RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B
ARRET DU 21 Février 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/06353 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Octobre 1999 par le conseil de prud'hommes de Paris RG no 95/00754
APPELANTE SA CAVIAR ET CONSERVES KASPIA 17 Place de la Madeleine 75008 PARIS représentée par Me Philippe MOUGEOTTE, avocat au barreau de PARIS, E 157 en présence de M. Julien X..., Secrétaire du Conseil Administration INTIME Monsieur Manuel Y... 54 rue des Batignolles 75017 PARIS comparant en personne, assisté de Me François TUFFET, avocat au barreau de PARIS, D1173 substitué par Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Z... A..., Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Madame Valérie B..., Vice présidente placée par ordonnance de Monsieur le Premier Président
qui en ont délibéré Greffier : Mademoiselle Céline C..., lors des débats
ARRET : - contradictoire - prononcé publiquement par Madame Z...
A..., Présidente - signé par Madame Z... A..., présidente et par Mademoiselle Céline C..., greffière présente lors du prononcé.
LA COUR,
Monsieur Manuel Y... a été engagé le 1er septembre 1974 par la société CAVIAR et CONSERVES KASPIA en qualité de vendeur.
La société CAVIAR et CONSERVES KASPIA a notamment pour activité la vente au détail de produits alimentaires de luxe et une activité de restauration dans son établissement situé place de la Madeleine à Paris. M.NEVES était affecté sur ce site pour tenir la boutique le soir de 19 heures jusqu'à la fermeture du restaurant, en dernier lieu, 6 jours par semaine, du lundi au samedi, moyennant le paiement des heures de travail du lundi à un taux majoré de 25% pour compenser cette sujétion.
En mars 1994, M.NEVES était élu délégué du personnel.
Après autorisation de l'inspecteur du travail, il était licencié pour motif économique le 1er novembre 1994, puis réintégré le 17 juillet 1995 après décision du ministère du travail.
Par jugement du 26 octobre 1999, le conseil de prud'hommes de Paris, en sa formation de départage, a notamment : - condamné la société CAVIAR et CONSERVES KASPIA à payer à M.NEVES une somme de 150 000 F à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral consécutif aux multiples procédures liés au comportement de l'employeur et la situation financière précaire qui en est résultée pour le salarié ainsi qu'à une somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. - dit que M.NEVES devait rembourser à la société CAVIAR et CONSERVES KASPIA la somme de 39 318,30 F en trop versé sur les salaires.
La société CAVIAR et CONSERVES KASPIA en a relevé appel pour voir M.NEVES débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour
préjudice moral et indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M.NEVES conclut à la confirmation du jugement sauf à dire qu'il n'est pas débiteur de la somme de 5.994,04 ç correspondant aux indemnités de rupture réglées par son employeur. Il forme un appel incident pour voir fixer son salaire de base à la somme de 1.364, 42 ç, obtenir un rappel de salaire pendant sa période d'éviction ainsi que pour la période du 1er février 1996 au 30 septembre 2002 compte tenu de l'augmentation dont a bénéficié en janvier 1995 l'ensemble des salariés payés au fixe, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, enfin la désignation d'un expert chargé de fournir les données relatives aux augmentations de salaire survenus depuis janvier 1996 au sein du personnel.
Il est expressément fait référence au jugement pour l'exposé des faits et de la procédure ainsi que, pour les prétentions et moyens des parties, aux conclusions visées et soutenues oralement et contradictoirement le 13 décembre 2005. * * *
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement notifié le 1er décembre 1994
M.NEVES se prévaut de l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement pour motif économique qui n'indique pas le devenir de son emploi et subsidiairement de l'absence de réelles difficultés économique et du non respect par l'employeur de son obligation de tentative de reclassement. Il en déduit que son licenciement notifié le 1er décembre 1994 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui permet de réclamer la somme de 23 000 ç sur le fondement de l'article L 122-14-4 du code du travail.
Mais le licenciement ayant été annulé et la réintégration du salarié ayant, sur sa demande, été effectivement mise en oeuvre, ce dernier ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse.
Il sera débouté de cette demande.
Sur le remboursement des indemnités de rupture
Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné le remboursement par M.NEVES des indemnités de rupture.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
Aux termes de l'article L 436-3 du code du travail, le salarié dont le licenciement est définitivement annulé a droit à réparation de l'intégralité de son préjudice subi du fait du licenciement jusqu'à la réintégration.
La société CAVIAR et CONSERVES KASPIA rappelle avoir connu de réelles difficultés économiques qui l'ont conduite à licencier plusieurs salariés dont M.NEVES pour refus d'une modification de sa rémunération et après autorisation de l'inspecteur du Travail ; qu'après la décision d'annulation de cette autorisation par le Ministère du travail le 19 juin 1995, elle a notifié à M.NEVES dés le 10 juillet 1995 sa réintégration ; que s'il y a eu discussion sur les modalités de réintégration, elle a admis le principe d'une réintégration avec régularisation des salaires subséquents ; qu'enfin, après expertise judiciaire sur les salaires éventuellement dus au salarié, il s'avérait que M.NEVES était débiteur d'un trop perçu, tous éléments qui excluent une condamnation à réparer un quelconque préjudice moral et une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Mais il ressort des pièces du dossier et explications des parties qu'à plusieurs reprises M.NEVES a été exposé à des procédures initiées en vain par la société CAVIAR et CONSERVES KASPIA et a été conduit à saisir la juridiction pour obtenir sa réintégration dans son poste initial.
Ces seuls éléments établis ont nécessairement occasionné un préjudice moral qu'il convient de réparer. La cour fixe à 10 000 ç le montant de cette réparation. Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur les rappels de salaire
[* pour la période de janvier 1995 à janvier 1996 (403,84 ç et les congés payés afférents)
La demande fondée sur l'augmentation minimum de 150 F dont a bénéficié à compter du mois de janvier 1995 l'ensemble du personnel de sa catégorie rémunéré au fixe, est justifiée dés lors qu'il n'est pas contesté que cette augmentation n'a pas été fondée sur des mérites individualisés Il convient d'y faire droit.
*] pour la période de février 1996 à septembre 2002 (2.620,68 ç et les congés payés afférents)
Pour les mêmes motifs que la demande précédente, la somme réclamée est justifiée.
Sur la demande d'expertise
M.NEVES fait valoir que malgré 28 ans d'ancienneté il est le seul vendeur à rester au coefficient 155 alors que tous ses collègues sont au coefficient 180 et n'a pas bénéficié d'augmentation de salaire.
Il demande à la cour d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les augmentations de salaire intervenues dans l'entreprise entre 1996 et 2002.
Mais il convient d'observer que M.NEVES ne formule aucune demande au titre d'une discrimination relative au coefficient qui lui est attribué, que la mission de l'expert qu'il sollicite ne porte pas sur ce point ; cette mission se limitant aux seules éventuelles augmentations de salaire qui seraient intervenues dans l'entreprise depuis janvier 1996 ; que sur ce dernier point, il n'appartient pas au juge de pallier les carences des parties dans la charge de la preuve qui leur incombe en vertu de l'article 9 du nouveau Code de
procédure civile ; que l'existence d'augmentation du personnel au sein de la boutique n'est en rien une question technique relevant du domaine de l'expertise. Il ne sera donc pas fait droit à cette demande.
Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Les circonstances de la cause commandent d'allouer à M.NEVES une somme de 1.500 ç pour l'ensemble de la procédure.
PAR CES MOTIFS
RÉFORME le jugement,
CONDAMNE la société CAVIAR et CONSERVES KASPIA à payer à M.NEVES: - 10.000 ç (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, - 1.500 ç (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,
Y AJOUTANT,
DIT que le salaire mensuel de M.NEVES s'établit à la somme de 1.364,42 ç depuis le mois de janvier 1995,
CONDAMNE en conséquence la société CAVIAR et CONSERVES KASPIA à payer à M.NEVES : - 403, 84 ç (quatre cent trois euros et quatre vingt quatre centimes) à titre de rappel de salaire pendant son éviction, - 40,38 ç (quarante euros et trente huit centimes) à titre de congés payés afférents, - 2.620, 68 ç (deux mille six cent vingt euros et soixante huit centimes) à titre de rappel de salaire pour la période du 1er février 1996 au 30 septembre 2002, - 262,06 ç (deux cent soixante deux euros et six centimes) à titre de congés payés afférents,
DIT que la société CAVIAR et CONSERVES KASPIA devra remettre à M.NEVES les bulletins de salaire rectifiés,
DÉBOUTE les parties du surplus des demandes,
LAISSE les dépens à la charge de la société CAVIAR et CONSERVES
KASPIA.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE