RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/00569 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HUXC
YRD/JL
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
21 janvier 2020
RG:F 19/00089
Association UNEDIC - DELEGATION AGS - CGEA DE [Localité 5]
C/
[X]
S.E.L.A.R.L. BRMJ
Grosse délivrée le 31 Janvier 2023 à :
- Me ANDRES
- Me AUTRIC
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 21 Janvier 2020, N°F 19/00089
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,
M. Michel SORIANO, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Association UNEDIC - DELEGATION AGS - CGEA DE [Localité 5] L'UNEDIC, Délégation AGS ' CGEA de [Localité 5], Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [Y] [T], domiciliée à [Adresse 2].
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
Madame [C] [X]
née le 07 Juillet 1977 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Thomas AUTRIC, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Cécile RUBI, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL BRMJ Es qualité de « Mandataire ad'hoc» de la « SAS CHECKMATE »
[Adresse 3]
[Adresse 3]
n'ayant pas constitué avocat ou défenseur syndical
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [C] [X] a été engagée à compter du 8 octobre 2018 en qualité d'enquêteur téléphonique par la SAS Checkmate.
Le 28 novembre 2018, la SAS Checkmate a remis, à Mme [C] [X] ainsi qu'aux autres salariés de l'entreprise, une dispense d'activité.
Par courrier du 28 novembre 2018, Mme [C] [X] a adressé, à la SAS Checkmate, une mise en demeure aux fins de fixer une date de reprise de l'activité.
Le 8 janvier 2019, le contrat de travail de Mme [C] [X] a pris fin.
Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 16 janvier 2019, la SAS Checkmate a été placée en liquidation judiciaire et Me [B] [F] a été désigné mandataire liquidateur.
Par requête du 12 février 2019, Mme [C] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes en condamnation de la SAS Checkmate au paiement de diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 21 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :
- fixé la créance de Mme [C] [X] à l'encontre de la procédure collective
de la SAS Checkmate aux sommes suivantes :
- 3 853,20 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de paiement des salaires,
- 3 853,20 euros à titre de dommages et intérêts pour exécutions déloyale du contrat de travail,
- 321,10 euros à titre d' indemnité de congés payés,
- 7 706,40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- déclare le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 5] gestionnaire de l'AGS,
- dit que la garantie dc cet organisme interviendra dans les limites et plafond
réglementaires applicable en la matiére, au vu du relevé qui lui sera produit et dujugement
de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective,
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure collective.
Par acte du 13 février 2020, l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 5] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par jugement du 12 janvier 2022 le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la clôture pour insuffisance d'actifs de la procédure de liquidation poursuivie à l'encontre de la société Checkmate et, par ordonnance du 25 mai 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes a désigné la SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [F], es qualité de mandataire ad hoc. Par acte du 7 juin 2022, l'AGS CGEA de [Localité 5] a assigné en intervention forcée la SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [F], es qualité de mandataire ad hoc de la société Checkmate.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 mai 2020, l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 21 janvier
2020 en toutes ses dispositions,
- constater l'absence d'exécution déloyale du contrat de travail,
- constater l'absence de tout préjudice démontré par Mme [C] [X],
- constater l'absence de toute situation de travail dissimulé,
- dire et juger que Mme [C] [X] remplie de ses droits en matière de congés payés,
En conséquence,
- débouter Mme [C] [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [C] [X] aux entiers dépens,
En tout état de cause,
- dire et juger que I'AGS ne devra procéder à l'avance des créances viséesaux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-17, L. 3253-19 et suivants du code du travail,
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- faire application des dispositions du code de commerce et du décret,
- donner acte à l'UNEDIC et l'AGS de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L 3253-8 L 3253-17 et D3253-5 du code du travail.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 5] soutient que :
- le montant des rémunérations dues à la salariée a été régularisé dans le cadre de la liquidation judiciaire et de la garantie AGS, aucun préjudice complémentaire ne peut être invoqué par la salariée en application de l'article 1231-6 du code civil, les difficultés financières auxquelles a été confronté l'employeur sont unanimement reconnues,
- la salariée sollicite l'indemnisation d'un même préjudice à un double titre,
- la salariée ne s'est jamais présentée à son poste de travail le 26 novembre 2018,
- concernant l'absence de mutuelle d'entreprise, l'AGS ne dispose d'aucun élément permettant d'apporter la contradiction sauf que la salarié ne justifie d'aucun préjudice,
- sur le travail dissimulé, si aucune déclaration préalable n'est intervenue, l'établissement d'un contrat de travail et la délivrance de bulletins de salaire sont exclusifs de toute volonté de dissimulation.
- les congés payés ont été avancés par l'UNEDlC soit la somme de 417,25 euros bruts, la salariée a été remplie de ses droits.
En l'état de ses dernières écritures en date du 16 juillet 2020, Mme [C] [X] a sollicité la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Mme [C] [X] fait valoir que :
- elle n'a été payée de ses salaires que plusieurs mois après leur date d'exigibilité,
- elle n'a pas été déclarée aux services de l'URSSAF, la privant de la possibilité de cotiser pour ses droits sociaux, elle n'a pas bénéficié d'une mutuelle d'entreprise et elle n'a pas été payée de son salaire d'octobre 2018, elle s'est présentée à l'entreprise le 26 novembre 2018 et a trouvé porte close, les salariés devaient constater que le matériel de travail avait disparu, du mobilier au matériel informatique ce qui a justifié de la part de l'employeur la remise d'une attestation de dispense d'activité rémunérée,
- elle comptabilise 7.5 jours de congés payés qui devront lui être réglés, outre l'indemnité compensatrice du préavis qu'elle n'a pas pu effectuer,
- son embauche était ignorée de l'Urssaf ce qui établit l'existence d'un travail dissimulé ouvrant droit au paiement de l'indemnité prévue à l'article L.8223-1 du code du travail
La SELARL BRMJ, prise en la personne de Me [F], es qualité de mandataire ad hoc de la société Checkmate n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 9 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 21 décembre 2022 à 16 heures et fixé examen de l'affaire à l'audience du 4 janvier 2023.
MOTIFS
Sur le préjudice découlant du non paiement des salaires à leur échéance
Il n'est pas discuté que le montant des rémunérations dues aux salariés de la société Checkmate a été régularisé dans le cadre de la liquidation judiciaire et de la garantie AGS.
L'article 1231-6 du code civil dispose dans son alinéa 3 que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Outre qu'il n'est justifié d'aucun préjudice distinct du défaut de paiement, les difficultés financières auxquelles a été confrontée la société Checkmate ont été reconnues par l'inspecteur du travail qui a pris acte de l'impossibilité pour celle-ci d'assumer la charge salariale qui lui incombait, la société a été placée en liquidation judiciaire dès le 16 janvier 2019, la date de cessation des paiements étant fixée au 5 novembre 2018, aussi, aucune mauvaise foi à l'origine du défaut de paiement des salaires à l'échéance n'est démontrée.
La demande est en voie de rejet et le jugement en voie de réformation de ce chef.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
La salariée avance au soutien de sa demande d'indemnisation au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail l'absence de déclaration aux services de l'URSSAF, l'absence de mutuelle d'entreprise, le non-paiement des salaires des mois d'octobre et novembre 2018 et l'absence de fourniture d'un travail à dater du 26 novembre 2018.
Concernant l'absence de déclaration aux services de l'URSSAF, outre l'absence de démonstration, et même d'allégation, du préjudice qui en aurait résulté, la salariée reprend ce moyen au soutien de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé. Aucune indemnisation ne peut être accordée de ce chef.
Sur l'absence de mutuelle d'entreprise, la salariée ne fait pas davantage la démonstration du préjudice qui en aurait résulté sur la courte période d'emploi au sein de la société Checkmate .
Pour le non-paiement des salaires des mois d'octobre et novembre 2018, il a été constaté plus avant que la salariée ne justifiait d'aucun autre préjudice que le retard accusé par l'employeur et non réparable autrement que par l'octroi d'intérêts.
Il ne peut être contesté, ne serait-ce qu'au vu des attestations de dispense d'activité délivrée aux salariés par la gérante de l'entreprise, l'absence de fourniture d'un travail à dater du 26 novembre 2018.
S'agissant d'un manquement de la part de l'employeur à l'une de ses obligations essentielles, il sera alloué à la salariée qui ne justifie d'aucun préjudice particulier la somme de 500,00 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre.
Sur les congés payés
L'Unedic avance sans être utilement contredite avoir procédé à l'avance des sommes dues au titre des congés payés en sorte que la demande présentée à ce titre est sans objet.
Le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas été ordonné par le conseil de prud'hommes dont la salariée demande la confirmation pure et simple de la décision.
Sur le travail dissimulé
Le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié suppose de démontrer que l'employeur a entendu se soustraire intentionnellement à l'accomplissement d'une des formalités mises à sa charge par l'article L.8221-5 du code du travail, laquelle intention n'est pas en l'espèce établie.
En l'espèce, la salariée reconnaît qu'elle devait initialement être embauchée par une société société AS Communication (société de fait, non immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés) le 8 octobre 2018 en qualité d'enquêteur téléphonique, que cette société n'ayant jamais été immatriculée, Mme [R], gérante, l'a fait «basculer » sur la société Checkmate dont elle assurait également la gérance. Or ni l'inspection du travail, ni le service de l'Urssaf n'ont jugé utile de relever une quelconque irrégularité prenant en considération les difficultés financières et économiques de la société Checkmate. L'établissement d'un contrat de travail et la délivrance de bulletins de paie attestent également de l'absence de volonté de dissimulation de la part de l'employeur.
La situation dans laquelle s'est trouvée la société Checkmate découle à l'évidence, au regard des pièces produites et des explications des parties, du retrait de celui qui devait devenir l'associé de Mme [R] (présenté comme étant son ex compagnon), cette dernière ayant été manifestement dépassée par les événements et dans l'incapacité de mener à terme son projet.
Il n'y a donc pas lieu de prononcer le paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- Fixe la créance de Mme [X] à la liquidation judiciaire de la société Checkmate à la somme de 500,00 pour exécution déloyale du contrat de travail,
- Dit que cette somme sera inscrite par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société,
- Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
- Déboute Mme [X] de toutes ses autres demandes,
- Donne acte à l'AGS - CGEA de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,
-Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT