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09/04/2002 | FRANCE | N°2001/19855

France | France, Cour d'appel de Paris, 09 avril 2002, 2001/19855


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRÊT DU 9 AVRIL 2002

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/19855 2001/19925, 2001/19931 Décision dont recours : décision N° 01-D-63 du Conseil de la concurrence en date du 09/10/2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : ANNULATION DEMANDERESSES AU RECOURS :

S.A. GEODIS OVERSEAS FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux, Ayant son siège social Parc des Reflets 165, avenue du Bois de la Pie - ZAC de Paris Nord II - 95700 ROISSY EN FRANCE Représentée par la SCP LAGOURG

UE, avoué, 19, boulevard de Sébastopol 75001 PARIS Assistée de Me V. LEDOUX...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRÊT DU 9 AVRIL 2002

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/19855 2001/19925, 2001/19931 Décision dont recours : décision N° 01-D-63 du Conseil de la concurrence en date du 09/10/2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : ANNULATION DEMANDERESSES AU RECOURS :

S.A. GEODIS OVERSEAS FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux, Ayant son siège social Parc des Reflets 165, avenue du Bois de la Pie - ZAC de Paris Nord II - 95700 ROISSY EN FRANCE Représentée par la SCP LAGOURGUE, avoué, 19, boulevard de Sébastopol 75001 PARIS Assistée de Me V. LEDOUX, avocat, 3, place des Victoires 75001 PARIS Toque P 0280 S.A.R.L. AMAZONIE DÉMÉNAGEMENTS, prise en la personne de ses représentants légaux, Ayant son siège PK 16, route de Dégrad des Cannes - BP 350 - RÉMIRE MONTJOLY - 97328 CAYENNE CEDEX Représentée par Me BOLLING, avoué, 40 rue du Bac - 75007 PARIS Assistée de Me M.BREMOND, avocat, 43, rue de Courcelle 75008 Paris Toque G 247 SOCIÉTÉ HO YOU FAT, prise en la personne de ses représentants légaux, Ayant son siège 1, rue Lalouette - BP 130 - 97323 CAYENNE SOCIÉTÉ DÉMÉNAGEMENT ANTILLES-GUYANE " D.A.G.", prise en la personne de ses représentants légaux, Ayant son siège ZI du Larivot - MATOURY - BP 1168 - 97345 CAYENNE CEDEX Représentées par Me COSSEC de la SCP COSSEC, avoué, 159, rue de la Pompe - 75116 PARIS Assistées de Me J. TUBIANA, avocat, 64, rue de la Boétie 75008 Paris Toque P 0162 EN PRÉSENCE : du Ministre de l'économie, des finances et du budget, Représenté aux débats par Monsieur X..., muni d'un mandat régulier. COMPOSITION DE LA COUR : Y... des débats et du délibéré, Madame KAMARA,

Président Monsieur Z...,

Conseiller Monsieur A...,

Conseiller GREFFIER : Y... des débats :Madame JAGODZINSKI Y... du

prononcé de l'arrêt : Madame B... MINISTÈRE C... : Monsieur D..., Substitut Général DEBATS : A l'audience publique du 5 Mars 2002 ARRÊT : Prononcé publiquement le NEUF AVRIL DEUX MILLE DEUX, par Madame KAMARA, Président, qui en a signé la minute avec Madame B..., Greffier ;

Saisi par le ministre chargé de l'économie de pratiques constatées dans le secteur des déménagements des militaires de l'armée de terre affectés dans le département de la Guyane, le Conseil de la concurrence a, par décision n 01-D-63 du 9 octobre 2001, infligé des sanctions pécuniaires de 25.000 F à 350.000 F à cinq entreprises, dont la participation à des ententes sur le marché pertinent concerné avait été retenue, et a ordonné la publication de sa décision dans le quotidien "France-Antilles" et dans le mensuel "Armées d'aujourd'hui".

SUR QUOI,

LA COUR,

Vu l'exposé des moyens déposé le 18 décembre 2001 par la société Géodis Overseas France au soutien de son recours, tendant à

l'annulation ou, à défaut, à la réformation de la décision entreprise, et demandant à la cour de réduire de façon très significative le montant de l'amende de 350.000 F qui lui a été infligée, en tenant compte de la spécificité du système de remboursement par l'autorité militaire des frais de déménagement des militaires en Guyane et prenant en considération sa situation individuelle ainsi que le caractère marginal des pratiques reprochées et l'incidence marginale que ces pratiques ont pu avoir sur le fonctionnement de la concurrence, et, enfin, de dire n'y avoir lieu à publication et, subsidiairement, de juger qu'il n'y a lieu de mettre à sa charge les frais de publication ;

Vu l'exposé des moyens déposé le 20 décembre 2001 par la société Amazonie Déménagements au soutien de son recours, tendant à l'annulation ou, à défaut, à la réformation de la décision entreprise et priant la cour de dire qu'il n'y a pas lieu à sanction à son égard ni à publication, à titre subsidiaire, de reconnaître l'existence de circonstances atténuantes en ce qu'il existe un partage de responsabilités avec les autorités militaires, de constater que l'éventuelle entrave à la concurrence résulte d'une cause étrangère et n'a pas comme origine l'entente intervenue entre elle et les autres sociétés de déménagements de Guyane et de réduire à la somme maximale de 82.500 F le montant de la sanction pécuniaire qui a été prononcée contre elle à hauteur de 165.000 F ;

Vu l'exposé des moyens déposé le 10 décembre 2001 par les sociétés Ho You Fat et Déménagements Antilles-Guyane au soutien de son recours, tendant à l'annulation ou, à défaut, à la réformation de la décision entreprise, faisant valoir notamment qu'il n'existe aucune justification de la participation de la société HO YOU FAT, créée en

1997, comme auteur ou comme complice dans les faits à l'origine de la présente instance, qui se sont déroulés en 1992, et visant à la condamnation de l'Etat français au paiement d'une somme de 7.623 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les observations du ministre chargé de l'économie en date du 6 février 2002 concluant au rejet des recours et, en cas de réformation, à la publication dans le quotidien "France-Guyane", le quotidien "France-Antilles" ayant une diffusion restreinte aux deux seuls départements antillais ;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 1er février 2002, concluant également au rejet des recours, par lesquelles le Conseil appelle l'attention de la cour sur les nombreux problèmes de concurrence qui caractérisent le secteur du déménagement des fonctionnaires et militaires à l'origine de plusieurs décisions du Conseil, de la cour de ce siège et de la Cour de cassation, souligne que les pratiques litigieuses, graves par nature, ayant été condamnées par la cour de céans dans un arrêt de principe du 29 avril 1993 relatif à une saisine similaire dans le secteur du déménagement des fonctionnaires dans les DOM-TOM, et développe diverses observations afférentes au secteur concerné, à la réglementation des prix, aux preuves de la concertation, à l'effet sensible de ce genre de pratiques, citant à cet égard divers motifs de l'arrêt précité de 1993 et d'un arrêt de la cour de ce siège du 23 mai 1995, et aux sanctions prononcées ;

Vu les écritures en réplique déposées le 22 février 2002 par les requérantes, aux termes desquelles les sociétés Ho You Fat et

Amazonie Déménagements demandent à la cour, au visa de l'article 9 du décret du 19 octobre 1987, des articles L. 462-6 et L. 464-2 du code de commerce, de l'article 55 de la Constitution et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de juger que l'intervention devant la cour du Conseil de la concurrence, juridiction de première instance, constitue une violation des droits de la défense et de l'article 6 de la convention susmentionnée, de dire l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel nulle et de nul effet, et d'annuler, en conséquence, l'ensemble des procédures ;

Ou' le ministère public, qui a soulevé l'irrecevabilité du moyen de procédure tiré de l'intervention du Conseil devant la cour, motif pris du caractère nouveau dudit moyen qui ne figurait pas dans les déclarations de recours ni dans les exposés des moyens déposés au greffe, et, sur le fond, conclu au rejet des recours, la légalité externe et interne de la décision déférée n'étant pas affectée ;

Et, les requérantes ayant eu la parole en dernier, ou' les sociétés Ho You Fat et Amazonie Déménagements qui ont souligné qu'elles n'avaient pu invoquer l'irrégularité liée à l'intervention du Conseil de la concurrence devant la cour avant que celui-ci n'ait fait usage de la faculté de formuler des observations écrites, qu'il a déposées au greffe le 1er février 2002 ;

Considérant que, si, en application de l'article 2 du décret du 19 octobre 1987, les moyens invoqués par le requérant à l'encontre d'une décision du Conseil de la concurrence doivent être énoncés, à peine d'irrecevabilité, dans la déclaration de recours ou dans l'exposé des moyens déposé au greffe dans les deux mois de la notification de la

décision critiquée, l'exception de nullité de la procédure tirée de la violation de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales fondée sur les observations écrites formulées devant la cour par le Conseil de la concurrence ne pouvait être soulevée avant le dépôt desdites observations ; que cette exception est donc recevable ;

Considérant qu'en application de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial ;

Que ces dispositions supranationales s'appliquent, nonobstant les dispositions réglementaires du droit interne, à la procédure de sanctions prévues par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce qui, bien que de nature administrative, visent, comme en matière pénale, par leur montant élevé et la publicité qui leur est donnée, à punir les auteurs de pratiques anti-concurrentielles et à dissuader les opérateurs de se livrer à de telles pratiques ;

Considérant qu'il résulte du texte précité que, lorsque la décision fait l'objet d'un recours de plein contentieux devant une juridiction d'appel, la procédure régissant le recours doit respecter les principes de l'égalité des armes et de l'effectivité du recours, garantissant l'exercice des droits de la défense ;

Considérant qu'en l'espèce, le Conseil de la concurrence, qui a infligé des sanctions pécuniaires aux termes d'une décision frappée de recours, a formulé des observations écrites devant la cour saisie dudit recours ;

Qu'il a, en particulier, développé divers éléments qui ne figuraient pas dans la décision déférée, relatifs notamment aux nombreux problèmes caractérisant le secteur du déménagement des fonctionnaires et militaires, même hors du marché pertinent concerné, ainsi qu'aux décisions précédemment rendues dans ce domaine, de sorte que, par ces éléments nouveaux, il a privé les sociétés requérantes de l'effectivité du recours par elles formé ; qu'en effet, celles-ci sont exclues de tout recours contre les éléments nouveaux développés pour la première fois devant la cour, lesquels ajoutent à la décision qui aurait dû être seule déférée à la connaissance du juge du recours ;

Que, de surcroît, l'égalité des armes est rompue en ce que les sociétés requérantes se trouvent confrontées devant la cour, non seulement au ministre chargé de l'économie qui avait originellement saisi le Conseil, mais encore au Conseil lui-même qui, bien qu'il leur ait infligé des peines pécuniaires assimilables à des sanctions pénales, a formulé, devant la cour, des observations modifiant, en les aggravant, les données qu'il avait retenues contre elles dans sa décision ;

Que le seul fait que les requérantes aient pu répliquer aux observations du Conseil ne suffit pas à rétablir l'équilibre entre, d'une part, l'autorité qui a saisi le Conseil et le Conseil lui-même, et d'autre part, les requérantes, puisque ne peut pas être écartée avec certitude l'éventualité que la cour, même si elle évinçait les observations écrites du Conseil, ait néanmoins pu être convaincue, à l'aide des informations contenues dans les observations écrites du Conseil, de l'existence des pratiques incriminées et/ou de leur

gravité ;

Considérant qu'il s'ensuit que la procédure de recours est irrémédiablement viciée et doit être annulée ; que, par voie de conséquence, les sociétés requérantes se trouvant privées de la faculté d'introduire un recours contre la décision dont il s'agit, cette dernière sera également annulée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Annule la procédure de recours devant la cour ainsi que la décision du Conseil de la concurrence n 01-D-63 du 9 octobre 2001 ;

Rejette toute autre prétention ;

Dit que les dépens seront supportés par le Trésor public. LE GREFFIER.

LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2001/19855
Date de la décision : 09/04/2002

Analyses

CONCURRENCE - Pratique anticoncurrentielle - Procédure - Cour d'appel - Conseil de la concurrence - Observations - Réplique possible des parties

Le Conseil de la concurrence, qui, après avoir infligé à des sociétés, dont la participation à des ententes sur le marché pertinent concerné avait été retenue, des sanctions pécuniaires aux termes d'une décision frappée de recours, a formulé des observations écrites devant la cour saisie dudit recours, a, par ces éléments nouveaux, privé les sociétés requérantes de l'effectivité du recours par elles formé. En effet, celles-ci sont exclues de tout recours contre les éléments nouveaux développés pour la première fois devant la cour, lesquels ajoutent à la décision qui aurait dû être seule déférée à la connaissance du juge du recours. De surcroît, l'égalité des armes est rompue en ce que les sociétés requérantes se trouvent confrontées devant la cour, non seulement au Ministre chargé de l'économie qui avait originellement saisi le Conseil, mais encore au Conseil lui-même qui, bien qu'il leur ait infligé des pein- es pécuniaires assimilables à des sanctions pénales, a formulé, devant la cour, des observations modifiant, en les aggravant, les données qu'il avait retenues contre elles dans sa décision. Le seul fait que les requérantes aient pu répliquer aux observations du Conseil ne suffit pas à rétablir l'équilibre entre, d'une part, l'autorité qui a saisi le Conseil et le Conseil lui-même, et d'autre part, les requérantes, puisque ne peut pas être écartée avec certitude l'éventualité que la cour, même si elle évinçait les observations écrites du Conseil, ait néanmoins pu être convaincue, à l'aide des informations contenues dans les observations écrites du Conseil, de l'existence des pratiques incriminées et/ou de leur gravité. Il s'ensuit que la procédure de recours est irrémédiablement viciée et doit être annulée ; par voie de conséquence, les sociétés requérantes se trouvant privées de la faculté d'introduire un recours contre la décision dont il s'agit, cette dernière sera également annulée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-04-09;2001.19855 ?
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