No de minute : 254
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 30 août 2021
Chambre civile
Numéro R.G. : No RG 19/00306 - No Portalis DBWF-V-B7D-QJJ
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 août 2019 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :18/1388)
Saisine de la cour : 13 septembre 2019
APPELANT
Mme [J] [N]
née le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 7] ([Localité 7]),
demeurant[Adresse 3]e - [Localité 5]
Représentée par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
CAISSE DE COMPENSATION DES PRESTATIONS FAMILIALES DES ACCIDENTS DE TRAVAIL DE LA NOUVELLE-CALEDONIE, dite CAFAT, représentée par son directeur en exercice,
Siège : [Adresse 2] - [Localité 6]
Représentée par Me Béatrice AUPLAT-GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 juillet 2021, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
M. Charles TELLIER, Conseiller,
Mme Nathalie BRUN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.
Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
M. [O], qui était inscrit au Ridet pour une activité de « vente et achat de véhicules automobiles (neufs et occasion) et était à ce titre affilié au régime unifié d'assurance maladie-maternité, a été victime d'un accident vasculaire cérébral le 21 octobre 2016 alors qu'il était en séjour au Vanuatu.
Il a été transféré par un avion de la société Air alizé en Nouvelle-Calédonie où il a été hospitalisé.
M. [O] est décédé le [Date décès 1] 2016.
Selon requête introductive d'instance déposée le 7 août 2017, Mme [N], affirmant que l'organisme social s'était engagé à prendre en charge le coût de l'évacuation sanitaire avant de se rétracter, a saisi le tribunal du travail de Nouméa en sollicitant la condamnation de la Cafat à lui payer la somme de 1.500.000 FCFP représentant les frais de l'évacuation.
Par jugement du 3 avril 2018, le tribunal du travail s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de première instance de Nouméa.
La Cafat a excipé du défaut d'intérêt et de qualité à agir de Mme [N].
Par jugement du 19 août 2019, le tribunal de première instance, observant que la demanderesse ne démontrait pas être l'épouse ou l'héritière de M. [O], a :
- déclaré irrecevable les demandes de Mme [N],
- condamné Mme [N] aux dépens.
PROCÉDURE D'APPEL
Selon requête déposée le 13 septembre 2019, Mme [N] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 4 juin 2021, Mme [N] demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris ;
- condamner la Cafat à lui payer la somme de 1.500.000 FCFP ;
- dire que cette somme sera majorée des intérêts légaux à compter de la notification de la requête introductive d'instance ;
- condamner la Cafat à payer la somme de 250.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de la selarl Juriscal.
Selon conclusions transmises le 27 novembre 2020, la Cafat prie la cour de :
à titre principal,
- déclarer irrecevables les demandes de Mme [N] ;
à titre subsidiaire,
- déclarer non fondées les demandes de Mme [N] ;
en conséquence,
- débouter Mme [N] de son appel ;
- condamner Mme [N] à payer à la Cafat la somme de 300.000 FCFP au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens, dont distraction au profit de la selarl Gillardin - Auplat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 juin 2021.
SUR CE, LA COUR,
Certes, Mme [N] qui n'est pas l'héritière de M. [O] n'a pas qualité pour réclamer à l'organisme social le paiement de prestations que celui-ci devrait à l'assuré social. En revanche, elle a intérêt et est en conséquence recevable à réclamer la réparation du préjudice qu'elle impute à la faute qu'aurait commise la Cafat dans la gestion du dossier de prise en charge des frais de rapatriement de M. [O].
Dans un mail du 16 décembre 2016, la responsable du service contentieux de la Cafat avait écrit à Mme [N] :
« Il (votre feu mari) reste redevable de la somme de 502.115 francs de cotisations, CCS et régularisation du 3ème trimestre 2011 au 4ème trimestre 2016.
Afin d'éviter d'avoir à payer les frais d'évasan, je vous invite soit à me régler cette somme
en une fois soit à me proposer un échéancier de paiement. »
Le 21 décembre 2016, un autre agent de la Cafat avait ajouté :
« Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, vous trouverez en pièce jointe le
récapitulatif de votre dette.
Afin de formaliser l'accord de paiement, il faudrait me fournir un ordre de virement
permanent de 11 mensualités de 50 000 francs, de décembre 2016 à octobre 2017, qui solderont :
- la dette principale (cotisations, CCS, régularisation), pour un montant de 502 115 francs
- les frais de justice, pour un montant de 16 648 francs
- les sanctions pour fourniture tardive des déclarations de ressources, pour un
montant de 25 000 francs
Soit la somme total de 543 763 francs.
Les majorations de retard feront l'objet d une demande de remise gracieuse à l'issue de
l'échéancier.
Je vous invite à prendre attache auprès du service des EVASAN une fois l'accord de paiement conclu. »
Mme [N] justifie avoir transféré à la Cafat les 21 et 22 décembre 2016 les sommes de 80.000 et 450.000 vatus vanuatais. 4.000 vatus ont été réglés à la banque au titre des frais.
Le 2 janvier 2017, Mme [N] était destinataire d'un nouveau courrier de la Cafat rédigé comme suit :
« Je vous présente tout d'abord mes condoléances pour le décès de votre conjoint, je prends le relais des échanges que vous avez eus avec la caisse au sujet des frais de rapatriement de Mr [O] [U].
Malheureusement, il ne s'agit pas d'une évacuation sanitaire de la Nouvelle-Calédonie vers la Métropole ou l'Australie.
Par conséquent, la CAFAT n'intervient pas dans la prise en charge des frais de rapatriement du corps du Vanuatu vers la Nouvelle-Calédonie.
Néanmoins, je mets en copie de mon message les assistantes sociales de la caisse qui pourront vous accompagner et vous aider pour effectuer les démarches pour une éventuelle prise en charge par le F.A.S.S.F, le Fonds d'Action Sanitaire et Sociale de la CAFAT. »
Dans des messages ultérieurs, la Cafat a confirmé son refus de prendre en charge les frais de rapatriement de M. [O].
Il résulte de ce rappel que l'organisme social avait subordonné la prise en charge des frais de transport aérien à la régularisation préalable des cotisations sociales arriérées que devait M. [O] mais que celui-ci a fait volte-face après avoir reçu deux règlements effectuées par Mme [N].
Mme [N], qui n'était pas débitrice à l'égard de la Cafat puisqu'elle n'était pas héritière de M. [O], est fondée à se plaindre d'avoir été trompée par la réponse erronée qui lui avait été donnée dans un premier temps et qui l'a conduite à verser à l'organisme social 530.000 vatus dans l'espoir d'obtenir le bénéfice de prestations sociales. La Cafat l'a reconnu en écrivant le 2 juin 2017 à Mme [N] : « La somme de 530.000 FCFP vous sera rétrocédée ».
Le préjudice occasionné par la réponse imprudente de la Cafat ne correspond pas à la valeur de la prestation qui n'a pas été servie mais au montant que Mme [N] a indûment réglé, soit 534.000 vatus. Le jugement sera infirmé et l'intimée condamnée à régler ce montant.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Condamne la Cafat à payer à Mme [N] la contre-valeur en FCFP au jour du paiement de la somme de 534.000 vatus vanuatais, avec intérêts taux légal à compter de ce jour ;
Condamne la Cafat à payer à Mme [N] la somme de 250.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la Cafat aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la selarl Juriscal.
Le greffier,Le président.