COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 5 DECEMBRE 2002
(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/09231 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance rendue le 7 février 2001 par le J.A.F. du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de CRETEIL (6ème chambre, cabinet B) RG n° : 2000/06201 Date ordonnance de clôture :
31 octobre 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision :
A.D.D. - réouverture des débats au 29 avril 2003 APPELANT :
Monsieur Mohamed X...
né en 1951 à ITINEZGANE (Maroc)
de nationalité marocaine
demeurant 1, avenue Géo André
78200 MANTES LA JOLIE
Représenté par la S.C.P. LECHARNY - CALARN, avoué
Assisté de Maître Marc BRESDIN,
avocat au barreau de VERSAILLES,
qui a déposé son dossier INTIMEE :
Madame Fatima Y... épouse X...
née le 4 décembre 1956 à AGADIR (Maroc)
de nationalité marocaine
demeurant 5 Mail de Salgzitter
94000 CRETEIL
Représentée par la S.C.P. Patricia HARDOUIN, avoué
Assistée de Maître Isabelle DURUFLE,
avocat à la Cour (E 333)
qui a déposé son dossier
AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE
N BAJ : 2001/032468
Décision du 20 novembre 2001
COMPOSITION DE LA COUR :
lors du délibéré
Président : Madame Z...
Conseiller : Monsieur A...
Conseiller : Monsieur B...
GREFFIER
lors des débats et du prononcé
de l'arrêt : Mlle C...
MINISTERE PUBLIC
Représenté aux débats par Monsieur D...,
Avocat Général, qui a été entendu en ses explications.
DEBATS
à l'audience du 5 novembre 2002 tenue en chambre du conseil,
Madame Z..., Magistrat chargé du rapport,
a appelé l'affaire. Elle en a rendu compte à la Cour
dans son délibéré.
ARRET - CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par Madame Z...,
Président, qui a signé la minute avec
Mlle C..., Greffier. [*
Saisi par Fatima Y... épouse X..., de nationalité marocaine, d'une demande en divorce fondée sur les articles 242 à 246 du code civil et de demandes de mesures provisoires relatives à l'autorisation de résidence séparée, à l'autorité parentale et à la résidence des enfants mineurs (quatre enfants dont un seul encore mineur à ce jour) et à la contribution du père à l'entretien des enfants et, par Mohamed X... d'une exception d'irrecevabilité de la demande fondée tant sur l'autorité de la chose jugée d'une décision marocaine de divorce du 22 août 2000 que sur la litispendance, le juge aux affaires familiales de Creteil, par ordonnance du 7 février 2001, a - rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par Mohamed X... et constaté la recevabilité de la demande, - constaté que la loi marocaine est applicable à la dissolution du lien matrimonial, - ordonné la réouverture des débats et invité les parties à s'expliquer sur l'application de la loi marocaine au litige.
*]
Mohamed X... a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 14 mars 2002, le conseiller de la mise en état, saisi par Fatima Y... épouse X... d'un incident d'irrecevabilité d'appel, la décision n'étant pas selon elle une décision mixte au sens des articles 544 et 545 du nouveau code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel recevable.
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* *
Mohamed X... demande à la Cour de : - déclarer son appel recevable, - infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non recevoir soulevée par lui et statuant à nouveau : - vu la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, "telle que modifiée ultérieurement", - vu le protocole d'accord des conjoints dressé le 19 juillet 1999, - vu la décision du 22 août 2000 ayant autorité de la chose jugée, - déclarer la demande de Fatima Y... irrecevable en raison de la dissolution du lien matrimonial antérieure à sa demande, - la condamner aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés directement par la SCP Lecharny Calarn. Il soutient que le conseiller de la mise en état a justement dit l'appel recevable, le premier juge ayant, en constatant que la loi marocaine est applicable à la dissolution du mariage, tranché une partie du principal.
Il conteste l'interprétation des dispositions de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 faite par le juge aux affaires familiales pour retenir sa compétence. Il prétend en effet que les
juridictions marocaines étaient compétentes pour prononcer le divorce, en l'état de la nationalité commune des parties, en application de l'article 11 de la Convention.
Il ajoute qu'en vertu de l'article 13 de la Convention franco-marocaine les actes constatant la dissolution du lien conjugal homologués par un juge au Maroc entre conjoints de nationalité marocaine produisent effet en France dans les mêmes conditions que les jugements de divorce prononcés à l'étranger et que ces décisions peuvent être transcrites sans exequatur sur les registres de l'état civil.
Estimant que la décision marocaine, définitive, est conforme aux règles de l'article 16 b de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 et n'est donc pas contraire à l'ordre public français, il affirme en conséquence que la demande de divorce de Fatima Y... est irrecevable.
*
* *
Fatima Y... épouse X... demande à la Cour, au visa des articles 536, 544, 545 et 911 du nouveau code de procédure civile, de - déclarer Mohamed X... irrecevable en son appel, - confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par Mohamed X... et constaté la recevabilité de la demande, - évoquer sur la loi applicable, - dire que la loi française a seule vocation à s'appliquer, - y ajoutant, condamner Mohamed X... à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle indique qu'après son départ du domicile conjugal avec les enfants une première procédure de divorce a été engagée à Nevers donnant lieu, avant d'être abandonnée, à une ordonnance de non conciliation et à une enquête sociale. Elle dit avoir saisi le juge aux affaires familiales de Creteil d'une seconde demande en divorce. Elle conclut à l'irrecevabilité de l'appel, nonobstant l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état, car, selon elle, le juge n'était saisi que d'une demande tendant à voir fixer les mesures provisoires dans le cadre de la procédure de divorce. Elle estime que le juge aux affaires familiales, qui a seulement statué sur la recevabilité de la demande, n'a pas tranché une partie du principal au sens des articles 544 et 545 du nouveau code de procédure civile et que l'appel immédiat de son ordonnance est en conséquence irrecevable. Elle prétend en effet que, sur la loi applicable, le juge s'est contenté de surseoir à statuer et de demander les observations des parties.
Subsidiairement, elle soutient que le divorce marocain homologué le 22 août 2000 ne peut être reconnu en France en l'absence, alors qu'elle était défaillante, de production d'une copie authentique de la citation qui lui aurait été délivrée et en l'état d'une part de l'incompétence territoriale de la juridiction marocaine et d'autre part de la contrariété de la rupture unilatérale du lien conjugal par le mari à l'article 5 du protocole additionnel n° 7 annexé à la CEDH et donc à l'ordre public français.
Elle conteste enfin l'application de la loi marocaine à la dissolution du mariage, cette loi, contraire selon elle à l'ordre
public en ce qui concerne les conséquences pécuniaires de la rupture du mariage, devant être évincée au profit de la loi française tant en raison de sa contrariété à l'ordre public qu'en vertu de l'article 310 du code civil. Sur ce, la Cour,
Considérant que, lorsque le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident, a déclaré l'appel recevable, la question de la recevabilité de l'appel peut de nouveau être soumise à la Cour d'appel ;
Considérant en l'espèce que, comme devant le conseiller de la mise en état, cette question est posée à la Cour sur le fondement juridique des articles 544 et 545 du nouveau code de procédure civile en application desquels l'appel immédiat d'une décision mixte est possible, l'appel d'une décision ayant statué uniquement sur une fin de non recevoir sans mettre fin à l'instance étant en revanche, sauf exception, impossible indépendamment de l'appel des jugements sur le fond ;
Considérant en réalité que la recevabilité de l'appel d'une ordonnance, rendue par le juge aux affaires familiales, avant conciliation, sur la recevabilité de la requête initiale en divorce, doit être appréciée au regard des dispositions de l'article 1112 du nouveau code de procédure civile ;
Que les règles prévues par ce texte n'ayant pas été débattues et la question de l'ouverture d'une voie de recours devant être soulevée d'office par le juge, il convient de rouvrir les débats pour permettre aux parties, comme au ministère public, de faire valoir leurs éventuelles observations ;
Par ces motifs, - dit que la question de la recevabilité de l'appel
de l'ordonnance du 7 février 2001 est régie par les dispositions de l'article 1112 du nouveau code de procédure civile, - ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties et au ministère public de faire valoir leurs observations éventuelles sur les conséquences de l'application de ce texte, - dit que les débats seront repris à l'audience du 29 avril 2003. LE GREFFIER LE PRESIDENT