RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01702 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IA46
AD
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
19 avril 2021
RG:18/02343
SOCIETE GENERALE
C/
[W]
Grosse délivrée
le
à Selarl Vajou
Selarl Bolzan
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 09 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Avignon en date du 19 Avril 2021, N°18/02343
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,
Mme Laure MALLET, Conseillère,
Madame Virginie HUET, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
LA SOCIETE GENERALE SA au capital de 1 062 354 722,50 euros, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 552 120 222, représentée par ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité venant aux droits et obligations de la Société Marseillaise de Crédit, en suite de la fusion-absorption effectivement intervenue le 01/01/2023 (V.Annonces 1229 et 1230 parues au Bodacc du 29/06/2022 ci-jointes)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Tanguy BARTHOUIL de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [C] [W]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Aude-sarah BOLZAN de la SELARL BOLZAN AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Janvier 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 09 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ :
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avignon le 19 avril 2021, ayant statué ainsi qu'il suit :
' reçoit Monsieur [W] en son action,
' prononce à la date du 28 mars 2015 la caducité du nantissement conclu entre Monsieur [W] et la Société marseillaise de crédit et la société HSBC portant sur le contrat d'assurance-vie de [C] [W] numéro 92 219,
' condamne la Société marseillaise de crédit à payer à Monsieur [W] la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
' ordonne l'exécution provisoire,
' rejette les autres demandes,
' condamne la Société marseillaise de crédit aux dépens.
Vu l'appel interjeté par la Société marseillaise de crédit le 29 avril 2021.
Vu les conclusions de la société Générale venant aux droits par fusion absorption du 1 er janvier 2023 de la société marseillaise de crédit, en date du 9 janvier 2023, demandant de :
' révoquer l'ordonnance de clôture et fixer une nouvelle date,
' infirmer le jugement et statuant à nouveau,
' recevoir la Société Générale aux droits de la société marseillaise de crédit en sa demande et la dire bien fondée,
' rejeter les demandes de [C] [W],
' déclarer régulière la constitution du nantissement opérée le 1er décembre 2010,
' condamner Monsieur [W] à lui payer la somme de 187'839,50 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2019, date de notification des présentes conclusions,
' ordonner la réalisation de la sûreté au profit de la Société marseillaise de crédit,
' dire qu'elle sera autorisée à percevoir directement de l'assureur le montant total du contrat d'assurance-vie souscrit par Monsieur [W] le 28 janvier 2004, objet du nantissement du 1er décembre 2010,
' dire qu'elle sera autorisée à utiliser la somme reçue de l'assureur au règlement de tout ou partie de la créance qu'elle détenait sur feu la SARL Euro diffusion's, créance qui a été définitivement admise au passif de cette société le 15 février 2019,
' condamner Monsieur [W] à lui payer la somme de 8000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de son avocat.
Vu les conclusions de Monsieur [W] en date du 19 octobre 2021, demandant de :
' confirmer le jugement et rejeter toutes les demandes de l'appelante,
' à titre subsidiaire, constater que les termes du nantissement ne répondent pas aux exigences des articles 2355 et 2356 du Code civil et en conséquence, prononcer sa nullité,
' ordonner en tant que de besoin la mainlevée du nantissement sous une astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir et rejeter toutes les demandes de la Société marseillaise de crédit,
' à titre très subsidiaire, constater que la cession des parts sociales de la société Euro diffusion's par Monsieur [W] constituait l'élément essentiel et déterminant de son engagement,
' en conséquence, prononcer la caducité du nantissement souscrit le 1er décembre 2010 à la date du 23 mars 2012 et ordonner en tant que de besoin sa mainlevée sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
' rejeter toutes les demandes de l'appelante,
' à titre infiniment subsidiaire, si le nantissement était accordé à titre de garantie, constater que l'appelante n'a pas respecté son engagement de limiter sa facilité de trésorerie à la société Euro diffusion's dans la limite de 70'000 € conformément au protocole d'accord signé et ramener les sommes mises à sa charge à de plus justes proportions,
' en tout état de cause, constater que la Société marseillaise de crédit a manqué à son obligation d'information et de conseil à son égard, qu'elle a soutenu abusivement la société Euro diffusion's,
' en conséquence, la condamner à lui verser la somme de 187'839,50 € à titre de dommages et intérêts,
' ordonner l'exécution provisoire,
' condamner la Société marseillaise de crédit à la somme de 4500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance du premier président de la cour d'appel, l'aménagement de l'exécution provisoire a été ordonné et la consignation des sommes issues de la vente des titres du portefeuille ayant fait l'objet du nantissement par Monsieur [W] à la Société marseillaise de crédit accordée dans l'hypothèse où Monsieur [W] déciderait de réaliser tout ou partie de ce portefeuille.
Vu la clôture initiale du 22 décembre 2022, sa révocation à l'audience et le prononcé d'une nouvelle clôture avant l'ouverture des débats, la demande de révocation présentée dans les conclusions de l'appelante étant, dès lors, sans objet.
MOTIFS
Monsieur [W] a été le gérant de la société Euro diffusion's, ayant notamment pour objet la conception, la vente et l'entretien de bateaux, cette société ayant été immatriculée le 22 août 1988.
Il en détenait, avec son épouse, toutes les parts.
Il a signé, le 1er décembre 2010, avec la Société marseillaise de crédit et la société HSBC un avenant de mise en nantissement de son contrat d'assurance-vie HSBC Assurance vie numéro 92 219, aux termes duquel il s'engageait à garantir la créance que la banque détient contre la société Euro diffusion's pour la somme de 230'000 €, comprenant le principal, les intérêts, commissions, frais et accessoires au titre des autorisations de crédit à durée indéterminée consenties à la société.
Monsieur [W] et son épouse ont, le 23 mars 2012, cédé 2474 des 2500 de leurs parts sociales dans ladite société à la société EB Invest, ayant pour gérant et unique associé, M [R], moyennant un prix de 500'000 €, règlé comptant pour 340'000 € par deux chèques de 170 000€ chacun, dont l'un tiré sur la SMC et également par le biais d'un crédit vendeur pour 160'000 €.
Monsieur [W] dénonçait auprès de la SMC 'mes cautions et tous les engagements auprès de la société Euro diffusion's' par une lettre recommandée du 4 août 2013 et lui envoyait également un autre courrier le 28 mars 2015 dont les termes seront plus avant repris.
Parallèlement, la société Euro diffusion's ne s'acquittait pas des échéances du crédit vendeur au titre des parts sociales cédées, ainsi que de ses engagements à l'égard de ses créanciers , CEPAC et SMC,ce qui conduisait à l'établissement d'un protocole d'accord, le 18 juin 2016, aux termes duquel notamment, Monsieur [W] abandonnait sa créance de crédit vendeur avec cession du fonds de commerce par Monsieur [W] à la société Euro diffusion's pour une somme de 160'000 €, réglée par un autre crédit vendeur de 6 mois à compter du 1er août 2016.
La société Euro diffusion's, qui était placée sous sauvegarde dans un premier temps ( 10 janvier 2018), faisait, ensuite, l'objet d'une liquidation judiciaire à la date du 17 juillet 2019 et c'est dans ces conditions, que la Société marseillaise de crédit, qui justifie avoir régulièrement déclaré sa créance, celle-ci ayant été admise pour la somme de 187'839,50€ de sorte que son montant n'est plus contestable, ni au demeurant son exigibilité dans la mesure où la liquidation est désormais clôturée pour insuffisance d'actif alors qu'elle avait été admise à titre chirographaire, s'est retournée vers Monsieur [W].
Dans le jugement déféré, le tribunal, saisi par M [W] en mainlevée du nantissement, a considéré que le nantissement avait été conclu pour garantir les dettes de la société Euro diffusion's lorsque Monsieur [W] en était le gérant et associé ; que l'acte de cession du 23 mars 2012 des parts sociales de Monsieur [W] est inopposable à la Société marseillaise de crédit ; que le 4 août 2013, Monsieur [W] a indiqué vouloir révoquer ses engagements, courrier auquel la banque n'a pas répondu ; que ce courrier n'était pas clair, mais qu'émanant d'un profane, il pouvait clairement laisser entendre que la révocation d'engagement s'appliquait au nantissement ; que Monsieur [W] avait, en toute hypothèse, formulé clairement une demande par courrier du 23 août 2015 en sollicitant de la banque l'annulation de toute autre caution et en exprimant sa volonté d'annuler également le nantissement de 'mon assurance-vie', s'enquérant à ce sujet de la nécessité d'envoyer une lettre recommandée; que la banque connaissait donc, à cette date, la volonté de Monsieur [W] à laquelle elle ne répondait pas ; que si le contrat prévoyait que la mise en nantissement cesserait lors de la mainlevée donnée par la banque, cette clause revient à donner à la banque, seule, le pouvoir de donner mainlevée ; que Monsieur [W] avait clairement exprimé son souhait ; que la banque ne lui avait pas opposé de refus, ni répondu et que son silence, sachant que la décision revenait à la banque, pouvait prêter à interprétation dans un sens favorable à Monsieur [W] ; que par un courrier du 29 juin 2016, la banque acceptait la mainlevée de toute caution personnelle et qu'elle apparaissait ainsi renoncer à solliciter Monsieur [W] pour son nantissement, même si elle ne le visait pas expressément ; que dans le protocole d'accord auquel étaient parties la SMC ainsi que Monsieur [W], les seules garanties existantes à l'égard de la société Euro diffusion's étaient celles de Monsieur [R], lequel était le gérant de la société ayant racheté les parts sociales.
Le tribunal en conclut que malgré les termes de l'acte constitutif de nantissement prévoyant le pouvoir de la banque de donner la mainlevée de la sûreté, aucun formalisme n'était requis et que la banque y avait renoncé ; qu'en tout état de cause, le nantissement était devenu caduc, la décision ainsi prise sanctionnant également le manquement de la banque à son devoir d'information et de conseil dès lors que même si elle n'était pas partie à l'acte de cession, elle en connaissait l'existence puisque Monsieur [R] avait emprunté auprès d'elle pour pouvoir acquérir les parts sociales ; qu'interrogé par Monsieur [W], elle aurait dû lui indiquer qu'elle refusait sa mainlevée au lieu de garder le silence, puis, lui adresser des réponses sur la question du nantissement.
Le tribunal a, en conséquence, prononcé la caducité du nantissement à la date du 28 mars 2015 correspondant à la demande de Monsieur [W], laissée sans réponse par la banque, en retenant que le nantissement ne produisait plus d'effet au moment où la SMC avait entendu mobiliser les garanties prises.
Au soutien de son appel, la Société marseillaise de crédit fait essentiellement valoir que le nantissement a été pris par un acte du 1er décembre 2010 ; que l'article 1 de l'avenant prévoit que la mise en nantissement 'cessera lors de la mainlevée donnée par la banque' ; que ce nantissement était autonome des engagements de caution indépendamment pris par Monsieur à son profit ; qu'elle n'a pas participé à l'acte de cession des parts sociales du 23 mars 2012 à l'EURL EB Invest ; que le courrier de Monsieur [W] du 4 août 2013 ne demande que la révocation des cautions et de tous les engagements auprès de la société Euro diffusion's ; que celui du 28 mars 2015 rappelle sa demande d'annulation de ses cautions tout en disant que quant au nantissement, il aimerait le dénoncer en demandant s'il convenait d'envoyer une lettre recommandée, ce qui démontre que Monsieur [W] reconnaît, lui-même, l'indépendance du nantissement par rapport à ses engagements de caution; que le 29 juin 2016, elle a écrit à Monsieur [W] en donnant mainlevée de toute caution personnelle existante en faveur de la société Euro diffusion's, que ce courrier ne vise pas le nantissement pour lequel elle n'a donc jamais donné mainlevée et partant, auquel elle n'a jamais renoncé; que M [W] lui écrit, le 6 mars 2018, en rappelant que le 29 juin 2016, elle lui avait bien donné mainlevée de toute caution personnelle et qu'il réitère sa demande de mainlevée de nantissement, souhaitant trouver une solution à ce problème rapidement, ce à quoi la banque lui répond que le dossier est désormais transféré au service contentieux.
La société marseillaise de crédit expose encore que ce n'est pas parce que Monsieur [R] a réglé une partie du prix de la cession des parts sociales au moyen d'un chèque tiré sur la Société marseillaise de crédit, que pour autant, elle était au courant de l'opération et que quand bien même en eût-elle été informée, cela ne suffit pas à l'anéantissement judiciaire de sa sûreté ; que la convention est claire en ce que l'anéantissement du nantissement ne peut revenir qu'à la décision de la banque donnant mainlevée ; qu'elle n'avait pas d'obligation de conseil à l'égard de Monsieur [W] dès lors que le nantissement d'un contrat d'assurance-vie pour garantir la dette d'un tiers s'analyse en une sûreté réelle, que dans une telle hypothèse, l'établissement bancaire n'est pas tenu d'un devoir de mise en garde et de conseil et que le régime du cautionnement n'a pas vocation à s'appliquer; que Monsieur [W] ne peut se prévaloir de sa volonté unilatérale d'obtenir la mainlevée du nantissement qui n'appartient qu'à la banque, ni prétendre que les garanties apportées par Monsieur [R] se substituent aux siennes, ni faire valoir qu''il a subordonné son engagement au titre du nantissement à son statut de dirigeant ;qu'en ce qui concerne la régularité de l'acte de nantissement, les dispositions légales ont été observées, l'acte, conclu par écrit, mentionnant notamment les créances garanties et les créances nanties; que la thèse de Monsieur [W], aux termes de laquelle la cause du nantissement aurait disparu du fait de la cession des parts le 23 mars 2012, ne peut résister dans la mesure où cet acte ne lui est pas opposable car elle n'y était pas partie, et où la cause du nantissement est demeurée dès lors qu'elle consiste dans la créance de la banque sur la société au titre des autorisations de crédit à durée indéterminée accordées, la créance ayant été admise au passif pour 187'839,50 € ; qu'il ne peut être argué du protocole d'accord conclu le 18 juin 2016 qui ne vise que l'endettement de la société Euro diffusion's et la société EB Invest à la demande du mandataire ad hoc ; que la circonstance que le nantissement consenti par Monsieur [W] à titre personnel n'y ait pas figuré dans la colonne des garanties ne peut valoir renonciation de la banque au nantissement, une renonciation, qui certes peut être tacite, ne pouvant cependant procéder que de la manifestation d'une volonté non équivoque de ce chef , laquelle ne peut être invoquée dans ce cadre ; qu'il ne peut être soutenu par M [W] que son obligation est devenue caduque dès lors qu'il est sorti de la société et n'a plus la qualité de dirigeant ; que la banque n'avait pas d'obligation d'information quant à la survie de son nantissement au moment de la cession de ses parts et que l'information aurait dû être alors faite par le rédacteur de l'acte de cession de parts ; que par ailleurs, l'acte de nantissement éclaire suffisamment sur les conditions de sa mainlevée et qu'il n'y avait pas d'information particulière à donner de ce point de vue, le constituant ne pouvant révoquer unilatéralement la garantie qu'il a donnée ; qu'en outre, le banquier n'a pas d'obligation de ce chef dans le cadre d'un nantissement ; qu'il ne peut, non plus, lui être reproché de soutien abusif à la société Euro diffusion's au vu du protocole passé en 2016 avec le mandataire ad hoc judiciaire de la société que le tribunal de commerce a homologué en rappelant qu'il était de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise et à ne pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires, le débiteur n'étant alors pas en état de cessation des paiements ; qu'en outre, les conditions des concours consentis par les créanciers dans le cadre d'une procédure collective sont réglementées par l'article 650-1 alinéa 1 du code du commerce et que Monsieur [W] ne démontre pas que la banque tomberait sous le coup de ce texte ; que sa créance ayant été admise à la procédure collective, son montant ne peut plus être contesté et que Monsieur [W] ne justifie pas qu'il l'aurait contestée dans le délai devant le juge commissaire de sorte que Monsieur [W] est irrecevable à protester contre cette créance en son montant ; que la liquidation judiciaire étant prononcée, l'action de la banque n'est pas prématurée (article L622- 28 du code du commerce), et que si elle était réglée, Monsieur [W] pourrait être subrogé dans ses droits ; qu'en toute hypothèse, la liquidation judiciaire a été clôturée pour une insuffisance d'actif les 27 et 28 juillet 2020.
Monsieur [W] fait, pour sa part, valoir en substance que le nantissement a été donné à une époque où il était encore le dirigeant de la société Euro diffusion's, que la SMC était débitrice une obligation d'information et de conseil et qu'elle était parfaitement informée de la cession des parts ; qu'elle s'est toujours montrée taisante malgré ses courriers sur le sort du nantissement ; que Monsieur [R] a apporté des garanties en substitution de celles de Monsieur [W] à la suite de la cession des parts et qu'il a, lui-même, conditionné son engagement au titre du nantissement à son statut de gérant ; que la volonté de la SMC de se prévaloir du nantissement qui n'est pas démontrée en l'espèce est une condition essentielle du maintien de la garantie ; qu'il ne disposait d'aucun moyen de contrôle de la société à la suite de la cession de ses parts, ce qui l'empêchait de prendre les mesures adéquates pour mettre un terme à ce nantissement et que c'est donc à bon droit que les juges ont retenu la caducité ; qu'il était client de la SMC depuis 30 ans et qu'elle ne pouvait se dispenser de son devoir de conseil au moment de l'acte de cession des parts .
A titre subsidiaire, Monsieur [W] invoque la nullité du nantissement au visa de l'article 2356 du Code civil, en faisant notamment valoir le caractère lapidaire de la désignation de la créance ; en affirmant encore que n'ayant plus de lien avec la société, il était bien légitime qu'il n'entende plus en garantir les dettes ; qu'avec la cession des parts de la société, le besoin de financement de son entreprise avait disparu et que son engagement devenait caduc ; en soulignant que dans le protocole d'accord signé en 2016, la société marseillaise de crédit n'a pas fait figurer le nantissement de Monsieur [W] et que c'est bien qu'elle y avait mis un terme ; qu'en tout état de cause, la société marseillaise de crédit a une responsabilité au titre de son devoir d'information et de conseil qu'elle n'a pas rempli et au titre d'un soutien qui peut être qualifié d'abusif, celle-ci ayant connaissance des difficultés de la société Euro diffusion's.
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Il n'est pas contesté que Monsieur [W] a nanti un contrat d'assurance-vie numéro 92 219, souscrit le 28 janvier 2004, au bénéfice de la Société marseillaise de crédit pour garantir la banque de la créance qu'elle détient contre la société Euro diffusion's aux conditions suivantes : une somme de 230'000 € comprenant le principal, les intérêts, commissions, frais et accessoires au titre des autorisations de crédit à durée indéterminée.
Il est établi par les pièces 2 et 3 de la banque que le contrat d'assurance-vie ainsi souscrit, dénommé 'plurivalors croissance option transfert de PEP', a été alimenté par Monsieur [W] au moyen de fonds propres.
Ledit contrat dispose donc que le constituant remet, à titre de nantissement et en garantie du remboursement de la créance garantie que la banque détient à l'encontre de la société Euro diffusion's, pour la somme de 230'000 € comprenant le principal, les intérêts, commission, frais et accessoires, au titre des autorisations de crédit à durée indéterminée, les sommes assurées pour leur valeur entière, actuelle et future ; que cette mise en nantissement cessera lors de la mainlevée donnée par la banque.
Aucune forme n'y est prévue pour la manifestation de la volonté de la banque de donner mainlevée, mais cette absence de formalisme ne dispense cependant pas Monsieur [W] de démontrer une telle volonté ou à tout le moins, une renonciation tacite et non équivoque de la banque à cette garantie.
Les conditions de la mainlevée sont ainsi clairement définies en ce que celle-ci relève de la seule volonté de la banque et excluent, par voie de conséquence, qu'elle puisse procéder de la volonté unilatérale de Monsieur [W].
Celui-ci ne peut, non plus, et en l'absence de stipulations contractuelles à cet égard, se prévaloir que Monsieur [R] aurait apporté, au moment du protocole, de nouvelles garanties en substitution des siennes, ni qu'il aurait, lui-même, conditionné son engagement au titre du nantissement à son statut de dirigeant, dès lors précisément que rien ne le stipule, ni au titre nantissement, ni au titre du protocole d'accord conclu en juin 2016, qu'il n'est pas plus établi qu'il était convenu entre les parties que les garanties existantes de Monsieur [R] se substitueraient au nantissement de Monsieur [W], ni que le maintien de cette garantie dans les conditions ainsi convenues soit subordonné à une manifestataion de la banque de s'en prévaloir.
À l'époque où le nantissement est ainsi donné, Monsieur [W] est, certes, associé et gérant de la société dont la dette est garantie, mais le contrat de nantissement ne subordonne donc pas le maintien de cette garantie au maintien de la qualité d'associé ou des fonctions de gérant de Monsieur [W].
Il y a, en effet, une autonomie entre ces 2 situations et il ne saurait être valablement invoqué que la cause du nantissement aurait consisté dans la persistance de la qualité d'associé et de gérant, la circonstance que Monsieur [W] n'ait plus la qualité d'associé ni celle de gérant de la société dont la dette et ainsi garantie étant indifférente, ainsi que la circonstance tirée de ce que dans ces conditions il n'avait plus la maîtrise de la gestion de la société.
La demande de nullité ou de caducité du nantissement fondée de ces chefs ne peut prospérer.
En ce qui concerne la prétendue cessation de l'engagement de nantissement revendiquée par Monsieur [W] au titre d'une renonciation de la banque à raison notamment de son comportement lors de leurs échanges écrits, il sera relevé que cette renonciation ne saurait se déduire, contrairement à ce qu'allègue Monsieur [W], des termes de ceux-ci.
À cet égard, il sera rappelé que le courrier recommandé de Monsieur [W] en date du 6 août 2013 mentionne, en son en-tête, avoir pour objet: « caution pour la société Euro diffusion's » ; que le corps des écrits contenus à cette lettre fait état de son engagement à laisser sa caution pendant une année après la vente de ses parts et que cette année étant écoulée, il désire révoquer ses cautions et tous les engagements auprès de la SARL Euro diffusion's ;que cette formulation ne saurait cependant être considérée comme l'expression d'une manifestation de volonté relative à la révocation spécifique du nantissement ; que d'ailleurs, dans un autre courrier que Monsieur [W] écrit en 2015, il manifeste alors sa volonté de le dénoncer en le distinguant précisément de ses engagements de caution et en demandant la procédure à suivre pour cela de sorte qu'il est clair qu'encore à cette date, il considère et sait que le nantissement n'a pas été remis en cause par la banque ; que le seul silence reproché à la banque en suite de ces lettres ne saurait valoir renonciation non équivoque ; que le 29 juin 2016, la banque a écrit à Monsieur [W] en donnant mainlevée de toute caution personnelle existant en faveur de la société Euro diffusion's, que ce courrier ne vise pas, non plus, le nantissement dont on a retenu que Monsieur [W] savait le distinguer des cautions dans son courrier du 28 mars 2015 et pour lequel elle n'a ainsi jamais donné mainlevée et partant, auquel elle ne saurait avoir renoncé, ni laissé croire à Monsieur [W] qu'elle y a renoncé, sans que ce comportement puisse être argué de déloyauté; que de surcroît, par un autre courrier du 6 mars 2018, Monsieur [W] réitère bien que dans sa lettre du 29 juin 2016, la banque avait donné mainlevée des cautions personnelles et qu'il présente à nouveau une demande de mainlevée du nantissement, ce qui démontre qu'il admet derechef, encore à cette date, que le nantissement existe toujours; qu'il lui est répondu par la banque que le dossier est au service contentieux de sorte qu'il ne pouvait d'évidence alors imaginer un accord de la banque de ce chef.
Il sera encore rappelé qu'un nantissement se distingue d'un cautionnement en ce qu'il constitue une sûreté réelle lorsque, comme dans le cas d'espèce, il est donné sur un contrat d'assurance-vie et qu'il est destiné à garantir la dette d'un tiers, n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, ce qui soustrait la banque, bénéficiaire d'une telle sûreté, à son obligation de mise en garde et à toutes autres obligations encadrant le droit protecteur du cautionnement (bénéfice de division, de discussion, de subrogation, devoir d'information de la banque, principe de proportionnalité).
Il en résulte qu'aucun manquement à une obligation de conseil ou de mise en garde contre la banque ne peut, non plus, être utilement invoqué :
- ni au moment de la conclusion du nantissement, dont les termes sont au demeurant parfaitement clairs et dont la nature doit donc être distinguée du cautionnement au regard des exigences de cette obligation,
- ni au moment de la cession des parts sociales à la société EB Invest, à laquelle la société marseillaise de crédit n'a pas participé, la circonstance tirée de ce que le prix de cette cession a été acquitté par un chèque émis sur cette banque étant inopérante tant au regard de la preuve de la connaissance de la banque qu'au regard de l'étendue de son obligation de conseil qui en toute hypothèse serait mise à néant par la nécessité de ne pas s'immiscer dans les rapports de ses clients.
Sur la demande de nullité de l'acte de nantissement, l'examen du document produit de ce chef mis en perspective avec les dispositions de l'article 2356 du Code civil ne révèle aucune irrégularité.
L'acte est passé par écrit ; il énonce, par ailleurs, de façon suffisamment claire et précise, que la créance garantie par la banque est une créance qu'elle détient contre la société Euro diffusion's, dont elle fixe le montant à 230'000 € en expliquant ce que ladite somme comprend, à savoir, le principal, les intérêts, commission, frais et accessoires, ainsi que sa cause, à savoir, les autorisations de crédit à durée indéterminée données à la société, de sorte que cette désignation ne saurait être considérée comme lapidaire, ni contrevenir aux exigences de l'article ci-dessus visé.
Sur la demande de caducité de l'acte, motifs pris de la disparition de la cause de l'engagement, il sera réitéré que la cause de cet acte réside dans la créance de la banque sur la société Euro diffusion's au titre des autorisations de crédit à durée déterminée qu'elle lui a accordées, et qu'elle souhaitait donc garantir, la cession des parts de M [W] à l'EURL EB Invest n'ayant pas à interférer, ni la circonstance que la dette garantie ne soit plus celle de 'sa société', (page11 de ses conclusions), dès lors qu'aucun lien n'avait été conventionnellement prévu entre sa qualité d'associé et le nantissement, étant de surcroît rappelé que l'acte de cession a été passé entre le seul cédant et le cessionnaire, que la banque n'y a pas été appelée, qu'il ne peut non plus lui être fait de grief à raison de ce qu'elle en a pour partie assurer le financement vu les observations déjà faites ci-dessus ; que le protocole d'accord, conclu en 2016 en présence du mandataire ad hoc désigné en justice, des créanciers de la société EB Invest, (dont la Société marseillaise de crédit), de Monsieur [R] et de Monsieur [W] n'avait pour objet que de régler les situations des sociétés Euro diffusion's et EB Invest relativement à leur endettement respectif à raison de l'évolution des engagements concomitamment ou postérieurement à la cession des parts ainsi que cela résulte de ses termes et développements qui se réfèrent à la seule gestion d'[K] [R] et où son seul objet en termes de garantie en suite de la restructuration du passif y convenu concerne les seuls engagements de ce chef de Monsieur [R], outre les nouveaux engagements de la société Euro diffusion's et les nouvelles garanties y attachées et qu'il ne peut, non plus, dans ces conditions, être déduit, de l'absence de mention du nantissement du contrat de Monsieur [W] par la Société marseillaise de crédit et de la mention de la seule caution de M [R], une renonciation de sa part à s'en prévaloir étant observé que M [W] était présent à ce protocole et qu'il n'a pas non plus mis dans les débats ni les termes de l'accord la question du nantissement en litige.
Enfin, sur le moyen tiré du soutien abusif de la banque à la société Euro diffusion's, il sera retenu que ledit protocole été homologué par le tribunal de commerce d'Avignon en considération de ce qu'il 'semble de nature à assurer la pérennité de l'activité et ne pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires' et qu'il n'est nullement démontré que ses conditions, en ce qui concerne le concours de la SMC, auraient d'une quelconque façon participé à un déséquilibre ou accroissement du passif social, étant précisément souligné que la créance à garantir, initalement visée dans le cadre du nantissement, est de 230 000€ et que la dette présentement réclamée est de 187 939,50€; que même si la SMC a connu de la situation de la société, notamment en participant à l'élaboration du protocole, aucun élément ne permet d'établir que le maintien du concours y visé alors limité à 70 000€ et ce dans le cadre du mandat ad hoc judiciaire organiser pouvait participer d'un soutien abusif, que de surcroît, la seule connaissance des difficultés de l'entreprise telles que visées au protocole ne suffit pas à démontrer le caractère abusif d'un maintien de concours en l'absence de preuve qui en l'espèce n'est pas rapportée de ce que ces concours étaient voués à l'échec et que la banque le savait ; qu'en toute hypothèse, rien ne démontre, non plus, que la somme présentement réclamée procéderait de la période de poursuite de l'activité dans ces conditions; que pour ce qui est d'un soutien pendant la procédure collective, selon l'article 650-1 du code du commerce, la responsabilité des créanciers pour les préjudices subis du fait des concours ainsi consentis est subordonnée à la preuve d'une fraude, d'une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci, aucun de ces cas n'étant, en l'espèce, caractérisé.
Le jugement sera donc infirmé et il sera, en conséquence, fait droit à la demande de la SMC aux droits de laquelle vient désormais la Société Générale, de voir dire régulière la constitution du nantissement opérée le 1er décembre 2010, de voir condamner Monsieur [W] à lui payer la somme principale qu'elle réclame de 187'839,50 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2019, de voir ordonner la réalisation de la sûreté litigieuse à son profit, de voir dire que celle-ci sera autorisée à percevoir de l'assureur directement le montant des sommes dûes au titre contrat d'assurance sur la vie numéro 000 92 219 dans la limite de ses droits et à utiliser la somme perçue de l'assureur au règlement de tout ou partie de la créance contre la société Euro diffusion's .
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Reçoit l'intervention volontaire de la Société Générale venant aux droits de la Société marseillaise de crédit,
Rejette toutes les demandes de Monsieur [W],
Déclare régulière la constitution du nantissement opéré le 1er décembre 2010 par la Société marseillaise de crédit aux droits de laquelle vient désormais la Société Générale,
Ordonne, au profit de la Société Générale, la réalisation de la sûreté, constituée du nantissement de la société marseillaise de crédit sur le contrat d'assurance-vie de Monsieur [W], HSBC assurance-vie France numéro 000 92 219 et condamne Monsieur [W] à lui payer la somme de 187'839,50 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2019,
Dit que la Société Générale, venant aux droits de la société marseillaise de crédit, sera autorisée à percevoir directement de l'assureur, HSBC assurance-vie France, le montant total du contrat d'assurance-vie dans la limite de cette somme de 187'839,50 € et qu'elle utilisera la somme reçue de l'assureur au règlement de tout ou partie de la créance qu'elle détient sur la société Euro diffusion's,
Condamne Monsieur [W] à payer à la Société Générale, venant aux droits de la Société marseillaise de crédit, la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [W] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de l'avocat en ayant fait la demande.
Arrêt signé par la présidente et la greffière.
La greffière, La présidente,