COUR D'APPEL DE PARIS 15è chambre, section A X... DU 27 NOVEMBRE 2001
(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/05655 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 04/02/2000 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 20è Ch. RG n : 1997/91572 Date ordonnance de clôture : 16 Octobre 2001 Nature de la décision :
Réputé contradictoire Décision : Confirmation partielle et renvoi le litige opposant la CED VIANDES et l'UBAF devant la C.A de VERSAILLES APPELANT : LE CREDIT LYONNAIS S.A pris en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 19 Boulevard des Italiens 75OO9 PARIS représenté par la SCP HARDOUIN, avoué assisté de la SCP MOLAS-LEGER-CUSIN ET ASSOCIES, Toque P159, Avocat au Barreau de PARIS, INTIMEE AU PRINCIPAL ET INCIDENTE: LA S.A. CED VIANDES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 152 Avenue Malakoff 75O16 PARIS représentée par Maître CORDEAU, avoué assistée de Maître ACHILLE BERTRAND, Toque R120, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : LA SOCIETE RAFIDAIN BANK prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège New Bank Street Main Branch BAGDAD (IRAK) assignée - défaillante INTIMEE : LA S.A.R.L. AVICOLE DE SERRIS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 77 rue des Résistants 5928O ARMENTIERES représentée par la SCP REGNIER-BEQUET, avoué assistée de Maître GRUBER ALEXANDRE, Toque C1753, Avocat au Barreau de PARIS, substituant Me Paul RANJARD R169 INTIMEE : LA S.A. A.C.T.- ACTION CHIMIQUE THERAPEUTIQUE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 92 Avenue du Général de Gaulle 921OO BOULOGNE représentée par la SCP NARRAT-PEYTAVI, avoué assistée de Maître LEOPOLD AISENSTEIN, Avocat au Barreau de PARIS, INTIMEE AU PRINCIPAL ET APPELANTE INCIDENTE : LA SOCIETE U.B.A.F.- UNION DE BANQUES ARABES ET FRANCAISES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 19O Avenue du
Général de Gaulle 922OO NEUILLY SUR SEINE représentée par la SCP GIBOU-PIGNOT-GRAPPOTTE-BENETREAU, avoué assistée de Maître DOMINIQUE DOISE, Toque T10, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : LA S.A.R.L. SEMBODJA BV prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège WESTERLAAN Ni 1O 3O16 K.ROTTERDAM assignée - défaillante INTIMEE : LA SOCIETE MELCHEMIE HOLLAND BV société de droit néerlandais prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège à ARNHEIM, Jansbuitengingel 2O, PO Box 143 - 68OO AC 99OOO (PAYS BAS) représentée par Maître CORDEAU, avoué INTIMEE : LA SOCIETE RASHEED BANK prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège Quater N 11O Street n 25 PO Box 11 227 Hay Masarif BAGDAD (IRAK) assignée - défaillante INTERVENANTE VOLONTAIRE : LA S.A. ALUMINIUM PECHINEY prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 7 Place du Chancelier Adenauer 75218 PARIS CEDEX 16 représentée par la SCP TEYTAUD, avoué assistée de Maître BENOUVILLE STEPHANE, Toque P134, Avocat au Barreau de PARIS, pl. p. la SCP RAMBAUD-MARTEL COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Présidente : Madame Y... Z... : Monsieur LE FEVRE A... : Madame B... C... : A l'audience publique du 16 octobre 2OO1 GREFFIERE: Lors des débats et du prononcé de l'arrêt, Mademoiselle D... X... : Réputé Contradictoire Prononcé publiquement par Madame B..., A..., Signé par Madame Y..., Présidente, et par Mademoiselle D..., Greffière.
Au 2 août 1990, date de l'embargo décrété à l'encontre de l'Irak, la société CED VIANDES, exportateur de viande bovine à destination de ce pays, détenait des créances impayées au titre des livraisons qu'elle avait effectuées; les conditions de paiement accordées aux acheteurs irakiens étaient les suivantes: lettres de crédit ouvertes en faveur de la société CED VIANDES par la RAFIDAIN BANK en 1988 et 1989, puis
par la RASHEED BANK en 1990 .
