No 263
RG122/COM/07
Grosse délivrée à
Me Cazeres
le
Expédition délivrée à
Me Quinquis
le
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 22 mai 2008
Madame Roselyne LASSUS-IGNACIO, conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
1- La Société "THE BEACH", société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le no 95 836-B, dont le siège social se situe PK 10,8 côté mer, ... ;
Poursuites et diligences de son gérant, Monsieur Guillaume X....2- Monsieur Pierre X..., né le 27 décembre 1942 à Chalons (38122), de nationalité française, chirurgien, demeurant à Punaauia Résidence Le Lotus PK 11 ;
Appelants par requête en date du 26 février 2007, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 28 février 2007, sous le numéro de rôle 07/00122, ensuite d'un jugement no 698 - 414 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete en date du 23 octobre 2006 ;
Représentés par Me QUINQUIS, avocat au Barreau de Papeete ;
d'une part ;
Et :
1- La Société ESPACES LOISIRS, société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le no 5863-B, représentée par son gérant : M. Bruno Y..., dont le siège social se situe à Paea, Mahana Park, BP 380679 Punaauia ;
Représentée par Me CAZERES, avocat au Barreau de Papeete ;
2- Monsieur Maurice Z..., pris en sa qualité de représentant des créanciers de la société ESPACES LOISIRS, BP 4552 - 98713Papeete ;
Assigné à s personne par exploit d'huissier en date du 22 janvier 2008, non représenté par un avocat, concluant ;
Intimés ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 10 avril 2008, devant M. SELMES, Président de chambre, M. MOYER, conseiller et Mme LASSUS-IGNACIO, conseillère, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
LES FAITS ET LA PROCEDURE :
La POLYNESIE FRANÇAISE a concédé l'exploitation, l'animation la surveillance et l'entretien du domaine public de Papehue, d'une superficie de 12382 m², situé à PAEA, à Bruno Y... représentant la SARL ESPACE LOISIRS par une convention d'occupation du domaine public du 12 août 1999, pour une durée de 20 ans, moyennant une redevance de 130 000 FCFP par mois.
Le site, comprend : un "fare potee" restaurant, un snack cuisine, un "fare bar", des équipements de plein air, des logements de gardiens, un amphithéâtre et des sanitaires publics, est à usage de loisirs, restauration et l'accès à la plage.
Aux termes de cette convention, le concessionnaire était autorisé à concéder à des tiers certaines activités, après accord du concédant.
Par ailleurs le concessionnaire était autorisé à céder les droits qu'il détient en vertu de la concession après agrément de l'acheteur par la POLYNESIE, l'acheteur devant être présenté par lettre recommandée avec accusé de réception.
Selon une convention non datée mais dont il n'est pas contesté qu'elle a été signée le 1er décembre 2004 Bruno Y... représentant la SARL ESPACE LOISIRS, a conclu avec la SARL THE BEACH, représentée par son gérant Guillaume X..., une "convention d'occupation et de location de matériel" portant sur "une partie du domaine public et des constructions y édifiées faisant partie de la convention (du 12 août 1999) à savoir, et à l'exception de tout autre un fare potee restaurant, un snack cuisine et un fare bar".
La SARL THE BEACH louaient en outre le matériel appartenant à la SARL ESPACE LOISIRS "en son état actuel, tel qu'établi par inventaire…" établi contradictoirement.
L'usage des locaux et du matériel loué était strictement limité à l'activité de restauration et de snack roulotte.
Les parties sont convenues d'une redevance mensuelle de 900 000 FCFP, soit 460 000 FCFP pour les locaux de restauration et 440 000 FCFP hors taxes pour la location du matériel.
L'occupant avait la faculté de résilier la convention à tout moment, sous réserve d'un préavis de 6 mois.
Le contrat était soumis à deux conditions résolutoires :
- la non obtention dans les trois mois de la signature de la convention, de l'accord de la POLYNESIE,
- la non obtention dans le délai de 3 mois de la licence de débit de boissons, ce dernier s'engageant à diligenter toute mesure en ce sens.
L'occupant a remis le jour de la signature du contrat un chèque de garantie de 3 millions de FCFP.
En cas de réalisation des conditions résolutoires, cette somme devait être restituée à l'occupant.
En cas de refus de l'occupant de respecter ses obligations, pour quelque cause que ce soit, la somme devait rester acquise à la SARL ESPACE LOISIRS.
Il résulte des pièces du dossier que ce chèque, présenté quatre fois à l'encaissement n'a jamais été honoré, faute de provision.
Pierre X... s'est porté caution solidaire des engagements de la SARL THE BEACH envers la SARL ESPACE LOISIRS.
Par arrêté 245 CM du 7 février 2005 publié au JOPF, la POLYNESIE FRANÇAISE a autorisé la SARL ESPACE LOISIRS à "sous concéder à la SARL THE BEACH les activités de restauration et de snack roulotte dans le respect des termes de la convention du 12 août 1999 … à charge de rester le débiteur de la redevance forfaitaire ….."
Le 26 avril 2005 Guillaume X..., gérant de la SARL THE BEACH, a adressé à SARL ESPACE LOISIRS un courrier lui confirmant son intention de cesser l'activité du bar restaurant à compter du 1er mai 2005, en raison de l'impossibilité d'obtenir une licence IV. Il proposait toutefois de conserver l'activité de snack, moyennant un loyer de 300 000 FCFP par mois et de trouver un locataire pour le restaurant dans les plus brefs délais.
Par courrier non daté (reçu le 4 mai 2005 selon les indications de Bruno Y...) Guillaume X... a confirmé son intention de résilier le contrat, la cessation de toute activité au 1er mai 2005 et sollicitant, "vu les circonstances, nous vous serions reconnaissants de nous dispenser du préavis".
Le 25 mai 2005 Bruno Y... a mis en demeure la SARL THE BEACH de payer les loyers impayés depuis mars 2005, diverses factures OPT et EDT, un mois de préavis pour le mois de mai, le préavis continuant à courir, et l'indemnité d'immobilisation de 3 millions, soit au total 5 436 734 FCFP sous réserves du complément de préavis, mentionné pour mémoire.
Cette lettre a été signifiée tant à Guillaume X... qu'à Pierre X... en sa qualité de caution.
Le 2 septembre 2005 la SARL THE BEACH et Guillaume X... ont saisi le Tribunal Mixte de Commerce afin de faire juger :
- que la sous concession a été conclue sans l'accord préalable de la POLYNESIE,
- que les conditions financières du contrat ne sont pas conformes à l'arrêté 245 CM du 7 février 2005, le loyer étant supérieur à la redevance due à la POLYNESIE, dont le montant lui a été caché,
- qu'en conséquence la convention du 1er décembre 2004 portant sous concession est nulle et de nul effet,
- que le consentement de la SARL THE BEACH a été vicié par les manœuvres dolosives imputables à la SARL ESPACE LOISIRS, qui lui a fourni des documents comptables erronés et manifestement faux.
La SARL THE BEACH demandait au Tribunal de condamner la SARL ESPACE LOISIRS à lui verser en principal 3 760 000 FCFP au titre de la redevance de sous location indûment versée, et 7 309 367 FCFP au titre du résultat déficitaire généré par l'exploitation des établissements concédés.
La SARL ESPACE LOISIRS a appelé en cause Pierre X..., en sa qualité de caution solidaire et a sollicité contre son locataire et la caution le paiement des sommes restant dues.
Par jugement du 23 octobre 2006 le Tribunal Mixte de Commerce de PAPEETE a rejeté les demandes de la SARL THE BEACH, et l'a condamnée, solidairement avec Pierre X..., à payer à la SARL ESPACE LOISIRS 9 825 734 FCFP pour l'arriéré locatif et l'indemnité contractuelle et 200 000 FCFP sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure Civile de POLYNESIE FRANCAISE.
Pour statuer ainsi le Tribunal a considéré que si la chronologie n'avait pas été respectée s'agissant de l'accord du TERRITOIRE pour la sous concession, le contrat contenait une clause résolutoire aux termes de laquelle à défaut d'accord du PAYS la convention était résolue, que la clause d'agrément du sous concessionnaire par la POLYNESIE FRANÇAISE n'était conclue qu'en faveur de la POLYNESIE et que la SARL THE BEACH n'avait pas qualité pour s'en prévaloir, puisqu'elle est un tiers au contrat de concession.
S'agissant de la conformité de la sous concession avec les dispositions de l'arrêté 245 CM du 7 février 2005, le Tribunal a estimé que les termes de l'arrêté étaient respectés, que le montant de la redevance n'était pas une clause essentielle, et que le loyer dû par la SARL THE BEACH ne devait pas être évalué à l'aune de la redevance payée par la SARL ESPACE LOISIRS.
Les premiers juges ont estimé que les biens faisant l'objet de la sous location ne regroupaient qu'une partie de ceux concédés par la collectivité, que les équipements d'exploitation mis à la disposition du sous locataire avaient été financés par le concessionnaire, et qu'en outre il fallait tenir compte des efforts commerciaux effectués par le concessionnaire de 1999 à 2004, et de ses investissements importants pour aménager les lieux et attirer la clientèle.
