COUR D'APPEL DE NOUMÉA ARRÊT du 19 janvier 2006 Décision attaquée rendue le : 15 Mars 2004 Juridiction TRIBUNAL CIVIL DE NOUMEA Date de la saisine : 26 Mars 2004
Ordonnance de clôture : 10 octobre 2005 RG : 04/129 Composition de la Cour Président : Gérard FEY, Premier Président Assesseurs: - Jean-Michel STOLTZ, Conseiller - Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller magistrats qui ont participé aux débats et au délibéré Greffier lors des débats: Mickaela NIUMELE PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR
APPELANT LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE MAHANA, représenté par son syndic en exercice 20 rue de Papeete - Ducos - 98800 NOUMEA représenté par la SELARL PELLETIER-FISSELIER-CASIES, avocats
INTIMÉS 1 - M. Marie Noùl X... né le 06 Décembre 1946 à LA FOA (98880) demeurant Presqu'île de Bourake - 98812 BOULOUPARIS 2 - Mme Jeanne Y... née le 05 Décembre 1950 à POLYNESIE FRANCAISE demeurant Presqu'île de Bourake - 98812 BOULOUPARIS représentés par Me Laurent AGUILA, avocat
Débats : le 1er décembre 2005 en audience publique où Gérard FEY, Premier Président, a présenté son rapport, A l'issue des débats, le Président a déclaré que l'affaire était mise en délibéré et que le dossier avec l'arrêt serait remis au greffe le 19 janvier 2006 en
application de l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. Le dossier avec l'arrêt a été remis au greffe à la date susdite et signé par Gérard FEY, Président, et par Mickaela NIUMELE, Greffier, présent lors de la remise au greffe. PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Z... époux X..., propriétaires d'un terrain rue de Papeete, à Ducos, Nouméa, ont procédé au morcellement dudit terrain et ont fait édifier un immeuble d'habitation nommé MAHANA, vendu en copropriété vers les années 1991-1992. En 1999, à la suite de fortes précipitations, un mur construit par monsieur X... s'est effondré. Par ordonnance du 18 juillet 2001 le juge des référés a désigné un expert qui a conclu à l'obligation de démolir le mur et d'en reconstruire un nouveau, le coût étant fixé à 2.790.000 FCFP. * * *Par requête introductive d'instance déposée le 2 avril 2002, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble MAHANA a saisi le tribunal de première instance d'une demande de condamnation des époux X... à leur payer la somme de 2.790.000 FCFP outre 150.000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive. * * *Z... époux X... ont tout d'abord fait valoir que le mur litigieux n'avait pas vocation à être un mur de soutènement, que l'effondrement avait pour origine l'absence d'entretien par le syndicat de copropriété et résultait d'un cas de force majeure ce qui justifiait le rejet des demandes ou subsidiairement une responsabilité partagée. Par conclusions du 10 juin 2003 ils ont soulevé la prescription de l'action en relevant que le mur ayant été édifié en 1990 ou 1991, l'action devait être engagée avant la fin 2001. Ils ont rappelé que l'assignation en référé aux fins d'expertise n'avait pas interrompu la prescription, l'article 2244 du code civil prévoyant l'interruption de la prescription par les assignations en référé n'ayant été étendu en Nouvelle-Calédonie que pour les victimes d'accident de circulation. * * *Par jugement du 15 mars 2004, le
tribunal de première instance a déclaré irrecevable comme prescrite l'action du syndicat des copropriétaires et l'a condamné aux dépens. Le tribunal n'a pas fait droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. PROCÉDURE D'APPEL Par requête déposée le 26 mars 2004, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de ce jugement non signifié. Sans contester le cadre légal de la prescription, il fait valoir qu'il appartient aux époux X... de justifier du point de départ de la prescription. Il observe que le certificat de conformité délivré le 21 août 1991 ne démontre nullement l'antériorité du mur. Il relève que l'expert a retenu que le mur avait été construit 8 ans auparavant. Il conclut donc à l'infirmation, à la condamnation des époux X... à payer la somme de 2.790.000 FCFP outre 200.000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 250.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.Par nouvelles écritures, le syndicat fait valoir : - que le mur litigieux n'était pas porté sur la demande de permis de construire, ne faisant
pas partie du bâtiment ; - que le contrôle du COTSUEL s'est exercé sur l'immeuble et non sur les abords ; - que l'existence d'un certificat de conformité établit au contraire que le mur n'existait pas puisque si le mur qui échappait à la demande de permis de construire avait été édifié, ledit certificat n'aurait pu être donné ; - qu'il résulte d'un état des réclamation daté du 1er mars 1993 déposé chez Me LEQUES qu'à cette époque les époux X... étaient encore propriétaires et que le mur était tout au plus en cours de finition ; - qu'il résulte d'une attestation d'un copropriétaire que si le mur était déjà en place lorsqu'il avait acheté l'appartement le 20 janvier 1992 il n'était pas fini et ne l'avait été que fin 1992. * * * Par conclusions du 26 août 2004, les époux X... produisent une attestation de monsieur A..., auteur du certificat de conformité du 21 août 1991, qui affirme que le mur existait bien au moment de la réception de l'immeuble. * * *Par écritures du 9 septembre 2004, le syndicat fait valoir qu'en l'absence de toute réception de ce mur le régime de la responsabilité décennale ne joue pas et que seule la prescription contractuelle de droit commun de 30 ans joue. * * *A l'audience du 7 octobre 2004, l'affaire a été plaidée. La Cour a invité les parties à produire le procès verbal de réception des parties communes dont le mur litigieux.La Cour a invité les parties à produire le procès verbal de réception des parties communes dont le mur litigieux. * * * Par transmission reçue le 19 octobre 2004, le syndicat a fait savoir qu'un tel procès verbal n'existait pas et que le seul document existant était le certificat de conformité du service de l'équipement. * * * Par un arrêt du 25 novembre 2004, la Cour a relevé que l'absence de réception d'un ouvrage exclut l'application de la garantie décennale mais qu'en l'état des pièces produites se posait la question de savoir si le mur litigieux a fait l'objet d'une réception et quelles conséquences doivent en être
tirées (cf.Cas.Civ.3ème 12.12.2001) ; * * * Pour le respect de la contradiction, la réouverture des débats a été ordonnée en invitant les parties à conclure sur la réception du mur litigieux et les conséquences d'un éventuel défaut de réception. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 10 mars 2005. * * * Par conclusions du 18 février 2005, les époux X... soutiennent que le mur était construit en 1991 et cette date est avérée au regard des termes même de l'assignation en référé introduite par la SARL MOANA IMMOBILIER ("mur de soutènement qui avait été édifié lors de la vente"). Ils ajoutent que les photos en annexe du rapport d'expertise montrent la présence des fourreaux des câbles électriques qui traversent le mur, fourreaux qui ont été vérifiés nécessairement par le COTSUEL en 1991 pour délivrer l'attestation de conformité. Ils font état de l'attestation de monsieur A..., retraité de la Province Sud, qui est l'auteur du certificat de conformité délivré le 21 août 1991 qui inclut le mur devant l'immeuble, et de l'attestation de monsieur B..., copropriétaire, qui précise que le mur existait lorsqu'il a acheté en 1991. Sur la réception, ils estiment que celle-ci est non équivoque en raison du certificat de conformité enregistré le 29 octobre 1991 qui doit valoir procès-verbal de réception des parties communes. Subsidiairement, ils considèrent qu'il y a eu réception tacite du mur par la prise de possession de l'immeuble sans réserve bien avant le 02 avril 1992. Ils en concluent que l'action du syndicat des copropriétaires est prescrite et que le jugement doit être confirmé. Sur la responsabilité contractuelle de droit commun, les époux X... s'opposent aux arguments développés par le syndicat des copropriétaires car ils n'en sont pas contractuellement liés avec ce dernier. * * * Par conclusions du 08 mars 2004, le syndicat de la copropriété conteste que le mur ait été construit et achevé en 1991 en faisant observer que le règlement de propriété du 24 octobre 1991
ne mentionne pas le mur en cause parmi les parties communes. Il ajoute qu'il n'y a eu aucune réception formelle ou tacite et que les époux X... sont tenus de réparer sur le fondement de la responsabilité de droit commun, l'action des maîtres de l'ouvrage étant transmise à la copropriété. L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 octobre 2005. MOTIFS DE LA DÉCISION Il est constant que les époux X... ont fait procéder à un morcellement de leur terrain puis fait construire un immeuble d'habitation qu'ils ont vendu par appartements à différents propriétaires qui ont été constitués en syndicat de copropriétaires de l'immeuble MAHANA par un acte notarié du 24 octobre 1991 établi à la requête des époux X.... Il est également constant que le mur de soutènement litigieux est devenu la propriété du syndicat de copropriété et constitue une partie commune de cette copropriété. Par ailleurs, il n'est pas contesté que ce mur a été conçu et réalisé par monsieur X..., entrepreneur, qui a surveillé et coordonné les travaux. Il ne résulte d'aucunes pièces produites aux débats que le mur de soutènement litigieux ait fait l'objet d'une réception formelle ou tacite. Ainsi, s'il était considéré que le mur existait à la date du 21 août 1991, date du certificat de conformité, comme l'indique l'auteur de ce certificat, ce document ne fait aucunement référence à ce mur qui n'a pas fait l'objet de permis de construire. Aucune réception formelle n'est démontrée et si le mur s'est trouvé intégré dans les parties communes de la copropriété qui en a pris possession, cette prise de
possession nest pas à elle seule suffisante pour qu'il soit considéré qu'il y a eu réception tacite. Faute de réception, la garantie décennale ne peut être mise en oeuvre à l'encontre des époux X... Z... locateurs d'ouvrage peuvent toutefois voir mettre en cause leur responsabilité sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, le délai d'action étant de 30 ans. Le syndicat des copropriétaires, constitué par les époux X..., est bien fondé à invoquer cette responsabilité contractuelle de droit commun, les actions reposant sur ce fondement se transmettant aux ayants-droits du maître de l'ouvrage en même temps que la propriété elle-même. Il revient au constructeur, promoteur, de livrer des locaux et des équipements exempts de vice. Il n'est pas contestable à la lumière des conclusions de l'expert judiciaire que le mur litigieux, qui est bien un mur de soutènement contrairement à ce que prétendent les époux X... a été édifié sans étude technique préalable, sans ancrage suffisant des fondations sous dimensionnées, en maçonnerie et non en béton armé, qu'il ne peut supporter les poussées du terrain et qu'il doit être démoli et reconstruit suivant les règles de l'art pour un coût estimé à 2.790.000 FCFP en décembre 2001. Z... conclusions expertales qui résultent d'un examen technique très détaillé après analyse des dires des parties ne peuvent être sérieusement contestées. Il en résulte que la demande du syndicat de copropriété tendant à la condamnation des époux X... à payer la somme de 2.790.000 FCFP est bien fondée, outre les intérêts légaux à compter de la requête introductive d'instance. La demande en dommages et intérêts pour résistance abusive formée par le syndicat de copropriété sera déclarée non fondée. Par contre, au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, il est équitable de lui allouer la somme de 250.000 FCFP . Z... époux X... qui succombent supporteront les entiers dépens. PAR CES MOTIFS
LA COUR, STATUANT par arrêt contradictoire déposé au greffe ; INFIRME le jugement entrepris ; CONDAMNE solidairement monsieur Marie Noùl X... et madame Jeanne Y... épouse X... à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble MAHANA la somme de DEUX MILLIONS SEPT CENT QUATRE VINGT DIX MILLE (2.790.000) FCFP avec intérêts de droit à compter de la requête introductive d'instance le 02 avril 2002, outre celle de DEUX CENT CINQUANTE MILLE (250.000) FCFP au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ; Z... CONDAMNE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de la SELARL d'avocats PELLETIER-FISSELIER-CASIES, sur son affirmation de droit ; REJETTE comme inutile ou non fondées toutes autres demandes. ET signé par Gérard FEY, Président, et par Mickaela NIUMELE, Greffier présent lors de la remise du dossier avec l'arrêt au greffe.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT