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22/06/2023 | FRANCE | N°22/01562

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 22 juin 2023, 22/01562


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



































ARRÊT N°



N° RG 22/01562 -

N° Portalis DBVH-V-B7G-INT2



SL -AB



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

25 avril 2022

RG:17/03345



[S]



C/



[S]

[S]

[S]

[S]























Gro

sse délivrée

le 22/06/2023

à Me Noëlle BECRIT GLONDU

à Me Alexandre BERTEIGNE















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre





ARRÊT DU 22 JUIN 2023







Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 25 Avril 2022, N°17/03345



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01562 -

N° Portalis DBVH-V-B7G-INT2

SL -AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

25 avril 2022

RG:17/03345

[S]

C/

[S]

[S]

[S]

[S]

Grosse délivrée

le 22/06/2023

à Me Noëlle BECRIT GLONDU

à Me Alexandre BERTEIGNE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 25 Avril 2022, N°17/03345

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [Y] [S]

né le 09 Août 1966 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Noëlle BECRIT GLONDU de la SELARL BECRIT GLONDU NOELLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003441 du 15/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉS :

Monsieur [E] [S]

né le 30 Novembre 1946 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Monsieur [B] [S]

né le 17 Février 1945 à [Localité 8]

[Adresse 9]

[Localité 1]

Madame [N] [S]

née le 22 Septembre 1984 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Madame [Z] [S] épouse [V]

née le 18 Juin 1955 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Alexandre BERTEIGNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 22 Juin 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 21 janvier 2008, [A] [S] veuve [M] a désigné M.[Y] [S] comme bénéficiaire de son contrat d'assurance vie souscrit auprès de la Société Générale.

Par testament olographe du 14 février 2008 déposé à l'étude de la SCP Banq Pelloux Prayer, notaires associés à Nîmes, [A] [S] a légué la totalité de ses biens immobiliers à M. [Y] [S].

Le 23 novembre 2008, M. [B] [S] a déposé plainte à l'encontre d'[Y] [S] pour abus de faiblesse et vol sur la personne de [A] [S].

Selon ordonnance du 9 octobre 2009, [A] [S] a été placée sous sauvegarde de justice.

Le 17 novembre 2009, [A] [S] a modifié la clause bénéficiaire de son contrat d'assurance vie au profit de l'ensemble de ses héritiers.

Le 18 novembre 2009, [A] [S] a déposé plainte contre M. [Y] [S] pour abus de confiance et vol.

Par testament olographe du 19 novembre 2009 déposé à l'étude de la SCP Banq Pelloux Prayer, [A] [S] a révoqué l'ensemble de ses dispositions testamentaires antérieures.

Par jugement du 30 juillet 2010, [A] [S] a été placée sous tutelle.

Le 27 juillet 2012, [A] [S] est décédée laissant pour lui succéder ses cinq petits neveux :

- MM. [K] et [Y] [S], fils de son frère prédécédé [D] [S],

- MM. [E] et [B] [S] et Mme [Z] [S], enfants de son frère prédécédé [I] [S],

- Mme [N] [S], fille unique de son frère prédécédé [G] [S].

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal correctionnel de Nîmes a déclaré M. [Y] [S] coupable des faits d'abus de confiance et a déclaré recevables les constitutions de partie civile des consorts [S].

Par jugement correctionnel sur intérêts civils du 19 janvier 2022, M. [Y] [S] a été condamné à rembourser à l'actif de la succession la somme de 124 786,64 euros.

M. [Y] [S] a interjeté appel de cette dernière condamnation.

Parallèlement, par actes du 14 et 27 juin 2017 M. [Y] [S] a assigné les consorts [S] devant le tribunal de grande instance de Nîmes, aux fins de voir prononcer la nullité des actes de révocation du testament olographe du 14 novembre 2018 et de l'assurance vie souscrite auprès de la Société Générale au visa des articles 901 et 970 du code civil, outre leur condamnation au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 25 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

- débouté M. [Y] [S] de sa demande de nullité de l'acte de révocation des dispositions testamentaires du 19 novembre 2009 ;

- débouté M. [Y] [S] de sa demande de nullité de l'acte de modification de la clause bénéficiaire de l'assurance-vie de Mme [U] [M] en date du 17 novembre 2009 ;

- ordonné le sursis à statuer sur le recel successoral, dans l'attente de la décision de la cour d'appel statuant sur l'appel interjeté par M. [Y] [S] à l'encontre du jugement sur les intérêts civils en date du 19 janvier 2022 rendu par le tribunal correctionnel de Nîmes.

Le tribunal a estimé que M. [Y] [S] ne rapportait pas la preuve d'un trouble mental affectant [A] [S] à l'appui de sa demande de nullité des actes révoquant les dispositions testamentaires et modifiant la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie. Il a notamment estimé que la volonté profonde et persistante de [A] [S] de modifier les stipulations bénéficiant à M. [Y] [S] résultait du compte-rendu de l'enquête diligentée suite à la plainte déposée par la défunte à l'encontre du demandeur.

S'agissant de la demande reconventionnelle des consorts [S] au titre du recel successoral, le tribunal a considéré qu'aux termes de l'article 378 du code de procédure civile, il convenait d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.

Par déclaration du 3 mai 2022, M. [Y] [S] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, la procédure a été clôturée le 25 avril 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 9 mai 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 22 juin 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2022, M. [Y] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- prononcer la nullité de l'acte de révocation des dispositions testamentaires du 19 novembre 2009 et de l'acte de modification de la clause bénéficiaire de l'assurance vie de [U] [S] veuve [M],

- juger que la demande de recel successoral est irrecevable et prescrite,

- juger n'y avoir lieu à sursis à statuer sur le recel successoral,

- débouter les consorts [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum les consorts [S] à lui payer la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner in solidum les consorts [S] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- renvoyer les parties devant la SCP Banq Pelloux Prayer, notaires, aux fins de procéder aux opération de liquidation et partage de la succession.

L'appelant fait valoir que :

- les actes du 17 novembre 2009 et du 17 novembre 2019 emportant révocation des dispositions testamentaires et de la clause bénéficiaire d'assurance vie sont nuls en application des dispositions prévues aux articles 414-1, 901 et 970 du code civil, compte tenu de la dégradation des facultés cognitives affectant [A] [S] lors de la signature des actes et dont il rapporte la preuve ;

- la demande formulée par les intimés au titre du recel successoral est irrecevable puisqu'il relève de la jurisprudence constante que les demandes en rapport d'une libéralité et de la sanction du recel successoral ne peuvent être formées qu'à l'occasion d'une action en partage judiciaire ;

- cette demande est en outre irrecevable car prescrite en application du délai prévu à l'article 2224 du code civil lequel a commencé à courir à compter du décès de [A] [S] de sorte que toute action en recel successoral devait être introduite avant le 27 juillet 2017.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2022, les consorts [S], intimés à titre principal et appelants à titre incident, demandent à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur la demande de recel et, statuant à nouveau, de :

- constater l'existence en droit du recel successoral commis par [Y] [S] au préjudice de l'indivision successorale,

- ordonner le sursis à statuer s'agissant du quantum des sommes détournées dans l'attente de la décision à intervenir devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel,

- donner acte que les sanctions du recel seront évoquées lors de la procédure de partage judiciaire,

- débouter M. [Y] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [Y] [S] à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de dommages-intérêts pour action abusive et préjudice moral;

- condamner M. [Y] [S] à leur payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Les intimés répliquent que :

- la preuve du trouble mental allégué n'est pas rapportée ;

- ils sont fondés à obtenir la condamnation de l'appelant en application de 778 du code civil puisqu'ils démontrent que M. [Y] [S] a profité de la procuration dont il disposait sur les comptes de la défunte pour détourner la somme de 124 786,64 euros tel que cela a été jugé par le tribunal correctionnel de Nîmes dans son jugement du 19 janvier 2022;

- les parties sont toujours en l'état d'une indivision successorale de sorte que le moyen tiré de la prescription ne peut prospérer et il n'est pas de la compétence de la cour de renvoyer les parties devant notaire à ce stade de la procédure ;

- compte tenu la condamnation prononcée selon jugement du 17 novembre 2020 à l'encontre de l'appelant, il convient de faire une interprétation a contrario de la jurisprudence portant sur l'étendue du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et il convient de surseoir à statuer seulement partiellement sur le quantum des sommes détournées dans le cadre de l'abus de confiance,

- la procédure intentée par M. [Y] [S] revêt un caractère abusif et justifie qu'il soit condamné à leur payer à ce titre ainsi qu'au titre de la réparation de le préjudice moral né de la présente procédure la somme de 10 000 euros.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité des actes litigieux fondée sur l'insanité d'esprit :

L'appelant excipe de la nullité de la révocation des dispositions testamentaires de la défunte précédemment effectuées à son profit en date du 19 novembre 2009 et de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie en date du 17 novembre 2009 en raison de la dégradation des facultés cognitives de sa tante constatée de manière concomitante le 24 novembre 2009 par le docteur [W] ainsi que par le médecin spécialiste mandaté par le juge des tutelles aux fins d'ouverture d'une mesure de protection.

Il se prévaut ainsi du testament rédigé le 14 février 2008 le désignant comme légataire universel de ses biens régulièrement déposé en l'étude de Maître [L], lequel a précisément émis des doutes sur l'authenticité de la signature figurant sur les dispositions de volonté litigieuses du 19 novembre 2009 et entend être destinataire de l'intégralité de l'assurance-vie suivant la clause bénéficiaire antérieure du 21 janvier 2008.

Il produit un certificat médical du médecin traitant de la défunte du 28 janvier 2008 attestant des pleines capacités cognitives de cette dernière au moment de la souscription de ces actes alors que son état s'est ultérieurement dégradé.

L'acte litigieux tendant à la révocation des dispositions testamentaires antérieures est libellé comme suit :

'Testament. Je révoque tout disposition testamentaire antérieur

19 novembre 2009 S. [M]'

Ces dispositions sont intégralement écrites de manière manuscrite et sont datées et signées par la testatrice de sorte que cet acte répond aux conditions de forme imposées par l'article 970 du code civil pour les testaments olographes.

Il est exact que la signature de la défunte telle que figurant sur les deux actes litigieux des 17 et 19 novembre 2009 diffère sensiblement de celle apposée sur le testament du 14 février 2008 et sur la demande de modification de clause bénéficiaire du 21 janvier 2008.

Alors que celle figurant sur les actes de 2008 est constituée d'une signature écrite avec la première lettre écrite en majuscule, les autres en minuscules et un soulignement relié à la dernière lettre de son nom d'épouse, les signatures apposées sur les actes litigieux sont écrites en lettres d'imprimerie, ne sont assorties d'aucun soulignement et traduisent une écriture tremblotante.

Cette même signature est également apposée sur la plainte déposée à l'encontre de son neveu [Y] [S] auprès du procureur de la République de Nîmes le 18 novembre 2009 pour des faits d'abus de confiance et vol suite à la découverte de détournements de fonds effectués sur ses comptes sur lesquels elle lui avait confié une procuration aux fins de pourvoir aux dépenses de la vie courante.

A la suite de cette plainte, une enquête pénale a été diligentée par le commissariat de police de [Localité 5] ayant mis en évidence que la banque avait signalé le dossier de Mme [M] au procureur de la République au regard des mouvements de fonds importants enregistrés sur le compte de dépôt et que Mme [M] s'était présentée en personne aux fins de retirer la procuration confiée à son neveu aux motifs que celui-ci ne lui donnait plus d'argent.

Il était établi que le solde du compte de Mme [M] créditeur de 102 939 euros au mois de juin 2008 ne présentait plus qu'un solde positif de 1 854 euros au mois de novembre 2009 et que de nombreux chèques avaient été effectués au profit de M. [Y] [S] et de ses proches.

L'audition des témoins, voisins et membres de la famille, établissait que la défunte avait manifesté à plusieurs reprises sa volonté de modifier les dispositions testamentaires effectuées au profit d'[Y] [S] suite à la perte de confiance à l'égard de ce dernier.

M. [Y] [S] a été définitivement condamné par jugement du tribunal correctionnel de Nîmes du 17 novembre 2020 pour des faits d'abus de confiance commis au préjudice de [A] [M] sur la période comprise entre courant 2008 et courant 2009 pour avoir détourné des fonds avec les moyens de paiement qui lui avaient été remis pour un usage déterminé.

Le certificat établi par le docteur [W] le 24 novembre 2009 mentionne un'état de santé difficile avec une polypathologie très invalidante et des troubles gnosiques avec une désorientation temporo-spatiale conséquente et ajoute que ces troubles se sont nettement aggravés ces derniers temps, avec une perte assez conséquente de son autonomie et de sa gestion.

[A] [M] a été placée sous sauvegarde de justice le 9 décembre 2009 et sous tutelle par jugement du 30 juillet 2010 au visa du certificat médical établi le 26 novembre 2009 par le docteur [P], médecin spécialiste et à la requête de sa nièce, Mme [Z] [S].

Le certificat médical du médecin spécialiste n'est pas versé aux débats mais la chronologie des faits permet d'établir que la demande de mise en place d'une mesure de protection judiciaire à l'égard de la défunte a été initiée par les intimés comme en atteste la lettre adressée au juge des tutelles par Mme [Z] [S] à la suite de la découverte d'opérations frauduleuses effectuées sur les comptes de la défunte par leur cousin [Y] [S], lequel disposait jusqu'alors d'une procuration.

Les intimés produisent également une grille d'évaluation AGIR renseignée le 27 novembre 2009 lors de l'admission de [A] [M] en maison de retraite faisant état d'une évaluation de type GIR 4, cotation faisant référence à la nécessité d'une aide humaine pour la toilette, l'habillage et les transferts mais ne visant aucune altération des fonctions mentales.

Les investigations accomplies ont également mis en évidence que les opérations suspectes avaient précisément été découvertes par [A] [M] elle-même à la suite d'interrogations manifestées auprès de la banque dans la mesure où son neveu ne lui mettait plus à disposition d'argent pour pourvoir à ses intérêts.

Il a également été mis en évidence que [A] [M] avait fait part à son entourage amical et familial de la perte de confiance en M. [Y] [S] et de la volonté de modifier les dispositions testamentaires antérieurement faites à son profit.

Ces éléments établissent que si [A] [M] était affaiblie en raison de son grand âge et de l'évolution de son état de santé, elle avait néanmoins pu clairement exprimer ses volontés à l'égard de M. [Y] [S] qu'elle avait souhaité gratifier dans un premier temps en échange des services rendus à son profit en ce qu'il l'assistait dans la gestion de sa vie quotidienne, dispositions qu'elle entendait ne pas maintenir en raison de la découverte des opérations effectuées sur son compte hors du cadre qui avait été convenu.

M. [Y] [S] est ainsi particulièrement mal fondé à solliciter l'annulation des actes litigieux en raison de l'insanité d'esprit de la défunte alors que celle-ci est précisément à l'origine de la découverte des opérations frauduleuses effectuées sur son compte et qu'une mesure de tutelle a ultérieurement été prononcée sur requête des autres membres de sa famille pour assurer sa protection.

C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes de nullité de l'acte de révocation du 19 novembre 2009 et de la modification de la clause bénéficiaire du 17 novembre 2009 et la décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur le recel successoral :

Sur la demande reconventionnelle présentée par les consorts [S] afférente à la sanction du recel successoral réclamée à concurrence de la somme de 124 786,64 euros correspondant à la condamnation prononcée à l'encontre de M. [Y] [S] par jugement sur intérêts civils rendu le 19 janvier 2022 par le tribunal correctionnel de Nîmes, le tribunal a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Nîmes saisie de l'appel interjeté par M. [Y] [S].

Il est cependant constant que les demandes aux fins d'application de la sanction du recel successoral ne peuvent être formées qu'à l'occasion d'une action en partage judiciaire laquelle n'a nullement été diligentée en l'espèce, la présente action introduite par M. [Y] [S] portant seulement sur la nullité de dispositions testamentaires et de modification d'une clause d'assurance-vie par la défunte.

En l'absence d'action aux fins de partage engagée par l'un quelconque des héritiers, l'indivision successorale est toujours en cours mais la question du recel successoral ne pourra être examinée que dans le cadre de la demande en partage judiciaire.

Les parties ne sauraient être renvoyées devant le notaire en charge de la succession aux fins de procéder aux opérations de liquidation partage de la succession puisqu'aucune action en partage n'a été introduite.

Il n'appartient dès lors pas à la présente cour de constater l'existence du recel successoral telle que réclamée par les intimés qui sollicitent à tort le sursis à statuer partiel dans l'attente de la décision à venir sur appel du jugement sur intérêts civils et la prétention des intimés sera déclarée irrecevable en l'absence d'action en partage engagée par les héritiers.

La décision déférée sera ainsi infirmée sur ce point.

Sur les demandes de dommages-intérêts :

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que dans l'hypothèse de malice ou mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol et l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.

En l'espèce, les intimés réclament l'allocation de la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au regard du caractère abusif de la procédure engagée par M. [Y] [S] lequel intente de multiples recours à seule fin de leur nuire.

De son côté, l'appelant réclame la condamnation des intimés à lui payer la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Si l'action introduite devant le premier juge ne présente pas de caractère abusif, il n'en est pas de même de l'appel interjeté qui traduit l'existence d'une erreur grossière de l'appelant révélatrice d'une mauvaise foi en ce qu'il persiste en sa demande de nullité des actes émanant de la défunte fondée sur l'insanité d'esprit de cette dernière alors que la chronologie des événements démontre que [A] [M] a elle-même mis en lumière les opérations frauduleuses réalisées à son détriment sur son compte bancaire par son mandataire auquel elle avait confié la gestion de ses comptes à des fins déterminées et que c'est pour assurer la protection des intérêts de cette dernière que celle-ci a fait l'objet d'une mesure de protection à la demande des autres membres de sa famille.

C'est donc de manière particulièrement inappropriée que M. [Y] [S] se prévaut des certificats médicaux établis dans le cadre de l'instruction de cette mesure de protection au soutien de l'insanité d'esprit alléguée pour tenter de neutraliser les effets des nouvelles dispositions prises par la défunte, lesquelles sont précisément intervenues par suite de la perte de relation de confiance du fait de l'abus de confiance pour lequel l'appelant a été condamné pénalement par jugement définitif.

Ces éléments ont été relevés de manière très précise et circonstanciée par le jugement déféré et l'appel interjeté présente ainsi un caractère abusif.

Cet appel a indéniablement causé un préjudice moral aux intimés et M. [Y] [S] sera condamné à leur payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation.

M. [Y] [S] sera en revanche débouté de sa prétention du même chef à défaut d'une quelconque faute imputable aux intimés qui ne sont nullement à l'initiative de la procédure.

Sur les autres demandes :

Succombant à l'instance, M. [Y] [S] sera condamné à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Les dépens seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle en ce que M. [Y] [S] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale selon décision du BAJ du 15 juin 2022.

L'équité commande de le condamner à payer aux intimés la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [Y] [S] de sa demande de nullité de l'acte de révocation des dispositions testamentaires du 19 novembre 2009 et de modification de la clause bénéficiaire de l'assurance-vie de [A] [M] en date du 17 novembre 2009 ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande afférente au recel successoral en l'absence d'action en partage judiciaire ;

Condamne M. [Y] [S] à payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts à M. [E] [S], M. [B] [S], Mme [Z] [S] et Mme [N] [S] ;

Condamne M. [Y] [S] à payer les entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

Condamne M. [Y] [S] à payer à M. [E] [S], M.[B] [S], Mme [Z] [S] et Mme [N] [S] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01562
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.01562 ?
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