Le Tribunal en concluait que le prix payé par le sous locataire ne pouvait correspondre à la redevance payée par le concessionnaire, l'objet des contrats signés par l'un et par l'autre n'étant pas identique.
Sur le dol le Tribunal a constaté que la SARL THE BEACH ne rapportait pas la preuve de ses allégations, les manœuvres devant s'apprécier à la date de signature du contrat, de sorte que les mauvais résultats d'exploitation pendant la période de sous location ne prouvaient pas que la comptabilité produite contenait des informations volontairement erronées ; le Tribunal a également relevé "il apparaît peu vraisemblable qu'un commerçant avisé ait accepté de verser un loyer mensuel de 900 000 FCFP sans vérifier la réalité de l'activité économique et sans exiger des documents comptables certifiés".
Enfin le Tribunal a considéré que le défaut -non prouvé- de production du montant de la redevance payée à la POLYNESIE était également sans effet, au motif que "l'engagement du sous locataire est sans lien juridique et logique avec la redevance, puisque les biens donnés à bail par l'autorité publique et par le concessionnaire ne sont pas identiques".
Le Tribunal, après avoir rejeté les moyens de nullité de la convention soulevés par la SARL THE BEACH, l'a condamnée à payer à la SARL ESPACE LOISIRS 6 825 734 FCFP, comprenant les loyers échus de mars et avril 2005, les factures EDT et OPT et le préavis de six mois, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Le Tribunal a également alloué à la SARL ESPACE LOISIRS l'indemnité d'immobilisation prévue au contrat, que le Tribunal a analysée comme une clause pénale, le locataire n'ayant pas respecté ses obligations contractuelles.
En revanche le Tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts formés par la SARL ESPACE LOISIRS (2 millions), son préjudice étant suffisamment réparé par les six mois de préavis et l'indemnité contractuelle.
La SARL THE BEACH et Pierre X... ont relevé appel de ce jugement.
LES MOYENS DES PARTIES DEVANT LA COUR :
La SARL THE BEACH et Pierre X... reprennent devant la cour les mêmes moyens qu'en première instance sur la validité de la convention, au regard du contrat de concession et du dol, viciant le consentement du sous locataire.
La SARL THE BEACH demande à la cour de condamner la SARL ESPACE LOISIRS à lui payer 3 760 000 FCFP au titre de la redevance payée indûment, 7 309 367 FCFP au titre du résultat déficitaire de l'exploitation et 250 000 FCFP pour frais et honoraires non compris dans les dépens.
La SARL THE BEACH et Pierre X... contestent également les demandes reconventionnelles de la SARL ESPACE LOISIRS ; ils estiment que les loyers ne sont pas dus, compte tenu des conditions dans lesquelles la convention a été conclue, et que faute de pouvoir exploiter normalement les lieux, le préavis ne pouvait pas être effectué.
S'agissant de l'indemnité, ils estiment également qu'elle ne peut leur être réclamée, la résiliation du contrat étant imputable à la SARL ESPACE LOISIRS et ils demandent le remboursement de la caution de 3 millions versée à l'entrée dans les lieux.
Pierre X... conteste son engagement de caution, qui selon lui est irrégulier au regard des dispositions de l'article 1326 du Code Civil, l'acte ne précisant pas l'ampleur de l'engagement, la preuve n'étant pas rapportée qu'il avait conscience de l'étendue de son engagement, compte tenu du fait qu'il était étranger à l'exploitation.
La SARL ESPACE LOISIRS sollicite la confirmation de la décision déférée sur le fond mais forme appel incident pour obtenir en principal 10 136 734 FCFP au titre des impayés, préavis et indemnité d'immobilisation, 2 000 000 FCFP de dommages et intérêts et 660 000 FCFP sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure Civile de POLYNESIE FRANCAISE.
Maurice Z..., désigné comme représentant des créanciers de la SARL ESPACE LOISIRS placée en redressement judiciaire par jugement du 10 décembre 2007 a été appelé en cause par les appelants ; il a écrit pour indiquer que la SARL THE BEACH avait régulièrement déclaré une créance de 11 069 367 FCFP mais n'a pas donné son avis sur la position prise devant la cour par la SARL ESPACE LOISIRS.
MOTIFS DE LA DECISION :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée.
Sur la régularité du contrat de sous concession :
La SARL THE BEACH soutient que la SARL ESPACE LOISIRS ne pouvait sous concéder le domaine public moyennant un loyer supérieur à la redevance qu'elle-même payait à la POLYNESIE, sous peine de violer les règles "du régime juridique applicable aux redevances d'occupation du service public" sans préciser de quelles règles elle se prévaut.
La convention de concession du domaine public permettait, dans son article 3, au concessionnaire de concéder à des tiers certaines activités, après accord du concédant.
C'est seulement dans le cas d'une cession totale (article 10) que la POLYNESIE devait agréer préalablement le candidat à la cession, présenté par lettre recommandée.
En l'espèce, la sous concession n'était que partielle puisqu'elle portait seulement sur les deux activités de restauration, la SARL ESPACE LOISIRS conservant les activités sportives et de plein air, la gestion et l'entretien du domaine.
S'il est vrai que l'accord du territoire n'a été demandé qu'après la signature de la convention, cette anomalie n'a pas fait grief à la SARL THE BEACH dont les droits étaient sauvegardés par la clause résolutoire, comme l'a dit le Tribunal qui a également soulevé à juste titre que la SARL THE BEACH n'a pas qualité pour soulever l'irrégularité du contrat sous prétexte de l'absence d'accord préalable de la POLYNESIE, cette clause ayant pour seul but la protection du Pays.
En outre, le pays a donné son accord à la sous location partielle, de sorte que la SARL THE BEACH n'a pas non plus intérêt à soulever ce moyen.
Les parties sont liées par une convention librement conclue, qui leur tient lieu de loi ; cette convention ne fait pas référence à la redevance payée au Pays par le concessionnaire.
Cela ne constitue pas une irrégularité au regard de l'arrêté 245 CM du 7 février 2005, qui ne limite l'autorisation du pays qu'au respect de la convention (c'est-à-dire les obligations respectives des parties et notamment sa durée) mais n'impose aucune règle s'agissant des conditions financières contrairement à ce que soutient l'appelante, d'autant que l'arrêté stipule expressément que le cessionnaire initial reste le débiteur de la redevance.
De plus le contrat liant la POLYNESIE à la SARL ESPACE LOISIRS et le contrat liant cette dernière à la SARL THE BEACH n'ont ni le même objet ni la même cause.
La cour rappelle que la location consentie à la SARL THE BEACH portait sur deux établissements de restauration, dont le Tribunal a rappelé qu'ils avaient été aménagés et mis en valeur par le concessionnaire, ce qui n'est pas contesté et mais aussi le matériel nécessaire à cette exploitation.
Ce moyen d'appel n'est pas fondé.
Sur le dol :
La SARL THE BEACH affirme que la comptabilité qui lui a été remise était mensongère, comme le prouve selon elle le fait que ses résultats d'exploitation ont été bien inférieurs aux chiffres que cette comptabilité lui avaient fait espérer, ce qui a conduit une banque a lui refuser son concours.
Pour prouver que la comptabilité produite était erronée ou même falsifiée, la SARL THE BEACH se prévaut d'une attestation de l'ancien chef de cuisine, et d'un mail dont on ignore de qui il émane et à qui il est adressé, et dans lesquels il est question des difficultés à obtenir une comptabilité certifiée ; ce mail n'a aucune valeur probante à cet égard, d'autant qu'il est postérieur à la signature de la convention, alors qu'un commerçant avisé aurait dû s'en préoccuper avant, comme l'a justement souligné le Tribunal.
Quant à l'attestation d'un membre du personnel, qui n'est pas confortée par la moindre pièce objective, elle n'est pas suffisamment probante.
Le refus de la banque est motivé par la comparaison entre les résultats obtenus par la SARL THE BEACH au regard de ceux de la SARL ESPACE LOISIRS.
Or les mauvais résultats de l'exploitation des restaurants par la SARL THE BEACH peuvent résulter de sa seule incapacité à gérer ce type de commerce ; de plus il résulte du courrier adressé par la locataire à la SARL ESPACE LOISIRS le 26 avril 2005 qu'elle n'avait pas obtenu la licence de débits de boissons, ce qui est un élément important pour expliquer que le restaurant ait périclité.
La SARL THE BEACH affirme aussi, sans autre preuve que la même attestation visée ci dessus, que les fournisseurs impayés par la SARL ESPACE LOISIRS auraient refusé de la livrer et que le matériel loué n'était pas utilisable, alors que le matériel a fait l'objet d'un inventaire contradictoire ; aucune dissimulation, aucune manœuvre ayant conduit Guillaume X... à contracter n'est donc démontrée.
Il n'est pas plus établi que la SARL THE BEACH ignorait le montant de la redevance payée au TERRITOIRE, et encore moins que, si elle l'avait connue, elle n'aurait pas consenti à payer un loyer aussi élevé.
Guillaume X..., gérant de la SARL THE BEACH a fait preuve de la plus parfaite légèreté en contractant sans avoir l'assurance de disposer du prêt espéré et de la licence IV et sans s'assurer de sa capacité à rentabiliser les établissements, compte tenu d'un loyer effectivement très élevé, mais il ne rapporte pas la preuve de la moindre manœuvre dolosive l'ayant amené à contracter.
C'est donc à juste titre que le Tribunal a débouté la SARL THE BEACH de sa demande de nullité de la convention.
Il s'ensuit que l'appelante ne peut solliciter le remboursement d'un quelconque loyer ni de la perte d'exploitation pendant la période de location.
Elle ne peut pas plus demander le remboursement de la caution alors qu'il est démontré par l'intimée que le chèque n'a jamais été encaissé.
Sur les sommes dues par la SARL THE BEACH :
* sur le préavis, les loyers et les charges :
La résiliation du bail est imputable au seul locataire, qui ne saurait être dispensé du préavis contractuel de six mois dû à compter du jour de prise d'effet de son congé, c'est-à-dire à la date, non contestée, du 1er mai 2005.
La SARL ESPACE LOISIRS sollicite la réformation partielle du jugement qui lui a alloué, préavis de six mois compris, 9 825 734 FCFP et prétend obtenir en principal une somme de 10 736 734 FCFP sans expliquer à quoi correspond cette différence de 911 000 FCFP et en quoi le Tribunal aurait mal apprécié sa créance.
Elle doit donc être déboutée de son appel incident.
* sur l'indemnité d'immobilisation :
Cette indemnité prévue au contrat a été justement analysée comme une clause pénale due par le preneur si la résiliation intervient de son fait; elle est donc due par la SARL THE BEACH.
Le chèque donné en garantie n'a jamais été encaissé faute de provision de sorte que la condamnation prononcée par le Tribunal doit être confirmée.
* sur les dommages et intérêts :
La SARL ESPACE LOISIRS ne justifie d'aucun préjudice qui ne soit réparé par les six mois de préavis et l'indemnité contractuelle.
Son appel incident sur ce point est rejeté.
Sur la validité du cautionnement donné par Pierre X... :
Contrairement à ce qu'il soutient devant la cour, sans avoir contesté son engagement devant le Tribunal, Pierre X... était parfaitement informé de l'étendue de ses obligations, par la mention manuscrite très complète qu'il a apposée sur le contrat ; même si le montant garanti n'était pas mentionné, Pierre X... a expressément reconnu connaître le montant du loyer et les conditions contractuelles.
Il s'est formellement engagé à payer toutes les sommes dues ou à devoir en principal, frais et accessoires, et aussi des conséquences de son engagement.
Il convient de souligner que si Pierre X... est étranger à l'exploitation de la SARL THE BEACH, il est chirurgien dans une clinique et dispose donc des moyens intellectuels, des connaissances pratiques, de la culture suffisantes et de la capacité à s'informer, lui permettant de connaître la portée de son engagement de caution.
Il ne conteste pas que son patrimoine lui permettait d'y faire face en cas de défaillance du débiteur principal Guillaume X..., qui paraît être un membre de sa famille.
Le moyen tiré de la nullité de son engagement n'est donc pas fondé et le jugement déféré est également confirmé sur ce point.
Sur les frais et honoraires :
Il est inéquitable de laisser à la charge de la SARL ESPACE LOISIRS la totalité des frais et honoraires qu'elle a exposés ; pour les frais de première instance, le jugement déféré qui lui a alloué 200 000 FCFP sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure Civile de POLYNESIE FRANCAISE est confirmé.
Devant la cour la SARL ESPACE LOISIRS s'est bornée à reproduire comme elle le reconnaît elle-même, ses écritures de première instance et n'a pas jugé utile d'argumenter son appel incident.
Il convient donc de limiter à 100 000 FCFP la somme qui devra lui être payée par les appelants.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En présence de Maurice Z..., représentant des créanciers du redressement judiciaire de la SARL ESPACE LOISIRS,
Déboute la SARL THE BEACH, Guillaume X... et Pierre X... de leur appel et la SARL ESPACE LOISIRS de son appel incident ;
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement la SARL THE BEACH, représentée par son gérant Guillaume X... et Pierre X... en qualité de caution à payer à la SARL ESPACE LOISIRS la somme de cent mille (100 000 FCFP) francs pacifique supplémentaires sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure Civile de POLYNESIE FRANCAISE ;
Condamne la SARL THE BEACH et Pierre X... aux dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande.
Prononcé à Papeete, le 22 mai 2008.
Le Greffier, Le Président,
M. SUHAS-TEVEROJP. SELMES