COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 4 JUILLET 2002 (N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/11719 (dossier joint : 2001/14324) SUR TIERCE OPPOSITION à un arrêt rendu en matière de nationalité le 16 mars 2000 par la 1ère chambre, section C de la Cour d'appel de Paris (RG n : 1999/13622) sur l'appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris (1ère chambre, 2ème section) du 29 mai 1998 (RG n : 1997/10984) et SUR TIERCE OPPOSITION INCIDENTE à un arrêt rendu en matière de nationalité le 17 février 2000 par la 1ère chambre, section C de la Cour d'appel de Paris (RG n : 1999/03148) sur l'appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris (1ère chambre, 2ème section) du 29 mai 1998 (RG n : 1997/10985) Date ordonnance de clôture : 30 mai 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : IRRECEVABILITÉ DEMANDERESSE A LA TIERCE OPPOSITION : DEFENDERESSE A LA TIERCE OPPOSITION INCIDENTE :
Madame X..., Sophie MAMBAYE
née le 12 octobre 1954 à DAKAR (Sénégal)
demeurant chez Madame DA CUNA Y...
66, boulevard de Reuilly
75012 PARIS
Représentée par la S.C.P. Patrice MONIN, avoué
Assistée de Maître Michel SUZANNE,
avocat à la Cour (P 270) DEFENDERESSE A LA TIERCE OPPOSITION :
DEMANDERESSE A LA TIERCE OPPOSITION INCIDENTE :
Madame Hagate Z... - JACQUES PHILIPPE
née le 7 février 1930 à DAKAR (Sénégal)
demeurant Boulevard Sicap Liberté
4, Villa 5168 B
DAKAR (Sénégal)
Représentée par la S.C.P. Patrice MONIN, avoué
Assistée de Maître Michel SUZANNE,
avocat à la Cour (P 270) DEFENDEUR A LA TIERCE OPPOSITION et A LA TIERCE OPPOSITION INCIDENTE :
Le MINISTERE PUBLIC
pris en la personne de
Monsieur le PROCUREUR GENERAL
près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet
au Palais de Justice
4, Boulevard du Palais
75001 PARIS
Représenté par Monsieur PEROL, avocat général
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats et du délibéré
Président : Madame A...
Conseiller : Monsieur B...
Conseiller : Monsieur C...
GREFFIER
lors des débats et du prononcé
de l'arrêt : Mlle D...
MINISTERE PUBLIC
Monsieur PEROL, Avocat Général
qui a développé oralement ses conclusions écrites
DEBATS
à l'audience publique du 4 juin 2002
ARRET - CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par Madame A...,
Président, qui a signé la minute avec Mlle D..., Greffier. * * *
Statuant sur la demande d'Hagate Varella-Jacques Philippe, née le 7 février 1930 à Dakar (Sénégal) tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation paternelle, comme enfant naturelle d'Emile Jacques Philippe, le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 29 mai 1998 pris au motif essentiel que la filiation de l'intéressée à l'égard de son père n'avait été établie qu'après sa majorité et était donc sans incidence sur sa nationalité, a rejeté la demande et constaté l'extranéité de la demanderesse.
Statuant sur la demande d'Adeline Mambaye, née le 12 octobre 1954 à Dakar (Sénégal), tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation maternelle, sa mère Hagate Varella-Jacques Philippe étant française comme enfant naturelle d'Emile Jacques Philippe, le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 29
mai 1998 pris au motif essentiel que par jugement du même jour il avait constaté l'extranéité de la mère de l'intéressée, a rejeté la demande et constaté l'extranéité de la demanderesse.
Par arrêt du 16 mars 2000, cette cour a confirmé le jugement du 29 mai 1998 concernant la nationalité d'Hagate Varella-Jacques Philippe au vu des conclusions de première instance, l'appelante n'ayant pas conclu dans les quatre mois de son appel et le ministère public ayant demandé l'application de l'article 915 alinéa 3 du nouveau code de procédure civile. L'arrêt n'a pas fait l'objet d'un pourvoi.
Par arrêt du 17 février 2000, cette cour a confirmé le jugement du 29 mai 1998 ayant statué sur la nationalité d'Adeline Mambaye au vu des conclusions de première instance, l'appelante n'ayant pas conclu dans les quatre mois de son appel et le ministère public ayant demandé l'application de l'article 915 alinéa 3 du nouveau code de procédure civile. Dans son arrêt, la Cour a déclaré irrecevable les conclusions de désistement d'appel prises par X... Mambaye postérieurement à la réinscription de l'affaire en application de l'article 915 alinéa 3. L'arrêt n'a pas fait l'objet d'un pourvoi.
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Par déclaration du 29 juin 2001, X... Mambaye a fait tierce opposition à l'arrêt de cette cour du 16 mars 2000 ayant confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 mai 1998 constatant l'extranéité d'Hagate Varella-Jacques Philippe.
Par actes du 2 juillet 2001, elle a assigné le ministère public et Hagate Varella-Jacques Philippe, demandant à la Cour de déclarer sa
tierce opposition recevable, de rétracter l'arrêt du 16 mars 2000, de dire Hagate Varella-Jacques Philippe française et de la dire elle-même française par voie de conséquence.
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Par conclusions du 30 avril 2002, Hagate Varella-Jacques Philippe a formé tierce opposition incidente à l'arrêt de cette cour du 17 février 2000 ayant constaté l'extranéité d'Adeline Mambaye, demandé à la cour de dire qu'elle est française de même qu'Adeline Mambaye.
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Dans des conclusions "récapitulatives" communes du 23 mai 2002 X... Mambaye et Hagate Varella-Jacques Philippe, qui ne font même plus mention de la tierce opposition incidente, demandent à la Cour de faire droit à la tierce opposition d'Adeline Mambaye, de rétracter l'arrêt du 16 mars 2000 et, statuant à nouveau, dire qu'Hagate Varella-Jacques Philippe est française et qu'Adeline Mambaye l'est par voie de conséquence.
Elles prétendent à la recevabilité de la tierce opposition en application de l'article 29-5 alinéa 2 du code civil, X... Mambaye ayant intérêt à faire juger sa mère française pour être naturalisée française sans condition de stage et faire annuler par la cour de cassation, pour contrariété de décision, l'arrêt du 17 février 2000 ayant constaté l'extranéité d'Adeline Mambaye.
Elles disent la tierce opposition bien fondée, Emile Jacques Philippe ayant déclaré lui-même la naissance d'Hagate à l'état civil en
présence de deux témoins, la déclaration de naissance par le père valant reconnaissance et cette reconnaissance étant validée par l'article 12 de la loi du 3 janvier 1972.
Elle prétendent qu'Emile Jacques Philippe a déclaré la naissance d'Hagate "évidemment en sa qualité de père de l'enfant" et que la réalité de cette paternité a été admise par le jugement du tribunal hors classe de Dakar (Sénégal) du 15 janvier 1991 dont le dispositif est le suivant : " - constate la possession d'état d'enfant naturel de Hagatte Philippe, - déclare Emile Jacques Philippe père de Hagatte, - autorise l'indication du nom du père sur l'acte de naissance qui sera ainsi libellé :
etlt;etlt;HAGATE Jacques Philippe fille de Emile Jacques Philippe et de Marie Horta VERELLAetgt;etgt;".
Elles ajoutent que la cour d'appel de Rennes, par arrêt du 27 juin 1995, a autorisé la transcription de ce jugement en marge des actes de naissance d'Hagate Varella-Jacques Philippe et d'Adeline Mambaye. Elles soutiennent, au vu d'une consultation du Professeur Lagarde, que l'article 29 du code de la nationalité française, devenu l'article 20-1 du code civil, selon lequel la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie pendant sa minorité, est sans application en l'espèce, le jugement du tribunal hors classe de Dakar ayant constaté que la filiation paternelle d'Hagate était établie depuis sa naissance par son acte de naissance puis non démentie par sa possession d'état.
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Le ministère public demande à la cour de déclarer X... Mambaye et Hagate Varella-Jacques Philippe irrecevables en leurs tierces oppositions, subsidiairement de les débouter et de les condamner aux dépens.
Il indique que les conclusions d'Adeline Mambaye démontrent clairement qu'elle a pour but de se voir reconnaître la nationalité française. Il estime qu'il y a donc détournement de la procédure de tierce opposition dans le but de remettre en cause, au mépris de l'autorité de la chose jugée, l'arrêt de cette cour du 17 février 2000, qui est définitif.
Il soutient qu'Adeline Mambaye, qui n'a pas conclu à l'appui de son appel et qui n'a pas formé de pourvoi contre l'arrêt du 17 février 2000, est seule responsable du préjudice allégué comme constituant son intérêt à former tierce opposition. Il ajoute qu'elle ne justifie pas d'un intérêt distinct de celui de sa mère.
Il conteste la recevabilité de la tierce opposition d'Hagate Z... Jacques-Philippe qui n'est pas partie à la procédure opposant X... Mambaye au ministère public et qui ne justifie d'aucun intérêt personnel distinct de celui de sa fille. Il dit qu'il s'agit d'un détournement par elle de la procédure de tierce opposition ayant pour but de remettre en cause l'arrêt définitif ayant statué sur sa propre nationalité.
Sur le fond, il indique que l'article 20-1 du code civil régissant les cas d'attribution de la nationalité française d'origine est applicable à la situation des tierces opposantes.
Il dit que le jugement du tribunal hors classe de Dakar du 15 juin 1991 ne fait que constater la possession d'état d'enfant naturel d'Hagate Varella-Jacques Philippe à l'égard d'Emile Jacques Philippe. Il ajoute que l'acte de naissance d'Hagate Z... Jacques Philippe ne fait aucune mention de la qualité de père d'Emile Jacques Philippe. Il en tire la conclusion que la filiation n'a été établie que par le jugement de 1991, bien après la majorité de l'intéressée et que cette filiation est donc sans incidence sur la nationalité.
Il conteste l'interprétation de la jurisprudence de la Cour de cassation faite par le Professeur Lagarde et produit un arrêt du 2 mai 2001 consacrant la thèse contraire. Sur ce, la Cour,
Considérant qu'aux termes de l'article 29-5 du code civil :
"Les jugements et arrêts rendus en matière de nationalité française par le juge de droit commun ont effet même à l'égard de ceux qui n' y ont été ni parties ni représentés.
Tout intéressé est recevable cependant à les attaquer par la tierce opposition à la condition de mettre en cause le procureur de la République" ;République" ;
Considérant que la tierce opposition tend à faire rétracter relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit statué à nouveau en fait et en droit ; qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ;
Considérant qu'Adeline Mambaye, tierce opposante à l'arrêt ayant
rejeté la demande de sa mère tendant à se voir reconnaître la nationalité française auquel elle n'a été ni partie ni représentée, doit établir y avoir intérêt ;
Considérant qu'elle doit donc prouver l'existence d'un préjudice direct et personnel, d'ordre matériel ou moral, à elle causé par l'arrêt du 16 mars 2000 ; qu'elle prétend que l'extranéité de sa mère, déclarée par cet arrêt, lui cause un préjudice et avoir intérêt à faire juger que celle-ci est française afin d'une part de pouvoir être naturalisée sans condition de stage et d'autre part de pouvoir obtenir l'annulation de l'arrêt du 17 février 2000 ayant constaté sa propre extranéité comme contraire à l'arrêt à rendre sur tierce opposition ;
Mais considérant que la tierce opposition n'est pas recevable quand le préjudice subi par le tiers est le résultat de sa propre négligence ; qu'en l'espèce, X... Mambaye a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une action déclaratoire de nationalité française fondée sur la nationalité française alléguée de sa mère ; qu'ayant relevé appel du jugement rejetant sa demande au motif que sa mère n'était pas française, elle n'a pas conclu à l'appui de son appel et, la procédure ayant été radiée, elle a laissé le ministère public, son adversaire, la réinscrire et demander l'application de l'article 915 alinéa 3 du nouveau code de procédure civile ; que cette cour ayant, par arrêt du 17 février 2000, confirmé le jugement, elle n'a formé aucun pourvoi ; qu'en adoptant ce comportement procédural alors qu'il appartenait à la Cour, pour trancher la question de sa nationalité, de vérifier si Hagate Varella-Jacques Philippe, dont elle prétendait tirer sa nationalité française, bénéficiait de cette nationalité, elle a, par sa carence et sa
négligence, créé le préjudice invoqué pour établir son intérêt à former tierce opposition ; qu'en l'absence de preuve d'un intérêt légitime de sa part, la tierce opposition principale doit être déclarée irrecevable ;
Qu'au demeurant il n'est pas inutile de noter, l'arrêt du 17 février 2000 les déclarant expressément irrecevables, qu'Adeline Mambaye s'était désistée de son appel du jugement du 29 mai 1998 par conclusions postérieures à celles du ministère public demandant l'application de l'article 915 alinéa 3 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que la tierce opposition incidente d'Hagate Varella-Jacques Philippe - non reprise dans les dernières conclusions du 23 mai 2002 et donc réputée abandonnée en application de l'article 954 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile - est irrecevable par voie de conséquence ;
Considérant en réalité qu'Adeline Mambaye et Hagate Varella-Jacques Philippe, par leurs tierces oppositions croisées, ont tenté - ainsi que le souligne à juste titre le ministère public - de remettre en cause des décisions relatives à leur nationalité respective qu'elles ont laissées, par leur abstention, être rendues, devenir définitives et acquérir force de chose jugée ;
Par ces motifs, - déclare irrecevable, faute d'intérêt, la tierce opposition formée par X... Mambaye contre l'arrêt de cette cour du 16 mars 2000, - déclare, par voie de conséquence, irrecevable la tierce opposition incidente formée par Hagate Varella-Jacques Philippe contre l'arrêt de cette cour du 17 février 2000, - condamne
X... Mambaye et Hagate Varella-Jacques Philippe aux dépens. LE GREFFIER LE PRESIDENT