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10/04/2013 | FRANCE | N°11/426

France | France, Cour d'appel de Nouméa, 10 avril 2013, 11/426


COUR D'APPEL DE NOUMÉA
7
Arrêt du 10 Avril 2013


Chambre sociale




Numéro R. G. :
11/ 426




Décision déférée à la cour :
rendue le : 26 Juillet 2011
par le : Tribunal du travail de NOUMEA


Saisine de la cour : 19 Août 2011






PARTIES DEVANT LA COUR


APPELANTE


LA SARL AMD TP, prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est sis 30 route de la Baie des Dames-Immeuble LE CENTRE-DUCOS-98800 NOUMEA


représentée par la SELAR

L JURISCAL


INTIMÉE


Melle Heidi X...

née le 11 Septembre 1982 à NOUMEA (98800)
demeurant ...



représentée par la SELARL AGUILA-MORESCO








COMPOSITION DE LA COU...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA
7
Arrêt du 10 Avril 2013

Chambre sociale

Numéro R. G. :
11/ 426

Décision déférée à la cour :
rendue le : 26 Juillet 2011
par le : Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la cour : 19 Août 2011

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SARL AMD TP, prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est sis 30 route de la Baie des Dames-Immeuble LE CENTRE-DUCOS-98800 NOUMEA

représentée par la SELARL JURISCAL

INTIMÉE

Melle Heidi X...

née le 11 Septembre 1982 à NOUMEA (98800)
demeurant ...

représentée par la SELARL AGUILA-MORESCO

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Février 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Christian MESIERE, Conseiller, président,
Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,
Régis LAFARGUE, Conseiller,
qui en ont délibéré,

Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Mikaela NIUMELE

ARRÊT : contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Christian MESIERE, président, et par Stephan GENTILIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le 29 juin 2006, Heidi X... a été embauchée en qualité de conductrice d'engins par la société AMD TP.

Aux termes du dernier avenant sa rémunération était fixée à 202. 800 FCFP.

Le 26 août 2009, elle adressait à son employeur une lettre par laquelle elle notifiait qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat du fait du comportement de celui ci.

Elle lui reprochait d'être harcelée et notamment :

- d'être sanctionnée pour le moindre geste,
- d'être renvoyée chez elle systématiquement depuis un mois et de n'être plus payée au motif qu'il n'y avait plus de travail pour elle,

Elle indiquait que ces faits étaient consécutifs au refus qu'elle avait opposé aux avances du gérant malgré ses " lettres enflammées " et l'argent qu'il avait déposé sur son compte.

Par courrier en date du 17 septembre 2009, la société AMD TP lui adressait un courrier lui reprochant d'avoir conduit le premier septembre un camion d'une société concurrente et lui notifiait qu'il considérait qu'elle avait donc démissionné.

Par requête introductive d'instance enregistrée le 9 mars 2010, Heidi X... faisait convoquer devant le tribunal du travail, la société AMD TP aux fins suivantes :

- dire et juger que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

-condamner la défenderesse à payer au titre des dommages et intérêts découlant du licenciement :
* 2. 237. 808 FCFP pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2. 000. 000 FCFP pour préjudice distinct.

- condamner la défenderesse à régler au titre des créances salariales :
* 372. 384 FCFP au titre du préavis,
* 353. 966 FCFP pour les salaires du mois de juillet et août.

- ordonner l'exécution provisoire.

- condamner la défenderesse à lui payer la somme de 150. 000 FCFP sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

La SARL AMD concluait au débouté de la salariée et sollicitait l'octroi de la somme de 100. 000 FCFP application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

Par jugement en date du 26 juillet 2011 auquel il est fait expressément référence pour les moyens des parties, le tribunal du travail a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société SARL AMD TP à payer à Heidi X... les sommes suivantes

*353. 966 FCFP au titre des salaires impayés ;
* 372. 384 FCFP au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
* 1. 400. 000 FCFP à titre des dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 200. 000 FCFP en réparation du préjudice distinct ;

- fixé à la somme de 186. 184 FCFP la moyenne des trois derniers salaires ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision s'agissant des créances indemnitaires et à compter de la demande s'agissant des créances salariales ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit dans les conditions prévues par l'article 886-2 du code de procédure Civile de Nouvelle-Calédonie ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur de 50 % des sommes octroyées à titre de dommages-intérêts ;

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête en date du 19 août 2011, la société AMD TP a régulièrement interjeté appel de la décision qui lui a été notifiée le 1er août 2011.

En son mémoire ampliatif du 21 novembre 2011 et ses conclusions du 26 juin 2012, elle demande après infirmation du jugement déféré de débouter Heidi X... et de la condamner à lui payer la somme de 200. 000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

Elle expose pour l'essentiel :

- que Heidi X... a tout au long de l'exécution de son contrat de travail eu des incidents,
- que c'est ainsi qu'elle n'a pas respecté les consignes de l'entreprise en 2007, ce qui a fait l'objet d'un avertissement,
- qu'ensuite à trois reprises elle a endommagé le matériel,
- que le 1er juin 2009, elle s'est octroyée un jour de repos sans autorisation,
qu'elle a donc fait l'objet d'un nouvel avertissement et d'une mise à pied,
- qu'à la suite de cette sanction, elle a demandé un entretien durant lequel elle était assistée par le syndicat SOENC lequel n'a pas donné suite,
- que, forte de ce soutien, elle a engagé une procédure devant le tribunal du travail et alors qu'elle avait démissionné, elle a prétendu avoir pris acte de la rupture et a demandé que cette prise d'acte soit qualifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs suivants :
* elle avait fait l'objet d'un harcèlement sexuel du gérant de la société et que celui-ci devant son refus n'avait eu de cesse de la sanctionner,
* l'employeur ne lui avait plus fourni de travail et ne l'avait plus payé.

Elle considère que le harcèlement n'est étayé par aucune pièce en ce que :

- les messages prétendument adressés par le gérant ont été constitués par elle,
- qu'il n'a jamais exercé une quelconque pression morale ou sexuelle,
- les sommes qui ont été versées constituaient des prêts comme elle avait l'habitude d'en consentir à ses employés qu'elle soutient de façon inconditionnelle,
- s'agissant des frais d'orthodontie, elle les a acquittés précisément parce que la salariée lui avait mentionné qu'elle ne pouvait pas y faire face,
- s'il agissait de dons, une question demeure est celle de savoir pourquoi la salariée ne les avait pas refusés.

Elle fait ensuite valoir que les deux avertissements et la mise à pied étaient parfaitement justifiés et observe sur ce point qu'ils n'ont jamais été contestés.

Elle soutient que la salariée ne s'est plus présentée à son poste à compter de juillet 2009 alors qu'elle avait manifestement trouvé du travail dans une autre société ; qu'elle n'établit pas qu'elle n'avait pas trouvé du travail. Elle observe sur la non-fourniture de travail qu'Heidi X... n'est jamais venue avec un témoin ou un huissier pour se constituer une preuve.

Par conclusions des 12 mars et 23 juillet 2012, Heidi X... conclut à la confirmation du jugement déféré à l'exception du quantum des indemnités qui lui ont été octroyées à titre de dommages-intérêts pour lequel elle forme appel incident.

Elle demande la condamnation de l'appelant à lui payer les sommes suivantes :

-2. 237. 808 FCFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 26 août 2009,
-2. 000. 000 FCFP à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral distinct,
-200. 000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

Elle considère que le harcèlement dont elle a fait l'objet est caractérisé :

- par les lettres qu'elle a reçues,
- les sommes que le gérant lui a versées sur son compte,
- par les sanctions disproportionnées dont elle a fait l'objet,
- par la non-fourniture de travail et l'absence de salaire en juillet et août 2009 qui l'a mise dans une situation extrêmement difficile.

Elle observe que sur ce dernier point, elle n'a fait l'objet d'aucune sanction et la société AMD TP ne rapporte pas la preuve d'un abandon de poste. Elle considère que ces deux faits justifient à eux seuls la prise d'acte de la rupture.

Sur les demandes indemnitaires, elle soutient s'agissant de :

- l'indemnité sollicitée à hauteur de 2. 237. 808 FCFP pour licenciement illégitime que l'employeur a fait un usage abusif de son pouvoir disciplinaire pour pouvoir obtenir des faveurs de nature sexuelle ; que ces faits ont été de plus aggravés par " sa mise au placard " sans salaire, qu'ils justifient le quantum de l'indemnité sollicitée à ce titre,
- l'indemnité sollicitée pour le préjudice moral à hauteur de 2. 000. 000 FCFP, qu'elle s'est trouvée sans une situation délicate puisque la co-gérante de la société est l'épouse de M. Z... et qu'elle se sent trahie alors qu'elle a toujours fait preuve de loyauté et de professionnalisme.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la rupture du contrat de travail

La prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause et réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.

Il est constant que c'est au salarié et à lui seul qu'il incombe d'établir les faits allégués justifiant la prise d'acte ; s'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de la prise d'acte, celle-ci produit l'effet d'une démission.

En l'espèce, la salariée invoque notamment deux manquements, à savoir l'absence de fourniture de travail et le non-paiement de salaire qui sont suffisants à requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin de se prononcer dans le cadre de la rupture sur les faits de harcèlement moral et sexuel qui viennent également au soutien de la prise d'acte.

Ces deux obligations sont en effet essentielles. Elles pèsent sur l'employeur qui doit fournir le travail convenu moyennant un salaire déterminé avec le salarié. Il sera rappelé à cet égard que si le salaire est la contrepartie du travail, il n'en reste pas moins que l'employeur ne peut s'exonérer de son obligation de paiement que lorsqu'il se trouve dans l'incapacité de fournir le travail (cass soc du 15 juillet 1998). Il appartient donc à celui-ci de démonter qu'il a exécuté ces obligations. De surcroît, l'employeur ne peut opposer au salarié dans le cadre de la prise d'acte son refus de travailler alors qu'il lui appartenait dans une telle hypothèse de mettre en oeuvre une procédure de licenciement. Ce comportement n'est pas assimilable à une volonté non équivoque de démissionner (cass soc 23 octobre 1991).

En l'espèce, il est établi par Heidi X... que les salaires des mois de juillet et d'août n'ont pas été versés. Par ailleurs, l'employeur qui reproche à la salariée de n'être pas venu travailler, n'a pas procédé à son licenciement avant la prise d'acte de celle-ci.

S'agissant du harcèlement moral et sexuel invoqué, selon la jurisprudence antérieure à la loi de pays No 2011-5 du 17 octobre 2011 (et applicable à l'espèce les faits s'étant déroulés antérieurement), il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La salariée, pour rapporter la preuve des harcèlements, invoque des courriels qui auraient été envoyés par l'employeur, des avertissements et des sanctions non justifiées ainsi que des sommes versées par l'appelant.

Il sera relevé en ce qui concerne :

- les mails ou qualifiés comme tels dans les premières écritures, qu'Heidi X... produit aux débats trois lettres dactylographiées non signées et non datées,
- que les sommes d'argent qualifiées de dons par l'appelante et consistant en deux chèques d'un montant de 100. 000 FCFP et de 400. 000 FCFP émis auprès de la SGCB par Alain Z..., et non par la société, ont été déposés directement sur le compte de la salariée ; qu'en effet, lorsque l'on procède à une analyse comparative des signatures sur les formulaires de dépôt avec celle de Heidi X..., il ne fait aucun doute qu'il ne s'agit pas de la sienne,
- le paiement des honoraires d'orthodontie à hauteur de 50. 000 FCFP a été effectué par M. Z....

En conséquence, ces correspondances corroborées par la remise de fonds suffisent à présumer les harcèlements invoqués sans qu'il soit besoin de statuer sur les sanctions prononcées par l'employeur.

L'employeur soutient qu'il avait pour habitude d'aider ses salariés. Il verse pour ce faire deux attestations. Il est constant que deux employés de la société attestent que l'employeur leur avait prêté de l'argent ¿'sans reconnaissance de dettes " et lui avoir remboursé la totalité des emprunts. Cependant, outre que ces attestations ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, messieurs A... et B... ne précisent pas les modalités de remboursement retenues et pour le premier, le montant des " avances ". Par ailleurs, ces photocopies ne sont accompagnées d'aucune pièce d'identité, ni d'aucun autre justificatif, de sorte que la cour ne peut procéder aux vérifications d'usage. Elles seront donc rejetées.

Par ailleurs aucune retenue n'a été effectuée sur le salaire de Heidi X... et les sommes de 100. 000 FCFP et de 50. 000 FCFP ne sont pas déduites du solde de tout compte produit aux débats.

Enfin, les sommes prêtées apparaissent très importantes au regard du salaire versé et dès lors difficilement remboursables pour une salariée qui ne parvient pas à acquitter des frais dentaires à hauteur de 50. 000 FCFP.

Il s'ensuit que les éléments de preuves fournis par l'employeur sont insuffisants pour démontrer que le harcèlement présumé n'est pas établi.

C'est donc justement que les premiers juges ont considéré que la démission devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes en paiement :

Les condamnations prononcées au titre des rappels de salaires et du préavis exactement calculées par les premiers juges par des motifs que la cour adopte seront confirmées.

Heidi X... avait une ancienneté d'un peu plus de trois ans au moment de son licenciement, son dernier salaire s'élevait à la somme de 202. 800 FCFP. Par conséquent, le montant de l'indemnité fixée par le tribunal au regard de son ancienneté doit être également confirmé.

Enfin, les premiers juges ont exactement évalué le montant de l'indemnité allouée au titre du préjudice distinct au regard des souffrances endurées résultant du harcèlement subi par cette jeune salariée de 27 ans.

Il résulte de ces motivations que la décision doit être confirmée en toutes ses dispositions

Sur les frais irrépitibles

L'équité commande d'accorder à Heidi X... la somme de 200. 000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, la décision étant par ailleurs confirmée de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire déposé au greffe :

Déclare les appels recevables ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne la société AMDTP à payer à Heidi X... la somme de DEUX CENT MILLE (200. 000) FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Numéro d'arrêt : 11/426
Date de la décision : 10/04/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-10;11.426 ?
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