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12/05/2022 | FRANCE | N°14/00325

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet b, 12 mai 2022, 14/00325


N° 152



MF B

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Copies exécutoires délivrées à :

- Me Merceron,

- Cps,

le 12.05.2022.





Copies authentiques délivrées à

- Me Des Arcis,

- Me Usang,

- M. [J],

le 12.05.2022.





REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 12 mai 2022





RG 14/00325 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n°152, rg n° 12/00755 du Tribunal Civil de Pre

mière Instance de Papeete du 26 mars 2014 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 27 juin 2014 ;



Appelante :



La Société Maxima - La Tahitienne d'Assurances, société anonyme au capital de 1...

N° 152

MF B

------------

Copies exécutoires délivrées à :

- Me Merceron,

- Cps,

le 12.05.2022.

Copies authentiques délivrées à

- Me Des Arcis,

- Me Usang,

- M. [J],

le 12.05.2022.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 12 mai 2022

RG 14/00325 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n°152, rg n° 12/00755 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 26 mars 2014 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 27 juin 2014 ;

Appelante :

La Société Maxima - La Tahitienne d'Assurances, société anonyme au capital de 1 000 000 FCP, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 07143 - B et dont le n° Tahiti est 823 211 dont le siège social est sis [Adresse 3], agissant poursuites est diligences de M. [G] [Y], président de son conseil d'administration, directeur général ;

Représentée par Me Jean-Dominique DES ARCIS, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

M. [U] [B], né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 6], de nationalité française, boulanger, [Adresse 8] ;

Ayant pour avocat la Selarl M&H, représentée par Me Muriel MERCERON, avocat au barreau de Papeete ;

M. [L] [W], demeurant à [Adresse 2] ;

Représenté par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;

La Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française dont le siège social est sis [Adresse 5] ;

Ayant conclu ;

M. [N] [J], [Adresse 4], liquidateur judiciaire de [L] [W] ;

Non comparant, assigné à personne le 25 avril 2019 ;

Ordonnance de clôture du 14 janvier 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 mars 2022, devant de Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

[U] [B] a assigné [L] [W] et l'assureur de celui-ci, la société MAXIMA-La Tahitienne d'Assurances, en indemnisation de son préjudice résultant d'un accident de la circulation survenu le 17 juillet 2010. Il a exposé que son deux-roues avait été percuté par l'automobile de M.[W] qui lui avait coupé la route dans un carrefour à [Localité 7] (Ile de Tahiti) où tous deux étaient engagés. Il a indiqué avoir subi une fracture du fémur et une fracture de la rotule.

Par ordonnance de référé rendue le 21 novembre 2011, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete,

- a ordonné une expertise médicale aux frais avancés de M.[B],

- a condamné la société MAXIMA à verser deux provisions:

* celle de 4 776 644 Francs pacifique (ci-après Fr.) à la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française (CPS)

* celle de 4 500 000 Fr. à M.[B].

***

Par jugement rendu le 26 mars 2014, le tribunal civil de première instance de Papeete a statué comme suit :

- déclaré [L] [W] responsable du dommage subi par M. [U] [B] le 17 juillet 2010;

- dit que la société MAXIMA-La Tahitienne d'Assurances (société MAXIMA) devra sa garantie ;

- fixé la créance de la CPS, à la somme de 5 893 993 Fr. ;

-condamné solidairement [L] [W] et la société MAXIMA à payer à [U] [B] :

**Au titre des préjudices soumis au recours de la CPS:

frais médicaux : 6 054 892 Fr. ;

perte de gains professionnels actuels : 6 080 454 Fr. ;

déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 732 500 Fr. ;

dépenses de santé futures : 225 487 Fr. ;

pertes de gains professionnels futurs : 12 500 000 Fr. ;

incidence professionnelle : 3 000 000 Fr. ;

déficit fonctionnel permanent : 1 192 000 Fr. ;

frais divers : 489 870 Fr.,

Total : 30 275 203 Fr. soit après déduction de la créance de la CPS la somme revenant à M. [U] [B] est de 24 381 208 Fr.;

**Au titre des préjudices non soumis à recours :

souffrances endurées : 1 200 000 Fr. ;

préjudice esthétique : 650 000 Fr. ;

préjudice d'agrément : 400 000 Fr. ;

soit une somme globale de 2 250 000 Fr. ;

-condamné solidairement [L] [W] et la société MAXIMA à payer à la CPS la somme de 1 140 048 Fr. déduction faite de la provision versée à hauteur de 4 753 947 Fr. ;

-condamné solidairement [L] [W] et la société MAXIMA à payer à [U] [B] la somme de 22 131 208 Fr., déduction faite de la provision versée à hauteur de 4 500 000 Fr. au titre des préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux ;

-réservé les droits d'[U] [B] et de la CPS quant à la prise en charge des frais résultant d'une éventuelle intervention en vue d'une ostéotomie de valgisation et ses conséquences ;

- débouté les parties du surplus de leur demande ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société MAXIMA et [L] [W] à payer à [U] [B] la somme de 250 000 Fr. sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société MAXIMA a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 27 juin 2014.

Le conseiller de la mise en état a ordonné un complément d'expertise médicale le 16 septembre 2016. Le rapport a été déposé par le Docteur [E] [Z] le 11 avril 2018.

***

Par arrêt en date du 14 janvier 2021, la cour d'appel de céans, après avoir déclaré recevable l'appel formé par la société MAXIMA, a invité,

-d'une part, [L] [W] à produire le jugement rendu au mois de janvier 2019 l'ayant placé en liquidation judiciaire et à justifier de la mise en cause, dans cette procédure, de son liquidateur judiciaire, M. [N] [J] ;

-d'autre part, [U] [B] à justifier, s'il y a lieu, de sa déclaration de créance auprès du représentant des créanciers, dans la procédure de redressement judiciaire de [L] [W], ou du relevé de forclusion dont il a pu bénéficier ;

-enfin, les parties à conclure sur l'éventuelle extinction de créance de [U] [B].

Puis dans un arrêt du 9 décembre 2021, la cour a statué comme suit :

' ... Enjoint à M. [N] [J] de conclure sur son appel en cause et de justifier d'une liquidation judiciaire prononcée à l'égard de [L] [W] ;

Renvoie l'affaire à l'audience des mises en état du 14 janvier 2022 ;

Dépens réservés.'

***

Les parties n'ont pas déposé de nouvelles conclusions, et c'est en cet état que l'affaire revient devant la cour.

***

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux arrêts avant dire droit précités .

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2022.

Motifs de la décision :

Vu les arrêts avant dire droit précités;

Il est acquis que [U] [B] dispose contre l'assureur de [L] [W] d'une action directe en application de l'article L124-3 du code des assurances, sans qu'il soit nécessaire que le conducteur du véhicule impliqué dans l'accident soit appelé en cause, et qu'en surplus, la créance contre l'assureur n'est pas éteinte par sa non-déclaration à une procédure collective à l'égard de l'assuré.

Par ailleurs, l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable du dommage qui est en liquidation judiciaire est recevable sans qu'il soit nécessaire de faire vérifier la créance dans la procédure collective .

Toutefois, M.[W] a été intimé en personne, au même titre que son assureur.

M. [W] est en liquidation judiciaire. Son liquidateur, M. [J] a été assigné le 25 avril 2019 par la société MAXIMA et n'a pas conclu.

D'après l'article L622-9 du Code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur .

Par conséquent,

- les demandes de condamnation concernant M. [W] en personne, sont irrecevables puisqu'il est dessaisi de son patrimoine et qu'elles portent sur un litige antérieur à l'ouverture de la procédure collective ( JO du 8 janvier 2019).

- les demandes contre M. [W] représenté par son liquidateur judiciaire, sont irrecevables car d'une part, ni M. [B] ni la CPS n'ont justifié avoir déclaré leur créance même à titre provisionnel, et du reste, les demandes présentées à la cour tendent à obtenir la condamnation de M. [W] à des paiements de sommes.

La cour a rouvert les débats et mis en débat l'irrecevabilité des demandes concernant M. [W].

En conséquence, et faute d'éléments contraires soumis à la cour, le jugement devra être infirmé en toutes ses dispositions ayant condamné M. [W] au paiement de sommes, de telles demandes étant irrecevables à son égard.

Les condamnations dont s'agit s'appliquent solidairement à M.[W] et son assureur, la société MAXIMA.

Sur l'appel de la société MAXIMA :

L'appel de la société MAXIMA ne porte pas sur le principe des condamnations prononcées à son égard puisqu'elle ne conteste pas devoir sa garantie à M.[W] s'il est reconnu responsable de l'accident et qu' au surplus, elle ne développe aucun moyen pour contester le fait que son assuré est bien à l'origine du dommage causé à M. [B] ni, d'ailleurs, ne forme de demande expresse de mise hors de cause dans le dispositif de ses conclusions.

Dès lors, au regard des motifs circonstanciés et précis retenus par le tribunal sur ce point, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [W] responsable du dommage causé à M. [B] le 17 juillet 2010 et a dit que la société MAXIMA était tenue de le garantir.

La société MAXIMA allègue de ce que, dans le dispositif de sa décision, le tribunal a prononcé à deux reprises, la même condamnation en faveur de M. [B]. C'est le motif essentiel de l'appel. Mais elle conteste également les sommes réclamées au titre de l'aggravation alléguée du préjudice de M. [B].

Sur la réparation du préjudice :

Une première expertise a été effectuée par le Docteur [R] qui a retenu comme date de consolidation le 9 mai 2012.

Les conclusions de l'expert qui ne sont pas discutées par les parties, sont reprises poste par poste dans le jugement querellé auquell il sera donc renvoyé pour en connaître le détail.

Une seconde expertise a été confiée au Docteur [Z] par ordonnance du 16 septembre 2016 pour déterminer s'il existe une aggravation de l'état de santé de M.[B]et si cette aggravation est due à l'accident de la circulation survenue le 17 juillet 2010.

Cette expertise faite sur la base du rapport précédent, fournit en particulier les éléments d'appréciation suivants :

- M. [B], titulaire d'un CAP pâtisserie était, au moment de l'accident, artisan boulanger à son compte.

- Il a été victime d'un accident de la voie publique le 17 juillet 2010 alors qu'il circulait en scooter, le véhicule conduit par M. [B] lui coupant la route. Il a subi une fracture comminutive ouverte du tiers distal du fémur gauche associé à une fracture de la rotule gauche.

- Le certificat médical initial rédigé le 23 juillet 2010 mentionne une fracture ouverte du fémur gauche et une fracture longitudinale du bord externe de la rotule associée à des lésions cartilagineuses, et évalue l'incapacité temporaire de travail à quatre mois sauf complications à compter du 17 juillet 2010.

- M. [B] se plaint de douleurs à la station debout prolongée et lors d'une marche supérieure à 500 m. Au jour de l'examen (30 janvier 2018), son problème essentiel était de ne pas pouvoir reprendre ses activités du fait de douleurs dans le membre inférieur traumatisé.

- La date de consolidation finale est fixée au 5 avril 2017, un an et demi après la chirurgie du genou gauche.

L'expert conclut comme suit :

- Compte tenu de l'aggravation constatée, les préjudices peuvent être évalués comme suit :

*préjudices temporaires :

déficit fonctionnel temporaire total du 26 mars 2015 : 1 jour à rajouter aux 3 mois 8 jours,

déficit fonctionnel temporaire partiel du 30 juillet 2014 au 12 novembre 2015 à 10 %: 470 jours,

déficit fonctionnel temporaire partiel du 7 janvier 2016 au 7 avril 2016 à 25% : 90 jours,

déficit fonctionnel temporaire partiel du 8 avril 2016 au 5 avril 2017 à 10% : 362 jours,

perte de gains professionnels actuels : oui,

souffrances endurées : 3/7,

préjudice esthétique temporaire : néant,

* préjudices permanents :

déficit fonctionnel permanent : 18 %,

l'incidence professionnelle se poursuit,

préjudice esthétique permanent : 1/7 s'ajoutant au 2/7 précédemment évalué,

pas d'autres préjudices ni de réserves.

En appel, la société MAXIMA conteste,

- le jugement en ce qu'il a prononcé deux fois la même condamnation à son égard .

- les sommes allouées au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurts ainsi qu'au titre de l'incidence professionnelle.

-les demandes formées par M.[B] au titre de l'aggravation.

- les demandes de la CPS au titre de frais d'hospitalisation supplémentaires qu'elle estime non liées au dommage initial.

M.[B] demande la confirmation du jugement excepté sur l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, et sollicite en outre des dommages intérêts au titre de l'aggravation de son préjudice.

Quant à la CPS, elle entend voir son recours fixer à hauteur de 6 089 080 Fr sur le préjudice initial et à 4 368 175 Fr. pour l'aggravation.

1) S'agissant de l'indemnisation du préjudice initial de M.[B]

Les frais médicaux de M.[B]

Le tribunal a retenu la somme de 6.054.892 Fr. CFP que la société MAXIMA déclare ne pas discuter.

M.[B] indique que la CPS a en fait avancé la somme de 6 089 080 Fr. et ajoute que lui-même a conservé à sa charge la somme totale de 239643 Fr. La société MAXIMA réplique dans ses conclusions, que si ces frais sont justifiés, elle n'entend pas les contester et d'ailleurs, dans le dispositif de ses écritures qui contient les prétentions qu'elle présente à la cour, elle ne forme pas de demande de rejet.

Le poste retenu par le tribunal sera donc amendé selon la demande de M.[B] et les frais médicaux avancés par la CPS fixés à 6 089 080 Fr.

La perte de gains professionnels actuels :

Le tribunal a alloué la somme de 6.080.454 Fr.de ce chef pour la période du 17 juillet 2010 au 9 mai 2012, en retenant en premier lieu, comme base de calcul, un revenu mensuel de 661'522 Fr., et en second lieu, le montant du SMIG augmenté des charges patronales pour chiffrer le préjudice résultant du fait que M. [B] gérant d'un fonds de commerce de boulangerie, a été contraint d'embaucher un ouvrier supplémentaire pour effectuer les tâches de production à compter du 8 décembre 2010.

La société MAXIMA conclut au rejet de la demande de M. [B] à ce titre. Elle fait valoir que le tribunal n'a pas pris en considération le départ à la retraite de M. [B] en date du 1er mai 2010, soit avant l'accident survenu le 17 juillet 2010.

Elle soutient en outre, que M. [B] ne justifie pas de ce qu'avant son accident, il accomplissait à la fois les tâches de gestion de la boulangerie et également celles qui ont été ensuite dévolues à l'ouvrier boulanger qu'il a embauché de sorte que le tribunal ne pouvait faire supporter à la concluante la charge d'un ouvrier du 25 janvier 2011 au 9 mai 2012 date de la consolidation initiale de M. [B].

Elle ajoute que si M. [B] a engagé un ouvrier supplémentaire, ce n'est pas pour le remplacer mais parce qu'il avait déjà cessé d'exercer une de ses activités du fait de la retraite.

Elle fait observer que les pièces comptables produites montrent que son affaire a continué à tourner normalement même pendant son absence.

M. [B] demande la confirmation. Il réplique qu'après l'accident, il a été incapable de reprendre son activité d'artisan boulanger car la station debout lui était impossible, et n'a pu reprendre la gestion de la boulangerie que le 18 avril 2011, précisant qu'étant non-salarié, il n'a pas perçu d'indemnité journalière pendant toute cette période.

Il est acquis que si un artisan ou un commerçant s'est fait remplacer pour maintenir l'activité et obtenir un résultat net comptable comparable, le coût du remplacement de la victime empêchée du fait de l'accident doit être intégralement indemnisé, en ce compris les charges sociales et fiscales.

Même partielle, l'incapacité temporaire peut empêcher la victime d'exercer son activité professionnelle et justifier en conséquence une indemnisation totale des pertes de gains professionnels.

Il résulte des pièces produites aux débats que M. [B] né en 1959, a acheté son fonds de commerce de boulangerie à partir de 1999 et s'est inscrit exclusivement au régime des non-salariés de la CPS.

Il a fait valoir ses droits à retraite auprès de la CPS en 2011 à l'âge de 52 ans en invoquant ses 267 mois de cotisation au régime des salariés pendant ses années d'activité professionnelle en métropole jusqu'en 1999 . Sa pension de retraite mensuelle s'élève à 24'860 Fr.

Quand il a subi l'accident, M. [B] n'avait plus d'activité salariée et percevait certes cette pension qui lui était allouée pour sa vie professionnelle passée, mais il exploitait également la boulangerie et travaillait donc activement avec ses ouvriers à la fabrication des denrées vendues. Pendant sa période de déficit fonctionnel temporaire total de 3 mois et 8 jours, l'entreprise s'est trouvée privée de son activité tant de gestion que d'exécution. Il a pu ensuite reprendre la gestion de l'entreprise mais s'est trouvé dans l'incapacité de participer à la production, et cela même après la consolidation de ses lésions. Il a donc engagé un salarié supplémentaire payé sur la base du SMIG impliquant le paiement de nouvelles charges sociales patronales.

Du reste, M.[B] fournit les déclarations fiscales qu'il a faites pour les années 2010 à 2013 qui confirment une diminution de ses recettes qui, pour une partie au moins, peut être imputée à son incapacité à reprendre la totalité de ses activités antérieures à l'accident.

Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a fait droit à la demande d'indemnisation de M.[B] à hauteur de 6'080'454 Fr. en retenant une base de calcul correspondant aux éléments de fait et aux documents qui sont produits aux débats par M.[B].

La perte de gains professionnels futurs :

La société MAXIMA conteste ce poste d'indemnisation au motif que M. [B] ne rapporte pas la preuve, d'une part, de ce qu'il exerçait d'autres tâches au sein de la société que celles inhérentes à la gestion, et d'autre part, de ce qu'il a embauché un ouvrier spécialement pour le remplacer.

Pour sa part, M. [B] sollicite comme il l'a déjà fait en première instance, la somme de 25 280 614 Fr. en faisant valoir qu'en raison de l'accident, il lui est difficile de garder la station debout, ce qui lui impose de se faire remplacer jusqu'à la fin de sa vie professionnelle par un salarié supplémentaire pour les tâches physiques, lui-même ne conservant que la gestion administrative de l'entreprise.

Le tribunal a alloué la somme de 12 500 000 Fr. en retenant que si les blessures subies par M. [B] lui ont imposé l'embauche d'un ouvrier supplémentaire pour assurer les tâches de production, il était toutefois capable de poursuivre la gestion financière et administrative de l'entreprise, et au surplus, les pièces comptables produites se limitant aux déclarations de chiffre d'affaires de la période de l'année 2000 à 2012 , n'établissaient pas que le contrôle qu'il exerce sur l'entreprise a subi une altération du fait de l'accident.

Cependant, M. [B] produit les ordres de recettes de la CPS émis entre les mois de juin et novembre 2010 montrant que seuls 6 salariés travaillaient pour l'entreprise mais sans pouvoir justifier de ce qu'il devra se faire remplacer pour la totalité de son activité et non pas seulement pour les tâches physiques.

Le juge doit appliquer le principe de réparation intégrale du dommage causé à une victime de telle sorte qu'elle n'en tire ni perte ni profit.

En conséquence, la cour confirmera le jugement sur ce poste de préjudice .

L'incidence professionnelle :

Le tribunal a chiffré à la somme de 3.000.000 Fr. ce poste de préjudice.

La société MAXIMA appelante, demande de ramener ce poste d'indemnisation à 1.000.000 Fr. en faisant observer que l'incidence professionnelle n'a pu porter que sur l'activité de gestion de M. [B] qui a cessé du seul fait de son départ à la retraite.

Comme en première instance, M. [B] demande la somme de 5.000.000 Fr. en exposant avoir acquis son fonds de commerce alors qu'il générait un chiffre d'affaires de 13'433'515 Fr. et disposait de 8 points de vente, alors qu'en 1999, il avait créé 35 points de vente répartis sur l'ensemble de l'île.

Il soutient que du fait de la dégradation de son état consécutif à l'accident du 17 juillet 2010, l'évolution de son entreprise a connu un coup d'arrêt de sorte qu'il n'a pu vendre le fonds de commerce que 25 millions de francs en 2014 alors que son successeur a pu faire grimper le chiffre d'affaires en 2014 à 45 millions. Pour lui, il existe un lien direct de causalité entre l'accident et la perte de valeur de son entreprise.

Cependant, comme l'a retenu le tribunal, s'il est manifeste que le déficit fonctionnel permanent relevé par l'expert a eu des répercussions professionnelles pour M. [B] qui a des difficultés à conserver la station debout, la preuve n'est pas rapportée de ce qu'il existe un lien de causalité directe entre un ralentissement de la croissance de son entreprise et les séquelles de l'accident survenu le 17 juillet 2010 : en effet, il résulte des explications de M. [B] qu'il a revendu la boulangerie quasiment le double du prix auquel il l'avait acheté . En outre, il ne peut être tiré aucune conclusion en faveur de la thèse de M. [B], du fait que l'acquéreur du fonds de commerce ait renoué avec 'une dynamique positive' puisque la cour n'est pas en mesure de comparer ses méthodes de gestion et son activité personnelle avec celle de son prédécesseur.

En conséquence, la cour considère que le premier juge a justement évalué les dommages intérêts dus à M. [B] au titre de l'incidence professionnelle et confirmera donc le jugement de ce chef.

***

Les points contestés ayant été évoqués, il résulte des motifs qui précèdent, que l'indemnisation de M.[B], au titre des préjudices soumis à recours, après déduction de la créance de la CPS s'élevant à 6 089 080 Fr. s'établit comme suit :

*Au titre du préjudice soumis à recours

frais médicaux restant à charge: 239 643 Fr. perte de gains professionnels actuels : 6 080 454 Fr.

déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 732 500 Fr.

dépenses de santé futures : 225 487 Fr.

pertes de gains professionnels futurs : 12 500 000 Fr.

incidence professionnelle : 3 000 000 Fr.

déficit fonctionnel permanent : 1 192 000 Fr.

frais divers : 489 870 Fr.

= 24 459 954 Fr.

Sur les préjudices non soumis à recours :

La société MAXIMA déclarant ne pas contester les sommes allouées par le tribunal et M. [B] ne formant pas d'appel incident à ce titre, le jugement sera confirmé en ce qui concerne ces postes de dommage ( souffrances endurées, préjudice esthétique et d'agrément), chiffrés à la somme totale de 2 250 000 Fr.

2)- Sur la demande de M. [B] au titre de l'aggravation de son préjudice -

Sur la base du rapport d'expertise du Dr [Z], M.[B] forme une demande globale de 3 697 094 Fr.

Sur l'aggravation des préjudices soumis à recours :

Les frais médicaux restés à sa charge : 787 594 Fr.

La société MAXIMA ne formule aucune contestation ni observation relative à cette demande de M.[B] qui produit les pièces justificatives correspondantes et qui obtiendra donc gain de cause sur ce point.

Le déficit fonctionnel temporaire ( total+ partiel) : 533 500 Fr.

La société MAXIMA accepte cette demande et il y sera fait droit.

Le déficit fonctionnel permanent : 1 176 000 Fr.

La société MAXIMA accepte cette demande et il y sera fait droit.

En ses conclusions, M. [B] ne forme pas de demande chiffrée concernant l'aggravation de la perte de gains professionnels actuels et des dépenses de santé futures.

La CPS a exercé son recours pour les frais médicaux dont elle a fait l'avance à hauteur de : 4 320 119 Fr.

L'indemnisation due par la société MAXIMA à M.[B] pour l'aggravation des préjudices soumis au recours de la CPS s'établit donc comme suit :

787 594 + 533 500 + 1 176 000 = 2 497 094 Fr.

L'aggravation des préjudices non soumis à recours,

- souffrances endurées : 700 000 Fr.

La société MAXIMA conteste cette demande au motif que la cour d'appel doit retenir son barème habituel et allouer 550 000 Fr.

Le Dr [Z] a évalué à 3/7 les souffrances endurées du fait de l'aggravation.

Au regard des nouvelles hospitalisations et interventions chirurgicales ainsi que des soins prolongés qui ont nécessairement généré des souffrances morales importantes à M. [B], la cour considère qu'il convient de lui allouer une somme de 600 000 Fr. au titre de laréparation de ce dommage supplémentaire.

-Préjudice esthétique temporaire et préjudice esthétique permanent

La société MAXIMA conteste la demande au titre du préjudice esthétique supplémentaire temporaire mais offre de verser 200 000 Fr. pour le préjudice esthétique permanent résultant de l'aggravation.

Cependant la cour, se référant aux constatations de l'expert judiciaire, allouera à M. [B], une somme de 250 000 Fr. au titre de ce préjudice esthétique permanent supplémentaire.

En revanche, la société MAXIMA fait valoir à juste titre que les séquelles résultant de l'obligation temporaire de se déplacer avec une canne a déjà été pris en compte dans le cadre du déficit fonctionnel . Du reste, l'expert n'a pas considéré que ce préjudice existait et dès lors, la demande de ce chef sera rejetée.

M. [B] sollicite également le remboursement des frais d'expertise à hauteur de 150 000 Fr. Mais ceux ci sont inclus dans les dépens.

Au titre de ses demandes en réparation de l'aggravation des préjudices non soumis à recours, M. [B] se verra donc allouer les sommes suivantes : 600 000 + 250 000 = 850 000 Fr.

La cour rappelle qu'elle ne peut 'réserver' aucune dépense ni tenir compte pour 'mémoire' d'un poste d'indemnisation puisqu'il s'agirait alors de condamnations au paiement de sommes d'un montant indéterminé, prohibées en leur principe.

La société MAXIMA sera donc condamnée à payer à M.[B] :

une somme de 2 497 094 + 850 000 soit = 3 347 094 Fr. au titre de l'aggravation de son préjudice.

En conséquence, après infirmation partielle du jugement, la société MAXIMA doit être condamnée à payer à M.[B]:

la somme totale de 24 459 954 Fr. + 3 347 094 Fr.= 27 807 048 Fr. dont il faudra déduire les provisions déjà versées et de l'exécution provisoire du jugement rendu le 26 mars 2014.

- Sur la créance de la CPS :

En première instance, la créance de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française a été fixée à la somme de 5'893'993 Fr.

En appel, la CPS réclame,

- la somme de 6 089 080 Fr. pour les lésions initiales, sous déduction de la somme de 4'753'947 Fr. qu'elle a déjà reçue +195'085 Fr. + 1 140 048 Fr. )

- la somme de 4'368'175 Fr. au titre de l'aggravation du préjudice de M. [B] incluant les frais d'hospitalisation de 2'701'980 Fr.

La société MAXIMA conteste devoir au titre de l'aggravation les sommes de 1'288'980 Fr. (hospitalisation au centre Te Tiare), 1'402'000 Fr. (hospitalisation à la clinique Cardella) et 11'000 Fr. (hospitalisation à [Localité 9]), en faisant valoir que la CPS a appliqué un barème nouveau bien supérieur à celui pratiqué précédemment, le texte ayant restauré ce barème (arrêté 1894 CM du 20 octobre 2017 ayant fait l'objet d'un avis du conseil d'État d'annulation) et en tout état de cause, il n'est pas prouvé que ces sommes ont été avancées au titre de l'accident subi par M. [B].

Elle accepte de payer uniquement la somme de 1'618'139 Fr.

Il résulte du rapport d'expertise que la consolidation de l'aggravation a été fixée au 5 avril 2017 et que si l'expert n'émet aucune réserve en aggravation, il prévoit des frais futurs tels que la possibilité d'un changement de la prothèse du genou gauche à distance, le traitement antalgique et antidépresseur, la nécessité d'un suivi régulier orthopédique, psychiatrique et par le centre antidouleur.

Ce sont ces soins qui ont induit les frais d'hospitalisation querellés par la société MAXIMA. La CPS relève en outre, que le litige sur les frais d'hospitalisation dont il fait état ne concerne que le centre hospitalier de la Polynésie française et non les autres établissements qui ont un barème de journées d'hospitalisation distinct et non contesté.

La CPS justifie ainsi, en produisant notamment les mandats de paiement correspondant aux prestations dont elle demande le remboursement,

' que l'hospitalisation à l'établissement hospitalier d'[Localité 9] est due à une arthroscopie du genou subie le 26 mars 2015 par M. [B],

' que la facturation de l'hospitalisation au centre Te Tiare qui est un établissement de rééducation et de réadaptation fonctionnelle concerne le séjour de M. [B] du 24 novembre au 18 décembre 2015 et du 19 décembre 2015 au 6 janvier 2016, soit un total de 42 jours,

' que la facturation de l'hospitalisation à la clinique Cardella est consécutive au séjour de 12 jours de M. [B] du 12 au 24 novembre 2015, suite à l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 13 novembre 2015 consistant à remplacer l'articulation du genou par une prothèse totale, puis à une nouvelle journée d'hospitalisation le 18 décembre 2015.

En conséquence, la demande de la CPS est fondée en totalité, soit:

6 089 080 + 4 368 175 =10 457 255 Fr. sous réserve de paiements partiels déjà effectués.

La société MAXIMA devra donc être condamnée à payer,

- à M.[B], la somme de 27 559 954 Fr

- à la CPS, celle de 10 457 255 Fr.,

Le présent arrêt se substituant au jugement frappé d'appel, il est rendu sous réserve de déduction des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, outre les provisions déjà versées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Vu l'appel de la société MAXIMA-LA TAHITIENNE D'ASSURANCE ;

Vu le rapport d'expertise du Dr [Z] faisant état d'une aggravation des préjudices subis par M.[B] ;

Vu les arrêts avant dire droit rendus le 14 janvier 2021 puis le 9 décembre 2021 ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a,

- déclaré [L] [W] responsable du dommage subi par M. [U] [B] le 17 juillet 2010 ;

- dit que la société MAXIMA-La Tahitienne d'Assurances ( société MAXIMA) devra sa garantie ;

L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes formées contre M.[L] [W] tant pris en sa personne que représenté par son liquidateur judiciaire, M.[J],

Dit et juge que l'indemnisation due à [U] [B] en réparation du préjudice causé par l'accident survenu le 17 juillet 2010, s'élève à la somme de 27.559.954 francs pacifique,

Condamne en conséquence la société MAXIMA à payer ladite somme à M.[U] [B], après déduction des provisions déjà versées et des sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris,

Condamne également la société MAXIMA à payer à la CPS la somme de 10.457.255 francs pacifique sous déduction de la provision de 4 753 947 francs déjà versée, et autres sommes reçues au titre de l'éxécution provisoire,

Vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,

Condamne la société MAXIMA à supporter la charge des entiers dépens incluant les frais des expertises judiciaires, et à payer à M.[B] une somme totale de 500.000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ,

Rejette le surplus des demandes des parties.

Prononcé à Papeete, le 12 mai 2022.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : MF BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet b
Numéro d'arrêt : 14/00325
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;14.00325 ?
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