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28/11/2002 | FRANCE | N°2001/08348

France | France, Cour d'appel de Paris, 28 novembre 2002, 2001/08348


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section B ARRET DU 28 NOVEMBRE 2002

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/08348 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 18/01/2001 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 17è Ch. RG n : 1999/20729 Date ordonnance de clôture : 13 Septembre 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : REFORMATION APPELANTS : Monsieur X... Y... ... par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué assistés de Maître RAPPAPORT, avocat au Barreau de Paris, P329 INTIME : Monsieur Z... A... ... par la SCP MENARD-S

CELLE-MILLET, avoué assisté de Maître POYNARD, avocat au Barreau d...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section B ARRET DU 28 NOVEMBRE 2002

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/08348 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 18/01/2001 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 17è Ch. RG n : 1999/20729 Date ordonnance de clôture : 13 Septembre 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : REFORMATION APPELANTS : Monsieur X... Y... ... par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué assistés de Maître RAPPAPORT, avocat au Barreau de Paris, P329 INTIME : Monsieur Z... A... ... par la SCP MENARD-SCELLE-MILLET, avoué assisté de Maître POYNARD, avocat au Barreau de Paris, B837 COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré Président :

Monsieur GRELLIER B... : Madame BRONGNIART B... : Monsieur DIXIMIER C... : lors des débats et du prononcé de l'arrêt C... : Madame D... MINISTERE E... : à qui le dossier a été préalablement communiqué : représenté aux débats par Madame F..., Substitut général, qui a présenté des observations orales. DEBATS : A l'audience publique du 26 septembre 2002 ARRET : prononcé publiquement par Monsieur GRELLIER, Président, qui a signé la minute avec Madame D..., C.... Monsieur Y... X..., écrivain et historien est l'auteur d'un livre, publié en 1998 intitulé "Mémoires - Le Trouble et la Lumière 1955-1998", co-édité par les Editions du Seuil, contenant, en page 44, le passage suivant: "Les immenses qualités de Michel de Board expliquent que, dans une faculté où les hommes de droite étaient nombreux, il était régulièrement réélu Doyen à l'unanimité. Son image fut ternie à la fin de sa vie, par une sorte d'adhésion qu'il donna à la cause des

prétendus "révisionnistes", en souscrivant à la trop célèbre thèse d'Henri Z... sur Gerstein. Cela ne l'empêchait pas de me dire à moi exactement le contraire de ce qu'il disait à eux. La vieillesse est un naufrage"." La note en bas de page est ainsi rédigée : "1- Cette thèse, soutenue à Nantes le 15 juin 1985, tendait à démontrer à partir des diverses versions du témoignage de Gerstein que les chambre à gaz n'avaient jamais existé. Si j'en crois un témoin bien placé pour le savoir, elle aurait été rédigée non par A... Z..., qui ne sait pas un mot d'allemand, mais par mon ancien camarade, Robert G... en personne". Considérant diffamatoire à son encontre le texte de la note, en ce qu'elle impute à Monsieur A... Z... d'être l'auteur d'une grave malhonnéteté intellectuelle et d'avoir eu un comportement fraudeur dès lors que Monsieur Y... X... insinue clairement que le véritable auteur de la thèse universitaire n'est pas Monsieur A... Z... mais Monsieur Robert G..., alors que cette insinuation est totalement détachable des critiques relatives au contenu même de la thèse, Monsieur Z... a assigné Monsieur Y... X... et la société "EDITIONS DU SEUIL" devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des articles 29 alinéa 1er et 32 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ainsi que de l'article 1382 du Code civil ; Selon jugement prononcé le 18 janvier 2001, Monsieur Y... X... et la société "EDITIONS DU SEUIL" ont été condamnés à verser à Monsieur Z... la somme de un franc à titre de dommages-intérêts et celle de 10.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Monsieur Y... X... et la société "EDITIONS DU SEUIL" ont frappé d'appel ce jugement ; ils en demandent l'infirmation et font valoir, in limine litis, l'irrecevabilité de l'action de Monsieur Z... en ce que ce dernier revendique être l'auteur d'un texte contraire à l'ordre public pour

méconnaitre les dispositions de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 ; ils soutiennent que l'action judiciaire de Monsieur Z... s'analyse en une nouvelle diffusion de l'oeuvre litigieuse et que l'appréciation du caractère licite ou illicite de la thèse, au regard de l'application de la loi du 13 juillet 1990 (article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881) a lieu au moment de l'introduction de l'action en justice, la loi du 13 juillet 1990 d'essence répressive s'imposant au juge au moment où il statue ; Les appelants, en outre, font valoir la bonne foi de Monsieur Y... X... dont l'ensemble des éléments constitutifs sont en l'espèce réunis ; Ils concluent en conséquence à l'infirmation du jugement et à la condamnation de Monsieur A... Z... à leur payer la somme de 3.800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Monsieur A... Z..., pour réfuter le moyen d'irrecevabilité, persiste à faire valoir, ainsi que le tribunal l'a retenu, que l'imputation d'avoir usurpé la qualité d'auteur du texte de la thèse soutenue en vue de l'obtention d'un titre universitaire, est bien, en elle-même et indépendamment du contenu de la thèse, constitutive d'une diffamation, peu important que les travaux universitaires de l'intimé aient entraîné critique, opprobe ou condamnation en vertu d'une loi promulguée cinq ans après la soutenance de la thèse, au surplus versée aux débats à la demande, réitérée, des seuls appelants et dans des conditions procédurales étrangères aux dispositions spécifiques édictées par la loi du 29 juillet 1881 ; Il dénie, de surcroit, toute bonne foi tant de Monsieur Y... X... que de la société "EDITIONS DU SEUIL" ; en conséquence Monsieur A... Z... sollicite la confirmation du jugement en ce que la publication des passages précités constitue le délit de diffamation publique envers particulier et en tout cas une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ; il demande, par

réformation du jugement la condamnation conjointe et solidaire de Monsieur Y... X... et de la société "EDITIONS DU SEUIL" à lui payer la somme de 50.000F à titre de dommages-intérêts outre les intérêts sur cette somme, la publication de la décision dans deux journaux quotidiens et dans un journal périodique de son choix et aux frais des intimés ; enfin la condamnation conjointe et solidaire des appelants à lui payer la somme de 35.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; sur l'exception d'irrecevabilité Considérant que le caractère légitime de l'action de Monsieur Z... doit être apprécié lors de la publication de l'ouvrage contenant le texte incriminé dont Monsieur Y... X... est l'auteur soit au regard de la législation applicable en septembre 1998, date de la publication du livre en cause ; Considérant que l'action judiciaire engagée par Monsieur Z... tend a l'affirmation de sa qualité, contestée, d'auteur d'une thèse universitaire intitulée "Les Confessions de Kurt Gerstein- Etude comparative des différentes versions" ; que cette thèse alimente le discours des historiens "révisionnistes" tendant à remettre en cause l'existence des crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, résultant de la loi du 13 juillet 1990, dite loi Gayssot ; qu'en effet cette thèse contient notamment le passage suivant page 229 : "Les "confessions", de l'ancien officier S.S. (Kurt Gerstein) constituent une des clés de vôute , peut être même la principale, de l'édifice construit par les auteurs qui affirment indiscutable l'existence des chambres à gaz homicides dans les camps de concentration nazis. Une telle clé de voûte doit avoir la qualité, reconnue par tous, de document historique. Les "Confessions" de Kurt Gerstein ont-elles cette indiscutable qualité ä Telle est la question à laquelle les historiens et les chercheurs ne peuvent éviter de répondre"; qu'in

fine, A... Z... énonce "Les confessions de Gerstein ont fourni un support à la naissance de croyances diverses ; nous estimons, pour notre part, que ce support n'était pas digne de confiance"; Considérant qu'il importe peu que lors de la soutenance en 1985 de cette thèse, la loi Gayssot n'incriminât pas l'expression d'opinions "négationnistes", l'appréciation de la légitimité de l'action judiciaire dont A... Z... a pris l'initiative devant se situer au moment de la publication de l'ouvrage dont Monsieur Y... X... est l'auteur ; qu'au surplus, les propos "négationnistes" étaient, antérieurement à la loi "Gayssot" de nature à constituer le délit de diffamation raciale, au sens de la loi du 1er juillet 1972 ou du décret loi "Marchandeau" du 21 avril 1939 ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'action de Monsieur Z... est irrecevable conformément à l'article 31 du nouveau Code de procédure civile, le demandeur à l'action ne justifiant pas la fonder sur un intérêt légitime juridiquement protégé ; Considérant qu'il sera fait droit dans la mesure précisée au dispositif à la demande formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS Réforme le jugement en toutes ses dispositions, Déclare irrecevable l'action de Monsieur A... Z..., Condamne Monsieur A... Z... à verser à Monsieur Y... X... la somme de 1.600 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, Condamne Monsieur A... Z... aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure civile. LE C...

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2001/08348
Date de la décision : 28/11/2002

Analyses

ACTION EN JUSTICE - Intérêt - Appréciation - Moment - /.

Le caractère légitime d'une action en diffamation doit être apprécié au regard de la législation applicable à la date de publication de l'ouvrage incriminé. En l'espèce, l'intérêt à agir de l'auteur d'une thèse universitaire, soutenue en 1985 et ayant alimenté le discours des historiens "révisionnistes" tendant à remettre en cause l'existence des crimes contre l'humanité, tels qu'ils sont définis par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, résultant de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990, contre l'auteur d'un ouvrage, publié en 1998, qui mettait en doute la paternité de cette thèse, doit être apprécié au regard de ce texte

ACTION EN JUSTICE - Intérêt - Défaut d'intérêt.

L'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, résultant de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990, incrimine le fait de contester l'existence des crimes contre l'humanité. Le demandeur, dont l'action tend à établir qu'il est l'auteur d'une thèse ayant inspiré de tels faits, ne justifie pas d'un intérêt légitime juridiquement protégé. Son action doit dès lors être déclarée irrecevable conformément à l'article 31 du nouveau Code de procédure civile


Références :

N 1 nouveau Code de procédure civile, 31
N 2 nouveau Code de procédure civile, 31
loi du 29 juillet 1881, art. 24 bis

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-11-28;2001.08348 ?
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