N° 64
KS
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Copie authentique
délivrée à :
- Me Jacquet,
le 03.07.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
[Adresse 6]
Audience du 22 juin 2023
RG 21/00062 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 81-TER, rg n° 19/00007 du Tribunal de Première Instance de Papeeete, section détachée de Raiatea, Tribunal Foncier de la Polynésie française, du 15 juillet 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 20 août 2021 ;
Appelante :
Mme [C] [S], née le 28 janvier 1976 à [Localité 13], de nationalité française, demeurant à [Adresse 10] ;
Représenté par Me Thierry JACQUET, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [R] [S], né le 5 avril 1973 à [Localité 13], de nationalité française, demeurant à [Adresse 10] ;
M. [Y] [S], né le 21 janvier 1942 à [Localité 8] - Huahine, de nationalité française, demeurant à [Adresse 7] ;
Non comparants, assignés à personne les 30 et 29 mars 2022 ;
Ordonnance de clôture du 21 octobre 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 février 2023, devant Mme SZKLARZ, conseiller désigné par l'ordonnance n° 57/ OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme GUENGARD, président de chambre, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Par requête reçue au greffe le 12 février 2019, Madame [C] [S], représentée par Maître JACQUET a saisi le tribunal de première instance de Papeete aux fins de voir :
- Ordonner le partage en 2 lots de la terre [M] située à HUAHINE en deux lots, l'un lui revenant avec [R] [S] et l'autre revenant à [Y] [S] ;
- Ordonner le sous partage en deux du lot lui revenant avec [R] [S] ;
- Ordonner en outre le partage en deux lots entre elle et [R] [S] des terres suivantes situées à HUAHINE : [W] et les parcelles B[Cadastre 1], B[Cadastre 4] et B[Cadastre 5] de la terre [N].
Par acte d'huissier du 21 mai 2019, [R] [S] et [Y] [S] ont été appelés en la cause.
Par jugement n° RG 19/00007, n° de minute 81-TER, en date du 15 juillet 2021, auquel la Cour se réfère expressément pour l'exposé de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier siégeant à Raiatea, a retenu que aucun élément n'est versé au débat qui permette de localiser les terres [M] située à HUAHINE, les lots B1, B2 et B3 de la terre [N] située à HUAHINE, et la terre [W] ; qu'un seul extrait de plan cadastral est versé mais il porte sur la terre [M] 1 surplus, de sorte que le tribunal ne peut identifier et localiser les terres dont le partage est demandé ; qu'enfin il convient de relever qu'au terme de l'acte de partage transcrit le 28 décembre 1998 il est précisé que reviennent à [C] et [R] [S] «les droits indivis de la terre [M] et de la terre [W]» sans autre précision, de sorte qu'il appartenait aux demandeurs d'apporter des précisions sur ce point. Le Tribunal foncier a dit :
- Déclare [C] et [R] [S] irrecevables en leur demande de partage et de sous partage des terres [M] située à HUAHINE, des lots B1, B2 et B3 de la terre [N] située à HUAHINE, et la terre [W],
- Condamne [C] et [R] [S] aux dépens de l'instance.
Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 20 août 2021, Madame [C] [S], ayant pour avocat Maître Thierry JACQUET, a interjeté appel de cette décision dont il n'est rien dit de la signification.
Aux termes de sa requête, à laquelle il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Madame [C] [S] demande à la Cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau
- Ordonner :
$gt; Le partage en deux lots de la terre [M] sise à Huahine entre [Y] [S] d'une part et [C] et [R] [S] d'autre part,
$gt; Le sous- partage en deux lots du lot revenant à [C] et [R] [S] entre eux
$gt; Le partage en deux lots entre eux également des terres suivantes [W] et [N] parcelles B[Cadastre 1]-B[Cadastre 4]-B[Cadastre 5]
$gt; Et la désignation d'un expert géomètre pour y procéder.
Malgré injonctions, [Y] [S] et [R] [S] n'ont pas constitué avocat devant la cour.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 21 octobre 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 23 février 2023. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023, délibéré qui a dû être prorogé.
MOTIFS :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Aux termes des articles 3, 4 et 5 du code de procédure civile de la Polynésie française, les prétentions respectives des parties telles qu'elles sont fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions suivant les cas écrites ou orales déterminent l'objet du litige. Le litige peut être modifié par des demandes incidentes, si celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Les parties ont la charge d'établir conformément à la loi, la preuve des faits propres à justifier leurs demandes sous le contrôle du juge qui peut les inviter à fournir toutes explications nécessaires à la solution du litige ou ordonner toutes mesures d'instruction légalement admissibles. Les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toutes conséquences d'une abstention ou d'un refus. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits qui sont dans les débats même s'ils n'ont pas été spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs moyens.
Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Il peut relever d'office les moyens de pur droit, quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties.
La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a modifié le code de l'organisation judiciaire et a institué un tribunal foncier, juridiction spécialisée dans les litiges fonciers en Polynésie française.
