Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre - Section A
X... DU 15 FEVRIER 2006
(no , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/04486 Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/1313
APPELANTE SA NATIONALE DE TELEVISION FRANCE 3 7 esplanade Henri de France 75015 PARIS agissant poursuites et diligences de son président du conseil d'administration représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour assistée de Me Marianne Y..., avocat au barreau de Paris, toque : K177, plaidant pour SELAS CASALONGA INTIMEE SA PARIS PREMIERE 14 place des Vins de France 75012 PARIS prise en la personne de ses représentants légaux représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour assistée de Me Sophie Z..., avocat au barreau de Paris, toque : P38, plaidant pour ILLOUZ et associés COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, conseiller
Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, conseiller
qui en ont délibéré GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL X... : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président
- signé par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier présent lors du prononcé.
Vu l'appel interjeté, le 27 décembre 2004, par la société nationale de télévision FRANCE 3 (ci-après FRANCE 3) d'un jugement rendu le 11 juin 2004 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
* dit qu'en utilisant les dénominations BORDEAUX PREMIERE, LIMOGES PREMIERE, BASSE NORMANDIE PREMIERE, HAUTE NORMANDIE PREMIERE, PICARDIE PREMIERE, POITOU CHARENTE PREMIERE, pour désigner des émissions de télévision, FRANCE 3 a commis des actes de contrefaçon par imitation, au sens de l'article L.713-3b du Code de la propriété intellectuelle, de la marque PARIS PREMIERE, no 95 592 241, dont est titulaire la société PARIS PREMIERE,
* en conséquence, interdit à FRANCE 3 d'utiliser le terme PREMIERE associé à un nom géographique pour désigner un flash d'information locale sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée au delà d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement,
* condamné FRANCE 3 à payer à la société PARIS PREMIERE la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
* autorisé la société PARIS PREMIERE à faire publier dans 3 journaux ou revues de son choix le dispositif du jugement aux frais de FRANCE 3 sans que le coût des insertions à la charge de cette dernière puisse excéder la somme globale de 10.500 euros,
* dit que l'exécution provisoire suivra la mesure d'interdiction,
* condamné FRANCE 3 à payer à la société PARIS PREMIERE la somme de 2.800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions utiles, signifiées le 5 décembre 2005, aux termes desquelles la société nationale de télévision FRANCE 3, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la Cour de débouter la société PARIS PREMIERE de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les ultimes conclusions, en date du 3 janvier 2006, par lesquelles la société PARIS PREMIERE, poursuivant la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne les dispositions relatives aux dommages et intérêts, demande à la Cour de débouter FRANCE 3 de l'ensemble de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et celle de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens ;
SUR CE, LA COUR,
* sur la procédure :
Considérant que, par conclusions de procédure signifiées le 11 janvier 2006, la société PARIS PREMIERE demande à la Cour, à titre principal, d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 10 janvier 2006 et le renvoi des plaidoiries ou encore, le retrait du rôle de cette affaire et, à titre subsidiaire, de rejeter des débats les conclusions et la pièce signifiées le 9 janvier 2006 par
FRANCE 3 ;
Considérant que, par conclusions de procédure, en date du 11 janvier 2006, FRANCE 3 sollicite de la Cour de lui donner acte de ce qu'elle s'associe à la demande de renvoi avec révocation de l'ordonnance de clôture et subsidiairement de retrait du rôle, à titre, encore plus subsidiaire, constatant que ses écritures signifiées le 9 janvier 2006 ne contiennent aucune demande nouvelle ni aucun moyen nouveau et ne constituent qu'une simple réponse factuelle aux écritures des 2 et 3 janvier 2006 de la société PARIS PREMIERE, dire n'y avoir lieu au rejet de ses conclusions et, à titre infiniment subsidiaire, de rejeter des débats les conclusions signifiées les 2 et 3 janvier 2006 par la société PARIS PREMIERE, ainsi que les pièces 15 à 19 communiquées les 2 et 6 janvier 2006 ;
Considérant que la carence des parties dans l'accomplissement des actes de procédure qui leur incombe ne saurait constituer une cause grave de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi de la date de l'audience; qu'elle ne saurait pas plus justifier, sauf à avaliser un détournement de procédure, le retrait du rôle de l'affaire ;
Considérant, en droit, qu'il résulte de la combinaison des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile que le respect du principe de la contradiction impose que, pour pouvoir assurer la loyauté des débats, les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ;
Que, en outre, les dispositions de l'article 135 du nouveau Code de procédure civile prévoient que, pour assurer le respect de ces principes, le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été
communiquées en temps utile ;
Considérant, en l'espèce, que, force est de constater que, la société PARIS PREMIERE ayant conclu le 27 juillet 2005, FRANCE 3 n'a répliqué à ces conclusions que le 5 décembre 2005, soit dans un délai supérieur à cinq mois; que, compte tenu de la carence de FRANCE 3 à conclure en temps utile, la société intimée n'est pas critiquable d'avoir, à son tour, répliqué à ces écritures les 2 et 3 janvier 2006 et d'avoir, à l'appui de ses conclusions, communiqué les pièces 15 à 19 ;
Que, en revanche, il convient décarter des débats les conclusions de FRANCE 3, signifiées le 9 janvier 2006, ainsi que la pièce communiquée, soit la veille de l'ordonnance de clôture, ne mettant pas ainsi, du fait de leur contenu, la société PARIS PREMIERE à même d'y répliquer; que ce rejet sanctionne FRANCE 3 qui, tout au long de la procédure, n'a pas eu un comportement judiciaire loyal ;
* sur le fond :
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :
* la société PARIS PREMIERE qui exploite une chaîne de télévision dénommée PARIS PREMIERE, diffusée par câble et satellite, est titulaire de quatre marques semi-figuratives PARIS PREMIERE déposées à l'INPI, le 22 juillet 1997 (no 97 688 299), le 20 octobre 1995, renouvelée le 26 septembre 2005 (no 95 593 438), le 20 octobre 1995, renouvelée, le 26 septembre 2005 (no 95 593 437) et le 13 octobre 1995, renouvelée le 26 septembre 2005, déposées en classes 9, 25, 38, 40, 41 et 42,
* FRANCE 3 qui a pour activité l'exploitation d'un service public de télévision, diffuse, depuis 1998, des flashs d'actualités locales, d'une durée de 7 minutes, avant le journal télévisé 19/20, qui
destinés à des téléspectateurs locaux ont été intitulés :BORDEAUX PREMIERE, LIMOGES PREMIERE, BASSE NORMANDIE PREMIERE, HAUTE NORMANDIE PREMIERE, PICARDIE PREMIERE et POITOU CHARENTE PREMIERE,
* estimant que ces dénominations constituaient une contrefaçon de ses marques PARIS PREMIERE, la société PARIS PREMIERE a engagé la présente instance ;
* sur la contrefaçon :
Considérant, en droit, que selon les dispositions de l'article L.713-3b) du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut résulter un risque de confusion dans l'esprit du public (...) l'imitation et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
Considérant, en l'espèce, que s'agissant de l'identité ou de la similarité des signes, FRANCE 3 ne peut sérieusement contester l'identité des services en cause ;
Qu'en effet, il convient de relever que les services visés à l'enregistrement des marques PARIS PREMIERE concernent, notamment, la production d'émissions audio visuelles destinées à la télédiffusion ou à la cinématographie (classe 9) et la diffusion d'émission de télévision et de vidéocommunication (classe 38) ;
Que les dénominations contestées sont, quant à elles, utilisées pour désigner des émissions de télévision diffusées sur une chaîne de télévision hertzienne, de sorte que les activités exercées sous ces dénominations sont identiques aux services visés à l'enregistrement des marques dont la société PARIS PREMIERE est titulaire; que le simple mode de diffusion n'est pas de nature à exclure l'identité des services en cause ;
Considérant que, s'agissant des signes opposés, ceux-ci n'étant pas identiques, il convient de rechercher s'il existe, au sens du texte
précité, entre eux un risque de confusion qui doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite, en tenant compte de leurs éléments distinctifs dominants ;
Considérant, en premier lieu, que, au plan intellectuel, il ne peut être sérieusement contesté que le mot PREMIERE constitue un terme du langage courant, dont l'emploi est devenu usuel, voire familier, même pour le consommateur d'attention moyenne, tant dans le monde de la presse que celui du spectacle ;
Qu'en effet, d'abord, il résulte des documents versés aux débats que FRANCE 3 a employé le terme PREMIERE dans cette acception courante, dès lors que les dénominations contestées concernent des émissions diffusées immédiatement avant le journal national diffusé par cette chaîne, le 19/20, en l'associant à un nom de ville ou de région, comme indication de provenance géographique de l'actualité locale ;
Que, dans ces circonstances de fait, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que, dans le domaine des programmes de télévision, ce terme constituait un détournement arbitraire ;
Considérant, ensuite, qu'il résulte des documents versés aux débats par FRANCE 3, que le public concerné, c'est-à-dire le téléspectateur, est familier de l'association, souvent opérée, du terme PREMIERE, à tout le moins faiblement distinctif, avec un autre mot placé en position d'attaque pour désigner une émission télévisée ;
Considérant, qu'il n'existe, enfin, aucun risque de confusion avec les indications géographiques employées par la société appelante qui sont étrangères à toute référence au terme PARIS et qui donne à chacune des dénominations contestées un sens géographique propre qui est de nature à exclure toute assimilation possible avec les marques
PARIS PREMIERE ;
Considérant, en deuxième lieu, que, au plan visuel, les marques PARIS PREMIERE sont constituées d'un logo en couleur dans lequel le terme PARIS est disposé au-dessus du terme PREMIERE, contrairement aux désignations utilisées par FRANCE 3, qui se présentent horizontalement et en lettres noires et droites ;
Qu'il y a lieu de relever, en outre, que les dénominations contestées n'apparaissent jamais seules mais sont toujours accolées de manière visible à l'écran au logo de FRANCE 3 ou à la dénomination faisant référence au journal télévisé le 19/20, de sorte que lenière visible à l'écran au logo de FRANCE 3 ou à la dénomination faisant référence au journal télévisé le 19/20, de sorte que le téléspectateur d'attention moyenne ne peut se méprendre sur l'identité de la chaîne qui diffuse le programme qu'il entend visualiser ;
Considérant, en troisième lieu, que, au plan phonétique, il ne saurait y avoir la moindre confusion entre la prononciation des lieux géographiques en présence ;
Considérant, en quatrième lieu, que la société PARIS PREMIERE n'est pas fondée à se prévaloir de la notoriété des marques invoquées ;
Qu'en effet, la première de ses marques ayant été déposée en 1995, la société intimée ne justifie pas de la notoriété de ses marques en 1998, date à laquelle ont été lancées les émissions de FRANCE 3 sous les dénominations contestées, puisque, d'une part, les pièces versées aux débats concernent une période postérieure à la diffusion des premières émissions de la société appelante et que, d'autre part, les affiches produites relatives à des événements ponctuels ne sauraient, à elles seules, caractériser, au sens de la loi, la notoriété invoquée ;
Que, au surplus, il convient de relever que ces affiches concernent des événements situés dans des zones géographiques autres que celles
relatives aux dénominations contestées ;
Qu'enfin les allégations de la société PARIS PREMIERE quant au nombre de ses abonnés, outre le fait qu'aucune donnée ne concerne l'année 1998, ne sont corroborées par aucun élément objectif ; que, par ailleurs, force est de constater qu'à cette époque l'exploitation des marques en cause était limitée à Paris et à la région parisienne du fait de la diffusion limitée de la chaîne de télévision exploitée par la société intimée, peu important, au surplus, la notoriété actuelle de ses animateurs ;
Que la société PARIS PREMIERE ne démontre pas, en conséquence, la renommée des marques dont elle est titulaire ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que se trouve exclu tout risque de confusion dans l'esprit d'un téléspectateur d'attention moyenne qui ne saurait être amené à penser que les flashs d'information régionale, diffusés localement en exclusivité par FRANCE 3 sur sa chaîne hertzienne de service public, puissent émaner de la chaîne exploitée par la société PARIS PREMIERE sur le câble et aujourd'hui également diffusée par satellite ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré doit être infirmé et la société PARIS PREMIERE déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société PARIS PREMIERE à verser à FRANCE 3 une indemnité de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Rejette des débats les conclusions et la pièce signifiées le 9 janvier 2006 par la société nationale de télévision FRANCE 3,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau,
Déboute la société PARIS PREMIERE de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la société PARIS PREMIERE à verser à la société nationale de télévision FRANCE 3 une indemnité de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
La condamne en outre aux dépens de première instance et d'appel qui, pour ces derniers, seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT