RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02552 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I46J
ACLM
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
08 juin 2023
N°21/03067
[P]
C/
[T]
Grosse délivrée le 29/05/2024 à
Me PERICCHI
Me VAJOU
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
3ème chambre famille
ARRÊT DU 29 MAI 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Agnès CLAIR- LE MONNYER, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Agnès CLAIR- LE MONNYER, Présidente de Chambre
Mme Isabelle ROBIN, Conseillère
Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère
GREFFIER :
Véronique VILLALBA, Greffière,
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 mai 2024.
APPELANTE :
Madame [K] [P]
née le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 12]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Isabelle SCHUHLER BOURRELLIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [S] [T]
né le [Date naissance 6] 1952 à [Localité 12] (13)
[Adresse 1],
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Claire JOLIBOIS de l'AARPI ADER, JOLIBOIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 mars 2024
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Agnès CLAIR- LE MONNYER, Présidente de Chambre, le 29 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [T] et Madame [P] se sont mariés le [Date mariage 2] 1978 sous le régime de la séparation de biens suivant contrat de mariage préalable.
La procédure de divorce a été engagée par l'épouse, donnant lieu à une ordonnance de non-conciliation rendue le 29 octobre 2013, Monsieur [Y] étant désigné en qualité d'expert avec mission de dresser un inventaire estimatif et de faire des propositions quant au règlement des intérêts patrimoniaux des époux.
Par jugement du 5 juillet 2017, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Marseille a prononcé le divorce, condamné Monsieur [T] au paiement d'une prestation compensatoire de 400.000 euros en faveur de l'épouse, et ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux.
Par arrêt rendu le 14 février 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé en toutes ses dispositions le jugement de divorce.
Par arrêt rendu le 18 novembre 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Madame [P].
Au cours du mariage, par acte notarié du 30 novembre 1987, les époux ont acquis à hauteur de 50% chacun un appartement sis [Adresse 5] au rez-de-chaussée section BC [Cadastre 3] d'une superficie de 46,02 m².
Suivant acte notarié, ce bien a été vendu le 5 novembre 2021 au prix de 576.924 euros.
Suite à la requête déposée par Monsieur [T], le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a autorisé par ordonnance du 5 novembre 2021 la saisie conservatoire en la comptabilité du notaire d'une somme de 46.998 euros en garantie de la créance due à Monsieur [T] au titre de loyers provenant de la location du bien indivis sis [Adresse 5] dans l'attente de l'issue de la procédure à engager par Monsieur [T] aux fins de récupérer les sommes dues.
Puis, par ordonnance du 13 avril 2022, le juge de l'exécution a rétracté l'ordonnance et ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire au motif que le juge territorialement compétent pour autoriser ladite mesure conservatoire était le juge de l'exécution d'Avignon.
Par acte d'huissier du 2 décembre 2021, Monsieur [T] a fait assigner Madame [P] devant le juge aux affaires familiales d'Avignon aux fins notamment de la voir condamner à lui payer la somme de 46.998 euros, sauf à parfaire, au titre des revenus locatifs du bien indivis parisien.
Par jugement rendu contradictoirement le 8 juin 2023, le juge aux affaires familiales d'Avignon a :
- déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par Madame [P] tirée de la prescription des demandes formées par Monsieur [T],
- condamné Madame [P] au paiement de la somme de 40.100,50 euros en faveur de Monsieur [T] au titre des revenus locatifs de 2016 à septembre 2021 afférents à l'appartement sis [Adresse 14],
- débouté Monsieur [T] de sa demande en dommages et intérêts,
- débouté Madame [P] de ses demandes en dommages et intérêts et d'amende civile,
- condamné Madame [P] aux dépens de l'instance,
- condamné Madame [P] au paiement d'une somme de 2.500 euros en faveur de Monsieur [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 25 juillet 2023, Madame [P] a relevé appel de la décision en ses dispositions la condamnant à payer la somme de 40.100,50 euros au titre des revenus locatifs, la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et la déboutant de ses demandes de dommages et intérêts et d'amende civile.
Par ses dernières conclusions remises le 18 mars 2024, Madame [P] demande à la cour de :
- Recevoir Mme [P] en son appel,
- Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile,
- Vu les dispositions de l'article 1353 du Code Civil et de l'article 9 du Code de Procédure Civile,
- JUGER que le Tribunal n'était pas en droit de pallier à l'absence de preuves par M. [T],
- JUGER, dans ces conditions, qu'il n'y a pas lieu à fixer forfaitairement les loyers prétendument encaissés par Mme [P] dès lors que celle-ci n'a encaissé aucun autre loyer que ceux figurant sur les comptes versés aux débats.
- JUGER que la condamnation de Mme [P] par le Tribunal au paiement d'une somme de 40.100, 50 € n'est ni recevable ni fondé et ce d'autant que celle-ci est basée sur des loyers que Mme [P] n'a jamais encaissés.
- DANS CES CONDITIONS,
- A TITRE PRINCIPAL,
- ANNULER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire d'AVIGNON le 8 juin 2023,
- A TITRE SUBSIDIAIRE,
- REFORMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a retenu la prescription de 5 ans.
- STATUANT A NOUVEAU,
- JUGER que la prescription de 5 ans ne peut commencer à courir qu'à compter du 1er janvier 2017 jusqu'au 30 décembre 2021 et non du 1er janvier 2016 à septembre 2021,
- DEBOUTER M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, y compris de sa demande tendant à obtenir une somme de 61.301, 62 € au titre de prétendus loyers perçus d'avril 2012 à décembre 2013 puis entre janvier 2016 et septembre 2021.
- JUGER que M. [T] s'est rendu coupable d'un véritable abus de droit au visa de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile.
- LE CONDAMNER à une amende civile et à VERSER à Mme [P] une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.
- CONDAMNER Monsieur [S] [T] à verser à Mme [P] une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du CPC.
- Le CONDAMNER en tous les dépens avec distraction au profit de la SELARL AVOUEPERICCHI.
L'appelante demande à la cour d'annuler le jugement déféré, soutenant que :
- le jugement ne rappelle pas les moyens des parties, opérant renvoi aux écritures, et ne reprend, dans sa motivation que les moyens de Monsieur [T] développés dans ses conclusions sans, à aucun moment, reprendre ceux soulevés par la concluante pour contrer l'argumentation adverse et notamment sur les conditions dans lesquelles elle a été amenée à gérer le bien indivis, le fait d'une location saisonnière et non d'une location à l'année, le partage de l'occupation de l'appartement dans les périodes libres de location pour satisfaire les visites à [Localité 13] de M. [T], copropriétaire, Mme [P], les besoins des enfants et de la famille, et la production des comptes laissant apparaître les loyers réellement encaissés,
- plus encore, le premier juge vient littéralement au secours de M. [T] pour pallier à son incapacité de rapporter la moindre preuve d'une quelconque créance, retenant le caractère inexploitable du rapport d'expertise mais se livrant, de sa propre initiative, à une évaluation forfaitaire hypothétique et arbitraire des loyers prétendument perçus par la concluante, sans avoir permis de débat, en violation totale du principe du contradictoire sur ce calcul imaginaire.
Elle estime que ces éléments incontestablement en faveur de M. [T] font peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction.
Sur le fond, Madame [P] expose que :
- le bien du [Adresse 5], acquis en indivision 50/50 par le couple en 1987, a d'abord été en location longue durée donnant lieu à des loyers impayés et à de nombreuses dégradations le rendant inhabitable, de sorte que le couple a décidé d'affecter ce bien à l'usage de la famille (étape de voyages, études et déplacements des quatre enfants du couple, vacances),
- lors de la séparation du couple, le mari souhaitait donner l'appartement à la concluante, raison pour laquelle il était décidé de ne plus consentir de bail de longue durée, mais le mari se rétractait ensuite,
- du fait de la passivité délibérée de l'époux, les charges impayées depuis 2002 ont atteint la somme de 15.000 euros en 2011, la concluante sans profession et sans revenu étant totalement dépendante de l'époux quant au paiement des charges du couple,
- pour pouvoir payer la dette, la concluante a proposé à l'époux de louer l'appartement,
- les revenus de la location de courte durée mise en place via une plateforme internet en 2011, 2012 et 2013, ont été versés directement sur le compte du syndic jusqu'à apurement de la dette, les versements directs cessant en juillet 2014, la concluante reprenant alors le paiement des charges sur un cours normal en mettant en place des provisions, et partageant les excédents de gestion hors charges avec l'époux pour les périodes 2014 et 2015 (soit 4.000 et 5.000 euros),
- elle a donc géré bénévolement le bien pour éviter les voies d'exécution à compter de 2011, alors qu'elle aurait mérité une rémunération au vu du temps et de l'énergie qu'elle y a consacré,
- l'époux a continué de faire de brefs séjours dans l'appartement dont il détenait les clés,
- la tante de l'époux y a été hébergée de novembre à mars de 2017 à 2020 et les quatre enfants de l'époux y ont séjourné régulièrement.
Madame [P] fait valoir que l'époux était parfaitement informé de la gestion mise en place, qui lui convenait, d'autant plus que, propriétaire d'un atelier d'artiste, il disposait de loyers conséquents (en 2014, 30946€/an), et souligne que, s'il avait été en désaccord avec sa gestion, il n'aurait pas manqué d'engager une procédure à son encontre.
Elle s'offusque de ce que Monsieur [T] vienne aujourd'hui remettre en cause sa gestion en affirmant sans aucune preuve qu'elle aurait encaissé des loyers à son insu, et ce en prétendant se fonder sur les calculs hasardeux et totalement hypothétiques de l'expert désigné en 2013 dans le cadre de la procédure de divorce.
Quant aux comptes relatifs à la gestion du bien, l'appelante fait valoir que:
- le délai de 5 ans retenu à juste titre par le tribunal s'entend du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2021, soit 5 ans et non 6 ans, du 1er janvier 2016 à Septembre 2021, et elle justifie donc à juste titre de la tenue des comptes du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2021.
Monsieur [T] sollicite à tort des revenus locatifs de janvier 2012 à novembre 2021, prétendant qu'au visa de l'article 2236 du code civil, la prescription est suspendue entre époux, alors que sa demande n'est pas recevable au regard des dispositions de l'article 2036 du code civil dès lors que son application doit tenir compte de celles édictées par l'article 2230 selon lequel la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru, la Cour de Cassation ayant dans un arrêt du18 mai 2022, rappelé que la prescription des créances entre époux s'apprécie au regard des articles 2224 - 2236 et des dispositions de l'article 2230 du code civil.
- elle a d'abord fait virer les loyers directement sur le compte du syndic pour apurer la dette de charges impayées, et à compter de 2014, elle a ouvert un compte dédié à l'appartement auprès de la [10], aucun moyen de paiement n'étant affecté à ce compte, les règlements se faisant par virement, ce qui permet une parfaite traçabilité des mouvements du compte.
Les quelques sommes virées sur son compte personnel correspondent au remboursement d'avances qu'elle faisait pour le règlement des charges ou le règlement de factures. Elle ne s'est jamais remboursée de ses frais de transport.
Elle a tenu une comptabilité dite de ménagère, retraçant toutes les dépenses (apurement des charges de copropriété, frais d'internet, d'électricité, d'entretien, de nettoyage après le départ de chaque locataire) et les recettes (loyers).
Elle a adressé les comptes à Monsieur [T] par courrier simple, même s'il le conteste aujourd'hui.
- elle justifie de l'intégralité de sa gestion.
Son conseil a adressé par courrier officiel du 19 mai 2021, les comptes de la [Adresse 14] pour les années 2018-2019-2020 et 2021, cet envoi ne donnant lieu à aucune contestation de la part de Monsieur [T],
La location, même occasionnelle, s'est avérée impossible pendant certaines périodes, en raison de l'occupation de l'appartement par la tante de Monsieur [T], de travaux de réfection de l'immeuble, de trois périodes de confinement, et de la réglementation relative aux meublés de tourisme.
Aucun loyer n'a été dissimulé et lorsque l'un des deux étudiants locataire de septembre 2020 à août 2021 a souhaité ne plus virer les loyers sur le compte de l'appartement, les loyers ont été portés sur le compte d'exploitation.
- les dépenses figurant sur les comptes ne concernant pas la [Adresse 14] sont précisées en bas de chaque page des comptes qu'elle a établis.
En l'état d'un versement irrégulier de la pension alimentaire de 1.000 euros par mois par l'époux au titre du devoir de secours, elle a dû avancer divers frais (frais relatifs au bien propre de l'époux et au domicile conjugal, entretien de son véhicule destiné à l'usage des enfants, frais de leur fils [J] qui avait perdu son emploi et que Monsieur [T] refusait d'aider).
Quant au remboursement des avances faites par elle sur le compte, elle n'avait évidemment pas à en attribuer la moitié à son coindivisaire, et ce contrairement à ce qu'affirme par erreur le tribunal dans le jugement dont appel.
Au vu de ces éléments, l'appelante soutient que la comptabilité qu'elle a produite est parfaitement exploitable, contrairement à ce qu'a énoncé le tribunal, et que Monsieur [T] ne rapporte aucunement la preuve d'une créance liquide, certaine et exigible à son encontre.
Elle ajoute que la condamner à verser la somme réclamée alors qu'elle ne l'a jamais perçue serait dramatique pour elle car elle ne dispose d'aucune liquidité et d'aucun revenu tandis que l'ex-époux dispose d'une importante retraite et d'un patrimoine de plus de 4 millions d'euros.
Enfin Madame [P] prétend à des dommages et intérêts en soutenant que l'ex-époux se rend coupable d'un véritable abus de droit au sens où l'entend la jurisprudence, au cas d'un titulaire d'un droit qui en use dans la seule intention de nuire à autrui, intention qui se déduit souvent de l'absence d'intérêt sérieux et légitime à exercer le droit.
Par ses dernières conclusions remises le 19 mars 2024, Monsieur [T] demande à la cour de :
- Vu les articles 815-3 et suivants du Code civil,
- Vu l'article 2236 du Code civil,
- Vu le rapport d'expertise Judiciaire de Monsieur [Y],
- Vu le jugement de divorce du 5 juillet 2017 devenu définitif ordonnant la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux de Madame [K] [P] et Monsieur [S] [T],
- Vu l'ordonnance rendue le 5 novembre 2021 aux fins de saisie conservatoire entre les mains du Notaire [C] en charge de la vente,
- Vu le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'Avignon le 8 juin 2023,
- Vu les Jurisprudences,
- Vu les pièces communiquées,
- Statuant sur l'appel formé par Madame [K] [P] à l'encontre du jugement rendu le 8 juin 2023 par le Tribunal Judiciaire d'Avignon,
- Déclarant recevable et bien fondé l'appel incident du concluant,
- INFIRMER le jugement du 8 juin 2023 du Tribunal d'Avignon en ce qu'il condamne Madame [P] au paiement de la somme de 40.100,50 € en faveur de Monsieur [S] [T] au titre des revenus locatifs de 2016 à septembre 2021 afférents à l'appartement sis [Adresse 14],
- INFIRMER le jugement du 8 juin 2023 du Tribunal d'Avignon en ce qu'il déboute Monsieur [S] [T] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10.000 €,
- CONFIRMER le jugement pour le surplus.