Aux termes de l'article L. 552-9-1 du Code de l'Organisation judiciai-re, lorsque le tribunal de première instance statue en matière foncière, il est dénommé tribunal foncier. Il statue dans une formation présidée par un magistrat du siège et comprenant, en outre, deux assesseurs.
La procédure devant le tribunal est fixé au TITRE VI du code de procédure civile de la Polynésie française « Dispositions applicables aux actions réelles immobilières portées devant le tribunal foncier ». L'article 449-3 dispose que «Sauf disposition expresse contraire, ne sont concernées par les dispositions du présent titre que les actions réelles immobilières ainsi que les actions relatives à l'indivision ou au partage portant sur des droits réels immobiliers, portées devant le tribunal foncier à compter du 1er janvier 2018.»
Il s'en déduit que les actions en bornage, les actions en désenclavement, servitudes, mitoyenneté, empiètement, droit de passage, les actions en expulsion en l'absence de bail et si revendication en usucapion, les successions dès lors qu'un ou des immeubles sont à partager, les actions en revendication, les administrations d'indivision successorale, les licitations et les recel successoral sauf si l'action ne porte pas sur un bien immobilier, sont de la compétence exclusive du Tribunal foncier.
Et aux termes des articles 449-5 et 449-6 du code de procédure civile de la Polynésie française, la demande initiale est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant ses prétentions au tribunal foncier. Elle introduit l'instance. Elle est formulée en langue française et, éventuellement, à l'initiative de leurs auteurs, dans une des langues de la Polynésie française parlées et écrites.
Toutes les demandes devant le tribunal foncier sont formées par une requête introductive d'instance datée et signée qui contient, à peine de nullité soumise aux dispositions de l'article 43 du présent code :
1° si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance, profession avec indication du lieu du travail, du domicile réel avec indication, lorsque l'information est disponible, de la boîte postale, des numéros de téléphone fixe et portable, et de l'adresse électronique ;
2° si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social avec indication de la boîte postale et des numéros de téléphone fixe et portable, l'organe et le nom de la personne qui la représente légalement et de son adresse électronique, lorsque cette dernière existe ;
3° un extrait du registre de commerce pour toute personne physique ou morale qui est soumise à l'obligation de s'y inscrire ;
4° les nom, prénoms, nationalité, domicile réel des défendeurs, leurs adresses postale et électronique lorsque cette dernière existe, leurs contacts téléphoniques, leur profession avec indication du lieu de travail ;
5° si le défendeur est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social avec indication de la boîte postale et des numéros de téléphone fixe et portable, l'organe et le nom de la personne qui la représente, ainsi que son adresse électronique lorsque cette dernière existe ;
6° l'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
7° l'objet de la demande avec les mentions relatives à la désignation cadastrale des immeubles exigées pour la transcription ;
8° l'exposé sommaire des faits et des moyens de droit ;
9° l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. A cet effet, un bordereau récapitulatif est annexé ;
10° chaque fois que la demande est directement ou indirectement fondée sur des droits ayant appartenu à une personne décédée, le requérant doit fournir à l'appui de sa demande l'état des inscriptions et des transcriptions concernant cette personne, ainsi que tout élément de nature à établir une dévolution successorale. A défaut, il sera versé une attestation délivrée par le service en charge des affaires foncières certifiant l'absence de compte hypothécaire et/ou de mention au fichier généalogique.
11° le formulaire de demande d'adhésion aux nouveaux modes de transmissions visé à l'article 449-10 et tenu à disposition au greffe.
Si aux termes de l'article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, aux termes de l'article 2 du code de procédure civile de la Polynésie française, les parties introduisent et conduisent l'instance.
En d'autres termes, le procès civil est la chose des parties et, dans le cadre d'une action en partage, il appartient au demandeur au partage de déployer devant la juridiction saisie, l'ensemble des pièces et des argumentaires nécessaires à l'établissement des droits de propriété de l'indivision et de la dévolution successorale.
Pour une bonne administration de la justice, une demande de voir ordonner le partage d'une indivision, plus particulièrement composée de terres, et de missionner un expert afin de constituer les lots, ne peut pas être recevable si les argumentaires et les pièces produites ne permettent pas de déterminer les souches issues du revendiquant, de fixer les souches éteintes, de rechercher les actes translatifs de droits de propriété et de déterminer les souches à qui reviennent des droits en suite de ces actes, ainsi que les quotités à revenir à chaque souche.
De même, tout action en partage est irrecevable si toutes les souches n'ont pas été appelées en la cause, ou à défaut sans qu'il ait été démontré que les souches non appelées sont éteintes.
Sur le plan procédural, le partage judiciaire implique que l'ensemble des co-indivisaires soit dans la cause en cas de partage par tête ou, s'il est sollicité par souche, à tout le moins que chaque souche comprenne au moins un co-indivisaire présent dans la procédure ou que les ayants droit des souches identifiées par le demandeur à l'action soient représentés par le curateur aux successions et biens vacants ; le Curateur aux successions et biens vacants ne devant cependant être mis dans la cause que si ces ayants droit sont inconnus ou introuvables au regard de l'article 676 du Code de procédure civile de la Polynésie française, ce qui implique de la part du demandeur au partage qu'il justifie de recherches permettant d'aboutir à cette conclusion.
Ainsi, pour qu'une action en partage soit recevable, les demandeurs au partage doivent démontrer qu'ils sont propriétaires indivis des biens immobiliers ou mobiliers dont ils demandent le partage. Ils doivent être en capacité de les lister et de démontrer à quel titre ils en sont propriétaire indivis. En matière de partage de terres, cela implique nécessairement d'identifier et localiser correctement les parcelles dont il est sollicité le partage. Il faut donc, pour que l'objet de la demande soit clairement défini, produire devant la juridiction les éléments nécessaires à l'identification des parcelles cadastrales issues des terres, mettre en cause ceux qui sont indiqués comme les propriétaires par titre au cadastre pour que ceux-ci puissent s'exprimer sur leurs droits et les conditions du partage. La Cour rappelle également que les mentions relatives à la désignation cadastrale des immeubles sont exigées pour la transcription.
En l'espèce, devant le premier juge comme devant la cour, Madame [C] [S] demande le partage en deux lots de la terre [M] sise à Huahine entre [Y] [S] d'une part et [C] et [R] [S] d'autre part ainsi que le partage en deux lots entre eux également des terres suivantes [W] et [N] parcelles B[Cadastre 1]-B[Cadastre 4]-B[Cadastre 5]. Il n'est donc pas fait état dans les demandes des références cadastrales des terres dont il est demandé le partage. Il est produit deux extraits cadastraux seulement :
- L'un pour la terre [M] 1 Surplus cadastrée section TL [Cadastre 2] à Huahine dont les propriétaires à la matrice cadastrale sont pour moitié Monsieur [Y] [S], pour ¿ Madame [C] [S] et pour ¿ Monsieur [R] [S],
- L'autre pour la terre [W] 1 Partie cadastrée TE [Cadastre 2] et TE [Cadastre 3] commune de [Localité 14] (Huahine) dont les propriétaires à la matrice cadastrale sont Madame [C] [S] et Monsieur [R] [S] mais aussi les ayants droits de [A] et les ayants droits de [P].
Ainsi aucun extrait cadastral n'est produit pour les lots B1, B2, B3 de la terre [N] dont il est demandé le partage.
Pour justifier de sa qualité de propriétaire des terres dont il est demandé le partage, Madame [C] [S] produit un acte notarié en date des 2 juillet et 13 novembre 1997, transcrit le 28 décembre 1998 Vol 2234 n°16, aux termes duquel il a été procédé au partage des biens de [T] [S] entre ses enfants et petits-enfants, dont Madame [C] [S] et Monsieur [R] [S].
Il résulte de cet acte que [T] [S] était propriétaire de droits indivis indéterminés dans plusieurs terres dont la terre [M] et la terre [O].
Monsieur [R] [S] et Madame [C] [S] se sont vus attribuer aux termes du partage de 1997 le 10ième lot composé ainsi :
- les lots B1, B2 et B3 de la terre [N] sise à Huahine,
- les droits indivis de la terre [M],
- les droits indivis de la terre [W],
- 1/8 de la terre [N],
- 1/10 indivis de la terre sise à [Localité 11] ([Localité 13]),
- 1/10 indivis des droits dont les lots TAAPU et dans les terres [Localité 12] [Localité 9] et l'îlot TAIAHU sis à [Localité 14] (Huahine).
Ainsi, aux termes de cet acte de partage, Madame [C] [S] et [T] [S] ne sont propriétaires que de droits indivis indéterminés sur la terre [M] et la terre [O]. Ils ne peuvent être recevables en leur demande en partage qu'après avoir éclaircie ce point, d'autant plus que la matrice cadastrale de la terre [O] mentionne d'autres propriétaires indivis qui doivent nécessairement être appelés en la cause.
Ainsi, pour n'être propriétaire que de droits indivis indéterminés sur les terres [M] et [O] aux termes de l'acte notarié en date des 2 juillet et 13 novembre 1997, transcrit le 28 décembre 1998 Vol 2234 n°16, et pour ne pas avoir fait état des références cadastrales des lots B1, B2 et B3 de la terre [N], Madame [C] [S] est irrecevable en son action en partage pour avoir très insuffisamment mis en état sa procédure.
En conséquence, la cour confirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier siégeant à Raiatea n° RG 19/00007, n° de minute 81-TER, en date du 15 juillet 2021 en toutes ses dispositions.
Il est toujours possible à Madame [C] [S] de saisir à nouveau le Tribunal foncier d'une action en partage en respectant les termes de l'article 449-6 du code de procédure civile de la Polynésie française et en veillant au préalable à faire déterminer contradictoirement quelle était la quotité de droits de son auteur, [T] [S], sur les terres [M] et [O].
Madame [C] [S] qui succombe pour le tout doit être condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
DÉCLARE l'appel recevable,
CONFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier siégeant à Raiatea n° RG 19/00007, n° de minute 81-TER, en date du 15 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt,
CONDAMNE Madame [C] [S] aux dépens d'appel.
Prononcé à Papeete, le 22 juin 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