Le 3 septembre 1990, la société CED VIANDES, dûment autorisée par ordonnance du 31 août 1990, a fait procéder à une saisie conservatoire entre les mains du CREDIT LYONNAIS, au préjudice de la RAFIDAIN BANK, pour sûreté et conservation d'une créance de 1.225.241.088 USD; le 20 juin 1996, elle a assigné le CREDIT LYONNAIS en déclaration affirmative devant le tribunal de grande instance de Paris; entre-temps, d'autres saisies avaient été notifiées entre les mains du CREDIT LYONNAIS, au préjudice de la même banque irakienne; ainsi, la société AVICOLE DE SERRIS avait fait pratiquer, le 22 août 1991, une saisie-arrêt pour obtenir le paiement de la contre-valeur en francs français de 1.500.000 USD, puis le 17 mai 1993, une saisie attribution pour les sommes de 18.346.827,50 Francs et 1.142.500 F; la société DUMEZ avait fait pratiquer une saisie-arrêt, le 3 juillet 1992, pour la somme de 22.827.797 USD; la société ACTION CHIMIQUE THERAPEUTIQUE (ACT) avait fait procéder, le 24 décembre 1992, à une saisie-arrêt pour la somme de 22.305.931,20 Francs, puis le 20 janvier 1993, à une saisie attribution pour la somme de 20.000.000 Francs; la société SEMBODJA BV avait fait procéder à plusieurs saisies pour un montant de 22.668.738 Francs, les 29 mars 1995, 5 avril et 9 mai 1996; l'UNION DE BANQUES ARABES ET FRANCAISES (UBAC) avait fait pratiquer une saisie attribution, le 7 août 1995, pour la somme de 1.285.217.866,74 Francs. Le CREDIT LYONNAIS a payé à la société AVICOLE DE SERRIS, la somme de 18.303,18 Francs le 2 juillet 1993, et celle de 1.500.000 USD les 7 avril et 1er juillet 1994; il a payé la somme de 24.026.352,48 Francs à la société ACT les 6 et 8 juillet 1994 .
Le 3 septembre 1990, la société CED VIANDES avait aussi fait procéder à une saisie conservatoire entre les mains du CREDIT LYONNAIS, au préjudice de la RASHEED BANK, pour sûreté et conservation d'une créance de 12.829.379,80 USD; le 8 juillet 1997, elle a assigné le CREDIT LYONNAIS en déclaration affirmative devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugements des 4 septembre 1997 et 4 novembre 1998, le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré incompétent pour statuer sur les deux litiges dont il était saisi, et a renvoyé les parties devant le tribunal de commerce qui a joint les procédures .
Par jugement du 4 février 2000, auquel il est fait référence pour plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal de commerce de Paris a : - dit que c'est à tort que le CREDIT LYONNAIS avait procédé à la distribution des fonds revenus au crédit de la RAFIDAIN BANK entre les sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACT, sans tenir
compte de la saisie préalable opérée par la société CED VIANDES, - dit que les fonds détenus par le CREDIT LYONNAIS pour le compte de la RAFIDAIN BANK, en ce inclus les indemnités d'immobilisation, doivent être versés aux sociétés CED VIANDES, AVICOLE DE SERRIS et ACT, au prorata du montant de leurs créances respectives, - dit que la répartition des fonds sera effectuée sous le contrôle de Maître RODET, huissier audiencier, selon la procédure prévue par les articles 1281-1 et suivants du nouveau code de procédure civile, un compte spécial étant ouvert à son nom dans les livres de la banque, et ses honoraires étant mis à la charge du CREDIT LYONNAIS, - pris acte du retrait de la procédure de la société DUMEZ GTM, venant aux droits de la société DUMEZ, suite à l'annulation de ses saisies, - dit les saisies pratiquées par la société SEMBODJA et par L'UBAC tardives, et de ce fait exclues de la répartition des fonds disponibles, - confirmé le jugement de renvoi du 2 novembre 1998, et dit que le CREDIT LYONNAIS devra faire son affaire d'une éventuelle récupération des fonds trop versés aux sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACT, - condamné le CREDIT LYONNAIS à payer à la société CED VIANDES, par le débit du compte ouvert en ses livres au nom de la RASHEED BANK, la somme de 12.829.379, 80 USD, augmentée des intérêts au taux légal à partir du 14 septembre 1990 et jusqu'à parfait paiement, en exécution du jugement du 11 décembre 1995, - pris acte de ce que la société MELCHEMIE HOLLAND BV s'en remettait à justice, et qu'elle ne poursuivait pas le recouvrement de sa créance sur la RASHEED BANK, - débouté le CREDIT LYONNAIS de sa demande de voir les créanciers fournir l'état des sommes recouvrées auprès des autres tiers saisis, mais dit que ces créanciers n'ont aucun droit à se faire remettre des sommes excédant le montant effectif de leurs créances, - condamné le CREDIT LYONNAIS à verser l'indemnité de 100.000 Francs à la société CED VIANDES, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile .
Le CREDIT LYONNAIS, appelant, expose qu'il est intervenu pour confirmer les crédits documentaires émis par les banques irakiennes; il soutient que les sommes afférentes aux gages espèces constitués par ces deux banques se trouvaient dans son patrimoine à la date des saisies de la société CED VIANDES; il conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de toutes les demandes de la société CED VIANDES; subsidiairement, le CREDIT LYONNAIS réclame aux sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACT restitution des sommes qu'il leur a versées; il demande l'indemnité de 50.000 Francs à la société CED VIANDES, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
La société ACT fait valoir que le tribunal a dissocié la demande en restitution du CREDIT LYONNAIS à son encontre, et demande la confirmation de cette décision; subsidiairement, elle invoque la faute d'imprudence du CREDIT LYONNAIS qui s'est abstenu de révéler la saisie de la société CED VIANDES, et conclut au mal fondé de sa demande; dans l'hypothèse où la cour ferait droit à la demande du CREDIT LYONNAIS, la société ACT demande, en réparation de son préjudice, le montant des sommes qu'elle devrait restituer, et la compensation entre les créances; elle réclame l'indemnité de 20.000 Francs au CREDIT LYONNAIS, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
La société AVICOLE DE SERRIS analyse la demande en garantie du CREDIT LYONNAIS à son encontre en une action en répétition de l'indu, dont elle soulève l'irrecevabilité comme le mal fondé; subsidiairement, elle soutient que le CREDIT LYONNAIS a commis une faute en
s'abstenant de lui signaler l'existence d'une précédente saisie, que son préjudice est égal au montant qu'elle devrait rapporter, que la compensation doit être prononcée entre les deux créances, et l'appelant débouté de sa demande de restitution; la société AVICOLE DE SERRIS réclame l'indemnité de 20.000 Francs au CREDIT LYONNAIS, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
L'UBAF prie la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté sa demande tendant à venir en concours avec la société CED VIANDES sur les sommes saisies au préjudice de la RAFIDAIN BANK; elle soutient que la saisie pratiquée par cette société doit venir en concours avec sa saisie attribution du 7 août 1995 pour un montant de 1.285.217.866,74 Francs, et qu'à due concurrence des sommes devant lui revenir, la société CED VIANDES doit lui reverser les sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire du jugement; par ailleurs, l'UBAC expose qu'elle a consenti des avances à la société CED VIANDES, en contrepartie de la cession par celle-ci de ses créances sur la RASHEED BANK d'un montant de 6.711.911,34 USD; elle prétend que ces créances ont été exclues du mécanisme global de consolidation organisé par le protocole et le moratoire passés entre la société CED VIANDES et ses banquiers; elle conclut au rejet des exceptions de litispendance et de connexité opposées par la société CED VIANDES; si la cour confirmait la condamnation du CREDIT LYONNAIS au profit de la société CED VIANDES, l'UBAC demande l'annulation de la disposition du jugement ayant prononcé la jonction de l'instance relative à la saisie à l'encontre de la RASHEED BANK, avec celle relative à la saisie pratiquée à l'encontre de la RAFIDAIN BANK; en toute hypothèse, elle demande que la société CED VIANDES, en sa qualité de mandataire de l'UBAC pour le recouvrement des créances cédées, lui
reverse à due concurrence des montants cédés, soit la somme de 6.711.911,34 USD, majorée des intérêts de droit à compter du 14 septembre 1990, ou pour les bordereaux de cession postérieurs à cette date, à compter de la date des bordereaux; subsidiairement, si l'une des exceptions de la société CED VIANDES était accueillie, l'UBAC demande la mise sous séquestre de la somme de 6.711.911,34 USD jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué par la cour d'appel de Versailles, ou tout autre juridiction saisie de ce litige, sur les prétentions de l'UBAC relatives à cette somme, et dirigées contre la société CED VIANDES; l'UBAC réclame l'indemnité de 100.000 Francs à la société CED VIANDES, par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
La société ALUMINIUM PECHINEY, intervenante volontaire, expose qu'elle est créancière sur le fondement d'un contrat du 20 avril 1989 et du crédit documentaire du 28 novembre 1989, garanti par le gage espèces constitué par la RASHEED BANK entre les mains du CREDIT LYONNAIS pour la somme de 2.850.000 USD; elle allègue qu'au 3 septembre 1990, date de la saisie de la société CED VIANDES, le gage espèces était indisponible à hauteur de cette somme; la société ALUMINIUM PECHINEY demande à la cour, par infirmation du jugement, d'enjoindre et, en tant que de besoin, de condamner le CREDIT LYONNAIS à lui payer la somme de 2.850.000 USD, ou sa contre-valeur en euros au jour du paiement, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 août 1990, avec capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil; elle conclut au rejet des prétentions de la société CED VIANDES, et lui réclame l'indemnité de 7.500 euros, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
La société CED VIANDES fait valoir que le CREDIT LYONNAIS ne rapporte pas la preuve de gages espèce constitués par les banques irakiennes; elle soutient que même si cette preuve était rapportée, les saisies ont valablement porté sur les créances en restitution des fonds remis en garantie des engagements autonomes pris par le CREDIT LYONNAIS, qui déclare avoir confirmé les crédits documentaires émis par les banques irakiennes; elle demande le rejet de l'appel du CREDIT LYONNAIS, et lui réclame l'indemnité de 50.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile . La société CED VIANDES conclut au mal fondé des prétentions de la société ALUMINIUM PECHINEY, faisant valoir que son intervention volontaire est abusive, elle lui demande la somme de 50.000 Francs à titre de dommages-intérêts, outre l'indemnité de 50.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Sur la prétention de l'UBAF à venir en concours sur les avoirs de la RAFIDAIN BANK, la société CED VIANDES expose qu'à la date de la saisie de l'UBAF, soit le 7 août 1995, le CREDIT LYONNAIS ne détenait plus aucun avoir; elle demande confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la distribution des avoirs de la RAFIDAIN BANK entre les seules sociétés AVICOLE DE SERRIS, ACT, et CED VIANDES; sur la demande de l'UBAC relative aux avoirs de la RASHEED BANK, la société CED VIANDES soulève les exceptions de litispendance, et subsidiairement de connexité, pour demander son renvoi devant la cour d'appel de Versailles; elle invoque encore le caractère nouveau de cette demande devant la cour, et conclut à son mal fondé; elle réclame à l'UBAC la somme de 50.000 Francs, à titre de dommages-intérêts, pour demande abusive, et l'indemnité de 50.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
La société MELCHEMIE HOLLAND BV demande acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice .
La société SEMBODJA a fait savoir qu'elle ne constituerait pas avoué .