- Ce faisant, statuant à nouveau,
- JUGER que Madame [K] [P] a commis une faute du fait de la mise en location du bien immobilier de la [Adresse 14] sans l'accord de son époux et sans mandat spécial,
- JUGER que Madame [K] [P] a commis une faute en s'abstenant de fournir à Monsieur [T] toute information relative à sa gestion du bien immobilier, avant la présente procédure,
- JUGER que Madame [K] [P] a commis une faute puisqu'elle s'abstient de communiquer dans la présente procédure toute information relative à sa gestion pour les années 2012 à 2016,
- JUGER que la comptabilité du bien de la [Adresse 14] fournie par Madame [P] pour les années 2017 à 2021 est irrégulière et inexploitable,
- En conséquence
- JUGER la responsabilité de Madame [K] [P] entièrement engagée dans cette affaire,
- CONDAMNER Madame [K] [P] à verser à son ex-époux, Monsieur [S] [T], la somme de 61.301,62 € sauf à parfaire, due au titre des revenus locatifs du bien indivis de la [Adresse 14] à [Localité 13] pour la période allant de janvier 2012 à novembre 2021,
- CONDAMNER Madame [K] [P] à verser à Monsieur [S] [T], la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts du fait des fautes et manquements commis dans sa gestion du bien immobilier de la [Adresse 14],
- DÉBOUTER Madame [K] [P] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
- CONDAMNER Madame [K] [P] à verser à Monsieur [S] [T], la somme de 4.000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Formant appel incident, l'intimé demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [P] à restituer les revenus afférents à la gestion du bien indivis uniquement sur une période de cinq ans, à savoir de janvier 2016 à septembre 2021, pour un montant de 40.100,50 euros, et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts.
En réplique à la demande de nullité du jugement formée par l'appelante, Monsieur [T] fait valoir que :
- le jugement déféré reprend en pages 2 et 3 l'entière argumentation des parties selon dispositif de leurs dernières conclusions de sorte qu'il n'encourt aucune critique à cet égard,
- Madame [P] prétend à tort que le tribunal aurait pallié un prétendu défaut de preuve de la part du concluant, l'appelante inversant ainsi la charge de la preuve qui en réalité lui incombe du fait de son obligation de rendre compte de sa gestion,
- la prétendue violation du principe du contradictoire est inexistante, les parties ayant longuement débattu de tous les points du litige en première instance aux termes de trois jeux de conclusions signifiées de part et d'autre,
- aucune partialité de la juridiction n'est démontrée, le premier juge ayant amplement motivé sa décision après avoir analysé les arguments respectifs et les pièces du dossier.
Il soutient que Madame [P] a commis de graves fautes en sa qualité de mandataire depuis 2012, à savoir la mise en location du bien sans l'accord de l'époux, l'absence de toute information donnée au concluant quant à ces locations avant la présente procédure (aucune comptabilité, aucun justificatif), le refus de communiquer dans la présente procédure toute information relative à sa gestion pour les années 2012 à 2016, la communication dans la présente procédure d'une comptabilité irrégulière et inexploitable pour les années 2017 à 2021.
Il souligne qu'il n'a cessé de contester la gestion de son épouse et ce dès juillet 2013.
S'agissant de la prescription de cinq ans, Monsieur [T] fait valoir que le tribunal a retenu à tort qu'elle lui était opposable, et ce en violation des dispositions de l'article 2236 du code civil qui dispose que la prescription ne court point entre époux, cette règle s'appliquant à la prescription quinquennale édictée par l'article 815-10 du code civil qui est susceptible d'interruption et de suspension. Il prétend que la prescription ne peut lui être opposée pour la période de 2012 à 2021, la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi de l'épouse le 18 novembre 2020 et le concluant réclamant les revenus locatifs sur l'actif indivis en sa qualité d'ex-époux.
Quant au montant des sommes dues, l'intimé, appelant incident, insiste sur les refus réitérés de Madame [P] de fournir les justificatifs des sommes perçues, y compris auprès de l'expert, et sur le caractère définitif du rapport d'expertise dressé le 30 mars 2015 qui n'a pas fait l'objet de contestations par les parties, et qui a retenu des revenus bruts annuels du bien de 31.800 euros et des revenus nets de 16.347 euros.
Monsieur [T] détaille année par année les éléments lui permettant de prétendre à sa créance, soulignant les nombreuses erreurs et l'absence de pièces justificatives dans les comptes présentés par Madame [P].
Il estime que, en présence d'une comptabilité irrégulière et inexploitable, le premier juge a, à juste titre, procédé à une évaluation forfaitaire des revenus procurés par le bien, et sollicite la fixation de sa créance à la somme totale de 61.301,62 euros, se décomposant en 14.303,62 euros pour la période comprise entre avril 2012 et décembre 2013 et 46.998 euros pour la période comprise entre janvier 2016 et septembre 2021.
Il ajoute que Madame [P] n'aura aucune difficulté à payer cette somme, tenant les fonds provenant de la vente de l'appartement qu'elle a perçus.
Enfin Monsieur [T] soutient sa demande de dommages et intérêts au regard des nombreux manquements de Madame [P] engageant la pleine responsabilité de celle-ci, ainsi que sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1/ Sur la demande de prononcé de la nullité du jugement :
- Sur la prise en compte des moyens respectifs :
Aux termes des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, et cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Par ailleurs, cet article précise que le jugement doit être motivé.
Le premier juge a, en conformité avec ce texte, exposé les prétentions et moyens en rappelant le dispositif intégral des dernières conclusions de chacune des parties et en renvoyant à celles-ci quant à l'exposé des moyens de fait et de droit. La critique formée de ce chef par Madame [P] n'a pas lieu d'être.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelante, le premier juge ne s'est pas dispensé d'examiner son argumentation pour ne retenir que celle de Monsieur [T]. En effet, dans sa motivation, le premier juge a d'abord répondu à la fin de non-recevoir tenant à la prescription quinquennale soulevée par l'intéressée pour l'écarter, puis a examiné la demande de fixation de créance en discutant des moyens opposés par Madame [P] (page 4 du jugement).
Le jugement n'encourt donc pas la nullité sur le fondement de l'article 455 du code de procédure civile.
- Sur le non-respect de la charge de la preuve :
Cette critique du jugement formée par l'appelante ressort de l'appréciation du fond du litige et ne saurait donner lieu au prononcé de la nullité de la décision, pouvant en revanche, si la cour l'estimait fondée, donner lieu à infirmation.
- Sur la violation du principe du contradictoire :
Devant le premier juge Monsieur [T] a formé une demande précise, sollicitant la condamnation de Madame [P] à lui verser la somme de 46.998 euros, sauf à parfaire, dus au titre des revenus locatifs pour les années 2016 à septembre 2021 procurés par le bien indivis, Madame [P] s'étant opposée à cette prétention en faisant valoir une série d'arguments, notamment le caractère hypothétique des prétendus loyers perçus et l'inanité du rapport d'expertise sur lequel se fondait Monsieur [T].
Le premier juge a analysé les demandes ainsi que le rapport d'expertise en estimant qu'il n'était pas précis, et a analysé les pièces produites pour fixer forfaitairement le montant des sommes dues.
Madame [P] a donc été mise en mesure de faire valoir ses moyens sans qu'aucune violation du principe du contradictoire ne soit relevée.
Madame [P] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement.
2/ Sur la prescription :
Devant le premier juge Monsieur [T] n'a sollicité fixation de sa créance que pour la période courant de 2016 à septembre 2021, étant rappelé que le bien indivis a été vendu en novembre 2021, à hauteur de 46.998 euros.
La fin de non-recevoir opposée par Madame [P], tenant à la prescription quinquennale qui aurait pour conséquence l'irrecevabilité de la demande de Monsieur [T], a été écartée par le premier juge au motif que Madame [P] n'était plus recevable à soulever celle-ci devant le juge du fond, n'ayant pas saisi le juge de la mise en état seul compétent pour statuer en la matière dans les instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
Le premier juge a fait droit à la prétention de Monsieur [T] en son principe sur la période de 2016 à septembre 2021.
Madame [P] conclut à l'infirmation de ce chef, demandant à la cour de retenir que la prescription quinquennale n'a pu commencer à courir qu'à compter du 1er janvier 2017 jusqu'au 30 décembre 2021 et non du 1er janvier 2016 à septembre 2021.
Elle s'oppose à la demande de Monsieur [T] sollicitant fixation de sa créance de janvier 2012 à novembre 2021, en soutenant que :
- Monsieur [T] se prévaut des seules dispositions de l'article 2236 du code civil prévoyant la suspension de la prescription entre époux, alors que l'article 2230 du même code doit également recevoir application, lequel prévoit que la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru,
- selon Monsieur [T] la prescription s'est vue suspendue du 30 mars 2015, date du rapport d'expertise et de sa prétendue découverte de loyers impayés, au 18 novembre 2020, et en application de l'article 2230, il convient de tenir compte du délai déjà couru, à savoir cinq ans et huit mois,
- si l'on retient la date du 1er janvier 2016, la prescription était acquise, puisque Monsieur [T] qui bénéficiait encore d'un mois et de treize jours pour assigner, soit au 31 décembre 2020, n'a saisi le tribunal judiciaire que le 2 décembre 2021, alors que son action était prescrite,
- au vu de ces éléments, Monsieur [T] n'est a fortiori pas en droit de demander des loyers à compter de 2012, et ce d'autant que le tribunal a rejeté le rapport d'expertise.
Monsieur [T] conclut également à l'infirmation du jugement en soutenant que sa créance doit être calculée sur la période allant de janvier 2012 à novembre 2021.
Il fait valoir que :
- la règle de l'article 2236 du code civil selon laquelle la prescription ne court point entre époux s'applique à la prescription quinquennale édictée par l'article 815-10 du code civil,
- la prescription commence à courir du jour où le jugement a acquis force de chose jugée, de sorte que ce n'est que lorsque la demande d'indemnité est formée plus de cinq ans après cette date que l'indivisaire ne peut obtenir une indemnité que pour les cinq ans précédant sa demande,
- l'arrêt de cassation ayant été rendu le 18 novembre 2020 et le concluant ayant assigné Madame [P] au fond dans la présente instance le 2 décembre 2021, aucune prescription quinquennale n'a couru,
- Madame [P] est donc redevable des revenus locatifs perçus pour toutes les années de sa gestion, soit de 2012 à 2021, la somme réclamée étant due sur l'actif indivis.
- SUR CE :
Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57, et à peine de nullité : 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, par sa déclaration d'appel, Madame [P] a limité son appel aux dispositions du jugement relatives à sa condamnation au paiement de la somme de 40.100,50 euros et de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles outre aux dépens et au rejet de ses demandes de dommages et intérêts et d'amende civile, de sorte que l'effet dévolutif de la déclaration d'appel n'a pas saisi la cour du chef relatif à l'irrecevabilité de la fin de non-recevoir soulevée par Madame [P] tirée de la prescription des demandes formées par Monsieur [T].
La demande formée par Madame [P], fondée sur l'acquisition de la prescription quinquennale et tendant à remettre en cause la période retenue par le premier juge pour fixer la créance de Monsieur [T] au titre des loyers du bien indivis, est donc irrecevable.
En effet le premier juge a statué sur la période de calcul de la créance de Monsieur [T] telle que sollicitée par celui-ci sans faire la moindre référence à la prescription, et pour cause puisque la fin de non-recevoir opposée par Madame [P] à cet égard était écartée comme irrecevable.
Madame [P] ne peut donc se prévaloir devant la cour de la prescription pour faire statuer à nouveau sur la période de calcul de la créance, n'ayant pas interjeté appel de la disposition déclarant la fin de non-recevoir tirée de la prescription irrecevable.
En application de l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt si elle n'y a pas renoncé.
L'appel de celui qui a été rempli intégralement de ses droits n'est recevable que si postérieurement aux débats est révélée une information de nature à affecter la teneur de ses prétentions et l'appréciation de celles-ci par le premier juge.
Si devant le premier juge Monsieur [T] a demandé fixation de sa créance à la somme de 46.998 euros, sauf à parfaire, au titre des revenus locatifs pour les années 2016 à septembre 2021, il n'a pas obtenu le bénéfice intégral de sa demande, le montant sollicité n'ayant pas été retenu, de sorte qu'il est recevable à former appel incident de ce chef.
Ainsi que déjà rappelé, la fin de non-recevoir tirée de la prescription relevant de la seule compétence du juge de la mise en état et n'étant plus recevable devant le juge du fond, et la disposition du jugement statuant sur ce point n'étant pas frappée d'appel, la discussion élevée par les parties sur la prescription est sans objet.
Monsieur [T] est donc recevable à se prévaloir devant la cour d'un principe de créance au titre des loyers du bien indivis de janvier 2012 à novembre 2021.
3/ Sur le bien-fondé de la demande de Monsieur [T] au titre des revenus locatifs :
Le premier juge a condamné Madame [P] au paiement de la somme de 40.100,50 euros en faveur de Monsieur [T] au titre des revenus locatifs de 2016 à septembre 2021 afférents à l'appartement sis [Adresse 14], en retenant que :
- le 18 mars 2014, Madame [P] informait Monsieur [T] par courriel qu'elle avait fait une comptabilité pointilleuse de l'appartement qu'elle lui remettrait lors de la liquidation, évoquant une location saisonnière à 100 euros la nuit, indiquant avoir rendez-vous à la banque pour l'ouverture d'un compte spécial "[Adresse 14]" sur lequel seraient versés les loyers et qui servirait à régler toutes les charges de l'appartement, et précisant qu'elle transmettrait une copie des relevés à Monsieur [T] et qu'ils aviseraient ultérieurement sur le règlement du reliquat,
- nonobstant la procédure et les sommations de communiquer, Madame [P] ne communiquait un compte d'exploitation que sur la période du 1er octobre 2018 au 31 octobre 2021 et les relevés de compte courant que sur la période de septembre 2017 à septembre 2021,
- la comparaison entre les comptes d'exploitation et les relevés bancaires laissait apparaître qu'une partie des loyers encaissés ne figuraient pas au crédit du compte courant,
- la comptabilité était irrégulière comme faisant apparaître des dépenses sans lien avec les charges afférentes à l'appartement, et le compte courant n'était crédité que de 750 à 775 euros par mois sur la période de septembre 2020 à août 2021 alors que sur cette période l'appartement était loué à deux étudiants pour 1.500 euros par mois au total,
- aucune somme n'était créditée au titre de la location de l'appartement entre le 24 octobre 2018 et septembre 2020 sans explication valable de Madame [P] à ce sujet,
- en l'absence de comptabilité exploitable produite par Madame [P], il ne pouvait être procédé que par voie d'évaluation forfaitaire pour déterminer le produit net de sa gestion,
- le rapport d'expertise était inexploitable.
Le premier juge a retenu que le produit annuel net relevant à l'indivision s'élevait à 13.948 euros, soit 18.000 euros de revenu brut annuel pour une location à 1.500 euros par mois, dont à déduire la somme de 4.052 euros selon la moyenne annuelle du montant des charges et frais ressortant de l'extrait de compte du syndic de l'immeuble, et qu'en conséquence, le produit net revenant à l'indivision sur la période de janvier 2016 à septembre 2021 s'élevait à 80.201 euros, la moitié revenant à Monsieur [T].
Madame [P] demande à la cour d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter Monsieur [T] de sa demande au titre de prétendus loyers sur la période de janvier 2016 à septembre 2021.
Monsieur [T] demande également infirmation de ce chef et sollicite que sa créance soit fixée à la somme de 61.302,62 euros à parfaire pour la période allant de janvier 2012 à novembre 2021, qu'il décompose dans le corps de ses écritures de la manière suivante :
- 14.303,62 euros pour la période comprise entre avril 2012 et décembre 2013,
- 46.998 euros pour la période comprise entre janvier 2016 et septembre 2021.
- SUR CE :
Aux termes de l'article 815-8 du code civil, quiconque perçoit des revenus ou expose des frais pour le compte de l'indivision doit en tenir un état qui est à la disposition des indivisaires, et conformément aux dispositions de l'article 815-12 du même code, l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion.
Madame [P] précise qu'elle verse aux débats les comptes du 1er janvier 2017 à décembre 2021, et conteste avoir mis en location l'appartement indivis au cours de certaines périodes.
Elle prétend ainsi que la tante de Monsieur [T] qui subissait des soins à [Localité 13] a été hébergée dans l'appartement, avec l'accord de l'époux, et ce de novembre 2017 à mars 2018, puis de novembre 2018 à mai 2019, et en fin de novembre 2019 à mars 2020, exposant en outre qu'en 2018, parce qu'il était question que la tante revienne, elle n'a pas voulu immobilier le bien en le louant, ce qui explique l'absence de location sur 2018.
Elle verse aux débats une attestation de Madame [O] qui indique avoir occupé le logement de ses neveux au [Adresse 5], pour des périodes hivernales, à peu près de novembre à mars, et ce en 2017, 2018 et 2019.
Ainsi que le fait observer Monsieur [T], l'attestation ne précise pas si l'occupation a eu lieu à titre onéreux ou gratuit, l'intimé soutenant qu'en réalité sa tante réglait un loyer au contraire de ce que prétend l'appelante. De plus la cour observe d'une part que Madame [O] ne fait pas état d'avoir séjourné jusqu'en mai dans l'appartement en 2019, et d'autre part que Madame [P] ne produit aucun élément confirmant le retour de cette personne en 2018 plus tôt que novembre.
Mais surtout l'intimé souligne à juste titre que :
- Madame [P] a refusé, malgré sommation, de produire un relevé des loyers perçus par le site anglais [11] qui gérait les locations ainsi que ses avis d'imposition (à l'exception de l'avis d'impôt établi en 2023 sur les revenus 2022 produit deux fois sous les numéros 20 et 21), et ce malgré sommations itératives,
- les relevés du compte courant postal de Madame [P] (pièce 36 de l'intimé), tout comme le compte d'exploitation rédigé par ses soins (pièce 16 de l'appelante) font apparaître qu'elle a perçu entre le 28 septembre 2017 et le 27 décembre 2017 plusieurs virements d'[9] pour un montant total de 3.938,56 euros, y compris au cours de la période durant laquelle l'appartement n'aurait pas été loué selon ses dires puisqu'occupé par la tante, et il en va de même au vu du compte d'exploitation pour d'autres périodes de prétendue occupation de l'appartement par la tante au cours desquelles pourtant Madame [P] a reçu des paiements d'Airbnb (janvier 2018, février 2018, mars 2018).
Par ailleurs, si Madame [P] affirme qu'en 2018 le montant des gains des loyers s'est élevé à 11.242,18 euros et vise la "location jusqu'à décision d'arrêter la location occasionnelle suite à un arrêté de la ville de [Localité 13] interdisant la location si on ne changeait pas l'affectation du bien en location de tourisme déclaré à la ville de [Localité 13]", elle ne produit aucun élément le démontrant, le seul compte d'exploitation établi par ses soins étant évidemment insuffisant à faire la preuve de ses mentions sans pièces justificatives correspondantes.
De la même façon, sans viser aucun élément de preuve à l'appui, Madame [P] affirme n'avoir pas loué le bien en 2019 en raison d'une part de l'occupation gratuite par la tante de Monsieur [T] et de travaux importants dans l'immeuble.
Pour 2020, si l'appelante soutient n'avoir pas loué le bien en raison de la pandémie, elle vise cependant les deux périodes de confinement qui n'ont duré que du 17 mars au 11 mai pour la première et du 30 octobre au 15 décembre pour la seconde, tout en indiquant avoir loué l'appartement à deux étudiants de septembre 2020 à juin 2021.
Le premier juge a ainsi retenu à bon escient que Madame [P] ne fournissait pas une comptabilité régulière assortie des pièces justificatives, d'autant que la simple comparaison entre les relevés de compte et le compte d'exploitation établi par ses soins révélait des distorsions et d'autant qu'il apparaissait que des dépenses étaient comptabilisées alors qu'elles n'avaient aucun lien avec les charges afférentes à l'appartement, outre les virements en faveur du compte personnel de Madame et les virements en faveur de [J] [T].
S'agissant de la période comprise entre avril 2012 et décembre 2013 au titre de laquelle Monsieur [T] sollicite une somme de 14.303,62 euros, il résulte des éléments produits que les charges de l'immeuble n'avaient pas été précédemment réglées et que la dette qui s'élevait à ce titre à 11.021,16 euros en décembre 2009 a été peu à peu apurée, s'élevant encore toutefois à 6.920 euros en septembre 2012, Monsieur [T] ayant de novembre 2011 à mai 2012 réglé plusieurs montants pour un total de 5.400 euros, ce qui démontre que la dette n'a pas été apurée par le seul versement des loyers comme le prétend l'appelante.
L'expert judiciaire a relevé dans son rapport qu'entre avril 2012 et mars 2014 le montant total des recettes (revenus locatifs) s'était élevé à 20.323 euros sans qu'aucun justificatif ne soit fourni par Madame [P] malgré les demandes en ce sens.
Il n'existe par ailleurs aucune comptabilité de Madame [P] sur cette période.
En l'absence de comptabilité exploitable tenue par Madame [P] (défaut de pièces justificatives et pour le temps où un compte était tenu, mélange de dépenses étrangères au bien indivis avec les dépenses qui y étaient afférentes), le premier juge a retenu à bon droit qu'il convenait de procéder à une évaluation forfaitaire, constatant que le rapport d'expertise proposait une évaluation des revenus et charges du bien indivis sans pour autant indiquer sur quelles bases il fondait son évaluation.
Il s'est ainsi fondé à juste titre sur le montant du revenu brut annuel de 18.000 euros, étant précisé que l'appartement était loué pour 1.500 euros par mois de septembre 2020 à août 2021, et que la période préalable de location temporaire doit être considérée comme ayant permis de dégager des revenus aussi importants tenant le montant du prix de location à la nuitée (annoncé à 100 euros par mois par Madame [P] dans son courrier de mars 2014).
Il a tout aussi justement calculé les charges en se fondant sur la somme annuelle moyenne de 4.052 euros au vu de l'extrait de compte du syndic.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de Monsieur [T] à 40.100,50 euros pour la période de janvier 2016 à septembre 2021.
Il y sera ajouté la créance de Monsieur [T] pour la période d'avril 2012 à décembre 2013, calculée selon le même mode, et s'élevant à la somme de 12.204,50 euros.
Enfin il sera précisé que les situations financières respectives des parties ne sont d'aucun emport s'agissant de faire les comptes de l'indivision, de sorte que les développements consacrés par les parties à cette question ne sont pas pertinents.
4/ Sur les dommages et intérêts réclamés par Monsieur [T] du fait des fautes de Madame [P] dans la gestion du bien indivis :
Le premier juge a débouté Monsieur [T] de sa demande de dommages et intérêts, motifs pris de ce que, s'il évoquait les nombreux manquements et fautes de Madame [P] dans sa gestion du bien indivis, il ressortait de la procédure que chacun des époux avait contribué à l'enlisement de la procédure, et de ce qu'il ne faisait valoir aucun préjudice distinct de celui indemnisé par la condamnation de Madame [P] au versement de la somme de 40.100,50 euros.
Monsieur [T] développe au soutien de son appel sur ce point les divers manquements de Madame [P] dans sa gestion du bien.
Madame [P] conteste avoir commis une quelconque faute.
- SUR CE :
Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Alors que le premier juge a débouté Monsieur [T] de sa demande en soulignant qu'il ne faisait valoir aucun préjudice, l'appelant qui ne forme d'ailleurs aucune critique du jugement à cet égard dans le corps de ses écritures persiste à ne pas préciser la teneur du préjudice dont il demande réparation, se contenant d'invoquer un préjudice important.
Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.
5/ Sur les demandes de dommages et intérêts et d'amende civile formées par Madame [P] :
Comme devant le premier juge, Madame [P] soutient une demande de condamnation de Monsieur [T] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et à une amende civile, au motif qu'il se serait rendu coupable d'un véritable abus de droit.
Or la teneur du présent arrêt démontre qu'aucun abus de droit n'a été commis par Monsieur [T], de sorte que le jugement doit être confirmé de ce chef.
6/ Sur les autres demandes :
En équité, chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles comme des dépens par elle exposés en cause d'appel. Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont donc rejetées.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, dans la limite de sa saisine, en matière civile et en dernier ressort,
Déboute Madame [P] de sa demande de prononcé de la nullité du jugement déféré,
Déclare irrecevable la demande de Madame [P] tendant à voir juger que la prescription de cinq ans ne peut commencer à courir qu'à compter du 1er janvier 2017 jusqu'au 30 décembre 2021, et non du 1er janvier 2016 à septembre 2021,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne Madame [P] au paiement de la somme de 12.204,50 euros en faveur de Monsieur [T] au titre des revenus locatifs d'avril 2012 à décembre 2013 afférents à l'appartement sis [Adresse 14],
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera la charge des dépens par elle exposés en cause d'appel,
Arrêt signé par la Présidente de Chambre et par la Greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,