COUR D'APPEL DE NOUMÉA
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Arrêt du 15 Mai 2014
Chambre Civile
Numéro R. G. : 10/ 469
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Juillet 2010 par le Tribunal de première instance de NOUMEA Section détachée de KONE (RG no : 08/ 213)
Saisine de la cour : 27 Août 2010
APPELANTS
M. Marcel X... né le 07 Janvier 1958 à KOUMAC (98850)
... 98800- NOUMEA
Représenté par Me Virginie BOITEAU de la SELARL BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA
Mme Sylvie X... née le 24 Octobre 1963 à KOUMAC (98850)
... 98800- NOUMEA
Représentée par Me Virginie BOITEAU de la SELARL BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉE
Mme Marthe Y... née le 21 Septembre 1960 à POUM (98826)
... 98800- NOUMEA
Représentée par Me Anne-Laure DUMONS de la SELARL DUMONS & ASSOCIES, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Avril 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président, M. Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
M. Christian MESIERE, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Christian MESIERE.
Greffier lors des débats : M. Stéphan GENTILIN
ARRÊT :
- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Christian MESIERE en remplacement de M. Yves ROLLAND, président empêché et par M. Stéphan GENTILIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
LA PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE ET D'APPEL :
Le 13 décembre 1991 a été créée l'Eurl. KOUMADIS au capital initial de 400 000 FCFP, avec comme associée unique Mme Marthe Y... qui en était la gérante.
Le 18 mars 1992, l'eurl. KOUMADIS a fait l'acquisition d'un fonds de commerce à l'enseigne " Chez Nino-Toto ", situé à KOUMAC, moyennant le prix de 9 000 000 FCFP.
Le 1er septembre 1992, Mme Marthe Y..., qui venait d'accoucher, a signé un mandat général de gestion au profit de M. Marcel X..., son concubin.
Le même jour, l'assemblée générale a décidé de nommer deux nouveaux gérants, en la personne de M. Marcel X... et de sa soeur, Mme Sylvie X....
Le 02 septembre 1992, sous couvert de son mandat général de gestion, M. Marcel X... a organisé la cession des parts sociales détenues par Mme Marthe Y... dans l'Eurl. KOUMADIS, soit la moitié à son profit et l'autre moitié au profit de Mme Sylvie X....
Le 02 décembre 1996, M. Marcel X... et Mme Sylvie X... ont procédé à une augmentation de capital de 600 000 FCFP par émission de 150 parts nouvelles à laquelle ils ont souscrit à parts égales.
Au début de l'année 2007, M. Marcel X... et Mme Sylvie X... ont cédé l'entreprise KOUMADIS aux époux Michel et Nathalie Z....
Par un jugement rendu le 27 juillet 2010, le Tribunal de Première Instance de NOUMEA, Section Détachée de KONE, a :
- déclaré irrecevable l'action intentée par Mme Marthe Y... en nullité de la cession de parts intervenue entre M. Marcel X... et Mme Sylvie X... (consorts X...) et les époux Z...,
- déclaré recevable l'action intentée par Mme Marthe Y..., en nullité de la cession de parts sociales de l'Eurl KOUMADIS réalisée par et pour les consorts X...,
- prononcé la nullité de ladite cession,
- dit que les parts nouvelles créées le 02 décembre 1996 étaient la propriété de Mme Marthe Y... depuis leur libération et souscription,
- dit n'y avoir lieu à remboursement du montant de l'augmentation du capital social par Mme Marthe Y...,
- condamné solidairement les consorts X... à verser à Mme Marthe Y... la somme de 1 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts en application de l'article 1382 du Code civil,
- dit que les sommes dues produiront intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la requête introductive d'instance,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... à payer à Mme Marthe Y... la somme de 200 000 FCFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- débouté les époux Z... du surplus de leurs demandes,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- condamné solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... aux dépens.
Devant le premier juge, Mme Marthe Y... avait présenté deux demandes d'indemnisation :
1) la condamnation des consorts X... à lui payer la somme de 1 000 000 FCFP en réparation de son préjudice moral,
2) la condamnation des consorts X... à lui reverser la totalité du prix de vente de 2007 avec les produits financiers y attachés dans l'attente de la détermination précise de son préjudice par expertise.
Le Tribunal a fait droit à la première demande mais a omis de statuer sur la seconde.
Par un arrêt rendu le 26 avril 2012 auquel il est renvoyé pour l'exposé de l'objet du litige, le rappel des faits et de la procédure, les prétentions et les moyens des parties, la Cour d'appel de NOUMEA, statuant sur l'appel formé le 27 août 2010 par les consorts X..., a :
* dit les appels recevables,
* mis hors de cause les époux Z...,
* condamné solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... à payer aux époux Z... la somme de 150 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
* débouté les époux Z... de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif
* confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action en nullité de la cession des parts sociales de l'Eurl KOUMADIS en date du 02 septembre 1992 et a prononcé la nullité des actes de cession avec toutes conséquences de droit,
* confirmé ledit jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... à verser à Mme Marthe Y... la somme de 1 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
* infirmé le jugement sur les demandes au titre de l'augmentation du capital et la création des parts nouvelles en date du 02 décembre 1996,
* prononcé l'annulation de l'augmentation du capital et de la création des 150 parts sociales nouvelles en date du 02 décembre 1996,
* débouté Mme Marthe Y... de sa demande tendant à se voir déclarer propriétaire de ces parts depuis leur libération et souscription,
* débouté M. Marcel X... et Mme Sylvie X... de leur demande tendant à obtenir le remboursement de la valeur de ces parts,
Vu l'omission de statuer sur l'indemnisation du préjudice financier, la Cour a :
Avant dire droit :
* ordonné une expertise financière et désigné pour y procéder M. A... Thierry expert comptable,...
BP 2232 ¿ 98846- NOUMEA, avec pour mission :
- après avoir convoqué les parties et leur conseil par lettre recommandée avec avis de réception,
- se faire remettre tous documents financiers jugés utiles et notamment tous les bilans établis entre 1991 et 2007, détenus tant par les parties que par les tiers, organismes ou administrations qui ont pu intervenir, aux fins :
- de déterminer la valeur économique réelle de l'Eurl KOUMADIS d'une part à la date de la cession des parts le 02 septembre 1992, d'autre part à la date de la vente de la société intervenue en 2007, cette valeur étant actualisée à ce jour,
- de donner un avis chiffré sur tous autres éléments à prendre en considération pour déterminer le préjudice subi par Mme Marthe Y... du fait de la cession frauduleuse de ses parts ;
* fixé à 400 000 FCFP la somme que devra consigner Mme Marthe Y... au greffe de la Cour (service comptabilité) à titre de provision sur les frais et honoraires de l'expert avant le 31 mai 2012,
* désigné M. Jean-Michel STOLTZ, conseiller, pour remplacer, par simple ordonnance, l'expert empêché ou défaillant et pour assurer le suivi de la mesure d'expertise,
* réservé les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
L'expert a déposé son rapport le 23 mai 2003.
Ses conclusions sont les suivantes :
* estimation de la valeur économique réelle de l'Eurl. KOUMADIS à la date du 02 septembre 1992 : 9 400 000 FCFP,
* estimation de la valeur économique réelle de l'Eurl. KOUMADIS à la date du 31 mars 2007 : 240 757 076 FCFP,
* dividendes nets distribués en valeur historique : 37 736 250 FCFP,
* préjudice total en valeur historique : 278 493 326 FCFP,
* intérêts calculés au taux du Livret A : 49 274 875 FCFP,
* préjudice total actualisé à la date du 31 décembre 2012 : 327 768 201 FCFP,
* les comptes courants de Marcel X... et Sylvie X... au 31 mars 2007 s'élèvent respectivement à 42 810 471 FCFP et 10 896 419 FCFP,
* ces montants doivent être considérés comme des dettes de la société dues aux personnes concernées.
Par conclusions récapitulatives datées du 25 novembre 2013 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des prétentions et des moyens, M. Marcel X... et Mme Sylvie X... demandent à la Cour :
* de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir suite au pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt du 26 avril 2012,
* de déclarer irrecevables les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel par Mme Marthe Y...,
* en tout état de cause, de débouter Mme Marthe Y... de toutes ses demandes,
* de condamner Mme Marthe Y... à leur verser la somme de 400 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
à titre infiniment subsidiaire :
* de dire que le préjudice de Mme Marthe Y... doit être limité à 95 218 349 FCFP, après déduction des dépenses nécessaires et utiles engagées par eux pour la conservation des parts sociales de l'Eurl. KOUMADIS.
Ils font valoir pour l'essentiel :
- qu'en première instance, Mme Y... a demandé le versement de la totalité du prix de vente de la cession intervenue en 2007, avec les produits financiers y attachés,
- que le fondement juridique de sa demande était donc la restitution en valeur des parts sociales cédées dont le montant correspondait au prix de vente versé par les consorts Z...,
- qu'en cause d'appel, elle a modifié le fondement juridique de son action puisqu'elle sollicite désormais l'allocation de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- qu'en tout état de cause, le rapport d'expertise de M. A... est critiquable en de nombreux points,
- que Mme Y..., qui se fonde aujourd'hui sur la responsabilité délictuelle de M. Marcel X... et de sa soeur Mme Sylvie X... ne précise pas quelle faute peut être reprochée à chacun d'eux ni quelle perte de chance ou préjudice celle-ci déclare avoir subi,
- qu'en effet, elle se borne à rappeler que la cession a été annulée et qu'elle a perdu son seul bien propre,
- qu'elle savait parfaitement que la société qu'elle avait été amenée à créer s'inscrivait dans un contrat de " prête nom ",
- que la cession des parts sociales au profit de M. Marcel X... était programmée de longue date,
- qu'elle est donc bien en mal de démontrer la moindre faute des consorts X... ayant pu lui occasionner un quelconque préjudice,
- qu'en ce qui concerne la valeur économique de la société, il convient de rappeler qu'ils ont travaillé durant des années, de 05 heures du matin (avant ouverture du magasin à 05 heures 30) jusqu'à 21 heures (magasin fermé à 20 heures), et ce en continu, sept jours sur sept, y compris les jours fériés,
- que selon la jurisprudence, les restitutions consécutives à l'annulation d'une cession de droits sociaux ne peuvent porter sur les dividendes distribués,
- que la cession des parts sociales intervenue entre les consorts X... et les époux Z... a été négociée sur la base de 700 000 FCFP la part sociale, soit un prix de 175 000 000 FCFP,
- que la valeur de la société au 31 mars 2007 est donc bien loin de l'estimation faite par l'expert à hauteur de 240 757 076 FCFP,
- qu'enfin, l'expert reconnaît qu'ils ont fait des apports de fonds en mars 2005 pour permettre à la société d'effectuer des investissements, soit 28 000 000 FCFP en ce qui concerne M. Marcel X... et 5 000 000 FCFP en ce qui concerne Mme Sylvie X...,
- que ces sommes doivent venir en déduction des sommes allouées au préjudice prétendu de Mme Y....
Les ordonnances de clôture (15/ 01/ 2014) et de fixation de la date d'audience (03/ 04/ 2014) ont été rendues le 27 novembre 2013.
Par conclusions récapitulatives enregistrées le 15 janvier 2014 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des prétentions et des moyens, Mme Marthe Y... demande à la Cour :
* d'homologuer le rapport d'expertise du 22 mai 2013,
* de débouter les consorts X... de toutes leurs prétentions,
* de dire que la fin de non recevoir qu'ils soulèvent est dilatoire et dénuée de tout fondement juridique,
* de les condamner en conséquence à lui verser la somme de 1 FCFP symbolique,
* de dire que du fait de la nullité absolue des cessions de parts intervenues le 02 septembre 1992, avec toutes conséquences de droit, et à défaut de pouvoir exercer une action en revendication de l'Eurl. KOUMADIS par suite de la cession aux consorts Z... en mars 2007, la responsabilité délictuelle des consorts X... est engagée,
* de condamner solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... à réparer le préjudice matériel qu'elle a subi de ce fait,
* de condamner les consorts X... à lui payer la somme de 274 061 311 FCFP correspondant au préjudice tel que retenu par l'expert judiciaire,
* de condamner les consorts X... à lui payer la somme de 200 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris la provision pour expertise, avec distraction.
Elle fait valoir pour l'essentiel :
- que pour déterminer la valeur de l'Eurl. KOUMADIS en 2007, l'expert a pris en considération une rémunération de gestion au profit des consorts X... à hauteur de 400 000 FCFP par mois pour chacun d'eux à compter du 1er septembre 1993, avec indexation annuelle au taux forfaitaire de 3 % l'an, ainsi qu'une prime de fin d'exercice de 5 % du résultat net,
- que l'expert a évalué son préjudice financier à hauteur de 327 768 201 FCFP, soit après déduction des comptes courants des consorts X... pour un total de 53 706 890 FCFP, un résultat de 274 061 311 FCFP dont elle sollicite l'homologation,
- que la convention passée en fraude des droits du légitime propriétaire du bien engage la responsabilité délictuelle des vendeurs et ouvre droit à indemnisation,
- qu'il convient de souligner que le pré rapport a été communiqué aux parties le 07 février 2013, avec un délai de 21 jours pour présenter leurs dires, et que les consorts X... n'ont formulé aucune critique ni observation à l'expert,
- qu'en 2007, les consorts X... ont retiré un bénéfice certain de la vente, pour un prix situé entre 300 et 400 000 000 FCFP, en la spoliant de son seul bien propre,
- que M. X... a pris soin de placer une bonne partie de ce prix sur différents comptes (BNP KOUMAC, contrat d'assurance vie CARDIF, contrat d'assurance vie PRIVILEGE, contrat d'assurance vie BNP MONACO),
- qu'elle s'oppose à la demande de sursis à statuer présentée par les consorts X... qui cherchent à gagner du temps pour tenter de se rendre insolvables,
- qu'elle y oppose son droit de voir son affaire jugée dans un délai raisonnable,
- que c'est dans le même état d'esprit qu'après quatre années de procédure, les consorts X... ont engagé une action à l'encontre du Cabinet Juridique de madame B...(rédacteur de l'acte de cession des parts sociales) sachant pertinemment que ce dernier formerait une tierce-opposition à l'arrêt rendu par la Cour,
- que les consorts X... sont de mauvaise foi et instrumentalisent les procédures pour gagner du temps,
- que le dernier argument des consorts X... selon lequel la demande de réparation fondée sur la responsabilité délictuelle serait irrecevable s'inscrit dans cette même démarche,
- qu'en effet, dès sa requête introductive d'instance du 15 septembre 2008 (page 23), elle a invoqué, de manière distincte de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi, la responsabilité délictuelle des consorts X...,
- qu'en outre, le moyen fondé sur l'article1382 du Code civil a été présenté dans ses conclusions des 13 octobre 2011 (page 38) et 10 novembre 2011 (pages 38 et 39),
- qu'elle rappelle les termes des articles 565 et 566 du Code de procédure civile qui ont pour conséquence de rendre recevables ses moyens,
- que ce comportement sera sanctionné par l'allocation d'un franc symbolique sur le fondement de l'article 123 du Code de procédure civile,
- que les consorts X... tentent de refaire juger ce qui a déjà été constaté et décidé dans l'arrêt avant dire droit rendu le 26 avril 2012.
Par un courrier reçu le 15 janvier 2014, les consorts X... ont sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture au motif que leur conseil venait de recevoir les conclusions de Mme Y... par email du 14 janvier 2014 à 16 heures 14.
Par conclusions du 20 janvier 2014, le conseil des consorts X... a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture et le renvoi du dossier à la mise en état.
Par une décision rendue le 22 janvier 2014, le magistrat chargé de la mise en état de la procédure a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 27 novembre 2013 fixant le clôture au 14 janvier 2014 et a fixé la clôture de la procédure au 13 mars 2014, rappelant que l'affaire était fixée au 03 avril 2014.
Le 13 mars 2014, les consorts X... ont déposé des conclusions récapitulatives no 2 après dépôt du rapport d'expertise.
Le même jour, les consorts X... ont déposé un bordereau de communication de pièces no 16.
Par conclusions datées du 19 mars 2014, Mme Marthe Y... demande à la Cour de déclarer irrecevables les conclusions adverses en date du 13 mars 2014 ainsi que le bordereau déposé le même jour.
Elle sollicite le rejet des dites écritures " déposées en dernier jour " et qui développent des moyens nouveaux, juridiques et factuels, et des dites pièces, auxquelles elle ne peut répondre la date de clôture étant dépassée.
Elle soutient que la date de dépôt de ces écritures et leur contenu constituent une violation du contradictoire et des droits de la défense, au visa de l'article 15 du Code de procédure civile en ce qui concerne les conclusions et de l'article 135 du même code en ce qui concerne les pièces.
Par conclusions reçues le 02 avril 2014, les consorts X... sollicitent le rabat de l'ordonnance de clôture et le renvoi du dossier à la mise en état.
Ils font valoir que deux décisions en lien direct avec la présente affaire ont été rendues très récemment :
1) le 21 janvier 2014, la Cour d'appel de NOUMEA a rendu un arrêt par lequel la tierce-opposition du Cabinet Juridique DERRIEN-SAVOIE-BRIGHTON a été déclarée irrecevable, décision qui leur a été signifiée le 28 février 2014,
2) le 11 mars 2014, la Cour de Cassation a rendu un arrêt, signifié le 24 mars 2014,
et qu'ils n'ont pas eu le temps nécessaire pour tirer les conséquences juridiques de ces deux décisions.
Ils ajoutent que ces décisions constituent des éléments nouveaux de nature à influencer la solution du présent litige, ce qui constitue une cause grave au sens de l'article 784 du Code de procédure civile justifiant leur demande.
MOTIFS DE LA DECISION :
1) Sur la procédure :
a) sur les écritures et pièces déposées par les consorts X... le 13 mars 2014 :
Attendu que par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état de la procédure en date du 22 janvier 2014, la clôture de la procédure a été fixée à la date du 13 mars 2014, l'affaire étant fixée à l'audience du 03 avril 2014 ;
Que le jour de la clôture, soit le 13 mars 2014, les consorts X... ont déposé des conclusions récapitulatives no 2 ainsi qu'un bordereau de communication de pièces portant le no 16 ;
Que Mme Marthe Y... demande à la Cour de déclarer irrecevables ces conclusions " déposées en dernier jour " et ces pièces, au motif qu'elle se trouve dans l'impossibilité d'y répondre, la date de la clôture étant dépassée ;
Attendu qu'aux termes de l'article 15 du Code de procédure civile, les parties doivent faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les moyens de preuve qu'elle produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ;
Qu'aux termes de l'article 16 du même Code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ;
Qu'aux termes de l'article 135 du même Code, le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été déposées en temps utile ;
Qu'en l'espèce, il apparaît que les conclusions et pièces déposées par les consorts X... le 13 mars 2014, jour de la clôture de l'instruction de la procédure, ne respectent pas le principe du contradictoire, et à ce titre, doivent être déclarées irrecevables et écartées des débats ;
b) sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et de renvoi du dossier à la mise en état formée par les consorts X... :
Attendu qu'à l'appui de cette demande, les consorts X... font valoir que deux décisions liées à la présente affaire viennent d'être rendues, à savoir :
* un arrêt de la Cour d'appel de NOUMEA du 21 janvier 2014 qui a déclaré irrecevable la procédure de tierce-opposition engagée par le Cabinet Juridique DERRIEN-SAVOIE-BRIGHTON,
* un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 11 mars 2014,
lesquelles constituent des éléments nouveaux de nature à influencer la solution du présent litige, ce qui constitue une cause grave au sens de l'article 784 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'aux termes de l'article 784 du Code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ;
Qu'en premier lieu il convient de relever que les consorts X... n'expliquent nullement en quoi ces deux décisions seraient de nature à influencer la solution du présent litige ;
Qu'en effet, s'agissant de la première, la procédure de tierce-opposition a été déclarée irrecevable et s'agissant de la seconde, le pourvoi en cassation formé à l'encontre de l'arrêt rendu par cette Cour le 26 avril 2012, a été rejeté ;
Que ces éléments ne sauraient donc constituer une cause grave au sens de l'article 784 du Code de procédure civile ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de rabattre l'ordonnance de clôture et la demande sera donc rejetée ;
2) Sur la portée de l'arrêt rendu par la Cour le 26 avril 2012 :
Attendu qu'il convient de rappeler que cet arrêt a tranché tous les points du présent litige à l'exception d'un seul, à savoir l'indemnisation du préjudice financier subi par Mme Marthe Y... ;
Qu'en effet, sur ce point, la Cour a, avant dire droit, ordonné une expertise financière qu'elle a confiée à M. Thierry A..., expert comptable ;
Que par un arrêt rendu le 11 mars 2014, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation, a rejeté le pourvoi formé par M. Marcel X... et Mme Sylvie X..., à l'encontre de cette décision ;
Que dans ces conditions, les décisions portant sur les points de droit tranchés par la Cour dans son arrêt du 26 avril 2012 sont désormais définitives et, de ce fait ne peuvent plus faire débat ;
Que dès lors, un seul point du litige reste à trancher, l'indemnisation du préjudice financier subi par Mme Marthe Y... ;
3) Sur la réparation du préjudice financier subi par Mme Marthe Y... :
A) sur la recevabilité des demandes présentées par Mme Marthe Y... :
Attendu que les consorts X... concluent à l'irrecevabilité des demandes présentées par Mme Marthe Y... sur le fondement de la responsabilité délictuelle, au motif qu'elles seraient nouvelles en cause d'appel ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées et des débats que dans la requête introductive d'instance enregistrée le 15 septembre 2008, Mme Marthe Y... a invoqué la faute délictuelle commise par M. Marcel X... et Mme Sylvie X... à son encontre en ces termes :
* dans la mesure où la cession de parts sociales doit être déclarée nulle et non avenue, seule la responsabilité délictuelle des défendeurs doit être soulevée,
* en effet, en application de l'article 1382 du Code Civil l'attitude malhonnête des défendeurs doit être sanctionnée,
* en agissant de la sorte ils ont clairement engagé leur responsabilité délictuelle, fautive de surcroît, à l'égard de la demanderesse ;
Que dans cette même requête introductive d'instance, Mme Marthe Y... a sollicité la condamnation de M. Marcel X... et de Mme Sylvie X... à lui verser la somme de 1 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral, précisant que cette somme pourrait éventuellement compenser l'augmentation de capital réalisée en 1996 ;
Qu'en second lieu, Mme Marthe Y... a également sollicité la condamnation de M. Marcel X... et de Mme Sylvie X... à lui restituer l'entier prix de la vente intervenue en 2007, ainsi que les produits financiers y attachés ;
Que sur ce point, elle a demandé au Tribunal de faire injonction aux consorts X..., à défaut de production instantanée, de verser aux débats tous éléments permettant de déterminer le prix réel de cession des parts sociales de la société KOUMADIS, intervenue en 2007 ;
Qu'au cours de la procédure d'appel, Mme Marthe Y... a sollicité la condamnation des consorts X... à lui restituer par équivalent sous forme pécuniaire de ses parts sociales frauduleusement cédées par eux aux époux Z... en 2007 ;
Que faute de pouvoir obtenir des consorts X... les documents utiles permettant de déterminer le préjudice matériel résultant de la privation de ses droits sur la société KOUMADIS, Mme Marthe Y... a fini par solliciter la mise en oeuvre d'une expertise comptable aux fins de déterminer la valeur financière de la société KOUMADIS au jour de la vente intervenue en 2007 ;
Que la Cour a fait droit à cette demande d'expertise dans son arrêt rendu le 26 avril 2012 ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que depuis le début de la procédure, Mme Marthe Y... invoque la responsabilité délictuelle des consorts X..., fondée sur l'article 1382 du Code civil, visé dans chacun de ses jeux de conclusions, et sur le caractère frauduleux de la cession des parts sociales de la société KOUMADIS, intervenue en 2007 ;
Que le jugement du 27 juillet 2010 a déclaré irrecevable l'action en nullité de la cession de parts sociales intervenue en 2007 entre les consorts X... et les époux Z... ;
Que dans son arrêt du 26 avril 2012, la Cour, après avoir constaté qu'aucune demande n'était formée à l'encontre de ces derniers, les a déclarés hors de cause ;
Que dès lors, faute de pouvoir réintégrer ses droits dans la société KOUMADIS, Mme Marthe Y... est recevable à solliciter l'indemnisation de son préjudice financier que le fondement la responsabilité délictuelle des consorts X... ;
Qu'en tout état de cause, les demandes fondées sur l'article 1382 du Code civil ne sauraient être qualifiées de nouvelles en cause d'appel au regard des dispositions prévues par les articles 565 et 566 du Code de procédure civile, dans la mesure où elles s'inscrivent dans l'évolution du litige et s'adaptent aux décisions rendues par la Cour dans son arrêt du 26 avril 2012 ;
Qu'il convient en conséquence de rejeter la fin de non recevoir présentée par les consorts X... ;
B) sur l'indemnisation de Mme Marthe Y... :
Attendu qu'au mois de septembre 1992, Mme Marthe Y... a été dépouillée de ses droits au sein de la société KOUMADIS qu'elle avait créée l'année précédente par son compagnon M. Marcel X... ;
Qu'en effet, celui-ci a abusé du mandat général de gestion qu'elle lui avait confié à la suite de son accouchement ;
Que dans un premier temps il a convoqué une assemblée générale dont l'objet était de nommer deux nouveaux gérants, à savoir lui-même et sa soeur Mme Sylvie X... ;
Que dans un second temps il a cédé les parts sociales de ladite société aux deux nouveaux gérants, à savoir moitié pour lui-même et moitié pour sa soeur Mme Sylvie X... ;
Qu'en 2007, M. Marcel X... et Mme Sylvie X..., ont cédé les parts qu'ils détenaient frauduleusement dans la société KOUMADIS aux époux Michel et Nathalie Z... moyennant un prix de 175 000 000 FCFP ;
Que M. Marcel X... a donc bel et bien abusé de la confiance que Mme Marthe Y... avait placée en lui et ce, avec l'aide et la complicité de Mme Sylvie X... ;
Que cet abus, orchestré et planifié, constitue la faute qui fonde la responsabilité délictuelle des consorts X... au regard des dispositions de l'article 1382 du Code civil
Que dès lors, la responsabilité délictuelle des consorts X... est engagée et ceux-ci doivent procéder à la réparation du préjudice financier qui en est résulté pour Mme Marthe Y... ;
Que dans son arrêt avant dire droit du 26 avril 2012, la Cour a ordonné une expertise financière, confiée à M. Thierry A..., expert comptable, aux fins de déterminer la valeur économique réelle de la société KOUMADIS, d'une part à la date de la cession des parts sociales du 02 septembre 1992 et d'autre part, à la date de la vente de la société intervenue en 2007, avec actualisation, et de donner un avis chiffré sur tous autres éléments à prendre en considération pour déterminer le préjudice subi par Mme Marthe Y... du fait de la cession frauduleuse de ses parts sociales ;
Attendu que l'expert M. A... a adressé aux parties un pré-rapport, lequel n'a suscité aucune contestation de leur part ;
Que l'expert a déposé son rapport définitif le 23 mai 2003 ;
Qu'aux termes de ses travaux, ses conclusions sont les suivantes :
1) au 02 septembre 1992, date de la première cession des parts sociales, la valeur économique réelle de la société KOUMADIS est estimée à la somme de 9 400 000 FCFP,
2) au 31 mars 2007, date de la seconde cession des parts sociales, la valeur économique réelle de la société KOUMADIS est estimée à la somme de 240 757 076 FCFP,
3) Marcel X... et Sylvie X... ont perçu chacun 21 750 000 FCFP de dividendes bruts au titre des exercices clos entre 1997 et 2003, soit 18 868 125 FCFP nets après imposition, la somme de 37 736 250 FCFP représentant les dividendes nets distribués en valeur historique,
4) le préjudice total en valeur historique représente la somme de 278 493 326 FCFP (240 757 076 + 37 736 250),
5) les intérêts calculés sur la base du taux du Livret A représentent la somme de 49 274 875 FCFP,
6) le préjudice total actualisé à la date du 31 décembre 2012 représente la somme de 327 768 201 FCFP,
7) les comptes courants de Marcel X... et de Sylvie X... arrêtés au 31 mars 2007 s'élèvent respectivement à 42 810 471 FCFP et 10 896 419 FCFP, montants qui doivent être considérés comme des dettes de la société dues aux personnes concernées ;
Que les consorts X... contestent la prise en compte par l'expert des dividendes versés ;
Que sur ce point, c'est à juste titre que l'expert a relevé que du fait de l'annulation de la cession des parts sociales intervenue en 1992, les dividendes nets distribués doivent revenir à Mme Marthe Y... ;
Qu'en effet, ces dividendes n'appartiennent pas aux gérants de la société mais bien à la société elle-même ;
Qu'en outre, les consorts X... ne sauraient conserver ces dividendes au titre de la rémunération du travail qu'ils ont fourni, leur rémunération ayant déjà été prise en compte par l'expert, à savoir une rémunération de gestion de 400 000 FCFP par mois pour chacun d'eux à compter du 1er septembre 1993, avec indexation annuelle au taux forfaitaire de 3 % l'an, ainsi qu'une prime de fin d'exercice de 5 % du résultat net ;
Que les consorts X... contestent également le coefficient d'actualisation retenu par l'expert et sollicitent la prise en compte d'un autre coefficient basé sur l'indice des prix à la consommation des ménages, ceci sur la base d'un document établi par M. Marc C..., expert comptable auprès de la société FIDEC ;
Que force est de constater que cette pièce n'est pas contradictoire et qu'ils appartenaient aux consorts X... de formuler cette contestation dans le cadre des opérations de l'expertise confiée à M. A... ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'entériner les conclusions de l'expertise judiciaire ;
Qu'au vu de ces éléments, le préjudice financier subi par Mme Marthe Y... se présente comme suit :
* préjudice total actualisé au 31 décembre 2012 = 327 768 201 FCFP,
* déduction des comptes courants, soit 42 810 471 FCFP d'une part (Marcel X...) et 10 896 419 FCFP d'autre part (Sylvie X...), total = 53 706 890 FCFP,
* soit un solde de : 327 768 201 FCFP-53 706 890 FCFP = 274 061 311 FCFP ;
Qu'au vu des développements qui précèdent, la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer le montant de la réparation du préjudice subi par Mme Marthe Y... à la somme de 274 061 311 FCFP ;
Attendu qu'il convient en conséquence de condamner solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... à lui payer ladite somme, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice financier ;
4) Sur l'autre demande aux fins de dommages-intérêts :
Attendu que Mme Marthe Y... sollicite la condamnation des consorts X... à lui payer la somme de 1 FCFP à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 123 du Code de procédure civile, estimant que ceux-ci sont de mauvaise foi et que la fin de non recevoir présentée en cause d'appel est parfaitement dilatoire ;
Qu'aux termes de l'article 123 du Code de procédure civile, les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ;
Qu'en l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que les dernières demandes présentées par Mme Marthe Y... s'inscrivent dans le cadre de l'évolution du litige et notamment des réponses apportées par l'arrêt avant dire droit ;
Que dès lors, la fin de non recevoir opposée par les consorts X... s'inscrit dans le cadre de cette même évolution et ne pouvait donc être présentée antérieurement ;
Qu'enfin, l'usage d'un droit dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages-intérêts dès lors qu'il est établi que celui qui a fait usage de ce droit l'a fait de mauvaise foi, ou par une erreur telle qu'elle est assimilable à la mauvaise foi ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce et la demande sera donc rejetée ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
Vu l'arrêt rendu le 26 avril 2012 ;
Déclare irrecevables et écarte des débats les conclusions et pièces déposées par les consorts X... le 13 mars 2014 ;
Rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture présentée par les consorts X... ;
Rejette la fin de non recevoir présentée par les consorts X... ;
Entérine les conclusions du rapport d'expertise financière déposé le 23 mai 2013 par M. Thierry A..., expert comptable ;
Fixe le montant du préjudice financier subi par Mme Marthe Y... à la somme de 274 061 311 FCFP ;
Condamne en conséquence solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... à payer Mme Marthe Y... la somme de 274 061 311 FCFP, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice financier ;
Déboute Mme Marthe Y... de sa demande de dommages-intérêts pour procédure dilatoire ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires comme mal fondées ;
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... à payer Mme Marthe Y... la somme de 200 000 FCFP ;
Condamne solidairement M. Marcel X... et Mme Sylvie X... aux entiers dépens de la procédure d'appel, en ce compris les frais de l'expertise financière, avec distraction d'usage au profit de la Selarl. d'avocats DUMONS et Associés, sur ses offres de droit ;
Le greffier, Le président,