RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 19/04056 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQZO
YRD/JL
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
08 octobre 2019
RG:F 19/00088
Association UNEDIC - DELEGATION AGS - CGEA DE [Localité 3]
S.E.L.A.R.L. BRMJ
C/
[E]
Grosse délivrée le 31 Janvier 2023 à :
- Me JONZO
- Me AUTRIC
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 08 Octobre 2019, N°F 19/00088
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
M. Michel SORIANO, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTES :
Association UNEDIC - DELEGATION AGS - CGEA DE [Localité 3] L'UNEDIC, Délégation AGS ' CGEA de [Localité 3], Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [N] [T], domiciliée à [Adresse 1].
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
SELARL BRMJ Es qualité de « Mandataire ad'hoc » de la « SAS CHECKMATE »
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [I] [E]
né le 03 Septembre 1982 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Thomas AUTRIC, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Cécile RUBI, avocat au barreau de MONTPELLIER
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Soutenant avoir été engagé à compter du 5 novembre 2018 pour exercer des fonctions d'encadrement par la SAS Checkmate, placée en liquidation judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes le 16 janvier 2019 ayant désigné Me [H] [A] en qualité de mandataire liquidateur, M. [I] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes en reconnaissance d'un contrat de travail et en paiement de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 8 octobre 2019, a :
- requalifié la relation de travail et la prise d`acte en un licenciement sans cause réelle
et sérieuse.
- fixé la créance de M. [I] [E] aux sommes suivantes :
- 3.941 .08 euros au titre de rappel de salaires de deux mois correspondant de novembre 2018 au 4 janvier 2019 et 394 euros au titre des congés payés y afférents.
- 1.9 70.54 euros à titre de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse .
- l 1.823,24 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
- débouté Monsieur [I] [E] du surplus de ses demandes.
- déclaré le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 3] gestionnaire de l'AGS.
- dit que la garantie de cet organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière au vu du relevé qui lui sera produit et du jugement de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective (sic);
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure
collective (sic).
Par acte du 21 octobre 2019, l'UNEDIC CGEA de [Localité 3] gestionnaire de l'AGS et la SELARL BRMJ ont régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par jugement du 12 janvier 2022 le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la clôture pour insuffisance d'actifs de la procédure de liquidation poursuivie à l'encontre de la société Checkmate et, par ordonnance du 25 mai 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes a désigné la SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [A], es qualité de mandataire ad hoc. Par acte du 7 juin 2022, l'AGS CGEA de [Localité 3] a assigné en intervention forcée la SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [A], es qualité de mandataire ad hoc de la société Checkmate.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 février 2020 la SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [A], es qualité de mandataire ad hoc de la société SAS Checkmate demande à la cour de :
A titre principal :
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en ce qu'il a reconnu l'existence d'une relation de travail salariée entre M. [E] et la société Checkmate,
- dire et juger le contrat de travail de M. [E] nul et non avenu,
- constater l'absence de toute prestation de travail salariée.
En conséquence,
- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-le condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en ce qu'il a admis l'effectivité de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [E] et lui a fait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en ce qu'il a reconnu l'existence d'une situation de travail dissimulé,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en toutes ses autres dispositions,
- constater l'absence de justificatif de réception du courrier de prise d'acte en date du 4 janvier 2019,
- dire et juger le contrat de travail de M. [E] rompu par le licenciement pour motif économique notifié le 29 janvier 2019.
En conséquence,
- limiter les créances de M. [E] aux sommes suivantes :
- 3.941,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 394,00 euros de congés payés afférents ;
- 328,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
- débouter M. [E] de ses plus amples demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause
- faire application des dispositions du code de commerce et du décret.
La SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [A], es qualité de mandataire ad hoc de la société SAS Checkmate soutient que :
- sur la nullité du contrat de travail de M. [E] : la date de cession des paiements a été fixée au 1er novembre 2018 et que M. [E] dit avoir été embauché le 5 novembre, l'embauche de M. [E] est par suite en inadéquation avec les capacités financières de la société Checkmate. Aucun élément n'est de nature à justifier l'embauche d'un encadrant pour les commerciaux. En effet, un tel poste n'existait pas et qu'aucune évolution dans la situation de l'entreprise ne pouvait justifier sa création.
Le mandataire relève qu'en novembre, les salaires du mois d'octobre n'avaient toujours pas été réglés et qu'il semble difficile que dans ces conditions la société ait décidé d'engager un nouveau salarié.
Il sollicite la nullité du contrat puisque le déséquilibre entre les prestations des parties est caractérisé par le fait que M. [E] n'a pas accompli de prestation de travail pour le compte de la société Checkmate.
Le mandataire indique que l'entreprise souhaitait que M. [E] exerce ses missions sous le statut d'agent commercial indépendant. Il précise que M. [E] a assisté à une réunion commerciale le 5 novembre 2018.
Il ajoute que M. [E] n'a jamais perçu de salaire ou reçu de bulletin de salaire de la part de la société.
De surcroît, le mandataire souligne que M. [E] n'a pas déclaré cette embauche auprès de la société Checkmate en CDI auprès des services de Pôle Emploi et a donc continué de percevoir une allocation chômage pour les mois de novembre 2018 à janvier 2019.
- sur les demandes de M. [E] :
- sur l'exécution du contrat de travail :
- les dommages et intérêts pour non paiement des salaires : le mandataire rappelle être en liquidation judiciaire depuis le 16 janvier 2019 et être, de ce fait, dans l'incapacité de verser la rémunération des salariés. Il ajoute que cette incapacité ne relève pas d'une intention malveillante à l'égard des salariés.
Le mandataire souligne que la relation entre la société et M. [E] n'a jamais été évoquée sous la qualification de contrat de travail. Il conclut que M. [E] aurait dû inscrire sa créance au passif de la liquidation judiciaire au titre d'une prestation d'agent commercial indépendant.
De surcroît, le mandataire ajoute que le salarié sollicite la paiement de 4 mois de rémunération brute alors qu'il a continué à percevoir une allocation chômage des mois de novembre 2018 à janvier 2019.
Le mandataire conclut à ce que le salarié soit débouté de sa demande.
- les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : le mandataire soulève que le salarié ne s'est pas présenté le 26 novembre 2018 alors que les locaux étaient ouverts. De surcroît, le mandataire ajoute que les locaux n'ont pas été vidés antérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire.
- sur le travail dissimulé : à la lecture du courriel de l'inspecteur du travail, le mandataire souligne que l'absence de toute intention dissimulatrice de la société Checkmate est établie par tout d'abord, la carence dans le paiement des salaires, et par conséquent la délivrance des bulletins de salaire, est exclusivement due à de graves difficultés économiques découlant d'un litige entre l'employeur et une tierce personne et ensuite par le fait qu'aucune saisine du procureur de la République n'a été réalisée concernant l'absence de DPAE.
Le mandataire conclut que l'élément intentionnel n'existe pas et que par conséquent, l'infraction de travail dissimulé ne saurait être caractérisée.
- sur la rupture du contrat de travail : le mandataire souligne que le salarié ne justifie pas de la réception de cette correspondance par l'employeur, ni du fait que ce dernier n'aurait pas retiré le courrier recommandé afférent. Ainsi, le mandataire explique que la rupture de la relation de travail est inopérante puisqu'elle n'a jamais été portée à la connaissance de la société.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 3], reprenant ses conclusions transmises le 20 février 2020 , demande à la cour de :
A titre principal :
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en ce qu'il a reconnu l'existence d'une relation de travail salariée entre M. [E] et la société Checkmate,
- dire et juger le contrat de travail de M. [E] nul et non avenu,
- constater l'absence de toute prestation de travail salariée.
En conséquence,
- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-le condamner aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en ce qu'il a admis l'effectivité de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [E] et lui a fait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en ce qu'il a reconnu l'existence d'une situation de travail dissimulé,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 8 octobre 2019 en toutes ses autres dispositions,
- constater I'absence de justificatif de réception du courrier de prise d'acte en date du 4 janvier 2019,
- dire et juger le contrat de travail de M. [E] rompu par le licenciement pour motif économique notifié le 29 janvier 2019.
En conséquence,
- limiter les créances de M. [E] aux sommes suivantes :
- 3.941,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 394,00 euros de congés payés afférents ;
- 328,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
- débouter M. [E] de ses plus amples demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause
- dire et juger que I'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-17, L. 3253-19 et suivants du code du travail.
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
- faire application des dispositions du code de commerce et du décret.
- donner acte à l'UNEDIC et l'AGS de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Elle reprend les moyens développés par le mandataire ad hoc.
En l'état de ses dernières écritures en date du 16 juillet 2020 contenant appel incident M. [E] a sollicité :
- De confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il
a :
- conclu à l'existence d'un contrat de travail entre M. [E] et la société Checkmate
- requalifié la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [E] en licenciement sans cause réelle et sérieuse
- fixé la créance de M. [E] au passif de la société Checkmate, à hauteur de :
- 3941,08 euros à titre de rappels de salaires correspondant aux mois de novembre 2018 au 4 janvier 2019, outre 394 euros au titre des congés payés afférents
- 1970,54 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 11823,24 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
- Incidemment, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [E] :
- De sa demande relative au versement de la somme de 7882,16 euros à titre de dommages intérêts pour absence de paiement des salaires
- De sa demande relative au versement de la somme de 5911,62 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
- De sa demande relative au versement de la somme de 3941,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 394,10 euros au titre des congés payés afférents.
M. [I] [E] fait valoir que :
- l'existence d'une relation salariée entre lui et la SAS Checkmate : il produit des attestations établissant qu'il assurait l'encadrement de 8 commerciaux terrain, la tenue de réunions d'objectifs, la formation commerciale et produits des collaborateurs, et l'accompagnement de ceux-ci sur le terrain, des courriers de la gérante de la société, Mme [J], adressés à l'ensemble des salariés de la SAS Checkmate, en date des 28 novembre et décembre 2018,
- sur la prise d'acte : il explique avoir mis en demeure la société Checkmate le 19 décembre 2018 dé régulariser son salaire sous une semaine et de le fixer quant à la date à laquelle elle serait en mesure de lui fournir du travail dans des conditions normales.
Il continue en arguant qu'il s'est retrouvé dans une situation d'abandon de son employeur, qui après l'avoir fait travailler un mois, l'avoir tenu à sa disposition permanente pendant près de deux mois, n'a plus répondu. Il conclut en disant que c'est dans ces conditions qu'il a pris acte de la rupture de son contrat.
- les demandes indemnitaires :
- la fixation du salaire : il sollicite l'application de la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire, coefficient 250.
- l'absence de paiement de salaires : il dit avoir travaillé au sein de la société Checkmate du 5 novembre 2018 au 26 novembre 2018, sans être payé et être resté à disposition de la société jusqu'au 4 janvier 2019. Il indique que le mandataire lui a payé ses 4 mois de salaire en retard mais sollicite des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait du retard considérable dans le paiement des salaires.
- l'exécution déloyale du contrat de travail : la convention collective exige la remise d'un contrat écrit dont il n'a pas été destinataire ni d'aucun bulletin écrit, il n'a pas été déclaré à l'URSSAF, il est resté dans l'expectative de signer son contrat, de reprendre son travail et de se faire payer ses salaires.
Il indique qu'il est suivi depuis 5 mois pour dépression.
Il sollicite ainsi des dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail par la société Checkmate.
- les conséquences indemnitaire de la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse : ilsouligne ne pas bénéficier de l'ancienneté nécessaire pour solliciter le paiement d'une indemnité de licenciement ni de l'indemnité pour licenciement abusif mais il sollicite une indemnité compensatrice de préavis. Il explique que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- le travail dissimulé : M. [E] indique qu'il n'a pas été déclaré par la SAS Checkmate. Il s'appuie sur l'email de l'URSSAF du 22 janvier 2019 pour l'établir.
Il sollicite que la créance commence à courir à la date de sa prise d'acte de la rupture de contrat de travail, soit le 4 janvier 2019.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 16 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 août 2022 à 16 heures.
MOTIFS
Sur l'existence d'un contrat de travail
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements et l'intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant.
En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en invoque le caractère fictif d'en apporter la preuve.
Pour établir l'existence d'un contrat de travail verbal conclu le 5 novembre 2018, M. [E] produit les éléments suivants :
- un courriel de M. [U] et de M. [L] du 14 décembre 2018 relatant l'épisode du 28 novembre précédent au cours duquel les salariés de l'entreprise ont fait appel aux services de police et à l'inspection du travail pour faire constater qu'il n'y avait plus de matériel pour travailler,
- un courrier de la société Checkmate du 28 novembre 2018 à l'ensemble des salariés pour leur notifier une dispense d'activité, salariés parmi lesquels figure M. [E],
- deux courriers de la société Checkmate des 3 et 10 décembre 2018 portant reconduction de la période de dispense d'activité,
- une mise en demeure du 19 décembre 2018 adressée par le salarié à la société Checkmate pour régulariser son salaire sous une semaine, le fixer quant à la date à laquelle elle serait en mesure de lui fournir du travail dans des conditions normales,
- les attestation de M. [R], Mmes [D], [Z], [W], [K], [X], [O] et [C] démontrant que M. [E] assurait l'encadrement de huit commerciaux terrain, la tenue de réunions d'objectifs, la formation commerciale et produits des collaborateurs, et l'accompagnement de ceux-ci sur le terrain,
- un courrier de prise d'acte du 4 janvier 2019 en l'absence de toute réponse de son employeur aux précédents courriers.
Ces éléments confirment donc l'existence d'une relation salariale entre la société Checkmate et M. [E].
Sur la nullité du contrat de travail
Les appelants concluent à la nullité du contrat de travail sur le fondement de l'article L 632-1 du code de commerce qui dispose que : «sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :
(...)
2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédent notablement celles de l'autre partie ».
Ils précisent que le tribunal de commerce a fixé la date de cessation des paiements au 1er novembre 2018 en sorte que le contrat de travail conclu le 5 novembre 2018 dénote une disproportion évidente entre l'engagement de la société Checkmate, dans l'incapacité de régler les salaires du mois d'octobre, et celui de M. [E] qui devait être engagé comme agent commercial et non comme salarié, ce qui explique l'absence de contrat de travail et de déclaration.
Ils ajoutent qu'aucun élément n'est de nature à justifier l'embauche d'un encadrant pour les commerciaux alors qu'un tel poste n'a jamais existé au préalable et qu'aucune évolution dans la situation de l'entreprise ne peut justifier sa création d'autant que ce poste fait doublon avec l'emploi de Mme [X], manager superviseur au sein de la société depuis le mois d'août 2018.
Ils avancent sans être utilement démentis que M. [E] n'a jamais déclaré sa prétendue
embauche en CDI auprès des services de Pôle Emploi et a donc continué de percevoir une allocation chômage pour les mois de novembre 2018 à janvier 2019 (entre 904,78 euros et 1.038,34 euros nets mensuels).
Effectivement, le recrutement d'un encadrant pour des commerciaux qui n'exerçaient de fait plus aucune activité, M. [E] reconnaissant que dès le 28 novembre 2018 «les salariés devaient découvrir avec stupeur que le matériel de travail avait disparu, du mobilier au matériel informatique, de sorte qu'il était tout bonnement impossible d'exécuter le moindre travail dans ces conditions», apparaît manifestement disproportionné avec les facultés financières de l'entreprise laquelle disposait déjà d'un manager superviseur.
Il convient dans ces conditions de prononcer l'annulation dudit contrat de travail.
M. [E] ne conclut pas au subsidiaire à l'allocation de dommages et intérêts en cas d'annulation de son contrat de travail.
Il convient de le débouter de l'ensemble de ses prétentions.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau,
- Prononce la nullité du contrat de travail ayant lié M. [E] et la société Checkmater,
- Déboute M. [E] de l'intégralité de ses prétentions,
- Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire ;
- Condamne M. [E] aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT