La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2003 | FRANCE | N°2002/07301

France | France, Cour d'appel de Paris, 26 juin 2003, 2002/07301


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section B ARRET DU 26 JUIN 2003

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/07301 2002/07519 Décision dont appel : Jugement rendu le 22/01/2002 par Monsieur le Vice-Président du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY 1/1AèCh. RG n : 2000/00718 Date ordonnance de clôture : 16 Mai 2003 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANT et INTIME : Madame X... Y... épouse Z... ... par Maître HUYGHE, avoué assisté de Maître DELPEYROUX , avocat au Barreau de Paris, P403 INTIME et APPELANT : M. LE DIREC

TEUR DES SERVICES FISCAUX DE LA SEINE SAINT A... ayant ses bureaux 1/...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section B ARRET DU 26 JUIN 2003

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/07301 2002/07519 Décision dont appel : Jugement rendu le 22/01/2002 par Monsieur le Vice-Président du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY 1/1AèCh. RG n : 2000/00718 Date ordonnance de clôture : 16 Mai 2003 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANT et INTIME : Madame X... Y... épouse Z... ... par Maître HUYGHE, avoué assisté de Maître DELPEYROUX , avocat au Barreau de Paris, P403 INTIME et APPELANT : M. LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DE LA SEINE SAINT A... ayant ses bureaux 1/11 rue Erik Satie 93016 BOBIGNY CEDEX et agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Impôts 92 allée de Bercy 75380 PARIS CEDEX 12 représenté par la SCP NABOUDET-HATET, avoué et à l'audience par Monsieur Philippe B..., Inspecteur, muni d'un pouvoir de la Direction Générale des Impôts COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré Président : Monsieur ANQUETIL C... : Madame BRONGNIART C... : Monsieur DIXIMIER D... : lors des débats et du prononcé de l'arrêt D... : Madame E... MINISTERE F... : à qui le dossier a été préalablement communiqué : représenté aux débats par Madame G..., Substitut général, qui a présenté des observations orales. DEBATS : A l'audience publique du 22 mai 2003 ARRET : prononcé publiquement par Monsieur ANQUETIL, Président, qui a signé la minute avec Madame E..., D.... Le 31 octobre 1987, Madame Y... X... a épousé Monsieur Jacques Z..., sous le régime de la séparation de biens aux termes d'un contrat de mariage notarié du 8 octobre 1987 (contrat non produit). Le 12 mai 1997, Madame Y... H..., sans profession, a acquis, en nom propre, un bien immobilier sis à Bondy au prix de 820.000 francs.

Son mari s'est porté caution solidaire de l'emprunt de la totalité du prix en autorisant le prélèvement des 120 mensualités sur un compte bancaire ouvert à leurs deux noms. Le 12 janvier 1998, un redressement de droits de mutation à titre gratuit a été notifié à Madame Y... H.... Le 3 avril 1998, il a été répondu aux observations du redevable du 26 janvier 1998. Le 12 juin 1998, l'avis de mise en recouvrement 98 05 05007 a été rendu exécutoire. Par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 9 septembre 1999, la décision de rejet de sa réclamation contentieuse a été notifiée à Madame Y... H.... La cour statue sur l'appel interjeté par Madame Y... H... du jugement rendu le 22 janvier 2002 par le Vice-Président du tribunal de grande instance de Bobigny, statuant à juge unique, qui, sur son assignation du 13 octobre 1999, a . en la forme, - dit recevable sa demande, .au fond, - dit que seules les sommes effectivement versées par Monsieur Jacques Z... constituent un don, - invalidé l'avis de mise en recouvrement du 12 juin 1998 délivré pour la somme de 12.272,15 ä (80.500 francs) contre elle, - condamné Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de Noisy-le-Sec, Seine Saint-Denis, à lui payer la somme de 1.067,14 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile outre les dépens. Vu les conclusions par lesquelles Madame Y... H... demande à la cour - la déclarer recevable et bien fondée en son appel, - infirmer le jugement, - juger que le rappel de droit de donation n'est pas justifié et doit être annulé, - ordonner le dégrèvement des impositions mises à sa charge, - condamner l'Administration à tous les dépens sous le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile et à payer une somme de 2.500 ä à titre de l'article 700 du même code. Vu les conclusions par lesquelles Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la Seine Saint-Denis demande à la

cour - de le dire recevable et bien fondé en son appel, - de dire Madame Z... mal fondée en son appel, - de la débouter de tous ses demandes, fins et conclusions, - de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a reconnu le principe d'une donation de Monsieur Z... à son épouse, - de l'infirmer en ce qu'il a limité la donation au montant des sommes payées par le mari de la requérante et non à la totalité de la somme, - de considérer que la donation porte sur la somme de 125.008,19 ä, - de valider l'avis de mise en recouvrement du 12 juin 1998, - de condamner Madame Z... en tous les dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré dans les conditions de l'article 699 du même code. SUR CE, LA COUR, se référant pour un plus ample exposé des faits, des moyens et prétentions des parties à la décision entreprise et aux dernières conclusions échangées en appel ;

Considérant que la recevabilité de l'appel de Madame Y... H... n'est pas discutée par Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la Seine Saint-Denis ; que l'appel a été interjeté le 27 mars 2002, la demande de mise au rôle déposée le 25 avril 2002 ; que les autres pièces du dossier ne font apparaître aucune fin de non recevoir susceptible d'être relevée d'office ; que, comme le demande Madame Y... H..., son appel sera déclaré recevable ;

Considérant que Madame Y... H... fait valoir qu'il ne peut y avoir de donation sans "animus donandi" dont la preuve incombe à l'Administration et qui ne peut pas résulter du régime matrimonial des époux ; qu'elle soutient qu'il s'agit d'un prêt qu'elle remboursera à son mari dès que cela lui sera possible et notamment lors de la revente du bien ; que l'Administration fiscale invoque vainement les dispositions de l'article 242 ter 3 du Code général des impôts pour contester l'existence de ce prêt alors d'une

part que le non respect de cet article ne change pas la nature de l'acte, d'autre part que les juridictions administratives considèrent que les flux financiers intervenant dans la famille sont présumés avoir le caractère de prêt ; que les flux financiers intervenus entre les époux Z... ne peuvent pas être constitutifs d'une libéralité alors que les intéressés eux-mêmes qualifient les opérations en cause de prêts ;

Que Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la Seine Saint-Denis réplique que les droits de mutation à titre gratuit de l'article 777 du Code général des impôts sont exigibles dès lors que le contrat a été effectué à titre gratuit, que le donateur s'est dessaisi immédiatement des biens donnés, que la donation a été acceptée par le donataire ; que les clauses du contrat de prêt prouvent la libéralité que constitue le financement de l'acquisition de Madame Z... par son mari qui a ainsi manifesté son intention de payer un bien dont il n'aura pas la propriété ; que "l'animus donandi" n'est pas contestable ; qu'en outre une donation est taxable lorsqu'elle entraîne le dépouillement actuel et irrévocable du donateur, ce qui est le cas puisque Monsieur Jacques Z..., eu égard à son régime matrimonial, ne pourra pas revendiquer la propriété d'un bien dont il aura pourtant assuré seul le paiement dès lors qu'il est au nom de son épouse ; que le prêt du conjoint ne peut pas être reconnu puisqu'en l'absence d'enregistrement, il n'a pas date certaine et ne peut donc pas être opposé au tiers en l'occurrence à l'Administration fiscale ; qu'aucune créance ne peut donc être constatée entre les époux Z... au bénéfice de l'un d'eux ;

Considérant que s'il est constant que lorsqu'un époux acquiert un bien avec des deniers qui lui ont été donnés par l'autre à cette fin, la donation n'est que des deniers et non du bien auquel ils sont

employés, encore faut-il que la preuve de l'intention libérale de l'époux donateur soit rapportée ; que les époux Z... sont mariés sous le régime de la séparation tel que défini aux articles 1536 à 1543 du code civil ;

Considérant que Madame Y... H... étant, en vertu d'un titre notarié, seule propriétaire du bien immobilier acquis avec les deniers propres de Monsieur Jacques Z..., l'article 1538 code civil relatif à la portée des présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage n'est pas applicable ;

Considérant que l'acte notarié du 12 mai 1997 portant acquisition par Madame Y... H... du bien immobilier relate dans sa seconde partie les conditions générales et particulières du prêt à l'aide duquel le prix a été payé (paragraphe Prix) ; que les échéances du prêt souscrit par Madame Y... H... avec le cautionnement de son mari ont été prélevées sur un compte joint ouvert au nom des deux époux et alimenté par les seuls revenus de Monsieur Jacques Z..., biens propres, Madame Y... H... ne disposant d'aucun revenu propre ; qu'une telle opération constitue, sauf preuve contraire, une avance de deniers consentie par Monsieur Jacques Z... à son épouse ;

Que l'absence de contrat de prêt entre les époux Z..., déclaré à l'Administration fiscale dans les termes de l'article 242 ter du Code général des impôts, ne prive pas Monsieur Jacques Z... ou ses ayants-droits de la créance résultant de cette avance ; qu'en l'absence de modalités particulières de remboursement, par application de l'article 1543 du code civil, l'évaluation d'une créance personnelle entre époux séparés de biens est faite selon les règles légales des articles 1479 et 1469 alinéa 3 du même code ;

Qu'ainsi, et indépendamment des dispositions de l'article 1099-1 du code civil, l'affirmation de Monsieur le Directeur des Services

Fiscaux de la Seine Saint-Denis selon laquelle "Monsieur Jacques Z... ne pourra revendiquer la propriété d'un bien dont il aura pourtant assuré seul le paiement" est privée de toute pertinence ;

Que les exigences de la banque prêteuse de deniers envers Monsieur Jacques Z... qui s'est porté caution solidaire en domiciliant ses revenus auprès de cet organisme financier pendant toute la durée du prêt, en souscrivant une assurance décès et incapacité de travail 100% et en autorisant le prélèvement des échéances sur un compte alimenté par ses seuls revenus, constituent des garanties de paiement pour le prêteur de deniers mais ne sont pas des éléments suffisants à établir l'intention libérale de Monsieur Jacques Z... envers son épouse ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé ;

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; PAR CES MOTIFS DECLARE l'appel recevable, INFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 et aux dépens, et statuant à nouveau, DECLARE bien fondé en son recours dirigé par Madame Y... X... épouse Z... contre la décision de rejet de sa réclamation, DECLARE non fondé l'avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 12 juin 1998, CONDAMNE Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la Seine Saint-Denis à payer à Madame Y... H... une somme de 1.600 euros (mille six cents euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, REJETTE toute prétention plus ample ou contraire des parties, CONDAMNE Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la Seine Saint-Denis aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile, LE D...,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2002/07301
Date de la décision : 26/06/2003

Analyses

SEPARATION DE BIENS CONVENTIONNELLE - Créances entre époux

L'opération par laquelle une épouse mariée sous le régime de la séparation de biens, a acquis, en nom propre, un bien immobilier, en souscrivant un emprunt pour lequel son mari s'est porté caution solidaire en autorisant le prélèvement des 120 mensualités sur un compte bancaire ouvert à leurs deux noms, constitue, sauf preuve contraire, une avance de deniers consentie par le mari à son épouse. L'absence de contrat de prêt entre les époux, déclaré à l'administration fiscale dans les termes de l'article 242 ter du Code général des impôts, ne prive pas l'époux ou ses ayants-droits de la créance résultant de cette avance, dès lors que la preuve de l' "animus donandi", élément constitutif de la donation, incombant à l'Administration Fiscale et qui ne peut pas résulter du régime matrimonial des époux, n'aura pas été rapportée


Références :

Article 242 ter du Code général des impôts

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2003-06-26;2002.07301 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award