elle a pris attache avec la présidente, par courriel du 28 novembre 2018, pour réclamer ses salaires.
Mme [M] explique avoir travaillé plusieurs mois sans être déclarée, payée, aucun bulletin de salaire ne lui a été remis.
Mme [M] souligne que les arguments du mandataire ne sont pas recevables puisque les difficultés économiques n'empêchent pas la direction de procéder aux déclarations mensuelles des salaires de ses salariés, même si cette dernière est en difficulté pour les payer.
Mme [M] relève que le non - paiement des salaires et l'établissement des bulletins de paie étaient volontaires dans la mesure où le mandataire motive ces carences par des difficultés économiques. Elle ajoute que l'élément intentionnel est donc constitué peu importe que celui-ci ait pour origine des difficultés économiques.
Elle conclut que le délit de travail dissimulé est donc doublement constitué en l'espèce non seulement par la non-réalisation des déclarations et des bulletins de paie de manière volontaire mais également en toute conscience du caractère délictuel de ce défaut de déclaration.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 12 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure.
MOTIFS
Sur l'existence d'un contrat de travail
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements et l'intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant.
En l'espèce, pour conclure à l'existence d'un contrat de travail Mme [M] verse aux débats :
- des courriels échangés entre elle et la présidente de la société Checkmate dont elle ne tire aucune argumentation, ces courriels confirment l'absence de tout contrat de travail,
- un courrier de l'URSSAF confirmant l'absence de déclaration préalable d'embauche la concernant,
- une attestations de dispense d'activité la mentionnant parmi les salariés alors que son nom apparaît de manière surchargée ce qui ôte tout caractère probant à ce document,
- les attestations de Mmes [V], [X], [R] et [F] et de M. [I] tendant à établir qu'elle aurait travaillé pour la société Checkmate du 27 septembre 2018 au 3 décembre 2018 sans aucune précision sauf à mentionner que ce dernier est également en litige avec la société Checkmate et ne fait que confirmer les propos de la société selon lesquels Mmes [P] et [M] avaient envisagé de créer un institut ce qui expliquait la présence de cette dernière dans les locaux.
Il n'est donc pas rapporté la preuve de l'existence d'un contrat de travail entre Mme [M] et la société Checkmate en sorte que l'ensemble des demandes de l'intimée sont en voie de rejet.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- Déboute Mme [M] de l'intégralité de ses prétentions,
- Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire ;
- Condamne Mme [M] aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT