REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section C
ARRET DU 23 FEVRIER 2006
(no , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 04/09639 Décision déférée à la Cour : Ordonnance d'exequatur rendue le 12 Janvier 2004 par le Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS rendant exécutoire en France une sentence prononcée à Stockholm le 1er février 1997 par M.M Schwedel, Lowenfeld et Philip, de l'Institut d'arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm APPELANTE
LE GOUVERNEMENT DE LA FEDERATION
DE RUSSIE
ayant son siège : rue Lliymka N 9
103097 MOSCOU RUSSIE
prise en la personne de son X... DES FINANCES
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER,
avoués à la Cour
assisté de Maître Olivier LOIZON, avocat,
plaidant pour la SCP CLEARY GOTTLIEB, STEEN,
HAMILTON LPP du barreau de Paris Toque J 21 INTIMEE
La SOCIETE COMPAGNIE NOGA
D'IMPORTATION ET D'EXPORTATION
ayant son siège : 42 rue du Rhone
CH 1204 GENEVE - SUISSE
prise en la personne de ses représentants légaux
représentée par la SCP GAULTIER-KISTNER,
avoués à la Cour
assistée de Maître Sauveur VAISSE,
avocat plaidant pour la SCP VAISSE BREMOND
RAMBERT et associés du barreau de Paris
Toque R 038 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 janvier 2006 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur PÉRIÉ, président Monsieur MATET, conseiller Monsieur HASCHER, conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND X... public : représenté lors des débats par Madame ROUCHEREAU, avocat général, qui a fait connaître son avis ARRÊT : - Contradictoire - prononcé en audience publique par Monsieur PÉRIÉ, Président, - signé par Monsieur PÉRIÉ, Président, et par Mme FALIGAND greffier présent lors du prononcé. * * *
Le gouvernement de la fédération de Russie a fait appel le 16 mai 2004 d'une ordonnance rendue le 12 janvier 2004 par le président du tribunal de grande instance de Paris ayant déclaré exécutoire en France une sentence rendue à Stockholm le 1er février 1997 sous les auspices de l'Institut d'arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm par M.M Schwedel, Lowenfeld et Philip, qui a décidé que :
"1. La Russie ne s'est pas conformée aux Contrats de Prêt entre les parties et la demande de remboursement anticipé de la Créance Russe par Noga le 23 avril 1993 était appropriée et justifiée.
2. Dans les quatre semaines à compter de la date de cette décision, la Russie devra
payer à Noga une somme de 23 057 000 US à Noga augmentée et /ou diminuée
des intérêts spécifiés aux paragraphes A et C ci-après.
Sur cette somme, un intérêt sera payé à un taux égal au LIBOR à six mois, plus
7/8 pour cent par an à partir du 23 avril 1993 jusqu'à la date de
paiement.
Le montant de la majoration ou de la minoration du versement de 23 057 000 US sera composé de :
A. Majoration d'intérêt sur avances faites et non remboursées le 23 avril 1993,
à partir de la date à laquelle l'avance a été faite jusqu'au 23 avril 1993, au taux
du LIBOR à trois mois plus 7/8 pour cent par an au titre des avances faites dans
le cadre des Prêts I et II et au taux du LIBOR à trois mois plus 7/8 pour cent par
an au titre du Prêt III. Cependant, aucun intérêt ne sera calculé sur les avances
concernant l'usine d'aliments pour bébés.
B. Majoration sur le montant de la commission d'engagement de 0,3 pour cent
par an du capital non utilisé des prêts à partir de la date du contrat de prêt ou du
présent additif jusqu'à ce que l'avance ait été faite, mais en aucun cas plus tard
que le 14 décembre 1992.
C. Diminution en intérêt sur la valeur nette des livraisons de pétrole au taux du
LIBID à 6 mois moins 1/4 pour cent par an pour les dépôts au titre du Prêt I et
du LIBID à 1 mois moins 1/8 pour cent par an selon Prêt III à partir de la date
de livraison du pétrole jusqu'à la date de paiement à Noga des versements du capital et intérêts ou déduction pour paiements de
commissions ou frais de surestaries jusqu'à la limite accordée dans la présente sentence, mais pas plus tard que le 23 avril 1993.
D. Les contestations concernant l'augmentation ou la diminution d'intérêt ou
commission d'engagement faites devront être soumises par chacune des parties à l'autre dans les 14 jours de la présente Sentence. Tout conflit relatif à ces contestations devront être soumises à la Cour d'Arbitrage dans les 7 jours suivant la réception de la contestation. 3. Noga a un droit au remboursement au titre de créances russes ou de Rosvneshtorg en vertu d'une sentence arbitrale rendue contre elle Moscou en ce qui concerne des commissions payables aux agences russes exportant du pétrole, droit que Noga peut compenser avec toute créance détenue sur elle en raison de la sentence rendue à Moscou.
4. Toutes les autres demandes de réparation présentées par chacune des parties et qui ne sont pas renvoyées à une décision judiciaire ultérieure seront rejetées.
5. Chaque partie prendra ses frais à sa charge. Les parties partageront de manière égale les frais d'arbitrage comme suit :
Frais de M. Stephen M. Y... 16 500,00 US
Honoraires de M. Stephen M Y... 205 000,00 US
Frais de Andreas F. Lowenfeld 10 500,00 US
Honoraires de Andreas F. Lowenfeld 205 000,00 US
Frais de Allan Philip 24 500,00 US
Honoraires de Allan Philip 265 000,00 US
L'indemnisation de l'Institut d'Arbitrage de la
Chambre de Commerce de Stockholm 70 000,00 US
Coûts de l'arbitrage payés sur le dépôt 8 224,92 US
Pour ce qui est des Arbitres et de l'Institut d'Arbitrage, les
parties seront responsables conjointement et solidairement du paiement des sommes mentionnées ci-dessus.
Dans le cas où l'une des parties ne serait pas satisfaite de la décision d'indemnisation des Arbitres, elle pourra porter l'affaire devant le Tingsratt de Stockholm, Box 8307, S- 104 20 Stockholm, Suède dans les 60 jours suivant la réception de la Décision".
Le gouvernement de la fédération de Russie dit que l'acte de signification du 24 février 2004 de l'ordonnance d'exequatur est entaché d'erreur dans la mesure où la sentence complémentaire du 15 mai 1997 n'a pas été exequaturée et elle soulève l'irrecevabilité de la requête en exequatur de la compagnie Noga pour défaut d'intérêt et de qualité à agir. Elle conclut à l'infirmation de l'ordonnance d'exequatur, et subsidiairement, au sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure d'arbitrage qui l'oppose encore à la compagnie Noga, et qui est pendante à Paris devant la Chambre de commerce internationale. Le gouvernement de la fédération de Russie conclut enfin à la condamnation de la compagnie Noga, outre aux dépens, à lui payer une somme de 20.000 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le gouvernement de la fédération de Russie a encore déposé des conclusions tendant au rejet des dernières conclusions de la compagnie Noga et de pièces de celle-ci qui lui ont été communiquées la veille du jour de la clôture, subsidiairement, au report de la date des plaidoiries ou au retrait de l'affaire.
La Compagnie Noga d'importation et d'exportation ("Noga"), une société de droit suisse, soutient que l'appel du gouvernement de la fédération de Russie est irrecevable, subsidiairement, elle conclut à la confirmation de l'ordonnance d'exequatur, demande la condamnation de l'appelante à une amende civile de 1 500 ç et à lui verser une somme de 1 500 000 ç sur le fondement de l'article 559 du nouveau
code de procédure civile, une somme de 50.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et à supporter les dépens. SUR CE LA COUR : =============== Sur la recevabilité des dernières conclusions de la Compagnie Noga :
Considérant que le gouvernement de la fédération de Russie demande le rejet des dernières conclusions de la Compagnie Noga, déposées la veille du jour de la clôture, avec douze nouvelles pièces, que selon les articles 15 et 16 du nouveau code de procédure civile, le juge, comme le rappelle l'appelant, a l'obligation de faire observer le principe de la contradiction tandis que les parties doivent se faire connaître mutuellement et en temps utile les moyens de fait et droit sur lesquels elles basent les prétentions et les éléments de preuve au soutien de celles-ci, qu'en l'espèce, le dépôt par la compagnie Noga de ses conclusions et pièces dans les circonstances qui viennent d'être rappelées ne permettait plus au gouvernement de la fédération de Russie de réagir, que la garantie d'un traitement équitable entre les parties conduit à rejeter des débats les conclusions et nouvelles pièces produites le 18 janvier 2006 ;
Sur la recevabilité de l'appel du gouvernement de la fédération de Russie :
Considérant que la Compagnie Noga soulève l'irrecevabilité de l'appel interjeté par le gouvernement de la fédération de Russie à l'encontre de l'ordonnance d'exequatur dont aucun motif n'est tiré de l'article 1502 du nouveau code de procédure civile que la Cour peut seule, d'après ce texte, contrôler ; que toutefois, il ne s'agit que de limiter dans ce cadre les cas d'ouverture à la critique de la décision du premier juge quand celui-ci a ordonné l'exécution de la sentence et non des motifs tenant à la régularité de la procédure suivie en première instance, ce qui implique la possibilité par la Cour de statuer sur la recevabilité de l'appel interjeté d'après les
dispositions du nouveau code de procédure civile consacrées à cette question ;
Considérant par ailleurs que l'acte de signification de la sentence arbitrale du 1er février 1997, revêtue de l'exequatur mentionne deux sentences, celle du 1er février 1997 et la sentence complémentaire du 15 mai 1997 qui n'a jamais été effectivement présentée à l'exequatur, que cette erreur, dont le gouvernement de la fédération de Russie demande la constatation, n'emporte aucune conséquence, notamment sur la validité de cet acte, aucun des droits fondamentaux de l'appelant n'ayant été atteint, puisque celui-ci a pu saisir la Cour des critiques dont il entoure l'ordonnance d'exequatur ; Sur l'intérêt et la qualité à agir de la Compagnie Noga :
Considérant que le gouvernement de la fédération de Russie soutient que la Compagnie Noga a cédé la totalité de sa créance à son encontre au titre des sentences arbitrales des 1er février et 15 mai 1997 dans la mesure où le concordat du 18 décembre 1998 dont la Compagnie Noga a fait l'objet en Suisse, prévoit l'affectation des sommes recouvrées aux banques cessionnaires des frais de l'arbitrage à Stockholm, et qu'elles ont d'ailleurs financé, et à M. Jean Z..., ce dernier en raison des sommes qu'il a avancées à la société, que ceux-ci, auxquels la Compagnie Noga doit des sommes qui excèdent très largement le montant de la sentence, sont ainsi les véritables créanciers de la sentence arbitrale, et non la Compagnie Noga dont, précise le gouvernement de la fédération de Russie, le mandat de recouvrement pour le compte de l'une des banques cessionnaires a, au surplus, été révoqué le 14 octobre 2005 ;
Considérant que, d'après l'arrêt du 18 décembre 1998 de la Cour de justice de la République et canton de Genève homologuant le concordat présenté par la Compagnie Noga, les créanciers cessionnaires de la créance russe "acceptent que Noga poursuive en son nom, tant pour
elle-même que pour leur compte respectif, toutes démarches en vue d'obtenir (1) paiement de la sentence arbitrale déjà rendue les 1er février et 15 mai 1997", que la Compagnie Noga, qui a donc ainsi l'obligation de poursuivre l'exécution forcée de la sentence, n'a pas saisi le président du tribunal de grande instance de Paris pour son seul et unique compte comme le maintient le gouvernement de la fédération de Russie, quelle que soit l'importance de la créance détenue contre elle par les créanciers cessionnaires, que les accusations de l'appelant selon laquelle la Compagnie Noga n'aurait pas, contrairement aux indications du concordat, tenu de la fédération de Russie, quelle que soit l'importance de la créance détenue contre elle par les créanciers cessionnaires, que les accusations de l'appelant selon laquelle la Compagnie Noga n'aurait pas, contrairement aux indications du concordat, tenu les cessionnaires des créances russes informés de ses démarches, à supposer cela acquis, ce que nulle preuve ne vient établir, sont sans pertinence pour vérifier l'intérêt et la qualité à agir de la Compagnie Noga, ici mis en cause;
Considérant que l'arrêt du 18 décembre 1998 de la Cour de justice expose encore que, "nonobstant ce qui précède, les créanciers cessionnaires de la créance russe conservent le droit de faire valoir directement les cessions de créance dont ils sont bénéficiaires, auquel cas ils en informeront Noga", que le gouvernement de la fédération de Russie soutient ainsi que l'un des mandats de recouvrement de la Compagnie Noga aurait été révoqué par la société Meros Capital LLC le 14 octobre 2005, qu'une photocopie d'un document rédigé en langue anglaise prouverait d'après l'appelant cette situation, qu'à supposer que ce document rédigé en langue étrangère, s'il avait été traduit, concerne effectivement ce qui est dénoncé par le gouvernement de la fédération de Russie, l'hypothèse envisagée ne
remet pas plus en cause l'intérêt et la qualité à agir de la Compagnie Noga en tant que bénéficiaire de la sentence, l'intervention forcée pouvant en outre être poursuivie par toute personne intéressée, et notamment les cessionnaires, pour en bénéficier directement ; Sur le sursis à statuer :
Considérant que le gouvernement de la fédération de Russie expose avoir saisi la Chambre de commerce internationale d'une nouvelle demande d'arbitrage contre la Compagnie Noga pour examiner la validité d'un protocole transactionnel conclu entre les parties le 31 juillet 2002 et dont l'objet étant de mettre fin aux procédures en relation avec les sentences arbitrales rendues à Stockholm en contrepartie d'un paiement à Noga d'une somme de 800 millions de dollars américains, que l'appelant, qui soutient devant les arbitres la nullité de ce protocole pour vice du consentement, explique néanmoins que le sursis à statuer s'impose pour éviter d'avoir à payer, éventuellement, la Compagnie Noga deux fois ;
Considérant que la suspension de l'instance sollicitée est rejetée, aucun élément concret ne permettant de conclure, avec l'appelant, que la bonne administration de la justice le justifierait ;
Considérant que le gouvernement de la fédération de Russie ne soulevant aucun motif visé dans l'article 1502 du nouveau code de procédure civile pour s'opposer à l'exécution de la sentence rendue à Stockholm le 1er février 1997, l'ordonnance d'exequatur est confirmée ; Sur les dépens, les articles 559 et 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que la Compagnie Noga ne rapportant pas la preuve du caractère dilatoire ou abusif de l'appel du gouvernement de la fédération de Russie, ses demandes à ce titre sont rejetées ;
Que le gouvernement de la fédération de Russie qui supporte les
dépens ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre duquel l'équité commande de le condamner à payer à la Compagnie Noga une somme de 30.000 ç ; PAR CES MOTIFS : ==============
Déclare irrecevables les conclusions et pièces déposées par la Compagnie Noga d'importation et d'exportation le 18 janvier 2006 ;
Dit recevable l'appel du gouvernement de la fédération de Russie,
Rejette la demande de sursis à statuer,
Confirme l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris ayant déclaré le 12 janvier 2004 exécutoire en France la sentence rendue à Stockholm le 1er février 1997,
Condamne le gouvernement de la fédération de Russie à payer à la Compagnie Noga d'importation et d'exportation une somme de 30.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne le gouvernement de la fédération de Russie aux dépens et admet la SCP Gaultier Kistner, avoué, au bénéfice du droit prévu par l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT R. FALIGAND J.F. PERIE