COUR D'APPEL DE PARIS 15è chambre, section B ARRET DU 11 MAI 2001
(N , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/19832 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 11/09/1997 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 9/2è Ch. RG n :
1995/22307 Date ordonnance de clôture : 16 Mars 2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANTE : Madame X... Y... ... par la SCP ANNIE BASKAL, avoué assistée de Maître H. SHALLYF, Toque C 1339, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 26 quai de la Rapée 75012 - PARIS représentée par Maître PAMART, avoué assistée de Maître MARECHAL, Toque R 198, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, Monsieur SALZMANN, Président et Monsieur BINOCHE, Conseiller, Magistrats rapporteurs ont entendu seuls les plaidoiries par application de l'article 786 du NCPC, les avocats ne s'y étant pas opposés, puis ils en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré; Lors du délibéré Président : Monsieur SALZMANN Z... : Monsieur BINOCHE
Madame LEGARS A... : A l'audience publique du 23 mars 2001 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Monsieur B... agent du secrétariat-greffe ayant prêté le serment de Greffier ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur SALZMANN, Président, lequel a signé la minute du présent arrêt avec Monsieur G. B..., Greffier.
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Suivant déclaration du 21 août l998, Madame Y... X... a interjeté appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris (9ème Chambre, 2ème Section) lequel l'a déboutée le ll septembre l997 de toutes les demandes qu'elle formulait àl'encontre de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE en la condamnant aux dépens de la procédure et aux frais de l'expertise ordonnée dans le cadre du litige.
Il convient de se référer au jugement dont s'agit pour complet exposé, la Cour rappelant en bref que le litige ayant donné lieu au jugement dont appel est né suite au dysfonctionnement à l'étranger d'une carte bancaire de paiement international Visa Premier dans les guichets automatiques distribuant des devises, ceci alors que ce dysfonctionnement n'existait pas lors de l'utilisation de la carte en France par son titulaire.
Dans ses conclusions récapitulatives d'appel (9 mars 2001) Madame X... sollicite l'infirmation du jugement du ll septembre l997 et demande à la Cour de dire que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE a engagé sa responsabilité à son encontre, et de la condamner en conséquence à lui payer la somme de 177.000 francs à titre de dommages-intérêts tous préjudices confondus ainsi qu'une somme de 25.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.
Elle expose et fait valoir notamment : - que l'expert n'a pas procédé à toutes les investigations nécessaires en ne vérifiant notamment pas si la clé bancaire de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE et la clé interbancaire (internationale) étaient bien programmées dans les pistes magnétiques de la carte de l'appelante, - qu'elle-même, n'a aucune responsabilité dans la démagnétisation de la carte étant observé qu'on ne peut lui faire
grief d'avoir conservé celle-ci dans son sac à main, comme le suggère l'expert, - que la banque est responsable de la défectuosité constatée en lui ayant remis une carte non fiable, sans l'informer de ce risque de surcroît, ce qui constitue un manquement contractuel et un manquement à la réglementation communautaire, - que le Tribunal de Grande Instance de Paris a mal jugé en retenant la responsabilité de l'appelante, ceci alors même qu'en France les banques remplacent gratuitement avant leur échéance les cartes bancaires démagnétisées reconnaissant ainsi leur défectuosité, - que la carte en possession de l'appelante était affectée d'un vice caché dès lors qu'elle n'a pas fonctionné lors de la première tentative d'utilisation à l'étranger, étant ainsi impropre à son usage; - qu'elle a subi un préjudice conséquent (qu'elle évalue à 177.000 francs) ayant dû l°) interrompre son voyage en Belgique et aux Pays Bas (faute d'argent) lors d'un week-end qui était celui de l'Ascension et pendant lequel les guichets des banques étaient fermés, 2°) faire un nouveau voyage (en juillet l995 suivant) pour établir attestations de banques à l'appui la réalité de ses allégations.
La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE conclut au visa des articles 1134 du Code Civil et 559 (relatif à l'amende civile) du NCPC, à la confirmation du jugement entrepris et au débouté de Madame X... de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, ainsi qu'à sa condamnation à payer à la Banque la somme de 30.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 20.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC. CELA ETANT EXPOSE :
Considérant qu'il est constant que Madame X... titulaire d'une carte bancaire de paiement international Visa n° 4533820536456113 qui lui a été remise par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE fin décembre l994, n'a pu utiliser celle-ci lors
d'un premier voyage en Belgique et Pays Bas en mai l995 (week-end de l'Ascension) cette impossibilité d'utilisation étant confirmée lors d'un deuxième voyage en juillet l995 effectué par l'appelante pour établir la réalité de ses allégations par l'obtention d'attestations auprès des guichets des établissements bancaires lesquels étaient fermés lors du premier voyage;
Que Madame X... verse ainsi aux débats une attestation du 29 juillet l995 de la Banque GEMEENTEKREDIET à Middelkerke établissant que la carte n° ci-dessus référencé "ne peut être lue dans son distributeur" ainsi qu'une attestation établie le 28 juillet l995 dans les mêmes termes par la Banque Bruxelles Lambert à Oostende;
Considérant que dans le cadre de la procédure initiée par Madame X... devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur C... lequel a indiqué dans son rapport : - que la carte dont Madame X... était titulaire était bien une carte de paiement international sans cause apparente de dysfonctionnement (rapport page 6); - que n'étant pas en ce qui le concernait compétent en matériel de sécurité fiduciaire, il faisait appel à un laboratoire compétent (rapport page 6) et que dans ces conditions le laboratoire FIME effectuait l'expertise de la carte, lequel retenait : - que la carte présentait un affaiblissement important sur les pistes magnétiques ISO l et ISO 2 pouvant conduire à un rejet de la carte dans les systèmes lisant les pistes magnétiques, alors que la même carte pouvait être fonctionnelle dans les terminaux bancaires lisant le micro circuit;
Considérant que l'expert C... a encore conclu (rapport page 23) que la carte Visa litigieuse étant sous la garde de Madame X... celle-ci lui apparaissait responsable de la détérioration constatée et ne semblait donc pas fondée à demander une indemnisation de son préjudice subi de ce fait;
Considérant toutefois qu'en concluant ainsi (cette conclusion étant entérinée par les premiers juges) l'expert C... a outrepassé sa mission d'expert, étant observé qu'il appartient au juge seul de statuer sur les responsabilités encourues dans un litige, au vu seulement des constatations et éléments de fait fournis par l'expert; Considérant que la Cour retiendra quant à elle, que la carte remise à Madame X... seulement 5 mois avant la première utilisation qui en était faite à l'étranger (ceci étant établi par les listings d'utilisation fournis par la Banque elle-même dont il ressort qu'elle avait été utilisée seulement en France auparavant) n'a pas fonctionné lorsque son titulaire a tenté d'obtenir des devises dans les distributeurs automatiques belges et Hollandais, ceci alors même qu'aux termes du contrat "porteur de cartes" elle était programmée pour être utilisée dans ce contexte;
Que son dysfonctionnement est lié à un affaiblissement de ses pistes magnétiques utilisées par les distributeurs de billets à l'étranger affiliés au réseau Visa, à l'inverse du plus grand nombre des lecteurs de cartes français lisant les cartes bancaires munies d'un micro circuit; (puce)
Considérant toutefois que dès lors que la carte dont Madame X... était titulaire ne présente à dire d'expert aucune cause apparente de dysfonctionnement, ou ne peut imputer à son titulaire un manquement quelconque dans la conservation de ladite carte, ou une quelconque manipulation abusive ou aberrante, étant observé que conserver une carte de paiement dans un sac à main fait au contraire partie des précautions élémentaires d'usage;
Que s'il est possible (rapport page l3) qu'un sac à main de part le champs magnétique qu'il porte en lui peut être à l'origine d'une démagnétisation d'une carte bancaire, il appartiendrait dès lors au
fournisseur de la carte (banque) en toute connaissance de ce risque de fournir à son utilisateur une protection (étui) idoine pour éviter ce phénomène et en tous cas d'attirer son attention sur le risque encouru;
Que surtout, il sera rappelé dans le cas d'espèce, que le dysfonctionnement subi est intervenu cinq mois seulement après la remise à son titulaire d'une carte bancaire faite pour durer deux ans, en ce compris en ce qui concerne ses pistes magnétiques;
Qu'ainsi, faute de preuve d'une faute dans la conservation de la carte par son titulaire, la banque apparaît responsable du dysfonctionnement constaté dès lors qu'elle a fourni à son client une carte impropre à l'usage auquel elle était destinée et doit réparer le préjudice en résultant pour Madame X...;
Que ce préjudice concrétisé par les désagréments tenant l°) à l'interruption d'un premier voyage en mai l995 faute de pouvoir obtenir des devises pour le poursuivre, 2°) à la nécessité d'un deuxième voyage pour rapporter la preuve de ses allégations par Madame X... (juillet l995), 3°) à la nécessité d'une procédure judiciaire, sera évalué par la Cour à la somme de 25.000 francs étant observé que cette somme est le montant qui avait été réclamé amiablement par Madame X... à sa banque par courrier du 5 juillet l995;
Considérant que l'équité justifie par ailleurs qu'il soit fait droit à la demande de Madame X... au titre de l'article 700 du NCPC, ceci à hauteur de 20.000 francs;
Que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE sera déboutée quant à elle de toutes ses prétentions;
PAR CES MOTIFS,
Contradictoirement,
Infirme le jugement du ll septembre l997 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE responsable du dysfonctionnement à l'étranger de la carte Visa International n° 4533820536456113 par elle délivrée à Madame X..., laquelle s'est révélée impropre à l'usage auquel elle était destinée; Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE à payer à Madame X... en réparation de son préjudice la somme de 25.000 francs;
Condamne la banque à payer à la même la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC;
Déboute la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ILE DE FRANCE de toutes ses demandes;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés directement par l'avoué conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC y compris aux frais d'expertise. LE GREFFIER
LE PRESIDENT