Grosses délivrées
Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section C
ARRET DU 23 FEVRIER 2006
(no , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/11208 Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2004 prononcé par LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY - 1ère chambre - section 1 - RG no 01/09932 APPELANTE
Madame Yvette X... épouse Y...
née le 11 avril 1949 à CHAUMONT (Haute-Marne)
de nationalité française
demeurant : 5 Rue Saint-Nicolas -75012 PARIS
représentée par Me Rémi PAMART,
avoué à la Cour
assistée de Maître Françoise ROZELAAR VIGIER,
avocat Toque A 79 INTIME
Monsieur Ahmed Y...
né le 28 juin 1961 à Alexandrie (Egypte)
de nationalité égyptienne
demeurant :19 Cours des Maraichers
93120 LA COURNEUVE
représenté par Me Nadine CORDEAU,
avoué à la Cour
assisté de Maître Anne ERMINY,
avocat au barreau de la Seine Saint Denis
Toque 101
INTIME : Le Z... PUBLIC pris en la personne de Monsieur le PROCUREUR GENERAL près la Cour d'Appel de PARIS élisant domicile en son parquet au Palais de Justice 4, Boulevard du Palais 75001 PARIS représenté par Mme ROUCHEREAU, avocat général COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 janvier 2006 en audience tenue en chambre du conseil, devant la Cour composée de : Monsieur PÉRIÉ, président Monsieur MATET, conseiller Monsieur HASCHER, conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND Z... public : représenté lors des débats par Madame ROUCHEREAU, avocat général, qui a fait connaître son avis ARRÊT : - Contradictoire - prononcé en audience publique par Monsieur PÉRIÉ, Président, - signé par Monsieur PÉRIÉ, Président, et par Mme FALIGAND, greffier présent lors du prononcé. * * *
Mme X..., de nationalité française, a interjeté appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny du 15 juin 2004 qui a rejeté les exceptions de prescription et de péremption d'instance, l'a déboutée de ses demandes de nullité du mariage contracté le 13 février 1993 à Paris 12ème avec M. Y..., de nationalité égyptienne, de dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et l'a condamnée à payer à M. Y... 610ç en application de ce même texte.
Mme X... prie la Cour, au visa de la loi égyptienne et des articles 184 et 146 du code civil, d'infirmer le jugement, d'annuler le mariage, de condamner M. Y... à lui payer 8.000ç de
dommages-intérêts et 4.000ç au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et de le débouter de toutes ses demandes.
Elle fait valoir qu'il ressort des certificats médicaux et des attestations qu'elle verse aux débats que lorsqu'elle a consenti au mariage ses facultés mentales étaient profondément altérées, ce que le jugement n'a pas contesté, et qu'il y a vice du consentement.
Elle dit par ailleurs que M. Y... en contractant mariage avec une veuve malade, sous médicaments et de 12 ans son aînée n'a cherché qu'à régulariser sa situation au regard du droit des étrangers, ce qui résulte des attestations produites.
Elle estime que le comportement de M. Y... lui a causé un préjudice moral et matériel.
M. Y... s'oppose à la demande et sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Il demande à ce titre la condamnation de Mme X... à lui payer 3.000ç, outre 2.000ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Il insiste sur la sincérité de son intention matrimoniale et conteste que l'état psychique de Mme X... ait altéré son consentement.
Le Z... public a été entendu dans ses observations orales.
SUR QUOI,
Considérant qu'en application de la règle tirée de l'article 3 du
code civil, les conditions de validité au fond du mariage, telles que l'existence du consentement, son déterminées par la loi personnelle des époux, en l'espèce les lois française et égyptienne;
Qu'il n'est pas contesté que chacune de ces lois exige le consentement des deux parties (article 146 du code civil et attestation de l'ambassade de la République Arabe d'Egypte à Washington);
Considérant que Mme X... produit:
-3 certificats du docteur A..., le premier du 28 juin 1993 selon lequel Mme X... a été hospitalisée 5 fois en psychiatrie entre 1985 et janvier 1992 et présentait lors d'une visite en décembre 1992 "un état de grand désarroi moral et de vulnérabilité affective avec des capacités de jugement altérées", le deuxième du 3 mars 2000, indiquant "Fin 1992 elle était très déprimée, perdue, angoissée à l'extrême" et qu'en juin 1993 elle l'informe" s'être mariée avec un égyptien dont elle se sent l'otage (...)les péripéties avec ce monsieur seront très angoissantes pour elle la précipitant dans une grande confusion, elle vivait dans la peur. Le 6 XII 93 elle consulte et je constate des traces de coups. Son état de santé a nécessité un arrêt de travail continu de deux ans assorti de soins qui se sont poursuivi plus longtemps" le troisième du 30 juillet 2004, adressé au conseil, récapitulant les troubles, les soins et arrêts de travail et concluant "A mon avis, sa demande d'annulation (alors qu'un divorce serait plus simple) ce à quoi elle tient plus que tout, du fait de sa valeur symbolique de réparation est un symptôme qui signe les troubles dont elle souffre.",
-un compte rendu d'hospitalisation à l'hôpital Esquirol à Saint-Maurice pour la période du 16 février 1991 au 8 mars 1991 "pour symptôme dépressif et plaintes d'allure hypocondriaque",
-un certificat du docteur B... du 29 septembre 2004 relevant un état "anxio dépressif" un état de "confusion" et un "vécu persécutif lié à une histoire douloureuse",
-une certificat du docteur C..., médecin du travail, du 13 juin 1993, préconisant un arrêt de travail "suffisant pour lui permettre de se reprendre",
-un certificat médical du docteur D... du 7 septembre 2004 relatant qu'elle l'avait contacté en mai 1993 pour lui demander conseil à l'occasion de violences conjugales et qu'il avait constaté qu'elle était très perturbée,
-un certificat du docteur E... du 14 mai 1993 précisant que, victime d'une agression, elle présentait une érosion du pied droit,
-diverses attestations (Mme F... et M. Do G..., sa fille et le compagnon de celle-ci, Mme H..., gardienne d'immeuble, Mmes I... et Legrand, des amies, Mme J..., une cousine) selon lesquelles M. Y... se serait rapidement installé chez Mme X... qui aurait été sous sa dépendance, qu'il l'aurait pressée pour le mariage et que le couple se serait très vite séparé, le mari étant violent et n'ayant consenti à leur union qu'à des fins administratives,
-une lettre de M. Y... du 1er septembre 1997 adressée à sa femmeoù il reconnaît qu'il a des torts envers elle ;
Considérant que s'il ressort des certificats médicaux que Mme X... a été à maintes reprises confrontée à des troubles d'ordre psychique ou psychiatrique, rien dans ces documents ne permet d'affirmer ou même de supposer qu'à l'époque du mariage Mme X... aurait présenté des désordres tels qu'ils auraient pu la priver de sa capacité à librement s'engager ;
Que les différentes attestations qui ne sont nullement circonstanciées ne font que répercuter les doléances de Mme X... et confirmer, ce qui n'est pas contesté, que le couple s'est très rapidement désuni après le mariage ;
Que s'agissant des violences alléguées Mme X... se borne à des affirmations, aucune plainte n'ayant été déposée et les certificats des docteurs D... et E... qui ne constatent aucune trace de coups pour le premier et une érosion du pied droit pour le second étant inopérants pour en rapporter la preuve ;
Que, par ailleurs, rien n'établit que M. Y... n'aurait pas eu une véritable intention matrimoniale, ni la différence d'âge entre les époux ou la santé précaire de l'épouse, ni le fait qu'il aurait été en situation irrégulière en France, ni la circonstance que le mariage ait été célébré sans la présence des familles et sans festivités particulières ;
Qu'au demeurant il n'est pas sérieusement contesté que les époux ont cohabité avant et après le mariage, peu important que cette cohabitation ait peu duré et que M. Y... ait quitté le domicile conjugal au mois d'avril 1993 ;
Que si Mme X... a, dès juillet 1993, introduit une action en nullité du mariage, force est de constater qu'elle n'y a pas donné suite sans pour autant établir qu'elle y aurait renoncé, comme elle le soutient, en raison des menaces ou violences exercées par son mari ou les amis de celui-ci ;
Qu'à cet égard force est de constater qu'au mois de septembre 1993, Mme X... a accompagné son mari au Portugal puis en Egypte, ce qui établit que les relations n'étaient pas rompues entre eux, observation étant encore faite que rien ne démontre que Mme X... aurait consenti à ces voyages sous une contrainte physique ou psychique ;
Qu'il convient, enfin, de souligner que la lettre de M. Y... à sa femme dont celle-ci excipe pour démonter un prétendu aveu de la duplicité de celui-ci, écrite plus de quatre ans après le mariage, commençant par "Très chère Youka, c'est Ahmed ton époux qui vient prendre de tes nouvelles" et se terminant par "J'attend ton message et je peux te jurer sur ce que j'ai de plus cher que je ne te veux aucun mal bien au contraire. Je t'embrasse" comporte certes la reconnaissance d'un comportement envers elle qu'il regrette ("je ne me suis pas comporté comme il se doit envers toi") mais contredit par un ton de réelle proximité l'affirmation de Mme X... selon laquelle M. Y... aurait été indifférent et n'aurait jamais eu d'intention matrimoniale ;
Qu'ainsi Mme X... ne peut qu'être déboutée de ses demandes d'annulation du mariage et de dommages-intérêts ;
Considérant que n'étant pas établi que Mme X... ait agi par malice, intention de nuire ou erreur équipollente au dol la demande de dommages-intérêts de M. Y... est rejetée ;
Considérant, en conséquence, que le jugement est confirmé dans toutes ses dispositions, y compris sur l'article 700 et en ce qu'il a rejeté les exceptions de prescription et de péremption d'instance qui ne sont plus soutenues ;
Considérant que compte tenu de la nature du litige l'équité ne commande pas en cause d'appel de faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS:
CONFIRME le jugement ;
REJETTE toutes les demandes plus amples ou contraires, notamment au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme X... aux dépens d'appel et admet Me Cordeau, avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile ;
LE GREFFIER, LE PRESIDENT R. FALIGAND JF. PERIE