ORDONNANCE N° N° RG 22/03392 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ITDW
du 27/04/2023
TAHON
C/ [E]
O R D O N N A N C E
Ce jour,
VINGT SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
Nous, Michel ALLAIX, Premier Président à la Cour d'Appel de NÎMES, statuant sur les recours contre les ordonnances de taxe rendues par les juridictions de première instance du ressort,
Assisté de Mme Jocelyne PUNGIER, Adjointe Administrative faisant fonction de greffier, lors des débats et du prononcé de la décision,
AVONS RENDU L'ORDONNANCE SUIVANTE :
dans la procédure introduite par :
Monsieur [P] [J]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Comparant
CONTRE :
Maître [P] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me POMIES-RICHAUD, Avocat au Barreau de Nîmes
Toutes les parties convoquées pour le 23 Mars 2023 par lettre recommandée avec avis de réception en date du 14 novembre 2022.
Statuant publiquement, après avoir entendu en leurs explications les parties présentes ou leur représentant à l'audience du 23 Mars 2023 tenue publiquement et pris connaissance des pièces déposées au Greffe à l'appui du recours, l'affaire a été mise en délibéré au 27 Avril 2023 par mise à disposition au Greffe ;
Par ordonnance en date du 4 juillet 2022, le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau d'AVIGNON a fixé à la somme de 3050 euros les honoraires de Maître [P] [E] et, compte tenu des provisions versées, ordonné à M [P] [J] de verser à Me [P] [E] la somme de 350 euros restant due ;
M [P] [J] a formé recours contre cette ordonnance par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 octobre 2022, parvenue au greffe le 20 octobre 2022.
Il conteste la réalité du travail facturé par l'avocat .
M [P] [J] a adressé au greffe un courrier explicatif , parvenu le 16 février 2023, au détail duquel il sera renvoyé . En conclusion de ses explications, il demande au premier président de juger que Me [E] devra lui rembourser la totalité des sommes qu'il lui a versées, soit la somme de 2880 euros, et à titre subsidiaire les sommes de :
800 euros au titre de la procédure devant le juge des enfants
400 euros , ( lettre avocat, médiation et corespondances diverses)
700 euros au titre de l'assignation devant le JAF pour la modification de son droit de visite
600 euros au titre de la requête en exclusion du B2.
Par conclusions reçues le 14 mars 2023, Me [P] [E] rappelle que M [J] l'a sollicité initialement en 2019 pour deux procédures, soit::
- une demande de libération conditionnelle après révocation d'un sursis par le JAP de MARSEILLE en date du 09.10.2018, suite à une procédure de violences commises sur sa conjointe,
- une demande de restauration de droit de visite et hébergement concernant ses deux fils mineurs
que le batonnier dans son ordonnance de taxe retient qu'il est intervenu pour le compte de M [J] dans quatre procédures différentes, que les honoraires réclamés sont proportionnés au travail accompli, et ordonne en conséquence à M [J] de lui verser la somme complémentaire de350 euros compte tenu des provisions déjà versées à hauteur de 2700 euros ;
Avant toute défense au fond Me [E] relève que l'ordonnance du bâtonnier est en date du 04 juillet 2022, qu'elle a été notifiée à M [J] le 5 juillet 2022 que M [J] a été avisé, mais n'a pas retiré sa lettre, et que son recours, qui n'a été formé que le 17 octobre 2022 est hors délais et irrecevable .
Sur le fond, il indique que la facture récapitulative du 07.03.2022 mentionne ses diligences au titre des dossiers qui lui ont été confiés par M [J], qui a débuté ses réglements, mainfestant ainsi son accord, que la convention d'honoraires signée le 16.03.2019 est ancien et n'intégrait pas toutes les procédures ultérieures . Il détaille ses diligences dans chaque dossier ( pénal :obtention d'une mesure de libération conditionnelle avec PSE, requête en non inscription B2, requête devant le JAF pour les droits de visite hébergement, plaidoirie devant la CHAP, nombreux échanges avec le client).
Il conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, et de manière subsidiaire au débouté du recours de M [J] .
A l'audience, M. [J] explique qu'il estime que Maître [E] n'a pas réalisé le travail qu'il lui avait demandé, c'est pourquoi il demande le remboursement des sommes qu'il a acquittées pour des affaires qui n'ont pas été traitées par l'avocat. Il relève par ailleurs que la facture de Maître [E] n'est pas détaillée et précise.
Le conseil de Maître [E] s'en rapporte à ses écritures.
SUR CE,
Au terme des dispositions de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel , qui est saisi par l'avocat ou par la partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Article 176
La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois.
Lorsque le bâtonnier n'a pas pris de décision dans les délais prévus à l'article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit.
En l'espèce, l'ordonnance en date du 4 juillet 2022 rendue par le batonnier de l'ordre des avocats d'[Localité 5] a été notifiée au domicile de M. [J] mais le pli n'a pas été retiré par ce dernier. Il y a lieu de considérer en l'espèce qu'il n'a pas été avisé, et de déclarer recevable son recours.
Sur le fond
Le texte applicable en matière de fixation des honoraires de l'avocat est l'article 10 de la loi N 71-1130 du 31décembre 1971, étant précisé que le principe du recours obligatoire à la signature d'une convention d'honoraires avec le client résulte de la loi du 6 aout 2015.
o Article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971
' Modifié par la LOI n 2015-990 du 6 août 2015 - art. 51 (V)
« Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l'avocat sont fixés sur la base d'un tarif déterminé selon des modalités prévues au titre IV bis du livre IV du code de commerce.
Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
L'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 est désormais rédigé en ces termes :
« L'avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles et de l'ensemble des frais, débours et émoluments qu'il pourrait exposer. L'ensemble de ces informations figurent dans la convention d'honoraires conclue par l'avocat et son client en application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée. Au cours de sa mission, l'avocat informe régulièrement son client de l'évolution du montant de ces honoraires, frais, débours et émoluments.
Des honoraires forfaitaires peuvent être convenus. L'avocat peut recevoir d'un client des honoraires de manière périodique, y compris sous forme forfaitaire.
Lorsque la mission de l'avocat est interrompue avant son terme, il a droit au paiement des honoraires dus dans la mesure du travail accompli et, le cas échéant, de sa contribution au résultat obtenu ou au service rendu au client.
La rémunération d'apports d'affaires est interdite. »
Aux termes des dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, modifiée par la loi du 10 juillet 1991, critères rappelés par le décret du 12 juillet 2005, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci'' ;
Il n'est pas contesté en l'espèce que M. [P] [J] a sollicité l'assistance de Me [P] [E] pour l'assister et le représenter dans le cadre de procédures suivantes: chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, procédure devant le juge de l'application des peines, requête en dispense d'inscription au B2, procédure familiale relative à un droit de visite et d'hébergement sur ses enfants.
L'avocat indique qu'une convention d'honoraires a été signée avec le client, mais ne la produit pas.
L'absence de convention d'honoraires ne prive cependant pas l'avocat de la juste rémunération du travail accompli pour le compte de son client.
En l'espèce, Maître [E] produit :
- un courrier en date du 12 juin 2019 au président de la chambre d'application des peines de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et un arrêt rendu par cette formation, mentionnant l'intervention de Me [E],
- une convocation à lui adressée à un débat contradictoire au centre pénitentiaire des [6] pour assurer la défense de M. [J],
- une requête déposée par Me [E] pour le compte de M. [J] aux fins d'aménagement de peines,
- la décision du 3 septembre 2019 admettant M. [J] au régime de la libération conditionnelle avec placement sous surveillance électronique probatoire,
- trois courriers de Me [E] à M. [J] en date du 31 mai, 7 juin et 16 juin 2019,
- les diligences effectuées par lui, la requête en dispense d'inscription au B2 et les annexes, outre divers courriers se rapportant à ces procédures.
- une requête devant le juge aux affaires familiales de Paris établie par ses soins pour le compte de M. [J] et le jugement avant-dire droit rendu par la juridiction de Paris le 25 mars 2022,
Me [E] a adressé à M. [J] une facture récapitulative en date du 1er mars 2022, recouvrant l'ensemble de ces diligences pour un total de 3 050 € TTC.
Les diligences facturées ont été effectuées et correspondent à un travail important de l'avocat.
Même en l'absence de convention d'honoraires, M. [P] [J] était tout à fait conscient du fait que le travail effectué par l'avocat appelait une rémunération de sa part, comme en témoigne un courriel qu'il a envoyé à l'avocat en date du 14 novembre 2019, s'engageant à lui effectuer des paiements mensuels de 350 € sur son compte CARPA en 10 mensualités.
Il sera rappelé que le premier président aggisant dans ses fonctions de taxateur, n'est pas juge de la qualité des prestations de l'avocat, qui relève du régime de sa responsabilité.
En l'espèce, le travail accompli justifie pleinement la facturation de 3 050 €.
Les honoraires de Maître [P] [E] seront en conséquence fixés à la somme de 3 050 € TTC et M. [P] [J] sera condamné à payer la somme de 350 € TTC restant à payer à ce jour en l'état des provisions versées.
PAR CES MOTIFS
Statuant en matière de contestation d'honoraires d'avocats, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Disons recevable le recours de M. [P] [J] contre l'ordonnance en date du 4 juillet 2022, par laquelle le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau d'AVIGNON a fixé à la somme de 3050 euros les honoraires de Maître [P] [E] et, compte tenu des provsions versées, ordonné à M [P] [J] de verser à Maître [P] [E] la somme de 350 euros restant due,
Déboutons M. [P] [J] de son recours,
Confirmons l'ordonnance de taxes en date du 4 juillet 2022,
Taxons à la somme de 3 050 € les honoraires de Me [P] [E],
Disons que M. [P] [J] devra payer à Me [P] [E] la somme de 350 € lui restant due.
Condamnons M. [P] [J] aux dépens.
Ordonnance signée par M. Michel ALLAIX, Premier Président et par Mme Jocelyne PUNGIER, Adjointe Administrative faisant fonction de greffier.
LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT