ARRÊT N°
R.G : N° RG 20/01880 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HYNH
EM/DO
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS
18 mars 2019
RG:18/00435
S.A. [10] SA
C/
[K]
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE (MSA) ARDECHE LOIRE DROME
Grosse délivrée
le 04.04.2023
à
Me LACHAUD
Me MAZARS
M. [K]
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 04 AVRIL 2023
APPELANTE :
S.A. [10] SA
[Adresse 11]
[Localité 1]
représentée par Me Emilie LACHAUD, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Monsieur [C] [K]
[Adresse 9]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de M. [G] [T] en vertu d'un pouvoir spécial
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE (MSA) ARDECHE LOIRE DROME
[Adresse 5]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, avocat au barreau de NIMES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [C] [K], engagé par la société [10] en qualité de responsable de magasin le 1er octobre 1986, a été victime d'un accident le 21 avril 2015 pour lequel une déclaration d'accident de travail a été établie le 21 avril 2015 par l'employeur qui mentionnait : ' Pendant que le salarié déchargeait un camion, un roll de plantes lui est tombé dessus '.
M. [C] [K] a été en arrêt de travail des suites de cet accident et son état a été déclaré consolidé le 18 septembre 2016.
Par décision du 05 décembre 2016, la Caisse de mutualité sociale agricole Ardèche Drôme Loire a attribué à M. [C] [K] un taux d'incapacité permanente partielle de 7 % en raison des séquelles suivantes 'douleur de limitation douloureuses des articulations du pied gauche'.
Sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans l'accident dont il a été victime, M. [C] [K] a saisi la Caisse de Mutualité Sociale Agricole Ardèche Drôme Loire pour mettre en oeuvre la procédure de conciliation.
Après échec de cette procédure concrétisé par par la signature d'un procès-verbal de non conciliation le 21 décembre 2017, M. [C] [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Privas le 06 février 2018, aux mêmes fins.
Par décision du 18 mars 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Privas a :
- déclaré recevable et bien fondé le recours de M. [K],
- dit que l'accident du travail survenu le 21 avril 2015 dont a été victime M. [K] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [10] et que la responsabilité de celle-ci est engagée sur le fondement de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale,
- fixé au maximum la majoration du capital prévue par la loi dans la limite des plafonds prévus par l'article L.452'2 du code de la sécurité sociale,
- rappelé que seul le taux d'incapacité permanente partielle de 7% est opposable à l'employeur, nonobstant toute aggravation à venir, liée à l'accident du travail dont a été victime M. [K] le 21 avril 2015,
- rappelé que la majoration est payée par la Caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur, en application des dispositions de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale,
Avant dire droit sur la liquidation des préjudices,
- ordonne une mesure d'expertise médicale aux frais avancés de la MSA de l'Ardèche qui les récupérera sur l'employeur,
- commet pour y procéder le Dr [J] [D], expert en matière de sécurité sociale inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes, demeurant [Adresse 3], qui aura pour mission, après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire s'il s'agit d'un étudiant, son statut et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle, de :
* à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement et services concernés et la nature des soins,
* recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,
* décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou les séquelles ;
* procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime, [...]
- débouté M. [K] de sa demande de provision,
- renvoyé la cause et les parties à la prochaine audience utile à l'issue du dépôt du rapport d'expertise,
- déclaré le jugement opposable à la Mutualité Sociale Agricole Ardèche Drôme Loire,
- sursis à statuer sur les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens.
Par lettre recommandée du 03 avril 2019, la Sa [10] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
L'affaire était radiée pour défaut de diligence des parties le 03 juillet 2020 pour être ré-inscrite à la demande de M. [C] [K] le 20 juillet 2020.
Suivant acte du 12 octobre 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 janvier 2023 à laquelle elle a été retenue.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la Sa [10] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 18 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Privas, pôle social,
- dire et juger qu'elle n'a pas commis de faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail de M. [C] [K] survenu le 21 avril 2015,
En conséquence,
- débouter M. [C] [K] de l'ensemble de ses demandes de ce chef,
- débouter M. [C] [K] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la MSA Ardèche Loire Drôme de l'intégralité de ses demandes.
Elle soutient que :
- contrairement à ce que soutient M. [C] [K] et ce qu'a retenu le tribunal, elle a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés pendant les opérations de déchargement, et qu'elle ne pouvait pas avoir conscience que malgré ces mesures, M. [C] [K] , qui occupait les fonctions de responsable de magasin, encourait encore un danger.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, M. [C] [K] sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile uniquement pour la cause d'appel.
Il fait valoir que :
- l'employeur bien qu'ayant eu conscience du danger lié aux opérations de chargement /déchargement des rolls de végétaux à la date de l'accident dont il a été victime, la société n'avait pas mis à cette date un protocole de sécurité qui avait été rendu obligatoire par le législateur afin que tout déchargement s'effectue dans des conditions sûres pour la santé et la sécurité des salariés, la société a demandé à ce que la mise en place d'un protocole de sécurité soit intégrée au plan d'action santé et sécurité ; néanmoins, le 21 avril 2015, ceux-ci n'avaient toujours pas été rédigés ; l'employeur n'a pris aucune mesure nécessaire pour préserver sa sécurité ; le document unique d'évaluation est lacunaire dès lors que le risque lié aux opérations de chargement et déchargement des marchandises en cours d'une livraison par une entreprise extérieure n'y figurait pas,
- un ensemble de mesures nécessaires a finalement été pris par l'employeur postérieurement à son accident pour réduire les risques liés à ces opérations parmi lesquelles l'élaboration de protocoles de sécurité spécifiquement à chaque site avec un accès internet.
La Mutualité Sociale Agricole Ardèche Drôme Loire, reprenant oralement ses conclusions déposées à l'audience, demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les mérites de l'action engagée par M. [C] [K],
- dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement entrepris et ferait droit à la demande en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur, il convient :
- de déclarer le jugement commun à la Mutualité sociale agricole Ardèche Drôme Loire qui sera chargée le cas échéant de procéder à l'évaluation du montant de la majoration de la rente et du versement des indemnités allouées au titre des préjudices relevant du livre IV de la sécurité sociale,
- ordonner avant dire droit une expertise aux fins d'évaluer les préjudices extra patrimoniaux de M. [S] (sic) en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable,
- dire qu'elle récupèrera le montant d la majoration de rente accident du travail accordée à M. [K] auprès de l'employeur [10] dans les conditions prévues à l'article L452-2 du code de la sécurité sociale,
- condamner l'employeur [10] et son assureur à lui payer immédiatement le capital correspondant au montant des préjudices extra patrimoniaux au montant capitalisé de la majoration de rente ainsi que les frais d'expertises éventuels qu'elle aura à supporter,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il résulte de l'application combinée des articles L452-1 du code de la sécurité sociale, L4121-1 et L4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur et le fait qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, sont constitutifs d'une faute inexcusable.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ou de la maladie l'affectant; il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, étant précisé que la faute de la victime, dès lors qu'elle ne revêt pas le caractère d'une faute intentionnelle, n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.
Il incombe, néanmoins, au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur dont il se prévaut'; il lui appartient en conséquence de prouver, d'une part, que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d'autre part, que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l'employeur est une cause certaine et non simplement possible de l'accident ou de la maladie.
L'article R4515-4 du code du travail dispose que les opérations de chargement ou de déchargement, font l'objet d'un document écrit, dit « protocole de sécurité», remplaçant le plan de prévention.
L'article R4515-5 prévoit que le protocole de sécurité comprend les informations utiles à l'évaluation des risques de toute nature générés par l'opération ainsi que les mesures de prévention et de sécurité à observer à chacune des phases de sa réalisation.
L'article R4515-6 dispose que pour l'entreprise d'accueil, le protocole de sécurité comprend, notamment, les informations suivantes :
1° Les consignes de sécurité, particulièrement celles qui concernent l'opération de chargement ou de déchargement;
2° Le lieu de livraison ou de prise en charge, les modalités d'accès et de stationnement aux postes de chargement ou de déchargement accompagnées d'un plan et des consignes de circulation ;
3° Les matériels et engins spécifiques utilisés pour le chargement ou le déchargement ;
4° Les moyens de secours en cas d'accident ou d'incident ;
5° L'identité du responsable désigné par l'entreprise d'accueil, auquel l'employeur délègue, le cas échéant, ses attributions.
L'article R4515-7 du même code prévoit que pour le transporteur, le protocole de sécurité décrit, notamment :
1° Les caractéristiques du véhicule, son aménagement et ses équipements ;
2° La nature et le conditionnement de la marchandise ;
3° Les précautions ou sujétions particulières résultant de la nature des substances ou produits transportés, notamment celles imposées par la réglementation relative au transport de matières dangereuses.
L'article 7 de l'annexe II du décret 99-269 du 06 avril 1999 prévoit que pour les envois inférieurs à 3 tonnes le transporteur exécute sous sa responsabilité les opérations de chargement, arrimage et de déchargement de l'envoi à partir de sa prise en charge jusqu'à sa livraison, pour les établissements industriels et commerciaux, de même que pour les chantiers : dans leur enceinte, après que l'envoi a été amené par l'expéditeur au pied du véhicule ou jusqu'à ce qu'il soit déposé au pied du véhicule selon le cas: dans ces limites, tout préposé du donneur d'ordre ou du destinataire participant aux opérations de chargement et d'arrimage ou de déchargement est réputé agir pourle compte du transporteur et sous sa responsabilité...'
En l'espèce, les circonstances de l'accident dont M. [C] [K] a été victime le 21 avril 2015 peuvent être déterminées au vu de :
- la déclaration d'accident de travail établie par l'employeur le 21 avril 2015 qui mentionne la survenue d'un accident le 21/04/2015 à 9h10 pendant les horaires de travail du salarié fixés ce jour de 09h/12h et de 14h/18h, dans les circonstances suivantes : 'pendant que le salarié déchargeait un camion un roll de plantes lui est tombé dessus', les tâches effectuées par le salarié au moment de l'accident : 'déchargement camion', la nature et le siège des lésions 'jambe, bras' 'fracture' ; la déclaration précisait qu'aucun rapport de police n'avait été établi et désignait M. [U] [Z] et Mme [E] [I] comme témoins,
- un rapport de l'inspection du travail daté du 27 janvier 2016 qui a procédé à une enquête et recueilli notamment l'audition de M. [C] [K]:'un camion appartenant à la société [7]...se présente au magasin de la Voulte pour livrer de gros végétaux tels que des palmiers et des oliviers...la conductrice effectue la livraison...son chargement optimisé compte à peu près 20 rolls dont 3 ou 4 sont destinés au magasin de la Voulte. Les rolls dans le camion, dont chacun supporte approximativement 200 kg de végétaux sont arrimés par des sangles. Il appartient habituellement à la conductrice de désangler les rolls pour les libérer et ensuite les décharger. Lorsque le chargement est correct, le hayon est à niveau ; les rolls sont alors tirés sur le hayon qui est ensuite descendu par la conductrice. Les salariés du magasin [8] procédent alors à leur réception au sol et n'ont plus qu'à les faire rouler jusqu'à la pépinière extérieure du magasin...le camion étant particulièrement chargé et les rolls coincés...les salariés ont décidé de participer au déchargement et d'intervenir à l'aide d'un chariot élévateur le hayon ne pouvant être mis en place et donc utilisé...en déchargeant un roll, deux autres se sont désolidarisés du chargement, basculant à l'extérieur et tombant sur M. [C] [K]...(qui) portait des chaussures de sécurité ce qui a protégé ses orteils et ses chevilles. Toutefois, la partie située entre la coque de sécurité et sa cheville a été cassée et fracturée....
L'existence des faits...suffisent à démontrer l'incurie de l'employeur : un protocole de sécurité aurait dû être établi (R4515-4 du code du travail ), mesures de prévention et de sécurité à observer à chacune des phases de sa réalisation (R4515-5) ; pour l'entreprise d'accueil, le protocole de sécurité aurait permis d'informer chacun des salariés sur les consignes à observer lors de cette opération de déchargement, sur les matériels et engins spécifiques à utiliser pour le déchargement, sur (R4515-6) ...
Le 1er décembre 2015, jour de l'enquête, le protocole annoncé par la Sa [10] n'est toujours pas diffusé.
Le rapport conclut que l'employeur n' a pas respecté les dispositions réglementaires relatives aux opérations de chargement et de déchargement, n'a pas non plus évalué le risque et transcrit ce dernier dans le document unique d'évaluation des risques professionnels,
- un arbre des causes réalisé par le CHSCT le 26 juin 2015 'le 21 avril 2015, le camion se présente pour la livraison de végétaux sur roll. Il se met en place dans la zone habituelle...n'arrivant pas à le décharger, le chauffeur...demande de l'aide au personnel du magasin, [U], [E] et [C]...le camion est particulièrement bien rempli, les rolls sont lourds et chargés. Les rolls ont leurs roues à 2/3 cms du seuil de la semi-remorque; les 3 derniers rolls sont enchevêtrés, ils sont bloqués. Les rolls sont chargés par rangées : 2 rolls parallèles à la semi, 2/3 autres rolls perpendiculaires. [E] et [C] sont au sol au 'cul de la semi', les deux rolls parallèles à la semi est très près du bord se mettent en mouvement et basculent. [C] crie et lève les mains pour se protéger et repousser les rolls. Ils lui basculent dessus, lui écrasant le pied. Il porte ses chaussures de sécurité...',
- des photocopies de documents photographiques représentant l'intérieur et l'extérieur de l'entrée de la pépinière.
Il résulte des éléments qui précèdent que M. [C] [K] a été blessé lors de l'accident du travail survenu le 21 avril 2015 alors qu'il aidait avec deux autres salariés de la Sa [10] la conductrice du camion de livraison contenant plusieurs rolls de plantes volumineuses dont deux vont basculer en dehors du camion et tomber sur un pied du salarié qui se trouvait au sol.
Il n'est pas discuté que la Sa [10] avait mis à la disposition de M. [C] [K] des chaussures de sécurité qu'il portait le jour de de l'accident.
Si l'employeur produit un document unique d'évaluation daté du 01/10/2014, force est de constater que celui-ci ne prévoit pas de risque particulier concernant les opérations de chargement et déchargement des camion de livraison au magasin.
La Sa [10] soutient avoir remis à M. [C] [K] un livret de sécurité qu'elle produit aux débats, daté de mars 2014, sans pour autant justifier que le salarié en a bien été destinataire, étant précisé, en outre, que ce document ne mentionne pas non plus les consignes de sécurité à respecter dans les situations semblables à celles que M. [C] [K] a connues le jour de l'accident.
La Sa [10] soutient que les salariés avaient pour consigne de ne pas aider au déchargement des camions de livraison et produit deux documents intitulés 'réceptions de marchandises' datés du 11/04/2011 et du 18/07/2011 qui mentionnent notamment que 'la personne qui effectue la réception physique de déchargement s'assure visuellement de la conformité du colisage de la réception ...', mais ne mentionne en aucune façon l'interdiction expresse de la participation du salarié aux opérations de déchargement, les documents faisant seulement référence à un contrôle visuel de la marchandise livrée, sans autre précisions sur les modalités concrètes de ces opérations.
Si l'article 7 du décret du 06 avril 1999 prévoit que tout préposé du donneur d'ordre ou du destinataire participant aux opérations de chargement et d'arrimage ou de déchargement est réputé agir pourle compte du transporteur et sous sa responsabilité, et que l'employeur justifie que le poids total de la marchandise livrée par la société [7] le jour de l'accident était inférieur à 3 tonnes, il n'en demeure pas moins que l'employeur n'avait pas prévu des consignes de sécurité précises et claires s'agissant les opérations de déchargement des camions de livraison dans ses magasins alors qu'il était habituel que ceux-ci réceptionnent des végétaux en grande quantité et de taille diverse que le seul chauffeur n'est pas en capacité manifestement d'assurer seul le déchargement, ce qui explique la formalisation de modèles types d'un protocole de sécurité pour ce genre d'opérations prévus expressément au code du travail de nature à les 'border'en cette matière.
La Sa [10] produit plusieurs attestations de salariés, M. [A] [H] et M. [R] [L], responsables de magasin, et M. [U] [Z], chef de rayon, qui attestent que 'lors de la livraison des végétaux en rolls, les rolls sont systématiquement descendus du camion par les chauffeurs' et qu'ils sont amenés à les réceptionner uniquement au moment où ils sont au sol, cependant, cette pratique n'était visiblement pas généralisée.
Contrairement à ce que soutient la Sa [10], le modèle type de protocole de sécurité établi dans le cadre d'un échange préalable entre entreprises concernant des opérations de chargement et/ou déchargement, prévoit notamment la définition des consignes de sécurité spécifiques à l'opération, la détermination des matériels et engins spécifiques utilisés pour le chargement ou le déchargement en précisant qui les utilise - pont roulant, chariot, et autre -, des éléments à fournir par le transporteur notamment l'aménagement du type de véhicule, et l'équipement du véhicule et le conditionnement de la marchandise.
La Sa [10] avait manifestement conscience du danger lié à la chute éventuelle de marchandise des camions livreurs au moment de leur livraison compte tenu de la nature de ladite marchandise, des rolls de plantes.
Si l'employeur justifie avoir pris des mesures individuelles de protection pour son salarié M. [C] [K], par contre, elle n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et efficaces pour préserver sa sécurité et sa santé, en omettant de poser clairement des consignes de sécurité pour les opérations de déchargement par la mise en oeuvre d'une protocole de sécurité prévu par le code du travail.
Il y a lieu en conséquence de retenir, comme l'ont justement fait les premiers juges, que l'accident de travail dont M. [C] [K] a été victime le 21 avril 2015 résulte de la faute inexcusable de son employeur.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Le jugement entrepris sera également confirmé sur les conséquences de la faute inexcusable et sur l'action récursoire de la Mutualité sociale agricole.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 mars 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Privas, contentieux général et technique de la sécurité social,
Condamne la Sa [10] à payer à M. [C] [K] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Déclare le présent arrêt commun et opposable à la Caisse de mutualité sociale agricole Ardèche Drôme Loire,
Condamne la Sa [10] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT