No 743
RGo 45/OR/07
Grosse délivrée à
Me Abgrall
le
Expédition délivrée à
Me Tulasne
le
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 15 Novembre 2007
Monsieur Roger MONDONNEIX, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Monsieur Edwin X..., né le 26 juin 1952 à Fitii - Huahine, de nationalité française, demeurant quartier Vaininiore Arupa Papeete ;
Appelant par requête en date du 25 janvier 2007, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 25 janvier 2007, sous le numéro de rôle 07/00045, ensuite d'une ordonnance de référé no 06/00400 du Tribunal Civil de première instance de Papeete en date du 4 décembre 2006 ;
Représenté par Me TULASNE, avocat à Papeete et par Me Y..., avocat à Draguignan ;
d'une part ;
Et :
Monsieur René Z..., né le 2 octobre 1937 à Moorea, de nationalité française, demeurant à Afareaitu PK 8,700 côté mer, BP 8631 Temae - Moorea ;
Intimé ;
Représenté par Me ABGRALL, avocat à Papeete ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 18 octobre 2007, devant M. GAUSSEN, Président de chambre, Mme TEHEIURA, conseillère et M. MONDONNEIX, Conseiller, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant requête notifiée par acte d'huissier de justice en date du 4 octobre 2006, René Z... a fait assigner devant le juge des référés Edwin X... aux fins de voir ordonner, par application de l'article 432 du code de procédure civile, son expulsion des parcelles de terre cadastrées AE2 et AE 41 du lot numéro 2 de la terre TEHAO sise à AFAREAITU MOOREA.
Il exposait qu'il était propriétaire indivis de ces parcelles en vertu de différents actes notariés intervenus entre 1999 et 2001, que Edwin X... s'était installé sur ses terres au mois de mai 2006 sans aucun titre valable et qu'il avait édifié une clôture et entrepris des travaux de construction, sans préjudice de la destruction d'une vingtaine d'arbres.
C'est pourquoi, il demandait également de condamner le défendeur à remettre les lieux en état, le tout sous astreinte de 100 000 FCFP par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance.
Il demandait encore le paiement d'une indemnité de 500 000 FCFP à titre provisionnel en réparation du préjudice causé par la destruction des arbres.
Enfin, il sollicitait le paiement d'une somme de 150 000 FCFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.
Edwin X... répliquait que son père avait été institué légataire universel sur les parcelles litigieuses par un testament en date du 7 juin 1948, que ce testament avait été annulé par jugement en date du 25 juin 1951 mais qu'il n'en avait pas eu connaissance.
Aux termes de conclusions assez peu explicites prises au nom du royaume de Tahiti, il paraissait revendiquer la propriété sur les terres litigieuses pour s'opposer aux demandes formées à son encontre.
Par ordonnance en date du 4 décembre 2006, le juge des référés a ordonné l'expulsion de Edwin X... et celle de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique et condamné le défendeur à remettre les lieux en l'état, le tout sous astreinte de 50 000 FCFP par jour de retard après un délai d'un mois à compter de la signification de la décision.
Il condamnait également Edwin X... à payer à René Z... une provision de 100 000 FCFP à valoir sur le préjudice subi du fait de l'arrachage des arbres, outre une somme de 80 000 FCFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.
Edwin X... a interjeté appel de cette ordonnance par requête déposée au greffe de la cour d'appel le 25 janvier 2007.
Par acte en date du 31 janvier 2007, Edwin X... a fait assigner René Z... à l'audience du 8 mars 2007.
Aux termes de sa déclaration d'appel, Edwin X... expose que les terres litigieuses, sont des terres d'apanage qui doivent rester dans les famille des chefs, qu'elles ne peuvent faire l'objet de la moindre cession en application de la loi du 24 mars 1852 qui a été consacrée par le traité du 29 juin 1880 aux termes duquel la France s'est engagée à tenir compte des lois et coutumes tahitiennes et que ce partant les cessions intervenues en faveur de l'intimé sont irrégulières.
Il fait valoir ensuite qu'il occupe les terres litigieuses depuis 55 ans et qu'il peut utilement se prévaloir de l'usucapion.
C'est pourquoi, il conclut à l'existence de contestations sérieuses pour solliciter l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
Il demande également le paiement d'une somme de 300 000 FCFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 21 mars 2007, René Z... expose qu'il a acquis les droits indivis des consorts A... suivant actes notariés en date des 17 mars 1999, 31 août 1999, 26 janvier 2000 et 9 février 2001, que les consorts A... détenaient eux-mêmes leurs droits, ensuite de plusieurs transmissions successorales, de Teheiura TEUINATUA, que ce dernier avait bien établi un testament en faveur de Teheiura X... en date du 7 juin 1948 mais que ce testament avait été annulé par jugement du tribunal de première instance de PAPEETE en date du 25 mai 1951 devenu définitif.
Il indique aussi que par jugement en date du 4 janvier 1952, le tribunal de première instance a ordonné le déguerpissement de Teheiura X... de la terre TEHAO.
Il réfute encore toute prescription acquisitive de la terre aux motifs que ni les faits ni les conditions de droit ne le permettent.
C'est pourquoi, il conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de l'appelant au paiement d'une somme de 250 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.
Enfin, il sollicite le paiement d'une somme de 250 000 FCFP au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions déposées le 14 mai 2007, Edwin X... fait valoir que le jugement du 25 mai 1951 est un jugement avant dire droit dépourvu de l'autorité de la chose jugée et qu'en tout état de cause, il n'est jamais devenu définitif en l'absence de toute signification.
Il ajoute qu'il a toujours habité sur les lieux depuis sa naissance en 1952.
C'est pourquoi, il conclut derechef à l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
Par conclusions déposées le 20 septembre 2007, René Z... expose que le jugement du 25 mai 1951 est un jugement qui statue au principal en annulant le testament du 7 juin 1948, qu'il a été rendu contradictoirement à l'égard du défendeur comparant en personne et qu'il n'est plus susceptible de voie de recours par application de l'article 326 du code de procédure civile.
Il fait valoir ensuite que Edwin X... ne saurait utilement invoquer les règles de l'usucapion au motif qu'il s'agit d'une demande nouvelle, irrecevable en cause d'appel et qu'en tout état de cause, il n'est nullement rapporté la preuve de la possession invoquée et encore mois de son caractère conforme aux dispositions de l'article 2229 du code civil.
Par conclusions déposées le 1er octobre 2007, Edwin X... fait valoir que le jugement du 25 mai 1951 ne tranche pas tout le principal dans la mesure où il a aussi ordonné avant dire droit une expertise et que, ce partant, il s'agit d'un jugement mixte qui échappe aux prévisions de l'article 326 du code de procédure civile.
Il souligne ensuite que l'usucapion a été développée en première instance et qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle.
C'est pourquoi, il conclut de plus fort à l'existence de contestations sérieuses pour solliciter l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
Par conclusions déposées le 11 octobre 2007, René Z... expose que le jugement du 25 mai 1951 a acquis l'autorité de la chose jugée en ce qu'il a annulé le testament litigieux, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a fait l'objet d'une quelconque signification et que l'autorité y attachée subsiste tant qu'il n'a pas été réformé.
C'est pourquoi, il demande à la cour de lui allouer l'entier bénéfice de ses précédentes écritures.
EXPOSE DES MOTIFS :
Attendu qu'en vertu de l'article 432 du code de procédure civile, le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu que René Z... a acquis les droits indivis des consorts A... sur les parcelles de terre litigieuses suivant actes notariés en date des 17 mars 1999, 31 août 1999, 26 janvier 2000 et 9 février 2001 ; que les consorts A... détenaient eux-mêmes leurs droits, ensuite de plusieurs transmissions successorales, de Teheiura TEUINATUA ;
Attendu qu'il est vrai, ce dernier a établi un testament en faveur de Teheiura X... en date du 7 juin 1948 aux droits duquel l'appelant dit intervenir ;
Attendu cependant que ce testament a été annulé par jugement du tribunal civil de première instance de PAPEETE en date du 25 mai 1951 ;
Attendu qu'il importe peu de rechercher si ce jugement est irrévocable (non susceptible de toute voie de recours) ou simplement passé en force de chose jugée (non susceptible de voies de recours ordinaires) ; qu'il suffit de constater, qu'en annulant le testament litigieux, il tranche une partie du principal et que par suite, il est investi de l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche, par application de l'article 284 du code de procédure civile ;
Attendu que nonobstant toute signification, ce jugement qui est investi de l'autorité de la chose jugée s'impose alors qu'il n'est pas établi qu'il ait été réformé ni même frappé d'appel ; que ce partant, René Z... justifie pleinement de son droit de propriété sur les parcelles de terre litigieuses ;
Attendu que par application de l'article 349 du code de procédure civile, Edwin X... est recevable à se prévaloir de l'usucapion sur la terre litigieuse pour faire échec aux prétentions du demandeur sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il en a fait état devant le premier juge ;
Attendu qu'en revanche, Edwin X..., qui procède par voie d'affirmation, ne rapporte pas la preuve d'une occupation trentenaire ;
Attendu que c'est en vain que l'appelant excipe de la loi du 24 mars 1852 sur l'Enregistrement des terres, qui prescrit l'inaliénabilité des terres d'apanage, alors que la déclaration du roi Pomaré V en date du 29 juin 1880 consacrant la réunion à la France des îles de la société et dépendances emporte cession à la France de la souveraineté pleine et entière de tous les territoires dépendant de la couronne de Tahiti ;
Attendu que dès lors, l'appelant ne saurait se prévaloir d'aucun droit sur les terres litigieuses ;
Attendu qu'il résulte d'un constat d'huissier en date du 16 mai 2006 que Edwin X... a entrepris la construction d'une maison d'habitation ainsi que l'édification d'une clôture ;
Attendu que ces circonstances suffisent à caractériser l'existence d'une voie de fait au sens de l'article 432 du code de procédure civile précité ;
Attendu que dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a ordonné l'expulsion de Edwin X... et la remise en état des terres cadastrées en section AE2 et AE 41 du lot numéro 2 de la terre TEHAO sise à AFAREAITU MOOREA, le tout sous astreinte de 50 000 FCFP par jour de retard après un délai d'un mois à compter de la signification de la décision ; que l'ordonnance entreprise doit être confirmée de ce chef ;
Attendu qu'en vertu de l'article 433 du code de procédure civile, dans le cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal de constat sus-visé que des arbres ont été arrachés sur les parcelles de terre litigieuses ; que Edwin X..., qui ne peut se prévaloir d'aucun droit sur ces dernières, doit réparation ; qu'en allouant au créancier une provision de 100 000 FCFP, le premier juge a fait une exacte appréciation de la situation ; que l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef ;
Attendu que René Z... ne rapporte pas la preuve de l'exercice abusif d'une voie de recours de la part de Edwin TEHEI ; qu'à tout le moins, il existe une contestation sérieuse qui prive le juge des référés du pouvoir de faire droit à sa demande de provision d'un montant de 250 000 FCFP qui doit être déclarée irrecevable ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de René Z... les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer la somme de 250 000 FCFP en application de l'article 407 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions ;
Déclare irrecevable la demande de provision d'un montant de deux cent cinquante mille (250 000 FCFP) francs pacifique pour appel abusif ;
Condamne Edwin B... à payer à René Z... la somme de deux cent cinquante mille (250 000 FCFP) francs pacifique en application de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Condamne Edwin X... aux dépens.
Prononcé à Papeete, le 15 Novembre 2007
Le Greffier, Le Président,
M. SUHAS-TEVERO P. GAUSSEN