RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/02177 - N° Portalis DBVH-V-B7F-ICEP
AD
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS
18 mai 2021
RG:20/00454
[U]
C/
[X]
[I]
BARDET
BARDET
Grosse délivrée
le
à Selarl Pericchi
SCP Penard Oosterlynck...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 09 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 18 Mai 2021, N°20/00454
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,
Mme Laure MALLET, Conseillère,
Madame Virginie HUET, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [P] [H] [A] [U] épouse [L]
née le 01 Mai 1966 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean-pierre GUIN, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Nicolas HEQUET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur [S] [X]
né le 04 Septembre 1961 à [Localité 4] (Algérie)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Nicolas OOSTERLYNCK de la SCP PENARD-OOSTERLYNCK-BEVERAGGI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
Madame [Z] [I] épouse [X]
née le 10 Décembre 1955 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicolas OOSTERLYNCK de la SCP PENARD-OOSTERLYNCK-BEVERAGGI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
PARTIES INTERVENANTES
Madame [R] [E] [B] [L]
née le 02 Octobre 2000 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean-pierre GUIN, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Nicolas HEQUET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Madame [K] [D] [O] [L]
née le 23 Novembre 2002 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean-pierre GUIN, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Nicolas HEQUET, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 22 Décembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 09 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE :
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Carpentras le 18 mai 2021, ayant statué ainsi qu'il suit :
' déclare Monsieur et Madame [X] recevables en leur action,
' condamne Madame [L], au titre du trouble anormal de voisinage lié à la perte de vue, à effectuer les travaux visés aux pages 16 et 17 du rapport amiable de Messieurs [C] et Monsieur [W] en transformant l'ensemble des toitures en tuiles de son immeuble en toitures terrasses, non accessibles avec un acrotère de 15 cm maximum dont la hauteur totale ne devra pas dépasser 3,02 m du sol fini de la maison,
' dit que ces travaux devront être réalisés dans un délai de 8 mois suivant la notification du jugement sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard durant une période de 10 mois à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau statué par le juge de l'exécution,
' condamne Madame [L] aux dépens, y compris les frais de référé et d'expertise judiciaire et à verser la somme de 2000 € à Monsieur et Madame [X] pour les frais irrépétibles,
' rejette les demandes de Madame [L] à titre de dommages et intérêts et en application de l'article 700 du code de procédure civile,
' rejette la demande d'exécution provisoire.
Vu l'appel de Madame [L] en date du 3 juin 2021.
Vu les conclusions de Madame [P] [L], prises aux côtés de [R] [L] et [K] [L], intervenantes volontaires, en date du 28 février 2022 et celles de Madame [P] [L], prises aux côtés de [R] [L] en date du 21 décembre 2022, demandant de :
' donner acte des interventions volontaires de [R] [L] et de [K] [L] aux côtés de la mère,( conclusions du 28 février 2022) et de la seule [R] [L] (conclusions du 21 décembre 2022)
' infirmer le jugement et statuant à nouveau,
' rejeter les demandes principales et subsidiaires de Monsieur et Madame [X] et notamment tendant à titre principal à la suppression du trouble par la condamnation sous astreinte, à réaliser les travaux de remplacement de la toiture traditionnelle par un toit terrasse et en dommages et intérêts, et à titre subsidiaire, à la condamnation à la somme de 190 000€,
' condamner solidairement Monsieur et Madame [X] à payer à Mme [L] une somme de 15'000 € à titre de dommages et intérêts à raison du caractère abusif et empreint d'une intention de nuire de leur recours,
' rejeter toutes les demandes principales et subsidiaires de Monsieur et Madame [X] valant appel incident,
' y ajoutant, condamner solidairement Monsieur et Madame [X] à payer à M [U] (sic) la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles de première instance, et celle de 5000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire.
Vu les conclusions de Monsieur et Madame [X] en date du 14 décembre 2022, demandant de :
' rejeter les demandes des appelantes,
' à titre principal, confirmer le jugement et en conséquence, juger que la construction de Madame [L] leur cause un trouble anormal de voisinage,
' condamner Madame [P] [L] et le cas échéant, Madame [R] [L] et Madame [K] [L] au titre du trouble anormal de voisinage lié à la perte de vue à effectuer les travaux visés aux pages 16 et 17 du rapport d'expertise et dire que ces travaux devront être réalisés dans un délai de 8 mois suivant la notification du jugement sous une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard durant une période de 10 mois à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau statué par le juge de l'exécution compétent,
' à titre subsidiaire, si la cour réformait le jugement au titre de la condamnation aux travaux, condamner les appelantes à leur payer la somme de 190'000 € à titre de dommages et intérêts pour la dévalorisation de leur bien,
' y ajoutant, condamner Madame [P] [L], Madame [R] [L] et Madame [K] [L] à leur verser la somme de 7000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance avec les frais d'expertise et aux dépens d'appel.
Vu la clôture du 22 décembre 2022.
MOTIFS
Monsieur et Madame [X] sont propriétaires, à [Localité 6] du Comtat, d'un terrain sur lequel a été édifiée une maison à usage d'habitation, les travaux ayant été achevés le 17 décembre 2014.
Ils en ont fait l'acquisition de la mère de [B] [U].
Ils sont ainsi voisins d'une parcelle sur laquelle il a été construit par Monsieur [B] [U], aux droits duquel viennent désormais les dames [L], une maison à usage d'habitation en l'état d'un permis de construire du 19 mars 2015.
Monsieur et Madame [X], faisant état de ce que cette construction édifiée par [B] [U] leur causait un trouble anormal de voisinage ont obtenu l'instauration d'une mesure d'expertise en référé qui a conduit au dépôt d'un rapport le 15 mars 2018 et ils ont, ensuite, délivré l'assignation à Madame [L], veuve [B] [U].
L'action de Monsieur et Madame [X] est fondée sur le trouble anormal de voisinage, ceux-ci faisant, de ce chef, état d'une perte de vue consécutivement à la construction édifiée postérieurement à la leur par leurs voisins.
Le jugement a retenu que la maison [X] avait été conçue sur un terrain de 2500 m² pour profiter de la vue panoramique sur le village, les dentelles de [Localité 7] et le plateau du Comtat Venaissin au vu, notamment, des observations de leur architecte; qu'après un transport sur les lieux, il s'avère que la vue dont se prévalent Monsieur et Madame [X] existait avant la construction de leurs voisins, que cette construction l'obstruait sur plus de la moitié de la façade vitrée du rez-de-chaussée, qu'elle était sensible lorsque l'on se tient debout aux différents points de la pièce principale et encore plus, lorsqu'on est assis sur la terrasse ; que l'implantation de la maison [U] est la plus préjudiciable pour la vue de la maison [X], qu'une implantation en haut du terrain aurait permis à la maison [U] de profiter de la vue sans pour autant obstruer celle de la maison [X] ; que [B] [U] qui a construit postérieurement ne pouvait méconnaître les conséquences de cette implantation ; que les terrains se situent en zone NB à constructibilité très limitée et qu'il n'était pas prévisible pour les époux [X] de se trouver face à un tel écran, proche et opaque ; que le gros 'uvre de la construction [U] devrait être abaissé d'1 mètre 50 pour obtenir une visibilité sur le clocher.
Le tribunal a, enfin, adopté quant aux travaux à réaliser les conclusions de l'expertise amiable en considérant que l'expert judiciaire ne proposait pas de solution de réparation.
Au soutien de leur appel, les dames [U]-[L] exposent essentiellement que les 2 terrains en cause se situent dans une zone d'extension pour l'urbanisation de la cité de [Localité 6], dans un quartier résidentiel qui s'est progressivement étendu ; qu'ils étaient situés jusqu'en mars 2017 en zone NB et qu'avec l'abrogation du plan d'occupation des sols, le quartier a été considéré comme urbanisé ; que la propriété [X] jouxte sur son confront Sud un camping qui supporte à l'année de nombreux mobilehomes et qui a motivé l'orientation nord-est de la façade principale de la construction, peu commune dans la région afin de s'isoler de celui-ci ; que d'autres maisons ont été construites dans le voisinage de leur maison qui se trouvent, elles-mêmes, situées dans le champ de vision de la maison [X]; qu'entre 2013 et 2018, plusieurs autres permis de construire au nombre de 5 ont été délivrés pour des maisons individuelles à moins de 100 m de distance de la façade principale de l'immeuble [X].
Elles soulignent par ailleurs qu'elles ont confié la construction de leur maison à un constructeur de maisons individuelles, que le choix de son implantation est la conséquence de la disposition des lieux, des règles d'urbanisme imposant un retrait d'au moins 10 m par rapport à la voie de l'Annonciade, faisant valoir que leur terrain se situe 4 m plus bas que celui des époux [X] et que leur construction n'a pas d'étage; que leur permis a été affiché sans être contesté et que la maison a été implantée sur un terrain préalablement décaissé; que l'expert a conclu à l'absence de trouble anormal de voisinage, relevant notamment que la construction [X] ne supportait aucune dépréciation de sa valeur vénale ; que les époux [X] ont fait établir unilatéralement une expertise privée pour remettre en cause le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [V]; que la décision du tribunal qui n'explicite pas pourquoi il conviendrait de rejeter le rapport d'expertise judiciaire et qui a indiqué de manière erronée que seuls 2 angles de prise de vue auraient été étudiés alors que ce sont 4 angles qui ont été choisis avec l'accord des époux [X] et qui ont été étudiés; que la décision déférée conduit à aller au-delà de ce que les époux [X] demandaient initialement en ce qu'elle condamne, non pas à transformer une partie de la toiture, mais concerne la totalité de la toiture ; qu'en outre, il n'a pas été pris en compte la réglementation d'urbanisme opposable et la faisabilité technique des travaux ; que l'appréciation des premiers juges est subjective, même après le transport sur les lieux et que celle relative au caractère non essentiel d'une terrasse close et couverte contribuant à l'aménagement d'un espace de détente est critiquable ; que les travaux prescrits ressortiraient à un coût de 462'000 € alors que la valeur vénale de la propriété [L] est de l'ordre de 350'000 € ; que l'expert judiciaire n'a retenu aucune anormalité dans la perte partielle de la vue ; que le jugement revient à leur faire supporter une véritable servitude ; qu'on ne saurait reconnaître l'existence d'un droit autonome au paysage, la vue ne procédant que d'une tolérance; qu'il résulte des travaux de l'expert, contrairement à ce que le jugement, retient que la façade principale de la maison [X] n'est pas orientée vers le village et le clocher et qu'il faut tourner systématiquement le regard vers le nord pour cela, sauf depuis le point A désigné au plan ; qu'il n'est pas démontré l'intention de léser les voisins dans le choix de l'implantation de Monsieur [U] ; que l'expert, après avoir laissé l'initiative aux époux [X] de leur indiquer les points à partir desquels ils estimaient que leur vue était impactée et avoir retenu les 4 points proposés de ce chef en rez-de-chaussée seulement, d'où il résulte que les époux [X] reconnaissaient que la construction [U] n' impactait pas les vues du premier étage, évalue à 8 % le masque qu'engendre la construction [U] à partir du point A (zone détente terrasse sud, autour de la piscine) sur le village en soulignant que le clocher n'est pas masqué et demeure visible ; que cette quantification est de 12 % à partir de la zone cuisine dans l'habitation constituant le point B du plan, le clocher étant caché ; que le masque est évalué à 11% à partir du point C, ( zone piscine angle sud-est), le clocher du village demeurant visible, et à 36 % avec le clocher caché à partir du point D, (zone véranda angle nord-ouest extérieur) ; qu'il en résulte un impact réduit en ce qui concerne la vue sur le clocher qui en toute hypothèse, ne constitue pas la vue naturelle de la maison, dont le cône de visibilité est orienté plein ouest, alors que le clocher est au nord, le panorama ainsi revendiqué ne constituant pas la vue naturelle de la maison, laquelle continue de disposer de vue sur les dentelles de [Localité 7], le clocher ou encore le comtat, dont elle bénéfice notamment depuis la zone détente de la terrasse sud ( A) et depuis la piscine (C); qu'il existe d'autres constructions dans le panorama de la maison [X] ; que depuis la zone terrasse Sud et la zone piscine, point C,les époux [X] peuvent toujours jouir de leur vue ; qu'en toute hypothèse, au niveau de l'étage, il n'est justifié d'aucun trouble et qu'il convient de considérer que les dentelles de [Localité 7] sont situées à 20 km ; que la construction [U] est restée en dessous de l'élévation maximale à 7 m ; que la valeur vénale de la propriété [X] ne présente qu'une différence de 19'689 € en négatif par rapport à sa valeur technique, ce qui constitue un différentiel de moins de 2 % et ce qui permet de démontrer qu'il n'y a pas de dévalorisation caractérisée, ni de trouble anormal de voisinage.
Elles rappellent encore que les règles d'urbanisme, applicables aux deux projets, tirées de la zone NB prévoient une superficie minimale de terrain de 2000m2, une emprise au sol qui ne peut excéder 10 % de la superficie du terrain, une implantation par rapport à la limite séparative qui ne doit pas être inférieure à 4 m, et au moins égale à la moitié de la hauteur, une hauteur qui ne peut par ailleurs excéder 7m ; qu'il n'y a pas de droit à la vue ; que nul ne dispose d'un droit acquis à une vue permanente totalement dégagée, surtout en milieu urbain ; que le caractère anormal du trouble de voisinage doit être apprécié en fonction du contexte local et de la particularité des lieux; qu'en milieu urbain, en raison de la densité des constructions, les propriétaires peuvent s'attendre à avoir leur vue obstruée ; que la perte d'une vue n'est un trouble anormal que si elle engendre d'autres troubles tels que perte d'ensoleillement, impossibilité d'exercer une activité économique, impossibilité d'accès à certaines parties du fonds, perte de valeur vénale; que la zone, dans laquelle se situent les fonds, autorise diverses constructions, notamment à usage d'activités hôtelières, de restauration, l'extension des activités existantes, les campings caravanings, les lotissements et groupes d'habitations ; que la superficie minimale de 2000 m² a été abrogée par la loi Alur du 24 mars 2014, ce qu'illustrent les constructions récemment réalisées ; que compte tenu de la topographie, l'implantation en retrait de 14 m par rapport à la voie est justifiée et que la distance par rapport à la limite séparative est de 4,10 m ; que l'emprise au sol de la maison [U] est inférieure à celle théoriquement possible puisqu'elle est de 201,50 m² alors qu'elle pouvait aller jusqu'à 230 m² ; que la hauteur de la maison est de 3,64 m à l'égout de toit et dans la mesure la plus défavorable, à 4,02 m ; que l'édification de la maison [U] était donc prévisible ; que la construction [X] s'est implantée en limite séparative pour s'isoler du camping ; qu'ainsi, il n'est pas démontré de gravité du préjudice subi du fait du trouble anormal invoqué, tant au regard du fait qu'il n'y a pas eu de préjudice de vue à partir de l'étage et qu'à partir du rez-de-chaussée, vu l'orientation de la façade principale, le regard se porte naturellement vers l'ouest et non vers le nord, où se situent le clocher et le village ; qu'en toute hypothèse, pour revendiquer la vue sur le village, le regard des époux [X] passe, non seulement par le fonds de Monsieur [U], mais aussi par de nombreuses autres propriétés du quartier et qu'en outre, l'objet même de la vue n'est, en l'espèce, pas un objet exceptionnel ; que la propriété [X] se situe dans un quartier résidentiel avec un voisinage dense et qui s'est encore densifié par suite de la loi Alur ; que le quartier est appelé à être en pleine évolution urbanistique ; que par ailleurs, la propriété [X] comportait, elle-même, un certain nombre d'obstacles visuels à la vue revendiquée et notamment, la clôture constituant un masque opaque.
Les appelantes exposent, enfin, que les travaux prescrits par le jugement ont pour conséquence de nier leur droit de propriété en ce qu'ils impliquent une diminution de la hauteur sous plafond et de leur imposer, du fait des choix constructifs de leurs voisins, une véritable servitude 'non altus tollendi' qui rendrait leur bien inhabitable et contreviendrait au droit à la vie privée et familiale de son occupant ; que par ailleurs, aucune analyse de faisabilité des travaux n'a été faite au regard de la réglementation d'urbanisme, et de la réalisation d'un toit plat sur une maison de style provençal ; qu'il peut y avoir également un problème de structure, leur propre constructeur attestant que de tels travaux impliqueraient la démolition totale de la maison.
Elles s'opposent à la demande subsidiaire d'indemnisation de 190'000 € présentée par les époux [X], les critiques de ce chef concernant le rapport amiable des époux [X] qui prend notamment en compte une superficie supplémentaire de 20 m² résultant d'un permis de construire du 6 février 2018 et une dévalorisation exagérée alors que le rapport judiciaire est pertinemment motivé en ce qu'il a retenu un différentiel d'évaluation marginale de 2 %.
Il leur est essentiellement opposé par Monsieur et Madame [X] une analyse critique du rapport d'expertise judiciaire qui a objectivé un trouble sans considérer qu'il était anormal alors que l'expert qu'ils ont, eux-mêmes, requis le caractérise parfaitement ; ils affirment ainsi que les calculs de l'expert judiciaire en vue de déterminer le trouble de vue sont contestables, celui-ci n'ayant pas pris en considération l'effet de panorama en limitant l'angle de vision horizontale à 60° et en faisant un calcul de vue ponctuelle qui ne peut être le reflet d'une vue d'ensemble; que l'expert judiciaire n'a pas retenu de point de vue ni dans la cuisine, ni dans la véranda, qui sont dans des zones impactées par la construction; que si leurs experts concluent que le masque relevé au point A ne constitue pas une gêne excessive, ils retiennent qu'au point B, le masque sur le panorama général est faible, mais que les points d'intérêt constitués par le village et les dentelles de [Localité 7] sont partiellement masqués; qu'enfin, aux points E, F, G qui n'ont pas été pris en compte par l'expert judiciaire, les masques sont les plus importants ; que c'est au final un linéaire de baies vitrées de 16,85 m qui est impacté par la construction [U], ce qui représente plus de 60 % du linéaire de la façade; que leur volonté de conserver un programme de construction avec une vue imprenable sur le village est confirmée par leur architecte, d'où le choix d'une architecture très ouverte avec de grandes baies vitrées ; il se prévalent, enfin, du différentiel de valeur résultant de leur propre expertise ainsi que des constatations résultant du transport sur les lieux; ils affirment que les appelantes sont hors sujet lorsqu'elles font valoir que les époux [X] n'ont pas contesté la légalité de permis de construire, ni la conformité des travaux et qu'ils ne peuvent pas critiquer la conformité de la maison par rapport à la réglementation d'urbanisme car la seule infraction aux règles d'urbanisme ne suffit pas à créer le trouble anormal de voisinage et que réciproquement, le respect des règles ne constitue pas un critère faisant obstacle à l'existence du trouble, la théorie des troubles anormaux de voisinage n'impliquant pas une faute, mais un abus du droit de propriété.
Ils ajoutent que la clôture n'a pas d'incidence sur le trouble revendiqué; qu'elle n'occulte rien, sa hauteur étant de 2 m ; que la prévisibilité de la construction n'entre pas, non plus, dans les critères du trouble anormal de voisinage et qu'en l'espèce, la zone NB correspond à une zone naturelle à constructibilité très limitée dans un secteur de transition entre milieu urbain et rural ; qu'à l'est du chemin de l'Annonciade, il y a une zone verte inconstructible sur plusieurs hectares et qu'il n'était donc pas prévisible pour eux de se retrouver face à un écran opaque en béton; qu'ainsi la prévisibilité de la situation au regard de l'environnement était très faible ; que leurs propres experts ont qualifié la vue d'exceptionnelle; que la zone est faiblement urbanisée avec des maisons individuelles sur des parcelles de grande superficie au contraire d'une zone urbaine intense; qu'aucune des autres maisons du quartier n'a sa vue obstruée et qu'il n'y a pas lieu de stigmatiser la présence du camping dont les dimensions sont limitées ; qu'en ce qui concerne les travaux, la création d'une toiture terrasse peut se faire de plusieurs manières ; qu'elle ne nécessiterait pas une diminution de la hauteur sous plafond ; que la réalisation d'un acrotère réduit de 15 cm est parfaitement possible et n'est pas une solution unique, ce qui résulte de leur pièce 17 ; qu'à tout le moins, ils devront être indemnisés de la perte de valeur de leur immeuble sur les bases calculées par leur expert amiable.
En droit, l'action est fondée sur le trouble anormal de voisinage.
Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, ce principe venant limiter le caractère absolu des attributs du droit de propriété.
Ce fondement relève d'une responsabilité objective engageant la responsabilité de son auteur en dehors même de l'exigence de la preuve d'une faute, mais il requiert, de la part de celui qui s'en plaint, la démonstration de l'existence d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.
Le trouble peut concerner la jouissance d'un immeuble qu'il soit sonore, visuel, olfactif, esthétique et il doit résulter d'une situation suffisamment grave pour dépasser les inconvénients normaux du voisinage et constituer un trouble anormal.
En ce qui concerne le trouble anormal de voisinage consistant dans une perte de vue, il n'y a pas de droit à la vue, le droit à la vue ou au paysage sans jamais éprouver de troubles visuels n'étant pas, en son principe, immuable.
Les principes étant ainsi posés, il sera en conséquence et en premier lieu rappelé que l'existence du trouble est indépendante de toute infraction, notamment en l'espèce de toute infraction aux règles d'urbanisme et qu'à l'inverse, aucun moyen utile ne peut être tiré de ce que la construction en cause est conforme
Il y a, ensuite, lieu de se livrer à l'appréciation du cas d'espèce, en fonction à la fois de la définition sus donnée du trouble anormal et également de la situation particulière des lieux en considération de l'ensemble des éléments débattus et notamment, la configuration respective des 2 propriétés en cause et leur environnement.
À cet égard, chacune des parties se prévaut essentiellement, pour les appelants, des observations de l'expertise judiciaire et pour les intimés, des observations de leur propre expertise privée et de celles du jugement après transport sur les lieux.
En l'état de l'ensemble des éléments ainsi dans le débat, il sera considéré:
- que quand bien même le village de [Localité 6] est une commune de 2000 habitants, il s'agit d'un village entouré d'une zone résidentielle avec une extension qui de ce point de vue s'est opérée de façon diffuse sur des parcelles de dimension moyenne ; que les terrain en cause se situent dans cette zone d'extension du bourg ; qu'au regard des règles d'urbanisme applicables, les 2 terrains se situent dans une zone certes de constructibilité à l'origine avec des terrains d'une superficie de 2000 m², mais qui depuis 2014, n'est plus soumise à cette exigence de superficie minimale ; que même si cet environnement ne se situe pas dans une zone à priori urbaine, il relève néanmoins d'une zone d'habitat continu, en constante expansion ; qu'il n'y a pas, dans ces conditions, de droit acquis au bénéfice des propriétaires des immeubles déjà construits dans cette zone à un paysage immuable et qu'en dehors même de sa prévisibilité, la construction d'une maison en voisinage n'est pas, en elle-même, un trouble anormal sous réserve de l'appréciation in concreto de ses caractéristiques et de ses incidences sur la maison ici en cause des époux [X] ;
- que la maison [U] a été construite de plain pied, sans aucun étage, que sa hauteur est des plus raisonnables, notamment par rapport à la hauteur maximale prévue aux règles d'urbanisme ; que son implantation, en considération à la fois des conditions de son accès et de sa situation par rapport aux limites séparatives avec la propriété [X], respecte aussi largement les normes ; qu'elle ne révèle, ni dans la définition, ni dans la conception du projet, ni encore dans sé réalisation, l'existence d'une quelconque intention de nuire à la propriété [X], ce grief procédant d'une allégation, nullement démontrée ;que les règles d'urbanisme du secteur permettaient de construire sur des terrains de 2000m2, superficie moyenne laissant subsister la possibilité d'une certaine promiscuité avec toutes conséquences éventuelles en terme de réduction des dégagements de vue ; que la maison en cause n'a donc pas utilisé la limite des possibilité de construction du terrain, y compris sur sa hauteur et que le rétablissement de la vue sur le clocher exigerait d'abaisser le gros oeuvre de la maison [U] d'environ de 1,50m, étant sur ce point considéré que rien n'établit que les travaux différents préconisés par les experts privés qui consistent à substituer un toit terrasse à un toit traditionnel serait réalisables notamment au regard des règles d'urbanisme et les dernières explications de ceux -ci sur la faisabilité technique n'étant corroborées par aucune autre;
- que les époux [X], qui ont fait édifier une maison en R +1, ne se plaignent que d'un trouble de vue au niveau du rez-de-chaussée et non au niveau de l'étage où la vue et le panorama général demeurent intacts; qu'ils ont défini, eux-mêmes, avec l'expert judiciaire les points sur lesquels ils estimaient que leurs troubles visuels étaient les plus importants, celui-ci écrivant à ce sujet : 'lors des deux accedits, nous avons déterminé avec les parties 4 points de vues distincts permettant d'apprécier le trouble anormal de voisinage invoqué par les époux [X]' ;
qu'il en résulte, certes, l'existence de troubles visuels, mais que ceux-ci, compte tenu des constatations et de l'étude de l'expert, parfaitement motivées par ses calculs précis et l'étude des orientations de la maison assorties de nombreux plans (annexes 5/6/ 7/8/13), avec prise en compte de l'élévation des constructions et projection des angles de vue sur le panorama revendiqué à partir de chacun des points proposés, seront jugés comme limités, à la fois :
*par rapport aux angles de vue concernés, vu le cône naturel de visibilité de la maison qui est orientée plein ouest,
*par rapport à la vue naturelle qui ne s'oriente pas vers le village,
*par rapport à l'éloignement du massif des Dentelles de [Localité 7] qui reste, en toute hypothèse, visible des points A et C (piscine),
*par rapport à la qualité de la vue revendiquée au regard d'une part, du caractère lointain du panorama sur la campagne et le Comtat venaissin, également, des nombreuses propriétés bâties, (une vingtaine dans un rayon compris entre 0 et 200 mètres autour du logement [X] dans l'orientation du village, donc 5 plus proches), ce qui démontre d'ailleurs la réalité de l'urbanisation du quartier et ce, quand quand bien même elles n'ont pas les mêmes conséquences que la construction de la maison [U],la seule à être immédiatement voisine de M et Mme [X],
* enfin, par rapport à l'ensemble des vues possibles de la maison, notamment au premier étage où les photos de l'expertise judiciaire démontrent l'existence d'un panorama très dégagé alors qu'au rez de chaussée, le panorama continue, en toute hypothèse, de subsister dans des points d'attrait essentiels du bien ainsi que cela résulte des clichés faits du point A, du point C et du point B, la photo du point A démontrant, au demeurant, l'existence d'un écran végétal proche dans la saisine du panorama et la photo du point D démontrant l'existence d'autres constructions du quartier avec une promiscuité certaine entre voisins ;
- que l'expertise judiciaire n'a pas, non plus, conclu à un impact sur la valeur de la propriété [X], l' évaluation donnée sur ce point ( moins de 2%) résultant d'une méthodologie pertinente et d'une étude documentée des valeurs immobilières de la zone en cause;
- que les évaluations chiffrées de l'expertise privée quant à la perte de vue ( '46% ou 41%du panorama général' et '61 ou 64% de la section réduite'), quant à la distinction entre la mesure de cette perte en fonction de la prise en compte d'un cône de vue ou de l'ensemble du panorama qui seule permettrait d'apprécier la 'sensation de panorama' et quant à la perte de valeur vénale, notamment par l'application, qui procède de l'admission d'un trouble anormal , précisément en discussion, d'un coefficient de 18% à une valeur vénale au demeurant fixée à un chiffre sensiblement équivalent par chacune des parties, ne sont corroborées par aucun autre document technique des débats; qu'elles n'ont pas été soumises à l'expert judiciaire, alors pourtant que le conseil de la famille [U] l'a saisi d'observations (dire du 11 septembre 2017 dans lequel il n'a alors pas soulevé la question des modalités d'appréciation de ce qui est désormais invoqué au titre de la 'sensation de panorama', ni n'a sollicité de mesures à partir d'autres points que ceux définis par l'expert, en accord d'ailleurs avec les parties).
- qu'il n'y a pas d'obstruction totale, ni même déraisonnable, de vue dans le contexte du quartier et compte tenu de la vue qui est certes de qualité en ce qu'elle est dégagée sur un vaste panorama sans pour autant relever d'une vue exceptionnelle tant en regard de ses éléments ponctuels (clocher et campagne) que de l'éloignement de ceux-ci, étant d'ailleurs relevé que si le propre architecte de M et Mme [X] souligne cette qualité en écrivant qu'elle est 'magnifique' ou d'une 'esthétique indéniable', ce qui procède au demeurant de sa propre appréciation dans ses rapports avec ses clients, il ne lui donne néanmoins pas un caractère exceptionnel; qu'il n'est pas plus démontré de privation d'ensoleillement ou d'intimité, ni d'inconvenients autres que la perte de certains des éléments de la vue, n'affectant, de surcroît, que certaines parties de la maison.
- que ni la circonstance tirée de ce que l'architecte des époux [X] explique avoir conçu leur maison dans le but particulier de lui assurer une vue panoramique, ce qui a généré un surcoût du projet , ni l'intention revendiquée par les époux [X], eux-mêmes, de réaliser une construction pour jouir de son panorama, alors précisément qu'il n'y a pas de droit à la vue et que l'urbanisation de la zone est suffisamment démontrée, ne peuvent, dans ces conditions, être retenues comme participant de la caractérisation d'un trouble anormal et que la motivation du jugement, en ce qu'elle est constituée des appréciations du tribunal qui participent, en l'état des éléments soumis à la cour, d'évaluations, ni techniquement, ni précisément justifiées ou chiffrées, (aucune des parties ne versant d'ailleurs le procès-verbal des constatations faites de ce chef), et ce, qu'il s'agisse de l'évaluation de la perte de vue à 'plus de la moitié de la façade' ou de 'l'impression d'un masque visuel très présent du fait de la proximité du mur pignon', de l'implantation, dite 'la plus préjudiciable', de la maison [U] et encore de la possibilité d'autres implantations, celles-ci étant contredites sur de nombreux points par les observations de l'expert judiciaire, ne saurait être retenue.
Il sera, par suite, jugé que si la réalité d'une perte de vue existe, celle-ci est néanmoins limitée, la vue étant, en effet, peu atteinte sur certains points d'étude du rez de chaussée et sans atteinte aucune au premier étage, la perte au niveau du rez de chaussée étant, de surcroît, sans incidences autres que celles constituées, en certains points, de restrictions sur des objets spécifiques du panorama, qui est, certes, de qualité sans toutefois présenter d'objets exceptionnels ou remarquables dans un champ proche alors que l'environnement des deux propriétés, tant en fait, qu'au regard des possibilités urbanistiques, ne caractérise l'existence d'un paysage, ni immuable, ni même particulièrement préservé sur le plan de son évolution quant à l'urbanisation du quartier, d'où il résulte qu'il n'y a pas de modification essentielle du cadre de vie des époux [X] excédant la norme entre voisins .
Il s'en suit l'absence de démonstration de l'existence d'un trouble anormal de voisinage suffisamment caractérisé et par suite, l'infirmation du jugement.
En l'absence de preuve d'une intention de nuire ou d'une erreur grossière équipollente au dol, la demande de dommages et intérêt des appelantes pour procédure abusive sera rejetée.
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort,
Reçoit l'intervention volontaire de [R] [L] et [K] [L] aux côtés de Mme [P] [L],
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Rejette toutes les demandes de Monsieur et Madame [X],
Condamne in solidum Monsieur et Madame [X] à régler, par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et d'appel la somme de 2500 € à Mesdames [P] [L], veuve [U], [R] [L] et [K] [L] , venant aux droits de [B] [U],
Condamne in solidum Monsieur et Madame [X] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, y compris les frais de l'expertise judiciaire.
Arrêt signé par la présidente et la greffière.
La greffière, La présidente,