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31/07/2024 | FRANCE | N°24/00042

France | France, Cour d'appel de Nîmes, Référés du pp, 31 juillet 2024, 24/00042


COUR D'APPEL

DE NÎMES

REFERES







ORDONNANCE N°

AFFAIRE : N° RG 24/00042 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JEF3

AFFAIRE : S.A.R.L. EUGEGU C/ [T]



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 31 Juillet 2024





A l'audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D'APPEL DE NÎMES du 14 Juin 2024,



Nous, Sylvie DODIVERS, Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont

attribuées,



Assistée de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et Madame Audrey BACHIMONT, Greffière, lors du prononcé,



Après avoir entendu en leu...

COUR D'APPEL

DE NÎMES

REFERES

ORDONNANCE N°

AFFAIRE : N° RG 24/00042 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JEF3

AFFAIRE : S.A.R.L. EUGEGU C/ [T]

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 31 Juillet 2024

A l'audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D'APPEL DE NÎMES du 14 Juin 2024,

Nous, Sylvie DODIVERS, Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et Madame Audrey BACHIMONT, Greffière, lors du prononcé,

Après avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite

PAR :

S.A.R.L. EUGEGU

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jacques TARTANSON, avocat au barreau d'AVIGNON substitué par Me Sandrine MOIROUD-BESSE, avocat au barreau d'AVIGNON

DEMANDERESSE

Monsieur [X] [T]

né le 27 Juillet 1966 à [Localité 5]

Chez Mme [I] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Savine DEMARQUETTE MARCHAT, avocat au barreau de NIMES

DÉFENDEUR

Avons fixé le prononcé au 31 Juillet 2024 et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;

A l'audience du 14 Juin 2024, les conseils des parties ont été avisés que l'ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 31 Juillet 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement contradictoire en date du 14 décembre 2023, le conseil de prud'hommes d'Orange a notamment :

Condamné la SARL EUGEGU, prise en la personne de son représentant légal en exercice d'avoir à payer à M. [T],

- la somme de 964,15 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- la somme de 1725 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

débouté la SARL EUGEGU de sa demande reconventionnelle;

rappelé que le présent jugement, en application des dispositions de l'article R1454-28 du Code du travail, bénéficie de l'exécution provisoire de droit dans les limites définies par ce texte ;

mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de la SARL EUGEGU.

Par déclaration en date du 28 décembre 2023, la SARL EUGEGU a interjeté appel de l'ensemble des chefs de condamnation de cette décision.

Par exploit de commissaire de justice en date du 13 mars 2024, la SARL EUGEGU a fait assigner M. [X] [T] devant le premier président de cette cour d'appel aux fins de voir, au visa des articles 517-1 et 521 du code de procédure civile :

A titre principal,

ordonner la suspension de l'exécution provisoire du jugement du conseil de Prud'hommes d'Orange du 14 décembre 2023,

A titre subsidiaire,

ordonner la consignation et la mise sous séquestre par la société EUGEGU du montant de la condamnation et frais, objet du jugement du 14 décembre 2023 dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel de Nîmes,

condamner M. [T] au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 juin 2024, la société EUGEGU sollicite du premier président, au visa des articles 514-3, 517-1, 521 et 524 et suivants du code de procédure civile, de :

A titre principal :

Ordonner la suspension de l'exécution provisoire du jugement du conseil de Prud'hommes d'Orange du 14 décembre 2023.

A titre subsidiaire :

Ordonner la consignation et la mise sous séquestre par la société EUGEGU du montant de la condamnation et frais, objet du jugement du 14 décembre 2023 dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'Appel de Nîmes,

Débouter M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Condamner M. [T] au paiement d'une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL EUGEGU fait valoir, à l'appui de ses demandes, l'existence de moyens sérieux de réformation de la décision querellée en ce que l'origine professionnelle de l'accident de M. [X] [T] et son inaptitude ne sont pas reconnues de manière certaine et soutient donc que le versement d'une indemnité compensatrice de préavis ainsi que le doublement de son indemnité de licenciement ne sont pas justifiés en l'état.

Elle explique avoir contesté la décision de la commission de recours amiable, laquelle a confirmé le caractère professionnel de l'accident, auprès du pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon, procédure actuellement pendante.

Elle soutient ensuite l'existence d'un risque sérieux de non-restitution des fonds dans le cas d'une réformation par la Cour d'appel puisque M. [T] a de nombreuses dettes personnelles notamment une dette locative et que dans le cas d'un règlement de la société, les fonds seront susceptibles d'être utilisés pour régler l'ensemble des dettes.

Elle ajoute sur ce point que les conséquences manifestement excessives se sont révélées postérieurement lorsqu'elle va apprendre l'existence d'une dette de loyers confirmée par l'ensemble des pièces communiquées par M. [T] lui-même.

En réponse aux écritures averses, elle indique que le premier président a la faculté d'ordonner la suspension de l'exécution du jugement frappé d'appel en présence de risques de conséquences manifestement excessives invoquées par l'appelant et que la consignation sollicitée, à titre subsidiaire, permettra à la fois de garantir M. [T] du règlement, mais également, aura pour bénéfice de la préserver en cas de réformation du jugement de tout risque de recouvrement.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 juin 2024, M. [X] [T], intimé, sollicite du premier président, de :

Juger irrecevable la demande de suspension de l'exécution provisoire ordonnée,

Débouter la Sarl EUGEGU de toutes ses demandes, y compris de sa demande subsidiaire fondé sur l'article 521 du Code de procédure civile,

Reconventionnellement, condamner la Sarl EUGEGU à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la SARL EUGEGU aux entiers dépens.

A l'appui de ses écritures, M. [T] soulève l'irrecevabilité de la demande de la société EUGEGU invoquant l'impossibilité de solliciter la suspension de l'exécution provisoire de droit sur le fondement de l'article 517-1 du code de procédure civile puisque le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit de l'article R.1454-28 du code du travail

Il indique par ailleurs que la demande de la SARL EUGEGU, qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observation sur l'exécution provisoire, n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entrainer des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Il relève à ce titre que la SARL EUGEGU ne justifie pas aux débats que les conséquences manifestement excessives alléguées se soient révélées postérieurement à la décision de première instance, étant précisé qu'il ne lui incombe pas de justifier de sa situation personnelle mais au demandeur à l'arrêt de l'exécution provisoire de prouver que les conditions requises par l'article 514-3 du Code de procédure civile sont remplies.

Il affirme par ailleurs qu'il n'existe pas de moyens sérieux de réformation du jugement de première instance arguant que la décision du pôle social est indifférente et que le lien, même partiel, de l'accident avec le travail est démontré.

Concernant la demande de consignation, il conclut à son rejet arguant qu'il n'est pas justifié d'un risque sérieux que la société employeur ne puisse être en mesure de récupérer ses fonds dans le cadre d'une réformation par la Cour d'Appel puisqu'aucun élément justifiant la situation financière de M. [T] n'est versé aux débats par l'employeur.

Par référence à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par chacune des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.

SUR CE,

-Sur le périmètre de la demande :

Le jugement de première instance, dont les dispositions déférées à la connaissance de la cour d'appel ont été reprises ci-dessus, comporte des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit et d'autres pour lesquelles l'exécution provisoire est facultative. Il convient donc de distinguer en fonction des textes légaux applicables.

Au vu des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, est exécutoire de droit, par provision, les dispositions de jugement qui ordonnent le paiement des rémunérations et des indemnités visées à l'article R 1454'14 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire.

Ainsi, les condamnations à verser des rémunérations et des indemnités visées à l'article R 1454'14 du code du travail sont exécutoires de droit dans la limite de 9 mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire et le surplus des condamnations relèvent de l'exécution provisoire facultative.

Sur la recevabilité de la demande de suspension de l'exécution provisoire

Monsieur [X] [T] fait valoir dans un premier temps que la demande est irrecevable en l'état d'une exécution provisoire de droit qui n'autoriserait pas le premier président à en ordonner la suspension. Et dans un second temps que le demandeur est irrecevable, qui, n'ayant pas fait d'observation sur l'exécution provisoire en première instance, ne justifie pas de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à la décision déférée.

Il y a lieu de préciser que les pouvoirs du premier président lui permettant de suspendre l'exécution provisoire se trouvent fondés par les dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile qui se trouve au sein de la section intitulée l'exécution provisoire de droit. La modification des textes résultant d'une inversion du principe et de l'exception puisque l'exécution provisoire est devenue de droit pour toutes les instances introduites après le 1er janvier 2020 est venue de fait modifier le fonctionnement général de l'exécution provisoire.

Il s'ensuit que le premier président en cas d'appel peut suspendre l'exécution provisoire de droit.

Par ailleurs l'exécution provisoire de la décision de première instance ne pouvant faire l'objet d'un refus y compris motivé du premier juge, il ne saurait être fait grief à l'une des parties de n'avoir pas fait d'observation sur ce point qui ne peut pas faire l'objet de discussions.

La demande doit être déclarée recevable.

Sur l'arrêt de l'exécution provisoire :

Le jugement du 14 décembre 2023 dont appel est assorti de l'exécution provisoire de droit. A ce titre, l'article 514-3 du code de procédure civile dispose :

'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

Ainsi, pour obtenir gain de cause devant le premier président, l'appelante doit rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l'article précité sont réunies.

N'ayant pas fait valoir devant le Conseil de Prud'hommes d'Orange des observations relatives à l'exécution provisoire de la décision à intervenir, ainsi qu'en atteste le jugement dont appel, la demande de suspension présentée par la SARL EUGEGU encourt l'irrecevabilité prévue par l'alinéa 2 de l'article 514-3, s'il n'est pas rapporté la preuve de la survenance de circonstances manifestement excessives révélées postérieurement au 14 décembre 2023.

Il résulte des pièces versées aux débats que les circonstances ayant amené Monsieur [X] [T] à faire l'objet d'un licenciement pour inaptitude n'ont pas été examinées par le juge du fond qui a fondé sa décision sur la déclaration d'accident du travail dans laquelle l'employeur mentionnait que le lieu de l'accident est le lieu du travail et que l'activité de la victime lors de l'accident était la préparation de la cuisine.

Il n'est pas contesté que Monsieur [T] est arrivé sur son lieu de travail en faisant état de difficultés de santé, se plaignant de douleurs, qu'il a ensuite à la pause méridienne refusé que les pompiers soient appelés, et s'est rendu lui-même avec son véhicule à l'hôpital, où a été diagnostiqué un malaise cardiaque.

Par ailleurs l'employeur a immédiatement fait des réserves quant aux circonstances qui ont entouré ce malaise cardiaque, et une procédure est en cours afin de contester la qualification retenue d'accident du travail. Il a introduit un recours afin de contester la qualification retenue par la sécurité sociale.

Tenant ce qui précède il y a lieu de relever qu'il existe un moyen sérieux de réformation ou d'annulation de la décision déférée à l'occasion de la discussion sur le fond.

Il est fait état de conséquences manifestement excessives qui seraient constituées par la situation financière détériorée de Monsieur [T].

Cependant il n'est produit aucune pièce à l'appui de cette assertion.

La preuve de l'existence de conséquences manifestement excessives n'étant pas rapportée, la demande de suspension de l'exécution provisoire de la décision rendue par le conseil des prud'hommes d'Orange le 14 décembre 2023 est rejetée.

-Sur l'aménagement des dispositions du jugement assorties de l'exécution provisoire :

L'article 521 du code de procédure civile dispose :

« La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.(...) »

Pour les dispositions assorties de l'exécution provisoire ordonnée, l'article 517-1 du code de procédure civile prévoit que le premier président peut prendre les mesures prévues à l'article 521. Il en résulte que la possibilité d'aménager l'exécution provisoire n'est pas subordonnée à la condition que cette exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Elle est laissée à la discrétion du premier président.

Il y a lieu compte tenu des circonstances évoquées supra d'ordonner la consignation des sommes exigibles aux termes de la décision déférée. Cela assurera ainsi aux uns ou aux autres l'effectivité de la décision qui sera rendue par la cour.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Les circonstances de la cause et l'équité justifient qu'il ne soit pas fait application des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.

-Sur les dépens :

La SARL EUGEGU succombant pour partie sera tenue de supporter la charge des entiers dépens

PAR CES MOTIFS :

Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Nîmes, en référé, par ordonnance contradictoire, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,

Déclarons la SARL EUGEGU recevable à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à la décision rendue par le conseil des prud'hommes d'Orange le 14 décembre 2023,

Déboutons la SARL EUGEGU de sa demande de suspension de l'exécution provisoire de la décision rendue par le conseil des prud'hommes d'Orange le 14 décembre 2023;

Autorisons la consignation des sommes dues par la SARL EUGEGU à la Caisse des Dépôts et Consignations à hauteur de la somme de 964,15 € au titre de l'indemnité de licenciement et 1725 € au titre de l'indemnité de préavis,

Disons que les fonds devront être versés à la Caisse des Dépôts et Consignations dans un délai de 30 jours à compter du prononcé de la présente décision et qu'à défaut, cet aménagement sera sensé ne jamais avoir été autorisé,

Disons que la SARL EUGEGU devra justifier de l'accomplissement de ses diligences à Monsieur [X] [T] dans le délai imparti,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la SARL EUGEGU aux dépens de la présente instance de référé.

Ordonnance signée par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de Chambre, et par Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE

LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : Référés du pp
Numéro d'arrêt : 24/00042
Date de la décision : 31/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-31;24.00042 ?
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