No de minute : 78/2022
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 03 Novembre 2022
Chambre commerciale
Numéro R.G. : No RG 20/00081 - No Portalis DBWF-V-B7E-RHS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2020 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG no :18/607)
Saisine de la cour : 07 Août 2020
APPELANT
S.A.R.L. REZO A L'ENSEIGNE ACTU.NC agissant poursuites et diligences de son gérant M. [P] [D],
Siège social : [Adresse 3]
Représentée par Me Gustave TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
Mme [U] [S]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Caroline DEBRUYNE de la SARL D'AVOCAT CAROLINE DEBRUYNE, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de M. Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative
principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par décision du 06 avril 2018, le président du tribunal de première instance de Nouméa a rendu une ordonnance d'injonction de payer no 18/115 condamnant la S.A.R.L. REZO, à l'enseigne ALCATRAZ dont l'activité est l'édition et la communication, à payer à Mme [U] [S], patentée, une somme de 1 234 120 XPF avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2018 au titre de commissions impayées. Il a toutefois rejeté la demande de paiement d'une somme de 2 770 919 XPF émanant de Mme [S] au titre de l'indemnité de fin de contrat.
Signifiée au débiteur par huissier en date du 4 octobre 2018, ce dernier a formé opposition le 09 octobre 2018.
La société REZO concluait devant le premier juge à la confirmation de son opposition et à la mise à néant de l'ordonnance déférée sollicitant que Mme [S], défenderesse à l'opposition mais demanderesse à l'injonction de payer, soit déboutée de toutes ses demandes. Elle contestait sur le fond les allégations de la demanderesse considérant qu'elle était à jour des commissions dues.
Mme [S] sollicitait en revanche confirmation de l'ordonnance d'injonction de payer ainsi que le paiement de 200 000 XPF au titre des frais irrépétibles et des entiers dépens de l'instance.
Par jugement en date du 12 juin 2020, signifiée le 21 juillet 2021, le tribunal mixte de commerce de Nouméa après avoir confirmé la recevabilité de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer déférée et mis à néant cette dernière, condamnait sur le fond la SARL REZO à l'enseigne ALCATRAZ à régler la somme de 1 234 120 XPF à Mme [S] outre 250 000 XPF au titre de l'article 700 CPCNC.
Par requête en date du 07 août 2020, la société REZO relevait appel de cette décision.
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PROCÉDURE D'APPEL
Dans son mémoire ampliatif et dernières écritures en date du 29 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus amples informations, l'appelante rappelle que le contrat qui la liait à Mme [S] était un contrat d'agent commercial. Il en résulte que les demandes de Mme [S] apparaissent sans fondement soit que les factures produites pour justifier du montant des commissions ont été rédigées « pour les besoins de la cause » puisqu'elle en ignorait jusqu'à l'existence soit que Mme [S] ne rapporte pas la preuve de l'exécution de sa mission alors que certaines commissions qui lui étaient dues au titre de son activité d'agent commercial avaient été traitées par d'autres commerciaux ou lui avaient été versées à tort s'agissant de publicités obtenues par démarchages ou d'encarts jamais parus et non facturés voire parus et non payés.
La société REZO faisait également valoir que c'est à tort que le premier juge avait écarté l'attestation de l'expert comptable [Z] faisant état d'un versement total de 1 960 059 XPF à Mme [S] pour 2016 et 2017 alors qu'elle produit une pièce no 9 dans laquelle elle réclame un total de 2770 919 XPF de commissions impayées incluant le paiement de 1 536 799 XPF supposant un trop perçu de 432 260 XPF.
La société indiquait avoir produit ses relevés bancaires attestant du règlement d'un total de 1 909 337 XPF entre le 05 juillet et le 29 décembre 2017 et contestait sur le fond certaines des prestations réclamées : ainsi de celles effectuées au bénéfice du groupe CFAO s'agissant de clients du directeur commercial de REZO M. [H] qui produisait une attestation en ce sens ou de 13 prestations listées (p. 12 et 13) des conclusions.
Elle soutenait que Mme [S] réclamait le paiement de commissions déjà réglées ou de commissions sur des ventes d'espaces publicitaires dans des revues pour lesquelles il était impossible de retrouver la publication.
En outre, elle rappelait que dès lors que Mme [S] était en charge du recouvrement, ses commissions n'étaient dues qu'après l'encaissement. Or à raison de sa négligence dans le suivi de ses dossiers, plusieurs prestations n'avaient jamais été réglées ou correspondaient à des montants erronés.
Enfin, au titre de ses missions de mai à novembre 2017, la société REZO relevait un trop perçu 201 889 XPF dont elle demandait restitution au titre de la répétition de l'indu (article 1376 du code civil) outre 400 000 XPF d'article 700.
Dans le dernier état de ses écritures en date du 29 août 2022, Mme [S] sollicitait la confirmation du jugement du tribunal de commerce et la condamnation de la société REZO à 500 000 XPF sur le fondement de l'article 700 CPCNC outre le paiement des dépens en ce inclus ceux relatifs à l'injonction de payer et à la mise en état.
À ces fins, elle exposait qu'en mai 2016, elle avait été engagée en qualité de patentée pour la vente d'espaces publicitaires, par la société REZO, dont l'activité est l'édition, les régies publicitaires, l'organisation d'évènements et la communication, et ce moyennant une rémunération de 30 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé. Elle précisait parallèlement avoir été embauchée en qualité de salariée par la société ACTU.NC, dont le gérant est le même que la société REZO en la personne de M. [P] [D], entreprise dont elle était licenciée par courrier en date du 07 novembre 2017 pour motif économique étant observé que dès le 10 novembre, la société avait publié une annonce au nom de REZO, pour recherche d'un responsable commercial.
Elle indiquait que malgré son travail pour REZO, qui faisait progresser le chiffre d'affaires, M. [D] n'avait cessé d'invoquer divers prétextes pour ne pas lui régler ses commissions à réception de plusieurs factures pour les mois de mai à décembre 2017 pour un montant de 1 234 120 XPF pour lesquelles le TMC avait confirmé l'ordonnance d'injonction du 06 avril 2018.
Elle alléguait que REZO avait tout fait pour tenter de faire échec à l'exécution provisoire des sommes arbitrées par le tribunal dans le cadre d'une saisie-arrêt diligentée dès le 23 juillet 2020 sur la validation de laquelle il avait été sursis à statuer (après 5 renvois) par ordonnance du 26 juillet 2021 rendue suite à un incident de mise en état à raison d'un règlement fort partiel des sommes dues, à l'origine d'une radiation du dossier prononcée le 19 mai 2021. Elle rappelait, également, pour mémoire, qu'une demande de suspension provisoire engagée avait d'ailleurs été rejetée dès le 17 septembre 2020.
Elle confirmait qu'au 29 janvier 2018, la société REZO lui restait redevable des factures de mai (157 050 XPF), juillet (470 629 XPF), août (574 032 XPF) septembre (332 386 XPF), octobre (32 250 XPF) et novembre 2017. Pour mémoire, par courrier à ladite société en date du 29 janvier 2018, Mme [S] lui avait notifié sa décision de tenir ces impayés comme la cause de la rupture de leur collaboration aux torts de cette dernière, ainsi qu'une mise en demeure de les régulariser.
Elle maintenait que ces factures correspondaient bien à des prestations de vente d'espaces publicitaires qu'elle avait réalisées pour le compte de REZO et dont elle produisait aux débats les justificatifs réfutant les propos de son contradicteur selon lequel les publicités facturées n'auraient pas fait l'objet de parution ou auraient été traitées par d'autres commerciaux.
En raison de la mauvaise volonté de la société REZO dans l'exécution de la décision de première instance dont atteste l'incident de mise en état, Mme [S] sollicite une somme de 400 000 XPF au titre des frais irrépétibles outre la condamnation aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de la société REZO formulé dans le délai légal est recevable
2 - Sur le fond
Il est constant que M. [D] a engagé Mme [S] en qualité d'agent commercial patenté au tarif expressément fixé par lui à "30 % du chiffre d'affaires net HT".
En revanche, Mme [S] verse aux débats, pour chacune des 6 factures dont elle réclame le paiement de mai à novembre 2017, les offres publicitaires s'y rapportant, avec mention de son nom en qualité d'intermédiaire, les extraits des magazines dans les annonces ainsi obtenues par la sus-nommée et plusieurs justificatifs de paiements réalisés par les annonceurs.
S'agissant de factures qui auraient été rédigées pour la circonstance, il sera simplement relevé qu'elles apparaissent dès le 29 janvier 2018 dans la mise en demeure adressée à la société REZO.
Quant à l'attestation de M. [H], il sera relevé à l'instar du premier juge que si ce dernier était bien salarié de la société REZO, il en était surtout le gérant (dont démission par courrier remis à M. [D] en date du 03 février 2017) ce qui peut laisser planer quelque doute sur la sincérité de son attestation.
Les attestations contestées de MM. [G] ([N]) et [V] (Usinage Conception Import) établissent simplement que Mme [S] a succédé à M. [H] et n'a pas usurpé son portefeuille client puisque ce dernier était démissionnaire confirmant ainsi qu'elle a succédé à M. [H] au titre des ventes et des facturations contestées pour REZO et non ACTU ainsi que précisé par les deux témoins.
Il ne résulte d'aucun des éléments contractuels versés aux débats pour asseoir la collaboration entre les parties, que le commissionnement de Mme [S] était conditionné au paiement du prix des annonces par les annonceurs, et moins encore que le recouvrement était à la charge de cette dernière.
Sur ce point la société REZO argue de ce qu'au sens de l'article 9 de la loi 91-593 du 25 juin 1991, la vente d'espace publicitaire au client résulte d'une part de l'intervention personnelle de l'agent et suppose d'autre part que le client ait payé la société mandante. Or la simple lecture de ce texte permet d'établir sans l'ombre d'un doute que la commission est exigible lorsque le mandant a exécuté la prestation ou lorsque le client a payé sa prestation. Mme [S] produit des éléments établissant que les publicités ont bien été effectuées, les commissions afférentes étaient donc bien exigibles.
Par ailleurs, elle justifie avec précision de l'ensemble de ses prestations en produisant les factures et les règlements afférents de mai à fin novembre 2017 ce dont attestent de plus fort les témoignages contestés de MM. [G] et [V]. Quant aux tableaux produits par la société REZO, elle les a réalisés elle-même.
La société REZO ne produit aucun élément de nature à contredire ces factures, bons de commande et publications en lien avec le travail de Mme [S] alors que lui incombe, comme débitrice des commissions, la charge de prouver qu'elles ont été payées. Ainsi que relevé par le premier juge, l'attestation de l'expert-comptable [Z] dont fait état la société REZO pour tenter de démontrer les paiements réalisés au profit de Mme [S] au titre de certaines des factures en litige, est établie sur la base exclusive de pièces comptables qui lui sont communiquées, sans que ce comptable soit en capacité d'en vérifier le bien fondé pour ce qui est de l'affectation desdits paiements et ne saurait constituer une preuve des paiements allégués.
Force est bien de constater qu'elle ne produit pas davantage le moindre élément objectif sur ce point, si bien que sa condamnation à payer à la demanderesse la somme requise, soit 1 234 120 XPF, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 janvier 2018 ; sera confirmée et qu'elle sera déboutée de l'ensemble de sa demande reconventionnelle au titre d'un paiement de somme indue.
3 -Sur l'exécution provisoire, les dépens et les frais irrépétibles
La dette de la société REZO envers Mme [S] est désormais ancienne : au regard de son opposition systématique à l'exécution provisoire du jugement déféré et succombant en toutes ses demandes, la société REZO supportera les dépens de l'instance et sera condamnée à régler une indemnité de 400 000 XPF en réparation des frais irrépétibles auxquels elle a contraint Mme [S].
Pour mémoire, l'exécution provisoire est de droit en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
DÉCLARE recevable l'appel entrepris par la société REZO ;
CONFIRME en toutes ses dispositions sur le fond le jugement du tribunal mixte de commerce en date du 12 juin 2020 et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société REZO à régler à Mme [S] une somme de 400 000 XPF au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du CPCNC,
CONDAMNE la société REZO succombant à la cause aux entiers dépens de l'instance
Le greffier, Le président.