La RAFIDAIN BANK, et la RASHEED BANK, qui ont été assignées par remise des actes au parquet général, n'ont pas constitué avoué . MOTIFS
1) Sur l'appel du CREDIT LYONNAIS :
Considérant que le CREDIT LYONNAIS, par déclaration affirmative du 24 octobre 1996, indiquait qu'à la date de la saisie de la société CED VIANDES, le 3 septembre 1990, le compte courant de la RAFIDAIN BANK présentait un solde débiteur, mais que lui-même "était détenteur des sommes de 18.346.827,20 Francs et de 1.142.500 USD, remises par la RAFIDAIN BANK, et affectées à la garantie de crédits documentaires confirmés par le CREDIT LYONNAIS"; qu'il ajoutait que la constitution de gage espèces faisait sortir la somme déposée du patrimoine du constituant du gage; qu'en même temps, il précisait qu'il s'était intégralement libéré, à compter du 2 juillet 1994, au profit de deux autres créanciers saisissants, les sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACT; que postérieurement, par déclaration affirmative du 11 décembre 1997, le CREDIT LYONNAIS indiquait que la RASHEED BANK n'avait pas de compte dans ses livres, mais qu'il détenait les sommes de 19.000.000
USD et 850.680 Francs, pour sûreté de deux engagements demandés au CREDIT LYONNAIS par la RASHEED BANK de confirmer deux accréditifs documentaires; qu'il précisait qu'en vertu des conventions de gage espèces, les fonds étaient sortis du patrimoine du constituant, la RASHEED BANK, et enregistrés dans les avoirs propres du CREDIT LYONNAIS pour garantir les confirmations des deux crédits documentaires;
Considérant que le CREDIT LYONNAIS expose que, dans leurs relations, les banques qualifient imparfaitement les fonds affectés au règlement des crédits documentaires, en utilisant les termes de blocage, provision, cash collatéral, ou gage espèces, alors que, dans leur commune intention, les banques émettrices procurent aux banques réalisatrices, les moyens d'exécuter leurs obligations documentaires, en leur transmettant les fonds correspondant en pleine propriété; qu'il prétend que leur restitution ne pourrait intervenir que sur revendication de la banque émettrice; qu'il fait valoir qu'à la date de la saisie de la société CED VIANDES, les fonds inscrits à l'actif du CREDIT LYONNAIS étaient représentatifs d'un paiement anticipé, et, à ce double titre, étaient devenus sa propriété;
Mais considérant que le CREDIT LYONNAIS n'est pas devenu propriétaire des fonds des deux banques irakiennes; qu'il les détenait à titre de dépôt ou de gage espèces; que dans ce second cas, les banques irakiennes étaient titulaires sur le CREDIT LYONNAIS, dès la constitution du gage, d'une créance en restitution, soumise à la condition suspensive d'extinction du gage résultant de la caducité des crédits documentaires; qu'une telle créance était saisissable;
que les garanties du CREDIT LYONNAIS n'ont jamais été appelées; que les banques irakiennes n'ont jamais demandé la restitution des fonds; Considérant que c'est en vain que le CREDIT LYONNAIS relève que le jugement réputé contradictoire du 26 mai 1997, validant la saisie conservatoire de la société CED VIANDES au préjudice de la RAFIDAIN BANK, ne lui a été notifié que le 24 juillet 2001; qu'en effet, la saisie conservatoire du 3 septembre 1990 rendait indisponible la créance saisie entre les mains du CREDIT LYONNAIS; que les paiements qu'il a opérés au profit des sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACT, l'ont été au mépris des droits de la société CED VIANDES, et sont inopposables à celle-ci; que les prétentions du CREDIT LYONNAIS contre la société CED VIANDES sont donc mal fondées; que par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, il devra lui verser l'indemnité de 30.000 Francs;
Considérant que le CREDIT LYONNAIS, pour réclamer restitution des sommes versées aux sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACT, expose qu'il a payé la première en exécution d'un jugement rendu le 7 mars 1994, et la seconde au vu d'une attestation de non contestation de sa saisie attribution; qu'il fait valoir qu'il résulte du projet de répartition des fonds établi par Maître RODET, que les deux sociétés ont perçu des sommes bien supérieures à celles qu'elles étaient en droit de recevoir dans le cadre de la distribution des sommes saisies; qu'il allègue que l'erreur commise ne peut constituer une faute ou un obstacle à sa demande de remboursement; qu'il souligne que les deux sociétés ont bénéficié des sommes pendant plusieurs années;
Considérant que la société ACT réplique que le tribunal n'a pas statué sur la demande du CREDIT LYONNAIS à son encontre, et qu'elle se trouve privée d'un degré de juridiction; mais que cette société ayant conclu sur le fond, la cour est saisie de l'entier litige; que le CREDIT LYONNAIS, lorsqu'il a payé les sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACT, ne pouvait ignorer l'existence de la saisie conservatoire antérieurement pratiquée par la société CED VIANDES; qu'il a commis une faute en passant outre; que de plus, les sociétés étaient bien créancières de la RAFIDAIN BANK pour les montants qu'elle ont reçus; qu'en conséquence, les conditions de l'action en répétition de l'indu ne sont pas réunies; qu'aucune faute n'a été commise par les deux sociétés qui serait susceptible de fonder un recours en garantie; que toutes les demandes du CREDIT LYONNAIS à leur encontre seront donc rejetées; que par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le CREDIT LYONNAIS devra verser l'indemnité de 10.000 Francs à chacune d'elles;
2) Sur l'intervention volontaire de la société ALUMINIUM PECHINEY :
Considérant que la société ALUMINIUM PECHINEY expose que par contrat du 20 avril 1989, ASC lui a confié une mission de transfert technologique et d'assistance dans le cadre d'un projet de construction d'une usine d'électrolyse d'aluminium en Irak, qu'en garantie du paiement de ses prestations, la RASHEED BANK a demandé au CREDIT LYONNAIS d'émettre un crédit documentaire du montant du marché, soit 19.000.000 USD, et qu'en garantie de l'engagement du
CREDIT LYONNAIS à son profit, la RASHEED BANK a constitué un gage espèces de ce montant entre ses mains; qu'elle précise qu'elle avait réalisé l'ensemble des travaux et études correspondant à la première tranche du marché, et avait vocation à percevoir la deuxième échéance contractuelle de 2.850.000 USD, lorsque l'embargo contre l'Irak est intervenu, et que le 13 août 1990, elle a déposé entre les mains d'un huissier tous les documents qu'elle aurait dû transmettre à ASC;
Considérant que la société ALUMINIUM PECHINEY soutient que, titulaire d'une créance de 2.850.000 USD, elle a un intérêt à intervenir dans la présente instance, pour soutenir la demande d'infirmation du jugement, et obtenir paiement de la somme qui lui est due; que sur le fond, elle fait valoir qu'elle était titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible, le 2 août 1990, date du prononcé de l'embargo, et que le gage espèces constitué par la RASHEED BANK ne pouvait faire l'objet d'une saisie par un tiers, étant indisponible, et ne constituant pas une créance en germe; qu'elle allègue que par la constitution du gage espèces, la RASHEED BANK avait transféré au CREDIT LYONNAIS la propriété des fonds devant lui revenir; qu'elle en déduit que le gage espèces était indisponible, à tout le moins à concurrence de 2.850.000 USD, à la date de la saisie de la société CED VIANDES.
Mais considérant que la constitution du gage espèces n'a pas eu pour effet de transférer la propriété des fonds de la RASHEED BANK au CREDIT LYONNAIS; qu'il s'agit d'un mécanisme propre aux relations entre la banque émettrice du crédit documentaire et la banque confirmatrice, permettant de garantir le remboursement de cette
dernière, si son engagement était mis en oeuvre par le bénéficiaire; qu'il ne constitue pas une sûreté au profit du bénéficiaire du crédit documentaire; qu'en conséquence, la société ALUMINIUM PECHINEY ne peut valablement prétendre qu'elle disposait d'un droit direct ou d'un privilège sur les fonds de la RASHEED BANK dans les livres du CREDIT LYONNAIS à la date du 2 août 1990; que ces fonds ne lui étaient pas affectés, et qu'elle n'a pratiqué aucune saisie conservatoire; que c'est en vain qu'elle invoque la reconnaissance de sa créance par ACT, la prorogation du crédit documentaire, et la lettre du 12 novembre 1996, par laquelle le ministère de l'économie et des finances l'autorise à être payée de sa créance par le débit du gage espèces remis par la RASHEED BANK au CREDIT LYONNAIS ; qu'en effet, ces éléments ne modifient pas les droits antérieurement acquis par la société CED VIANDES et résultant de sa saisie conservatoire du 3 septembre 1990; que toutes les demandes de la société ALUMINIUM PECHINEY doivent donc être rejetées;
Considérant que cette société n'ayant pas fait dégénérer en abus son droit d'intervenir dans la présente instance, la société CED VIANDES sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts; que la société PECHINEY ALUMINIUM devra lui verser l'indemnité de 10.000 en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
3) Sur les demandes de l'UBAF :
Considérant que l'UBAF prétend venir en concours sur les avoirs de la RAFIDAIN BANK, en raison de sa saisie attribution du 9 août 1995; mais qu'avant cette date, la société AVICOLE DE SERRIS avait pratiqué
une saisie attribution le 17 mai 1993, et la société ACT une saisie attribution le 20 janvier 1993; que ces deux saisies attributions ont attribué les avoirs saisis respectivement aux sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACT, sans possibilité de concours avec une saisie postérieure; qu'elles ont absorbé l'intégralité des fonds de la RAFIDAIN BANK; que l'indisponibilité attachée à la saisie conservatoire de la société CED VIANDES ne peut profiter qu'à celle-ci; qu'en conséquence, la demande de concours de l'UBAF ce chef est mal fondée;
Considérant que l'UBAF demande l'annulation de la jonction par le tribunal de l'instance ayant pour objet la saisie pratiquée à l'encontre de la RASHEED BANK, avec celle ayant pour objet la saisie pratiquée à l'encontre de la RAFIDAIN BANK; qu'elle expose n'avoir été appelée et convoquée en première instance que dans le cadre de l'instance relative à la saisie au préjudice de la RAFIDAIN BANK, et n'avoir appris la jonction des instances que par le jugement; qu'elle fait valoir que l'annulation étant prononcée pour non respect du principe de la contradiction, ses demandes sont recevables comme résultant d'une intervention volontaire devant la cour; mais qu'à supposer même qu'une annulation soit encourue, il y a lieu pour la cour de statuer sur le litige, vu la demande de l'UBAF en ce sens;
Considérant que la société CED VIANDES lui oppose les exceptions de litispendance et de connexité, en raison de l'instance pendante devant la cour d'appel de Versailles; que sur le fond, elle se prévaut de la teneur du protocole et du moratoire passés avec ses différentes banques;
Considérant qu'il convient de rappeler que les 10 juin et 5 juillet 1990, la RASHEED BANK a ouvert deux crédits documentaires au bénéfice de la société CED
Considérant qu'il convient de rappeler que les 10 juin et 5 juillet 1990, la RASHEED BANK a ouvert deux crédits documentaires au bénéfice de la société CED VIANDES, pour des montants portés respectivement à 15.600.000 USD et 8.400.000 USD; que l'UBAF a consenti des avances à la société CED VIANDES, en contrepartie de la cession par celle-ci de ses créances sur la RASHEED BANK, au titre de ces deux crédits documentaires, outre un bordereau de cession en faveur de la BDEI, endossé en faveur de l'UBAF; qu'à la suite de l'embargo sur l'Irak, la société CED VIANDES a conclu un protocole d'accord et un moratoire avec ses différents banquiers, dont l'UBAF; que le 17 février 1994, elle a fait pratiquer une saisie conservatoire de créances, entre les mains de l'UBAF, sur les avoirs de la RASHEED BANK; qu'après avoir obtenu la condamnation au paiement de la RASHEED BANK par jugement devenu définitif du 11 décembre 1995, la société CED VIANDES a signifié à L'UBAF, le 18 juillet 1996, un acte de conversion de saisie conservatoire, avec demande en paiement; que L'UBAF s'est refusée à faire droit à sa demande, au motif que d'autres saisies avaient été pratiquées; que c'est dans ces circonstances que le 23 juillet 1998, la société CED VIANDES a assigné l'UBAF et les autres créanciers saisissants devant le tribunal de commerce de Nanterre; que par jugement du 17 mars 2000, ce tribunal a condamné L'UBAF au paiement; que L'UBAF a relevé appel de cette décision le 29 mars 2000; que dans ses conclusions du 13 mars 2001, L'UBAF demande à la
cour d'appel de Versailles de la déclarer propriétaire des créances cédées dans le cadre de la loi Dailly, d'ordonner que les montants correspondant lui soient attribués, et subsidiairement, de dire que, la société CED VIANDES agissant pour le recouvrement de ses créances en qualité de mandataire de l'UBAF, elle doit être dispensée d'effectuer le versement des fonds à la société CED VIANDES, et pourra conserver les sommes dont elle est devenue propriétaire, qui viendront en déduction de sa créance sur la RASHEED BANK;
Considérant qu'il apparaît que l'UBAF agit devant les cours d'appel de Paris et de Versailles, en vertu des mêmes titres, à savoir les bordereaux de cession de créances, mais que ses demandes ont un objet différent; qu'en effet, devant la cour d'appel de Versailles, sa demande porte sur la rétrocession de sommes saisies par la société CED VIANDES, dans ses livres, au préjudice de la RASHEED BANK; que devant la cour d'appel de Paris, sa demande porte sur l'attribution de sommes saisies par la société CED VIANDES, dans les livres du CREDIT LYONNAIS, au préjudice de la RASHEED BANK; que l'exception de litispendance ne peut donc être accueillie;
Considérant, cependant, que l'issue des deux litiges dépend de l'examen du protocole d'accord et du moratoire, ainsi que des droits invoqués par l'UBAF en vertu des bordereaux de cession de créances; qu'il existe ainsi entre les litiges pendants devant les deux cours un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les faire juger ensemble; que la cour d'appel de Paris n'a été saisie de la demande de l'UBAF que par conclusions du 4 septembre 2001, soit postérieurement à la saisine de la cour d'appel de
Versailles; qu'en conséquence, il y a lieu à dessaisissement au profit de cette dernière;
Considérant qu'aucune raison ne justifie la demande de séquestre de l'UBAF sur les sommes attribuées à la société CED VIANDES jusqu'à ce que la cour d'appel de Versailles ne se prononce; que les demandes de L'UBAF ne présentant pas un caractère abusif, la demande en dommages-intérêts de la société CED VIANDES sera rejetée; que par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, L'UBAF lui versera l'indemnité de 10.000 Francs ; PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a dit que le CREDIT LYONNAIS devrait faire son affaire d'une éventuelle récupération des fonds trop versés aux sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACTION CHIMIQUE THERAPEUTIQUE,
Déboute le CREDIT LYONNAIS de toutes ses demandes contre les sociétés AVICOLE DE SERRIS et ACTION CHIMIQUE THERAPEUTIQUE,
Condamne le CREDIT LYONNAIS à payer, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'indemnité de 30.000 Francs à la société CED VIANDES, l'indemnité de 10.000 Francs à la société AVICOLE DE SERRIS, et l'indemnité de 10.000 Francs à la société ACTION CHIMIQUE THERAPEUTIQUE,
Déboute la société ALUMINIUM PECHINEY de toutes ses demandes, et la condamne à payer l'indemnité de 10.000 Francs à la société CED VIANDES, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Déboute la société CED VIANDES de sa demande en dommages-intérêts formée contre la société ALUMINIUM PECHINEY,
Renvoie le litige opposant la société CED VIANDES et l'UNION DES BANQUES ARABES ET FRANCAISES sur les associés de la RASHEED BANK, devant la cour d'appel de Versailles,
Déboute L'UNION DE BANQUES ARABES ET FRANCAISES de sa demande de séquestre,
Déboute la société CED VIANDES de sa demande en dommages-intérêts contre L'UNION DE BANQUES ARABES ET FRANCAISES,
Condamne l'UNION DE BANQUES ARABES ET FRANCAISES à payer l'indemnité de 10.000 Francs à la société CED VIANDES, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne le CREDIT LYONNAIS aux dépens d'appel, sauf ceux afférents à l'intervention volontaire de la société ALUMINIUM PECHINEY et aux demandes de L'UNION DE BANQUES ARABES ET FRANCAISES, qui resteront respectivement à leur charge, et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile .