Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
3ème Chambre - Section A
X... DU 21 MARS 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 04/22830 Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/17438 APPELANTS Monsieur Jean Marie Y... ... par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour assisté de Me Didier MENDELSOHN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 230 Madame Yvette Z... épouse Y... ... par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me Didier MENDELSOHN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 230 INTIMES Monsieur David A... ... par Me Michel BLIN, avoué à la Cour assisté de Me COHEN-TANUGI E., avocat au barreau de PARIS, toque C0436, pl p Me BOURSICAN Jérôme, Madame Eugénie A... ... par Me Michel BLIN, avoué à la Cour assistée de Me COHEN-TANUGI E., avocat au barreau de PARIS, toque C0436, pl p Me BOURSICAN Jérôme, COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Février 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bernadette CHAGNY, Président
Monsieur Henri LE DAUPHIN, Conseiller
Madame Marie-Paule B..., qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : Monsieur MZE MCHINDA X... :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Bernadette CHAGNY,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Madame Bernadette CHAGNY, président et par Madame Marie-Claude HOUDIN , greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement en date du 4 novembre 2004 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. et Mme Y... de l'ensemble de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts,
- alloué à M. David C... et à Mme D..., veuve C..., la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'appel formé par M. et Mme Y... à l'encontre de cette décision ; Vu les conclusions en date du 1er août 2005 par lesquelles les appelants demandent à la cour :
- de dire nulle et de nul effet la cession des parts de la SCI Bellini consentie par M. et Mme Y... aux consorts C... le 26 septembre 2002 et la promesse de cession des mêmes parts consentie par ces derniers à M. et Mme Y... le 26 septembre 2002,
- de prononcer la résolution desdites conventions et de remettre les parties en l'état antérieur et, en conséquence, fixer la créance des
consorts C... à la somme principale de 215.569,81 euros,
- subsidiairement, de réduire le montant du prix de rachat des parts de la SCI Bellini à la somme de 215.569,81 euros à parfaire au jour de l'exécution de l'arrêt en fonction de la créance locative et de dire que l'arrêt vaudra cession des parts des consorts C... aux époux Y...,
- de débouter les consorts C... de toutes leurs demandes et de les condamner à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 30 août 2005 par lesquelles les consorts C... demandent à la cour :
- de confirmer le jugement déféré,
- de condamner les appelants à leur payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 15.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur ce :
Considérant que le 16 mai 1980, M. et Mme Y... ont constitué la société civile immobilière Bellini pour les besoins de l'acquisition à Puteaux, 1-3 rue Bellini, de locaux d'une superficie d'environ 500 m2 ; que le 30 mai 1980, ces locaux ont été donnés à bail à la SARL Cofinico, ayant les époux Y... pour associés et M. Y... pour gérant, laquelle y exploite un café-restaurant ;
Considérant que, confronté à des difficultés financières, les époux Y... ont fait appel à la société Remegest, laquelle s'est portée acquéreur de l'immeuble appartenant à la SCI Bellini et ce pour le prix de 1.200.000 francs par acte du 17 septembre 1999 ; que le même jour la société Remegest a consenti à la SCI Bellini une promesse de vente des biens immobiliers en cause au prix de 1.700.000 francs, à
minorer du montant des loyers perçus par le vendeur, l'option d'achat devant être levée au plus tard le 30 septembre 2002 ;
Considérant que le 25 septembre 2002, M. Y..., agissant en qualité de gérant de la SCI Bellini, a levé l'option, bien qu'il ne disposât point de la somme nécessaire au rachat des biens immobiliers vendus à la société Cofinico ;
Considérant que M. Y... est, à la même époque, entré en relation, par l'intermédiaire de M. E..., comptable de la société Cofinico, avec M. David C..., exerçant la profession de chirurgien-dentiste et désireux de réaliser un investissement ;
Considérant que par acte sous seing privé du 26 septembre 2002, M. Y... a cédé à M. C..., nouveau gérant de la SCI Bellini, quatre vingt dix des cent parts représentant le capital de cette dernière tandis que par le même acte, Mme C... cédait neuf parts à M. Y... et une part à Mme D..., mère de M. C... ; que ces cessions ont été consenties pour le prix total de 1.524 euros correspondant à la valeur nominale des parts sociales ;
Considérant que par un autre acte du 26 septembre 2002, les consorts C... ont promis de céder à M. et Mme Y... lesdites parts sociales au prix total de 533.571,56 euros, l'option devant être levée au plus tard le 30 septembre 2003, à défaut de quoi la promesse de vente serait nulle et non avenue ;
Que par avenant du 3 octobre 2002, les parties ont stipulé que le prix ci-dessus mentionné serait minoré du montant des loyers perçus à la date de la réalisation de la vente en vertu du bail consenti par la SCI Bellini à la société Cofinico ;
Considérant que par acte du 3 décembre 2002, la société Remegest a vendu à la SCI Bellini les biens objets de l'acte susvisé du 17 septembre 1999 pour le prix de 259.163,33 euros ; qu'il est précisé à l'acte que l'acquéreur a payé le prix à concurrence de 74.103,48
euros dès avant ce jour, hors la comptabilité du notaire, et à concurrence de 185.059,85 euros le jour de l'acte, par la comptabilité du notaire ;
Considérant que M. et Mme Y... n'ont pas levé l'option d'achat des parts composant le capital de la SCI Bellini avant la date d'échéance de la promesse, soit le 30 septembre 2003 ;
Considérant qu'au soutien de leurs demandes tendant à l'annulation de l'acte de cession de parts sociales et de la promesse de vente du 26 septembre 2002, les appelants, faisant valoir que la somme réellement engagée par les consorts C... lors de l'acquisition des parts de la SCI Bellini s'élève à 308.769,25 euros, de laquelle il y aurait lieu de déduire celle de 93.199,44 euros au titre des loyers payés pour la période du 1er octobre 2002 au 1er octobre 2005, soit un solde de 215.569,81 euros, alors qu'ils ont réclamé la somme de 533.571,66 euros pour procéder à la revente des parts, exposent qu'une telle différence affecte la validité de l'opération qui, dissimulant un prêt usuraire sous la forme d'une vente avec promesse de revente, lui donnerait le caractère d'un contrat pignoratif ; qu'ils ajoutent que si l'opération litigieuse constitue une vente à réméré, comme l'admettaient les intimés en première instance, ils ne pourraient être tenus qu'au remboursement du prix principal augmenté des frais et coûts de la vente, soit 215.569,81 euros ; qu'ils soutiennent encore que, quelle que soit la qualification retenue, la cause de l'opération est immorale en ce qu'elle avait pour but de permettre à M. C..., qui a cherché à profiter des difficultés financières de M. Y..., d'en tirer un profit démesuré, dépassant outrageusement le prix et les frais qu'ils avaient engagés, que la cause est illicite puisque le prix, symbolique, de la cession constatée le 26 septembre 2002 correspond à la valeur nominale des parts sociales et non à celle du bien auquel elles donnaient vocation, que la majoration du
prix stipulée au profit des consorts C... présente un caractère abusif, ce qui caractérise la fausseté de la cause, et qu'il y a donc lieu d'annuler la cession de parts ainsi que la promesse de vente desdites parts ;
Mais considérant, d'abord, qu'il résulte de l'analyse des circonstances de la cause que c'est pour éviter que l'immeuble qu'ils n'avaient pas les moyens de racheter avant l'expiration du délai de réalisation de la promesse de vente consentie à la SCI Bellini par la société Remegest ne tombe définitivement dans le patrimoine de cette dernière que M. et Mme Y... ont, librement, pris l'initiative d'entrer en relation avec M. C... ;
Considérant, ensuite, que les parties ont voulu conclure, le 26 septembre 2002, un acte emportant transfert aux consorts C..., pour leur valeur nominale, de la propriété des parts représentant le capital de la SCI Bellini, laquelle avait alors perdu son seul actif, à savoir l'immeuble précédemment vendu à la société Cofinico, cette vente se doublant d'un acte distinct portant promesse unilatérale de vente desdites parts dont l'exercice par M. et Mme Y..., bénéficiaires de la promesse, leur aurait permis de retrouver leur qualité d'associés de la SCI Bellini, elle-même redevenue propriétaire des biens immobiliers ;
Considérant, au surplus, que devrait-il être admis que l'opération en cause doit être regardée non comme une vente avec promesse de revente mais comme une vente à réméré que sa validité n'en serait pas autrement affectée ; qu'en effet, aucune disposition légale n'interdit aux parties de convenir d'un prix de reprise majoré ;
Et considérant, sur l'argumentation des appelants fondée sur la prétendue fausseté ou illicéité de la cause que s'il est exact que le montant du prix de la vente du 3 décembre 2002 effectivement mis à la charge des consorts C... a été de 185.059,85 euros et non de
259.163,33 euros - la différence étant constituée par le montant des loyers perçus par la société Cofinico alors qu'elle était propriétaire de l'immeuble, contractuellement déduits du prix de revente - les consorts C..., qui en justifient, ont remboursé à M. Y... le solde créditeur de son compte courant d'associé, soit 91.469,41 euros, et payé divers frais liés à la passation des actes des 26 septembre et 3 décembre 2002, notamment ceux inhérents à l'intervention de professionnels du droit et à l'audit réalisé par l'expert-comptable de la société Cofinico et rendu nécessaire par la complexité de l'opération et la brièveté du délai de sa réalisation ; que le montant total de leur investissement s'est ainsi élevé à 337.412,70 euros tandis que le prix demandé aux époux Y... en cas de levée de l'option de rachat des parts sociales aurait été de 509.571,56 euros, après déduction conformément à la convention des parties des loyers réglés par la société Cofinico à la SCI Bellini entre le 26 septembre 2002 et le 30 septembre 2003 ; qu'après application sur la différence entre ces deux sommes de l'impôt dû au titre de la plus-value immobilière à court terme et du prélèvement au titre de la CSG-CRDS, il serait subsisté au profit des consorts C... une somme de l'ordre de 70.000 euros représentant le profit, nullement illicite, qu'ils escomptaient retirer de l'opération ci-dessus décrite ou encore la rémunération du service rendu à M. et Mme Y... en leur permettant de retrouver la propriété de l'intégralité des parts de la SCI Bellini après réintégration dans le patrimoine de cette dernière de biens qui, selon les époux Y... (concl. p. 2) étaient estimés en 2005 à 894.317 euros, ce dernier élément suffisant au demeurant à priver de toute pertinence les allégations des appelants quant au caractère abusif ou déraisonnable du prix convenu pour le rachat des parts sociales ;
Considérant que les appelants ne sont pas mieux fondés à soutenir que
la cession de parts qu'ils ont consentie aux consorts C..., bien que transférée sur les registres de la SCI Bellini est nulle faute d'avoir été signifiée à celle-ci conformément aux dispositions des articles 1865, alinéa 2 et 1690 du code civil dès lors que les statuts ne permettent pas d'y déroger, cette circonstance étant sans incidence sur la validité et les effets de l'acte de cession dans les rapports entre les parties ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont fondés en aucune de leurs demandes ;
Considérant qu'il convient d'accueillir partiellement celle formée par les intimés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Qu'il y a lieu, en revanche, de rejeter leur demande en paiement de dommages-intérêts, l'abus du droit d'agir en justice invoqué au soutien de celle-ci n'étant pas caractérisé ;
Par ces motifs :
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne M. et Mme Y... à payer à M. C... et à Mme veuve C... la somme totale de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Les condamne au paiement des dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code ;
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, M.C HOUDIN B. CHAGNY