COUR D'APPEL DE PARIS 15è chambre, section B ARRET DU 18 JANVIER 2002 (N , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1999/20225 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 16/06/1999 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 21è Ch. RG n : 1998/13079 Date ordonnance de clôture : 15 Novembre 2001 Nature de la décision :
CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANTE : S.A. S.N.V.B. SOCIETE NANCEIENNE VARIN BERNIER prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 4 Place André Maginot 54074 - NANCY représentée par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avoué assistée de Maître D. DOISE, Toque T 010, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE :
S.A. S.M.C.M. SOCIETE MEUSIENNE DE CONSTRUCTIONS MECANIQUES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 1 rue Prêle 55170 - ANCERVILLE représentée par la SCP TEYTAUD, avoué assistée de la SCP NORMAND, Toque P 141, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré, Président : Monsieur POTOCKI X... : Madame GRAEVE X... : Madame DAVID Y... : à l'audience publique du 30 novembre 2001 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Monsieur Z... agent du secrétariat-greffe ayant prêté le serment de Greffier ARRET : Contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur POTOCKI, Président, lequel a signé la minute du présent arrêt avec Monsieur G. Z..., Greffier.
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La société Meusienne de Construction Mécaniques, ci-après dénommée la SMCM, a vendu à la société espagnole DEMSA des tubes en acier
inoxydable, pour le prix de 371.784,96 francs, payable par crédit documentaire.
La société Nancéienne Varin-Bernier, ci-après dénommée la SNVB, banque notificatrice, a d'abord crédité, puis ensuite débité, de cette somme le compte de la SMCM.
La SMCM a saisi le tribunal de commerce de Paris pour obtenir à nouveau le paiement de cette somme, tandis que, reconventionnellement, la SNVB sollicitait la condamnation de la SMCM à lui payer le solde débiteur de son compte.
Le tribunal, par jugement du 16 juin 1999, a : - dit la demande de la SMCM recevable mais mal fondée et l'en a déboutée, - dit la demande reconventionnelle de la SNVB recevable mais mal fondée et l'en a déboutée, - dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.
Par déclaration du 5 août 1999, la SMCM a fait appel de cette décision.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau code de procédure civile, ont été déposées : - le 23 mai 2001 pour la SMCM, - le 26 avril 2001 pour la SNVB.
La SMCM demande à la Cour de : - confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SNVB de la demande reconventionnelle dirigée à l'encontre de la SMCM, - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déboutée la SMCM de sa demande principale à l'encontre de la SNVB, - en conséquence, - condamner la SNVB à payer à la SMCM la somme de 371.784,96 francs, outre agios aux taux qui lui ont été appliqués par la SNVB depuis le ler mars l994 et jusqu'à complet paiement, - condamner la SNVB à lui payer la somme de 30.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SNVB demande à la Cour de : - infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit la demande reconventionnelle de la SNVB recevable mais
mal fondée et l'en a déboutée, - condamner la SMCM à payer à la SNVB la somme principale de 473.573,60 francs, majorée des intérêts au taux légal courus depuis la mise en demeure du l4 janvier l998 jusqu'au jour du parfait paiement, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé la SMCM mal fondée en ses demandes dirigées à l'encontre de la SNVB et l'en a déboutée, - débouter la SMCM de toutes ses demandes, - subsidiairement et pour le cas où il serait fait droit, en tout ou partie, à la demande de la SMCM tendant à obtenir la condamnation de la SNVB au paiement de la somme principale de 371.784,96 francs, dire que cette demande ne pourra porter intérêts au taux légal qu'à compter du 26 janvier l998, date de l'assignation délivrée par la SMCM à la SNVB et ordonner la compensation judiciaire entre les sommes susceptibles d'être mises à la charge de la SNVB et la somme principale de 473.573,60 francs majorée des intérêts au taux légal courus depuis la mise en demeure du l4 janvier l998 jusqu'au jour du parfait paiement à laquelle sera condamnée la SMCM au profit de la SNVB, - condamner la SMCM à payer à la SNVB une somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE LA COUR : Sur le crédit documentaire,
Considérant que, à la demande de la société espagnole DEMSA, qui avait commandé des tubes en acier inoxydable à la SMCM, la BANESTO a ouvert, au profit de cette dernière, un crédit documentaire irrévocable, valable jusqu'au 30 juillet 1992, que la SNVB, agissant en qualité de banque notificatrice, a porté à sa connaissance le 21 juillet 1992 ;
Que le 11 août 1992, la SMCM a transmis les documents prévus par l'accréditif ;
Que le 14 août 1993, la SNVB a envoyé à la SMCM une télécopie ainsi libellée : "(...) nous avons relevé les irrégularités suivantes :
crédit échu depuis le 30/07/92. L'attestation d'assurance n'est pas établie sous forme négociable (...). Rectification sur T2 non approuvée. Sur facture il est indiqué 36 fardeaux alors que tous les autres documents font état de 36 caisses. Veuillez nous autoriser à présenter les documents en l'état en nous retournant le présent fax dûment signé." ;
Que la SMCM a fait retour de ce document à la SNVB, après l'avoir signé le 24 août 1992 ;
Que le 31 août 1992, la BANESTO, en sa qualité de banque émettrice, a accusé réception de l'envoi des documents, en précisant : "(...) Nous contactons notre client et reviendrons sur le sujet dès que possible. Nous maintenons les documents à votre disposition dans ce laps de temps car il existe des irrégularités : L/C est expiré. L'attestation d'assurance n'est pas établie en conformité avec les termes de L/C" ; Que postérieurement, différents échanges de courriers ont eu lieu entre la SNVB et la BANESTO, sans pouvoir régler les irrégularités constatées dès l'origine ;
Considérant que, dans ces circonstances, il doit être constaté que, le 27 novembre 1992, date à laquelle la SNVB a crédité le compte de la SMCM de la somme de 371.784,96 francs, le crédit documentaire était échu, les documents transmis par le bénéficiaire étaient hors délai et non conformes, la banque émettrice ne les avait pas acceptés et le donneur d'ordre n'avait pas donné son accord pour un règlement ;
Qu'ainsi, contrairement à ce qui figure sur le relevé transmis à cette occasion, le paiement effectué à cette date par la SNVB ne l'a pas été en exécution d'une obligation pesant sur cette banque notificatrice au titre du crédit documentaire, dont les conditions de mise en oeuvre n'avaient pas été réunies, mais par l'effet d'une
erreur de sa part ;
Que si la banque notificatrice qui règle sans réserve le bénéficiaire est tenue par ce paiement qui ne peut être rapporté, il n'en va pas de même lorsque, comme en l'espèce, cet intermédiaire a averti le bénéficiaire, lors de la remise des documents, que ceux-ci étaient hors délais et non conformes ;
Que la SMCM ne saurait donc exiger la restitution de cette somme sur le fondement du mécanisme de crédit documentaire ;
Mais considérant que, en créditant ainsi le compte de la SMCM et en indiquant que ce paiement avait pour cause l'acceptation totale du crédit documentaire, la SNVB a commis une faute, comme le fait valoir la SMCM;
Que la SMCM, qui a tenté de recouvrer le prix de sa marchandise, y compris en recourant à une procédure d'arbitrage, en a été empêchée par la disparition de sa cliente, la société DEMSA, confrontée à de graves difficultés économiques ;
Qu'il n'est pas contesté que la SMCM a fait une nouvelle livraison à la société DEMSA, le 17 mars 1993, payée, sans difficultés, par un crédit documentaire à échéance du 15 juillet 1993 ;
Qu'à cette période, la société DEMSA était donc encore solvable ;
Que si la SMCM avait su de façon certaine que le règlement de la marchandise livrée l'année précédente n'avait pas été valablement réalisé, faute d'acceptation du crédit documentaire, elle aurait pu résoudre ce différent avant de procéder à une nouvelle opération de vente ;
Qu'ainsi, la faute commise par la SNVB a fait perdre une chance à la SMCM de recouvrer sa créance contre la société DEMSA ;
Qu'au vu de l'ensemble des éléments du dossier, la Cour évalue à 75.000 francs la juste indemnisation de ce préjudice ; Sur le solde du compte courant de la SMCM,
Considérant que la SMCM, pour contester le solde débiteur dont la SNVB lui demande le paiement, se limite à faire valoir qu'il tient compte des agios résultant du débit de la somme 371.784,76 francs que la SNVB a opéré sur son compte, "de manière injustifiée" selon elle ; Mais considérant que, ainsi qu'il a été jugé, cette somme n'était pas due à la SMCM par la SNVB, et que ce débit n'était donc pas injustifié ;
Que la SMCM doit donc régler à la SNVB le solde débiteur de son compte ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement attaqué,
Condamne la SNVB à payer à la SMCM 11.433,68 euros (75.000 francs) à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 1998, date de l'assignation devant le tribunal,
Condamne la SMCM à payer à la SNVB 72.195,83 euros (473.573,60 francs) avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 1998,
Ordonne la compensation entre ces deux sommes,
Rejette toutes les autres demandes,
Fait masse des dépens de première instance et d'appel, dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties et qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT