RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00866 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H627
CC
PRESIDENT DU TJ A COMPETENCE COMMERCIALE DE NIMES
12 janvier 2021 RG :18/00003
S.C.I. CERFA
C/
S.A.R.L. CHRYSALIDE
Grosse délivrée
le 08 FEVRIER 2023
à Me Jacques COUDURIER
Me Marie MAZARS
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Président du TJ à compétence commerciale de NIMES en date du 12 Janvier 2021, N°18/00003
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.C.I. CERFA
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Jacques COUDURIER de la SCP COUDURIER & CHAMSKI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
La société CHRYSALIDE, S.A.R.L. immatriculée au RCS de NIMES sous le numéro 530191576, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Michel ARIES de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, Plaidant, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Janvier 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 08 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 1er mars 2021 par la SCI Cerfa à l'encontre du jugement prononcé le 12 janvier 2021 par le juge des loyers commerciaux de Nîmes dans l'instance n°18/00003.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 26 août 2022 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 10 août 2021 par la Société Chrysalide, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance du 25 octobre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 12 janvier 2023.
* * *
Par acte sous signature privée du 7 avril 1998, la SCI La Cerfa a donné à bail commercial à la SARL Cat diverses parcelles en nature de landes à Connaux (30 330) aux fins d'exploitation d'une activité de camping, moyennant un loyer annuel de 200 000 francs et conclu pour une durée de 9 ans. Le 1er juin 2009, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans, expirant le 31 mai 2018.
Le bail a été successivement transmis comme suit :
La SARL Séverine est venue aux droits de la SARL Cat ;
La SARL Cegane est venue aux droits de la SARL Séverine ;
La SARL Marisa est venue aux droits de la SARL Cegane.
Par acte de cession du fonds de commerce du 28 février 2011, la SARL Chrysalide est venue aux droits de la SARL Solgard, elle-même venue antérieurement aux droits de la SARL Marisa.
Par acte signifié par huissier du 27 novembre 2017, la SARL Chrysalide a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er juin 2018 aux mêmes clauses et conditions que le bail initial, à l'exception du montant du loyer annuel.
Par acte du 30 mai 2018, la SARL Chrysalide a assigné à jour fixe la SCI La Cerfa devant le juge des loyers commerciaux.
Par jugement avant dire droit du 16 avril 2019, le juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise.
L'expert a déposé son rapport le 27 février 2020.
Par jugement du 12 janvier 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nîmes a :
-Fixé à la somme de 21 124 euros le montant annuel du loyer afférent au bail renouvelé à compter du 1er juin 2018 ;
-Dit que la clause d'indexation contractuelle devra s'appliquer depuis le 1er juin 2018 ;
-Condamné la société La Cerfa à payer à la société Chrysalide le différentiel entre le prix des loyers versés depuis le 1er juin 2018, date du renouvellement et le prix des loyers effectivement dus (incluant l'indexation) assorti des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
-Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, à l'exception des frais d'expertise judiciaire qui seront supportés pour moitié par chaque partie ;
-Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La SCI Cerfa a relevé appel de ce jugement aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'appelante demande à la cour de :
Réformant purement et simplement la décision entreprise,
Tenant le bail liant les parties, l'action abusive déployée par la SARL Chrysalide, laquelle, par ce biais, tente de faire supporter à la SCI Cerfa les conséquences de son incapacité à gérer un établissement de camping qui, jusqu'à présent, n'avait présenté aucune difficulté d'exploitation,
-Enjoindre à la SARL Chrysalide de verser aux débats ses bilans 2017, 2018 et 2019 ;
Tenant les carences du rapport de l'Expert, leur dénonciation unanime par les deux parties et les conclusions qui en ont été tirées ;
-Écarter ce rapport du fait de ses carences et débouter en conséquence la SARL Chrysalide de la totalité de ses demandes ;
-Juger que la relation contractuelle devra être poursuivie sur la base du bail initial, parfaitement respectée jusqu'à présent par tous les locataires, sauf le dernier la SARL Chrysalide ;
A titre subsidiaire,
-Désigner un autre Expert lequel sera chargé d'une mission qui doit être remplie de façon plus précise ;
A titre plus infiniment subsidiaire encore,
-Écarter les conclusions du rapport de Monsieur [Z] et, tenant les éléments par ailleurs versés sur la disposition des lieux, les structures mises à disposition, l'historique du parfait respect par tous les locataires sauf la SARL Chrysalide du bail d'origine remontant au 7 avril 1998 ;
-Juger que la valeur arbitrée contractuellement par ce bail représente la valeur locative réelle des locaux et que le bail doit être appliqué dans toutes ses dispositions pour la valeur du loyer, en ce compris l'indexation ;
Tenant l'échec total de la SARL Chrysalide à faire encore baisser la valeur locative qui doit manifestement s'imposer à elle,
-La débouter de ses demandes de dommages-intérêts, d'application de l'article 700 du code de procédure civile, de restitution rétroactive des montants de loyer qu'elle n'a pas payés d'ailleurs ;
-La condamner à verser à la Société Cerfa 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-La débouter de toutes ses demandes supplémentaires et la condamner aux entiers dépens lesquels comprendront les frais de l'expertise [Z].
Au soutien de ses prétentions, l'appelante expose que le bail est exclusivement destiné à l'usage de camping-caravaning, commerces annexes et activités de loisirs, toutes activités commerciales, en rapport avec l'objet visé. Les terrains de camping étant des locaux monovalents, la méthode hôtelière doit être appliquée. Elle critique le rapport d'expertise, qui ne satisfait personne, et qui doit par conséquent être écarté. Elle soutient que l'exploitant tente de lui faire supporter les conséquences de ses insuffisances et conclut à la poursuite des relations contractuelles sur la base du contrat initial.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'intimée forme appel incident et demande à la cour de :
-Infirmer la décision entreprise ;
-Fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 11 400 euros et hors charges, à compter du 1er juin 2018, outre les charges prévues au bail ;
-Ordonner le paiement des intérêts au taux légal sur le trop-perçu de loyer versé à compter de la date de renouvellement ;
-Condamner la SCI La Cerfa à payer à la société Chrysalide le différentiel entre le prix des loyers versés depuis le 1er juin 2018, date du renouvellement et le prix des loyers effectivement dus, incluant l'indexation ;
-Juger n'y avoir lieu à la désignation d'un nouvel expert ;
-Condamner la SCI La Cerfa à payer à la SARL Chrysalide la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les frais d'expertise arrêtés à ce jour à la somme de 2 500 euros.
Au soutien de ses prétentions, l'intimée expose qu'elle ne conteste pas l'application de la méthode hôtelière mais les valorisations faites par l'expert. Eu égard à son implication dans la gestion de ce camping, elle estime que ne doit pas être pris en compte la valorisation du chiffre d'affaires résultant de locations d'activités ponctuelles ou exceptionnelles. Enfin, elle réfute les éléments de comparaison sélectionnés par l'expert judiciaire .
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
Le renouvellement du bail n'est pas contesté et ainsi les parties sont liées par un nouveau bail depuis le 1er juin 2018, s'opérant aux clauses et conditions du bail venu à expiration.
La question du loyer du bail renouvelé reste seule à trancher.
Dès lors, la production des bilans des années 2018 et 2019 postérieurs en tout ou partie à la date de renouvellement du bail sont sans intérêt.
La cour, au vu des pièces produites par l'intimée et notamment le compte de résultat prévisionnel 2017/2018 n'estime pas nécessaire la production du bilan 2017, qui n'est pas utile à la résolution du litige.
Les parties critiquent, avec plus ou moins de virulence, le rapport d'expertise. Pourtant l'une et l'autre s'appuient sur une partie du rapport pour développer leurs thèses et ne s'accordent que sur le fait qu'il ne convient pas de prendre en considération les éléments de comparaison.
Cela ne suffit pas à « écarter » le rapport comme le demande l'appelante, ni à conduire à l'instauration d'une nouvelle expertise.
Sur le fond :
Il convient tout d'abord de faire abstraction des griefs exposés par le bailleur quant aux méthodes de gestion de son locataire qui n'entrent pas en ligne de compte dans le prix du bail renouvelé. Si les photos prises par l'expert démontrent le peu de fréquentation du camping en juin, date de la visite, il convient de rappeler que le taux d'occupation retenu dans l'expertise est celui des campings du Languedoc Roussillon, faute de statistiques sur la commune de [Localité 4].
La méthode hôtelière est assise non sur les résultats effectifs de l'exploitation mais sur une capacité théorique à dégager ces résultats. Elle se compose de la recette hébergement et de recettes annexes pouvant inclure la restauration. En l'espèce, l'expert a justement inclus cette activité qui est réservée aux seuls clients du camping et qui génère un chiffre d'affaires se cumulant à celui de l'hébergement.
Cependant, il est d'usage d'appliquer un taux de prélèvement sur les recettes annexes, qui peut être fixé en l'espèce à 20% compte tenu du fait que cette activité annexe n'est pas ouverte à l'année.
Il s'ensuit que la valeur locative annuelle de la restauration doit être estimée à 9 662 euros.
Soit une valeur locative de l'ensemble de : 9 046 + 9 662 = 18 708 euros.
L'approche par la capacité contributive (taux d'effort) doit être écartée dans la mesure où il est pris en compte des ventes exceptionnelles de l'exploitant dans les chiffres d'affaire retenus. L'appelant, quant à lui, égrène les travaux accomplis par le preneur qui auraient été, de manière contestable , retenus par l'expert. Ce débat est largement prématuré puisque la soumission du bail aux dispositions de l'article R .145-10 du commerce exclut les dispositions de l'article R. 145-8 du même code. (Civ. 3ème 5 octobre 2017 n°16-18.059).
Enfin, il n'y a pas lieu de retenir la méthode par comparaison qui est rejetée par les deux parties.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 21 124 euros le montant du loyer afférent au bail renouvelé à compter du 1er juin 2018 et le prix du bail renouvelé sera fixé à la somme de 18 708 euros hors taxes et hors charges. Il sera confirmé en ses autres dispositions, sauf en ce qui concerne le taux d'intérêt légal sur les sommes à restituer qui débuteront à compter de la signification de la présente décision.
Sur les frais de l'instance :
La SCI Cerfa, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la société Chrysalide une somme équitablement arbitrée à 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déboute la SCI CERFA de sa demande de production de pièces compables, de nouvelle expertise et de rejet de l'expertise judiciaire versée aux débats,
Infirme le jugement déféré en ce en ce qu'il a fixé à la somme de 21 124 euros le montant du loyer afférent au bail renouvelé à compter du 1er juin 2018,
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe le prix du bail renouvelé à compter du 1er juin 2018 à la somme annuelle de 18 708 euros hors taxes et hors charges,
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions, sauf à faire débuter l'intérêt légal sur le différentiel dû par la SCI Cerfa à la date de signification de la présente décision,
Y ajoutant,
Dit que la SCI Cerfa supportera les dépens d'appel et payera à la SARL Chrysalide une somme de 2 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,