La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2023 | FRANCE | N°21/01428

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 12 avril 2023, 21/01428


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/01428 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IAGN



CO



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

09 mars 2021 RG :20/00221



Syndicat SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL MISTRAL 7



C/



[C]

[C]

[C]






































>Grosse délivrée

le 12 AVRIL 2023

à Me Jean-marie CHABAUD

Me Jean-michel DIVISIA









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale



ARRÊT DU 12 AVRIL 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 09 Mars 2021, N°20/00...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01428 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IAGN

CO

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

09 mars 2021 RG :20/00221

Syndicat SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL MISTRAL 7

C/

[C]

[C]

[C]

Grosse délivrée

le 12 AVRIL 2023

à Me Jean-marie CHABAUD

Me Jean-michel DIVISIA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 12 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 09 Mars 2021, N°20/00221

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Claire OUGIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Avril 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL MISTRAL 7, Situé [Adresse 10] à [Localité 5], représenté par son syndic, la Société FDI GACI,

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Olivier GUERS de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉS :

Madame [Y] [C] épouse [B]

née le 27 Janvier 1984 à [Localité 5]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Stéphanie MARCHAL de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON

Monsieur [O] [G] [C]

né le 25 Août 1952 à [Localité 6]

[Adresse 7],

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Stéphanie MARCHAL de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON

Monsieur [J] [M] [C]

né le 18 Août 1993 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Stéphanie MARCHAL de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 09 Mars 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 12 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 9 avril 2021 par le Syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 à l'encontre du jugement prononcé le 9 mars 2021 par le tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n°20/00221 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 15 juin 2021 par l'appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 septembre 2021 par Madame [Y] [C] épouse [B], Monsieur [O] [C] et Monsieur [J] [C], intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure du 2 novembre 2022 à effet différé au 9 mars 2023 ;

***

Le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 a, par acte du 8 novembre 1996, fait sommation de déguerpir à la SARL Mascotte qui exploite sur le parking du centre commercial un emplacement à usage de restauration.

Par jugement du 9 janvier 2001, le tribunal de grande instance d'Avignon a débouté le syndicat de ses demandes en expulsion et indemnisation, et fait droit à la demande reconventionnelle de la société Mascotte en retenant l'existance d'un bail commercial conforme aux dispositions du 30 septembre 1953.

Par arrêts du 6 mars 2003 et du 11 octobre 2005, la cour d'appel de Nîmes a confirmé ce jugement et dit que Madame [Y] [C], Monsieur [O] [C] et Monsieur [J] [C] sont titulaires d'un bail commercial dans le cadre duquel un kiosque de restauration est exploité par la SARL La mascotte sur un emplacement du parking appartenant au syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7.

Par jugement du 8 juin 2009, le montant du loyer renouvelé à compter du 1er janvier 2005 a été fixé, après expertise, à la somme de 655,04 euros par mois.

Par exploit du 30 juin 2017, le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 a donné congé, avec refus de renouvellement, aux consorts [C], pour le 31 décembre 2017.

A la demande du syndicat et sur son assignation, le tribunal de grande instance d'Avignon a, par ordonnance de référé du 4 septembre 2017, ordonné une mesure d'expertise aux fins d'évaluer l'indemnité d'éviction à laquelle les locataires pourraient prétendre et l'indemnité d'occupation dont ils pourraient être redevables.

Le 12 juin 2018, l'expert judiciaire a déposé son rapport.

Par exploit du 14 août 2018, le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 a fait assigner Madame [Y] [C] épouse [B], Monsieur [O] [C] et Monsieur [J] [C] devant le tribunal de grande instance d'Avignon aux fins de voir juger qu'ils sont déchus de tout droit à indemnité d'éviction, et subsidiairement de voir fixer cette indemnité à 63.000 euros, de voir constater qu'ils occupent les lieux sans droit ni titre depuis le 1er janvier 2018, ordonner leur expulsion immédiate et les voir condamner à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 786,05 euros TTC courant du 1er janvier 2018 jusqu'à libération intégrale des lieux et remise des clés, outre une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon a :

ordonné l'expulsion immédiate de Madame et Messieurs [C] et de tous occupants de leurs chefs des lieux anciennement loués avec tant que de besoin le concours de la force publique,

fixé l'indemnité d'occupation à 622,05 euros, due depuis le 1er janvier 2018,

condamné Madame [Y] [C] et Messieurs [O] et [J] [C] à payer une indemnité d'occupation de 622,05 euros depuis le 1er janvier 2018 jusqu'à libération complète des lieux,

dit que les consorts [C] ne sont pas déchus du droit à indemnité d'éviction,

fixé le montant de :

- l'indemnité d'éviction revenant aux consorts [C] à la somme de 63.000 euros,

- l'indemnité de remploi revenant aux consorts [C] à la somme de 6.300 euros,

- l'indemnité pour trouble commercial à la somme de 1.215 euros,

En conséquence,

condamné le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 à payer à Madame [Y] [C] et Messieurs [O] et [J] [C] les sommes de :

- 63.000 euros au titre de l'indemnité d'éviction,

- 6.300 euros au titre de l'indemnité de remploi,

- 1.215 euros au titre du trouble commercial.

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 aux dépens,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions, l'appelant demande à la cour, au visa des articles L145-14, L145-28, L145-29, et L145-31 du code de commerce, de :

réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

dire et juger que Madame et Messieurs [C] sont déchus de tout droit à indemnité d'éviction,

constatant qu'ils occupent les lieux sans droit ni titre depuis le 1er janvier 2018,ordonner leur expulsion immédiate, et de tous occupants de leur chef, des lieux anciennement loués, avec en tant que de besoin le concours de la force publique,

les condamner à lui payer, en deniers ou quittances, une indemnité d'occupation mensuelle de 786,05 euros TTC, courant du 1er janvier 2018 jusqu'à libération intégrale des lieux et remise des clefs,

les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions telles que dirigées contre lui,

les condamner à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamner aux entiers dépens de l'instance, outre ceux afférents à la procédure de référé expertise et les honoraires de l'expert.

A titre subsidiaire :

fixer l'indemnité d'éviction due à Madame et Messieurs [C] à la somme de 63.000 euros,

les débouter de leurs plus amples demandes, fins et conclusions telles que dirigées contre lui,

désigner tel séquestre qu'il plaira à la Cour avec pour mission de recevoir l'indemnité d'éviction due à Madame et Messieurs [C], de procéder aux formalités de publicité et de recevoir les oppositions ou saisies des créanciers,

fixer l'indemnité d'occupation due par Madame et Messieurs [C] à la somme mensuelle de 786,05 euros TTC, courant du 1er janvier 2018 jusqu'à libération intégrale des lieux et remise des clefs, et les condamner au paiement de cette indemnité en deniers ou quittances au syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7,

ordonner la compensation des sommes que se doivent réciproquement les parties,

dire et juger que chacune des parties conservera à sa charge les frais exposés par ses soins,

dire et juger que les dépens de l'instance ainsi que ceux afférents à la procédure de référé expertise et les honoraires de l'expert seront supportés par moitié par Madame et Messieurs [C] d'une part et par le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 d'autre part.

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que le congé avec refus de renouvellement ouvre en principe droit à indemnité d'éviction avec maintien dans les lieux en contrepartie d'une indemnité d'occupation, sauf déchéance.

A titre principal, elle soutient que cette déchéance est acquise.

Le fonds de commerce expoité dans les lieux loués fait l'objet d'un contrat de location-gérance consenti par les consorts [C] à la société La mascotte depuis le 28 avril 1995.

Le loyer du bail a été fixé à compter du 1er janvier 2005 à 665,04 euros mensuels hors taxe, payé directement par le locataire-gérant au syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7.

En revanche, aucune redevance de location-gérance complémentaire n'est payée par la société La mascotte aux consorts [C], de sorte que l'opération n'est en réalité pas une location-gérance mais une sous-location dès lors qu'aucune rémunération n'est fixée pour les autres éléments du fonds de commerce.

Or la sous-location est prohibée par l'article L145-31 du code de commerce, et, fautive, elle constitue donc un motif grave et légitime portant déchéance du droit à indemnité d'éviction et à maintien dans les lieux, et les consorts [C] sont ainsi occupants sans droit ni titre des lieux depuis le 1er janvier 2018 et redevables d'une indemnité d'occupation équivalente à la valeur locative soit 786,05 euros TTC.

C'est en outre vainement que les intimés soutiennent que le syndicat des copropriétaires, bailleur, aurait accepté tacitement cette sous-location, alors qu'il l'ignorait, n'ayant compris que la location-gérance dissimulait une sous-location que par la lecture du rapport d'expertise déposé.

A titre subsidiaire, le syndicat observe que la valeur du fonds a été valablement estimée à 63.000 euros par l'expert judiciaire, mais que les autres indemnités retenus par les premiers juges ne sont pas dues.

En effet, le fonds est exploité par un locataire-gérant depuis le 28 avril 1995, et les salariés sont ceux de la SARL La mascotte, le trouble commercial et les frais de remploi résultant de la sortie des lieux également.

Enfin, l'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative, sans minoration pour précarité puisque la situation du locataire qui n'exploite pas lui-même les lieux n'a rien de précaire.

***

Dans leurs dernières conclusions, les intimés demandent à la cour, au visa de l'article L145-14 du code de commerce, de :

débouter, purement et simplement, le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 de son appel et de ses demandes,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'ils n'étaient pas déchus de leur droit à indemnité d'éviction,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé le montant de :

l'indemnité d'éviction leur revenant à la somme de 63.000 euros,

l'indemnité de remploi leur revenant à la somme de 6.300 euros,

l'indemnité pour trouble commercial leur revenant à la somme de 1.215 euros

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 à leur payer les sommes de :

63.000 euros au titre de l'indemnité d'éviction,

6.300 euros au titre de l'indemnité de remploi,

1.215 euros au titre du trouble commercial,

fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 559,85 euros HT, soit 671,82 euros conformément au chiffrage retenu par l'expert,

condamner le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 à payer aux concluants une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les intimés font valoir que le fonds a été donné en location-gérance à la SARL La mascotte par contrat du 28 avril 1995, contrat qui a fait l'objet d'un avenant le 31 mars 1998 prévoyant une redevance de 3.660 euros.

Le fait de donner son fonds à location-gérance ne prive pas le locataire de son droit à indemnité d'éviction.

C'est à tort que l'appelant soutient que cette location gérance serait une sous-location, et en tout état de cause, le bailleur y serait consentant puisqu'il a autorisé expressément la SARL La mascotte à réaliser des travaux.

S'agissant de l'indemnité d'éviction, elle comprend la valeur marchande du fonds de commerce, les frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, tous préjudices dont l'indemnisation a été justement fixée par l'expert.

De même, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu le montant de l'indemnité d'occupation tel que conclu par l'expert.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la requalification de la location-gérance en sous-location :

Selon l'article L145-31 du code de commerce qui reprend les termes du décret n°53-960 du 30 septembre 1953, "sauf stipulation contraire au bail ou accord du baileur, toute sous-location totale ou partielle est interdite".

La location-gérance n'est pas une sous-location de l'immeuble ou du local, mais la location du meuble incorporel que constitue le fonds de commerce -dont l'immeuble ou le local n'est qu'un accessoire.

En l'espèce, le contrat conclu entre la SARL La marmotte et les consorts [C] est qualifié de "location-gérance d'un fonds de commerce" et c'est vainement que l'appelant soutient qu'il s'agirait en réalité d'une sous-location déguisée.

En effet, les arrêts de la cour d'appel de Nîmes des 6 mars 2003 et 11 octobre 2005 permettent de retenir que :

le commerce était à l'origine exploité par Madame [P] dans le cadre d'un bail verbal, puis par sa fille Madame [N] [P] épouse [C],

cette dernière était inscrite au registre du commerce depuis le 1er octobre 1983 et a exploité le fonds de commerce personnellement pendant plus de deux ans avant de le donner en location gérance à la SARL La mascotte selon acte du 28 avril 1995,

les consorts [C] -intimés- viennent aux droits de Madame [N] [P] épouse [C], décédée.

Il était d'ailleurs alors déjà précisé par la cour d'appel dans le second arrêt précité que "la circonstance que le loyer soit réglé directement à la copropriété par la SARL La mascotte, simple commodité comptable, ne suffit pas à transférer le droit au bail du propriétaire du fonds au locataire gérant".

La cour fait sienne cette dernière observation et retient que le fonds de commerce préexistait à la location gérance et qu'il était initalement exploité par le locataire lui-même -aux droits duquel viennent les consorts [C].

En outre, c'est à tort que l'appelant soutient que l'expertise lui aurait permis de découvrir que la redevance de location-gérance était équivalente au loyer -ce dont il conclut qu'elle est une sous-location déguisée, alors que l'expert note seulement en page 29 de son rapport que le montant actuel de la redevance ne lui est pas indiqué.

En tout état de cause, quand bien même les deux montants de loyer et de redevance seraient identiques, cela ne suffirait pas à démontrer la disparition du fonds de commerce dans sa globalité et la fictivité de la location-gérance, les parties étant respectivement libres de conclure au prix sur lequel elles s'accordent pour chacun des contrats de bail et de location-gérance.

Le bailleur ne justifiant ainsi d'aucun motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant, la disposition du jugement déféré selon laquelle le tribunal a dit que les consorts [C] ne sont pas déchus du droit à indemnité d'éviction doit être confirmée.

Sur les indemnités dues par le syndicat :

L'article L145-14 du code de commerce dispose que l'indemnité d'éviction due au locataire lorsque le renouvellement du bail lui est refusé, est "égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement" et "comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre".

La valeur marchande du fonds de commerce est évaluée à 63.000 euros par l'expert judiciaire, sans contestation des parties et comme retenu par le jugement déféré.

Il appartient au bailleur tenu d'indemniser le preneur évincé d'un fonds non transférable des frais de recherche d'un nouveau droit au bail, de réinstallation et de mutation à exposer pour l'acquisition d'un fonds de même valeur, de démontrer, pour s'en exonérer, que celui-ci ne se réinstallera pas dans un nouveau fonds. Civ 3è 17 novembre 2016 n°15-19.741 ; 18 décembre 2012 n°11-23.273.

Le syndicat appelant n'apporte pas une telle preuve et l'indemnité de remploi -dont le quantum n'est pas contesté- est due, comme retenue par le premier juge.

S'agissant de l'indemnité pour trouble commercial, les consorts disposaient d'un fonds de commerce dont ils sont évincés, ils se trouvent donc privés des revenus et avantages qu'ils pouvaient tirer de ce fonds, de sorte qu'ils subissent personnellement le préjudice quand bien même ils en avaient confié l'exploitation en location-gérance. Le montant de cette indemnité telle que fixée par l'expert judiciaire n'étant pas davantage contestée, le jugement déféré entre encore en voie de confirmation de ce chef.

Sur l'indemnité d'occupation due par les consorts [C]

L'indemnité d'occupation qui a un caractère indemnitaire et compensatoire doit être déterminée, en application de l'article L145-28 du code de commerce, d'après la valeur locative, mais aussi au regard des conditions spécifiques de la situation des parties.

Par jugement du 8 juin 2009, le tribunal de grande instance d'Avignon a fixé le montant du loyer renouvelé à compter du 1er janvier 2005 à la somme annuelle de 7.860,46 euros par an hors taxe, soit 655,04 euros par mois.

L'expert judiciaire a considéré dans son rapport déposé le 12 juin 2018, que les éléments de fixation de la valeur locative n'avaient pas évolué depuis, sauf à réactualiser sur la base des éléments comptables fournis par les consort [C] pour prendre en compte l'évolution du chiffre d'affaires par comparaison avec un commerce similaire voisin.

Cette analyse est en tous points conforme aux prescriptions légales et doit être retenue ; elle conclut à une valeur locative au 1er avril 2017 de 622,05 euros HT mensuel.

C'est encore à juste titre que l'expert judiciaire a pratiqué un coefficient de précarité de 10% -conforme à l'usage- sur cette valeur locative pour évaluer l'indemnité d'occupation due par les locataires jusqu'à la libération complète et effective des lieux, pour prendre en compte la situation particulière de l'occupant qui n'est plus titulaire d'un bail après l'avoir été.

Il convient donc de faire droit à l'appel incident des intimés, d'infirmer le jugement déféré de ce chef et de dire que l'indemnité d'occupation due depuis le 1er janvier 2018 et jusqu'à libération des lieux et remise des clefs est de 559,85 euros HT soit 671,82 euros TTC par mois.

Sur la désignation d'un séquestre et la compensation :

L'article L145-28 du code de commerce dispose que "aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation".

L'article L145-29 suivant ajoute que "à défaut d'accord entre les parties, le séquestre est nommé par le jugement prononçant condamnation au paiement de l'indemnité ou à défaut par simple ordonnance sur requête. L'indemnité est versée par le séquestre au locataire sur sa seule quittance, s'il n'y a pas d'opposition des créanciers et contre remise des clés du local vide, sur justification du paiement des impôts, des loyers et sous réserve des réparations locatives".

Il convient donc, conformément à ces dispositions, de désigner un séquestre comme sollicité par l'appelant.

Par application de l'article 1347 du code civil, la compensation, invoquée par l'appelant, s'opère à due concurrence entre les obligations respectives des parties

Sur les frais de l'instance :

L'appelant, qui succombe principalement, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et payer aux intimée une somme équitablement arbitrée à 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

fixé l'indemnité d'occupation due à 622,05 euros depuis le 1er janvier 2018,

condamné Madame [Y] [C] et Messieurs [O] et [J] [C] à payer une indemnité d'occupation de 622,05 euros depuis le 1er janvier 2018 et jusqu'à libération complète des lieux ;

Et statuant à nouveau,

fixe l'indemnité d'occupation due à 559,85 euros HT soit 671,82 euros TTC par mois depuis le 1er janvier 2018,

condamne Madame [Y] [C] épouse [B], Monsieur [O] [C] et Monsieur [J] [C] à payer une indemnité d'occupation de 671,82 euros TTC depuis le 1er janvier 2018 et jusqu'à libération complète des lieux ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Et y ajoutant,

Vu l'article L.145-29 du code de commerce

Désigne la CARPA de Nîmes, en qualité de séquestre prévu par l'article L.145-29 du code de commerce, à l'effet de recevoir l'indemnité d'éviction due par le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 au profit de Madame [Y] [C] et Messieurs [O] et [J] [C], et de recevoir les oppositions ou saisies des créanciers,

Dit que les sommes respectivement dues entre les parties au titre, d'une part, de l'indemnité d'éviction et frais afférents, d'autre part, de l'indemnité d'occupation, entrent en compensation par application de l'article 1347 du code civil, jusqu'à due concurrence ;

Dit que le syndicat des copropriétaires du centre commercial Mistral 7 supportera les dépens d'appel et payera à Madame [Y] [C] épouse [B], Monsieur [O] [C] et Monsieur [J] [C] une somme globale de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01428
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;21.01428 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award