Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
3ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 28 MARS 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/07487 Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 02/13222 APPELANTES S.A.S. SOCIÉTÉ EUROPÉENNE DE FABRICATION prise en la personne de son Président ayant son siège Rue Marcel Dassault ZA CASTELNAU 2000 34170 CASTELNAU LE LEZ représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour assistée de Me AYACHE Michel, avocat au barreau de PARIS, toque : P 334, de la SCP AYACHE-SALAMA S.A.S. X... INVEST prise en la personne de son Président ayant son siège 6/14 rue de Leibnitz 75018 PARIS représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour assistée de Me AYACHE Michel, avocat au barreau de PARIS, toque : P 334, de la SCP AYACHE-SALAMA INTIMES Monsieur Jacques Y... ... par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour assisté de Me Aline PONCELET, avocat au barreau de PARIS, toque : no P177, S.A. IN EXTENSO LANGUEDOC ROUSSILLON prise en la personne de son Président du Conseil d'administration ayant son siège Domaine de Couran Chemin de Soriech 34970 LATTES représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour assistée de Me Aline PONCELET, avocat au barreau de PARIS, toque : no P177, COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Février 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bernadette CHAGNY, Président
Monsieur Henri LE DAUPHIN, Conseiller
Madame Marie-Paule Z..., qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : Monsieur MZE MCHINDA MINISTÈRE A... : L'affaire a été communiquée au ministère public, ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame CHAGNY, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Madame CHAGNY, président et par Madame HOUDIN, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement en date 9 mars 2005 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré la société Européenne de Fabrication (société SEF) et la société X... Invest irrecevables en leur action dirigée contre M. Jacques Y... et la société In Extenso Languedoc Roussillon (ci-après IERL),
- condamné in solidum les sociétés SEF à payer à M. Y... et à la société IERL la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du
nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'appel formé par les sociétés SEF et X... Invest à l'encontre de cette décision ;
Vu les conclusions en date du 1er février 2006 par lesquelles les appelantes demandent à la cour :
- de les déclarer recevables en leur action,
- de condamner M. Y..., tant à titre personnel qu'en sa qualité de président du conseil d'administration de la société IERL, à payer, à titre de dommages-intérêts :
. à la société X... Invest la somme totale de 4.295.197 euros,
. à la société SEF la somme de 3.248.301,69 euros,
- de débouter M. Y... de toutes ses demandes,
- d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans dix journaux et/ou magazines de la presse économique et financière et aux frais exclusifs de M. Y...,
- de condamner M. Y..., tant à titre personnel qu'en sa qualité de président du conseil d'administration de la société IERL, à payer à la société X... Invest et à la société SEF la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 9 février 2006 par lesquelles M. Y... et la société IERL, intimés, demandent à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré les actions des appelantes irrecevables,
- à titre subsidiaire, sur le fond, de les débouter de leurs demandes,
- à titre infiniment subsidiaire, de limiter à due concurrence le montant des dommages-intérêts alloués à la société SEF,
- en tout état de cause,
. de dire n'y avoir lieu à publication de la décision à intervenir,
. de condamner solidairement les appelantes à payer :
+ à M. Y... la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
+ à la société IERL la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
+ à M. Y... et à la société IERL la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur ce :
Considérant que la société anonyme FAB (Fermetures Automatismes Bâtiment), créée en 1981 par son représentant légal, M. Emile B..., et dont le capital était détenu à hauteur de 75% par la société FAB Holding, employait 70 salariés et avait pour activité, dans le sud de la France, la fabrication et la commercialisation de portes et fermetures (rideaux) industrielles et de volets roulants ; que par lettre de mission du 23 novembre 1999, la société IERL ayant pour dirigeant M. Jacques Y..., a été désignée en qualité d'expert comptable de la société FAB, en remplacement du cabinet Axiome ;
Considérant que M. B... ayant, par requête du 23 février 2000, à laquelle étaient annexés le bilan de la société FAB au 30 juin 1999, la situation comptable au 31 décembre 1999 et un compte de résultant prévisionnel, saisi le président du tribunal de commerce de Montpellier d'une demande d'ouverture d'une procédure de règlement amiable ;
Considérant que par ordonnance du 24 février 2000, le président du tribunal de commerce a ordonné l'ouverture d'un règlement amiable à l'égard de la société FAB et désigné M. Jacques Y... en qualité de conciliateur, avec pour mission "d'aider la SA Fermetures Automatismes Bâtiment à négocier la conclusion d'un accord avec ses principaux créanciers sur les délais de paiement et de conforter les conditions normales du règlement et de favoriser leur fractionnement"
;
Considérant que le conciliateur ayant déposé son rapport le 22 juin 2000, le président du tribunal de commerce a rendu, le 28 juin 2000, une ordonnance ainsi rédigée :
"Vu le rapport du conciliateur en date du 21 juin 2000, d'où il ressort que :
". 16 fournisseurs, pour un montant total de 4.088.215,25 F, ont accepté le règlement de leurs créances en 24 mensualités,
". 2 fournisseurs, pour un montant total de 1.042.961,28 F ont accepté le règlement de leurs créances en 18 mensualités,
" . 1 fournisseur a accepté le règlement de sa créance de 179.814,87 F en 12 mensualités,
" . 2 fournisseurs, pour un montant total de 350.575,52 ont accepté un règlement de leurs créances en 6 mensualités,
"soit un montant total de créances étalées de 5.661.566,40 F.
" Par ailleurs, un fournisseur, dont la créance s'élève à 134.709,44 F accepte d'accorder un crédit de 100.000 F.
" 5 fournisseurs pour un montant total de 668.171,86 F ont apporté des réponses négatives ou n'ont pas répondu.
"Les organismes suivants ont accepté des délais de règlement :
". Les Mutuelles du Sud, pour 82.850 F en 12 échéances,
". la Trésorerie de Castelnau le Lez pour 560.909 F en 12 échéances, ". l'URSSAF, pour 335.840 F en 13 échéances,
". l'ASSEDIC, pour 91.216,91 en 12 échéances,
". le CIG/CGIS pour 533.496 F en 12 échéances, à condition que lui soit réglée immédiatement la part salariale de 355.600 F,
". la Recette principale de Montpellier Est, pour sa créance de 74.300 F relative à la TVTS, en 12 échéances,
". la Recette principale de Montpellier Est, pour sa créance de
1.110.751,67 F relative à la TVA, en 6 échéances,
" soit un montant total de créances étalées de 2.487.363,58 F ;
" Vu le projet de cession de l'activité de fabrication au groupe X... Invest, qui devrait améliorer sensiblement la trésorerie de la société ;
"Prononçons l'homologation de l'accord intervenu entre la société FAB SA et ses créanciers" ;
Considérant que parallèlement à la mission de conciliation confiée à M. Y..., les discussions, engagées en 1999, se sont poursuivies entre le groupe FAB et le groupe X... Invest, ayant à sa tête la société holding X... Invest, en vue de la conclusion d'accords permettant la mise en oeuvre d'un partenariat industriel et commercial, accords dans la perspective desquels le groupe X... Invest a apporté à la société FAB, entre novembre 1999 et juillet 2000, des sommes d'un montant total de 2.750.000 francs ;
Considérant que le 31 juillet un "protocole d'accord confidentiel" a été conclu entre la société FAB et M. B..., d'une part, M. Christian X... et la société X... Invest "agissant tant pour son compte que pour sa filiale la société SERA et sa sous-filiale la Société Européenne de Fabrication", ci-après la société SEF, laquelle a été immatriculée le 10 août 2000 au registre du commerce et des sociétés ;
Qu'après avoir rappelé que le "groupe FAB" dispose de moyens de production, mais surtout d'un important réseau commercial à travers le territoire national, que la société X... Invest représente un groupe spécialisé dans la production, que la société FAB souhaite se recentrer sur la distribution et que, les deux groupes ayant ainsi des intérêts convergents, il a été décidé d'établir les bases juridiques d'une opération globale devant permettre à chacun de rationaliser ses activités, l'acte susvisé contient un contrat de
concession commerciale d'une durée de quatre ans aux termes duquel la société FAB s'oblige à acheter et à se fournir à titre exclusif auprès de la société SEF pour les produits fabriqués par celle-ci et visés par le protocole d'accord, SEF s'obligeant de son côté à vendre à la société FAB les produits contractuels à un prix correspondant au prix de vente hors taxes actuel de la société FAB diminué d'une ristourne allant de 21%, pour un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 50 millions de francs, à 28%, pour un chiffre d'affaires supérieur à 60 millions de francs ; qu'il est stipulé que les achats de la société FAB seront payables "à 30 jours fin de mois" ;
Que par d'autres actes du même jour (31 juillet 2000), la société FAB a cédé à la société SEF l'unité de production faisant partie de son fonds de commerce pour le prix de 2.500.000 francs, en ce non compris les marchandises, lesquelles devaient être réglées au fur et à mesure des prélèvements par le cessionnaire, tandis que la société FAB Holding donnait en sous-location à la société SEF les locaux dans lesquels était exploitée l'unité de production ;
Considérant que la société FAB a été mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par jugements du tribunal de commerce de Montpellier en date des 12 juillet et 27 juillet 2001, Mme C... étant désignée en qualité de liquidateur ;que la date de cessation des paiements a été fixée au 12 juillet 2001 ;
Considérant que le 30 avril 2002, M. D..., expert comptable, nommé par le juge-commissaire à la demande de Mme C..., ès qualités, avec pour mission, notamment de "déterminer précisément la date de cessation des paiements de la société FAB", a déposé un rapport mentionnant que "de manière certaine la SA FAB s'est trouvée en état de cessation des paiements au moins depuis le 30 avril 2001, et même très probablement avant cette date" ; que, de nouveau commis par jugement du 16 mai 2003, sur requête du mandataire liquidateur, M.
D... a établi un second rapport, en date du 5 avril 2004 selon lequel "l'état de cessation des paiements de la SA FAB existait au moins dès le 31 décembre 1999" ;
Considérant que le tribunal de commerce de Montpellier ayant, sur la base de ce rapport, reporté au 21 janvier 2000 la date de cessation des paiements de la société FAB par jugement du 30 juillet 2004, la cour d'appel de Montpellier a, sur l'appel de la société FAB, annulé ce jugement par arrêt du 11 octobre 2005 au motif que l'acte délivré le 17 décembre 2002 à M. Emile B... était entaché d'une irrégularité de fond entraînant sa nullité et partant celle du jugement susvisé ; Considérant que, faisant valoir que M. Y... avait engagé sa responsabilité à leur égard en raison de la faute lourde par lui commise dans l'exercice de ses fonctions de conciliateur, la société X... Invest et la société SEF l'ont assigné, le 6 août 2002, en paiement de dommages-intérêts ; que le tribunal de grande instance a déclaré ces demandes irrecevables ;
Sur la recevabilité de la demande de la société SEF :
Considérant que la société SEF, qui a déclaré à la liquidation judiciaire de la société FAB une créance de 3.248.301,69 euros au titre de livraisons de marchandises effectuées au cours de l'année 2001 et demeurées impayées par la société FAB, cette somme représentant 78% de la totalité du passif de cette dernière, demande à la cour de condamner M. Y... à lui payer ladite somme de 3.248.301,69 euros ; qu'elle expose à cette fin que le préjudice qu'elle subit en raison du non paiement de sa créance trouve son origine dans la faute commise par M. Y... dans l'exercice de sa mission de conciliateur en dissimulant l'état avéré de cessation des paiements de la société FAB et que ce préjudice est distinct de celui qu'ont pu subir les autres créanciers de la société débitrice qui ne
se sont pas, comme elle, engagés dans les voies d'un partenariat avec FAB au vu du rapport du conciliateur ;
Mais considérant que, loin de constituer un préjudice individuel, distinct du préjudice collectif des créanciers de la société FAB, le dommage invoqué par la société SEF, résultant de la perte de sa créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire et prétendument causé par la faute d'un tiers auquel il est reproché d'avoir par ses agissements retardé l'ouverture de la procédure collective visant la société FAB est inhérent à celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article L. 621-39 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause, desquelles il résulte que seul le représentant des créanciers, dont les attributions sont ensuite dévolues au liquidateur, a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, l'action de la société SEF est irrecevable, peu important que le représentant des créanciers de la société FAB, devenu mandataire liquidateur, se soit abstenu d'agir à l'encontre de M. Y... ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef ;
Sur la recevabilité de la demande de la société X... Invest :
Considérant que la société X... Invest, qui n'est pas créancière de la société FAB, soutient que les fautes imputées à M. Y... lui ont causé un préjudice constitué à hauteur de 3.684.074 euros par les avances en compte courant consenties en pure perte à la société SEF, à hauteur de 381.123 euros et 30.000 euros par le coût de l'acquisition de la branche de production de la société FAB et à hauteur de 200.000 euros par "son préjudice d'image" ;
Considérant que les intimés font valoir que l'action de la société X... Invest est irrecevable dès lors que le dommage qu'elle invoque, prenant sa source dans le préjudice subi par sa sous-filiale
SEF, n'est pas personnel et direct ;
Mais considérant que la société X... Invest poursuivant la réparation d'un préjudice indépendant de la valorisation de sa participation, directe ou indirecte, dans le capital de la société SEF et qu'elle aurait personnellement subi en raison des fautes imputées à M. Y..., son action est recevable ; M. Y..., son action est recevable ;
Sur le mérite de l'action de la société X... Invest :
Considérant que l'appelante fait grief à M. Y... d'avoir commis une faute lourde dans l'exécution de sa mission de conciliation ; qu'il lui est ainsi reproché d'avoir, d'abord, manqué à son obligation essentielle de conciliateur qui consistait à prendre connaissance de la réalité de la situation économique, comptable et financière de l'entreprise, à analyser ses difficultés potentielles et à vérifier que la situation n'était pas irrémédiablement compromise alors que cette analyse devait servir de fondement à la poursuite de ses opérations et à la rédaction d'un rapport impliquant un tiers, le groupe X... Invest, d'avoir, ensuite, présenté une situation volontairement tronquée de la réalité lorsqu'il a décrit la situation financière de la société FAB, en sélectionnant les informations destinées aux tiers, ne retenant que les éléments optimistes et taisant délibérément les éléments négatifs, alors même qu'il savait que les conclusions de son rapport seraient déterminantes de la décision du groupe X... Invest de faire aboutir le partenariat envisagé avec FAB et d'avoir, en outre, alors qu'il avait une connaissance précise de la véritable situation de la société FAB, pour avoir lui-même dressé en qualité d'expert comptable des situations comptables intermédiaires avant le début de ses opérations, puis immédiatement après, volontairement tu l'état de cessation des paiements de cette entreprise qu'il ne pouvait ignorer
et qu'il savait exclusif de toute possibilité de redressement ; qu'ajoutant que le rapport du conciliateur, lequel n'aurait jamais été entériné si M. Y... avait fait une relation sincère de la situation de FAB conformément à ses obligations de diligence, prudence, loyauté et impartialité, a été le facteur déclenchant de la signature par X... Invest des accords du 31 juillet 2000 et, partant, de la constitution de la société SEF, instrument de leur mise en oeuvre, l'appelante en déduit que les chefs de préjudice dont elle demande réparation résultent directement de la faute grave commise par M. Y... ;
Mais considérant, en premier lieu, d'abord, que le représentant légal de la société FAB ayant présenté au président du tribunal de commerce de Montpellier une demande d'ouverture d'une procédure de règlement amiable conforme aux prescriptions de l'article L. 611-3, alinéa 2, du code de commerce et 36 du décret no 85-295 du 1er mars 1985 et à laquelle étaient annexés tous les documents visés par ce dernier texte, le magistrat saisi de cette requête a, pour l'accueillir et faire librement le choix de M. Y... en qualité de conciliateur, nécessairement estimé, au vu des éléments qui lui étaient soumis, parmi lesquels le bilan au 30 juin 1999 et la situation comptable au 31 décembre 1999, que la société FAB n'était pas en état de cessation des paiements à la date de l'ordonnance ouvrant la procédure de règlement amiable, soit le 24 février 2000 ;
Et considérant que la preuve n'est pas rapportée que, de son côté, M. Y... connaissait ou ne pouvait ignorer, en sa qualité d'expert comptable, que la société Y... était en cessation des paiements lorsqu'il a été désigné en tant que conciliateur ;
Qu'il y a lieu de relever à cet égard qu'au terme d'investigations approfondies, M. D... a rédigé, le 30 avril 2002, un volumineux rapport par lequel il s'est borné à conclure (rapport p. 144), que
l'on pouvait "affirmer que de manière certaine la SA FAB s'est trouvée en état de cessation des paiements au moins depuis le 30 avril 2001, et même très probablement avant cette date" étant ici précisé que les factures de la société SEF au titre de l'année 2001, demeurées impayées à partir de l'échéance (90 jours) d'avril 2001, représentent 78% du passif de la liquidation judiciaire ;
Que s'il est vrai que M. D... est revenu sur cette conclusion dans son second rapport, plus succinct, du 5 avril 2004 puisque, selon ce document, on peut "affirmer de manière certaine que l'état de cessation des paiements de la SA FAB existait déjà au moins dès le 31 décembre 1999", ce dernier rapport ne saurait emporter la conviction de la cour dès lors que, fondé sur l'examen des déclarations de créances adressées au mandataire liquidateur, il ne prend pas en considération les reports d'exigibilité significatifs - mentionnés dans l'ordonnance d'homologation de l'accord ci-dessus reproduite - consentis à la demande de M. Y... et au cours de sa mission par la plupart des fournisseurs de la société FAB - dont la société SEF ne faisait pas alors partie - ainsi que par des organismes sociaux et par l'administration fiscale et ce alors que la société X... Invest poursuivait, de son côté, ses concours à la société FAB au cours du premier semestre de l'année 2000 ;
Considérant, ensuite, que la société X... Invest ne démontre pas davantage que M. Y... a, en sélectionnant les informations contenues dans son rapport, volontairement tronqué la présentation des éléments financiers dont il disposait ni même qu'il a manqué à son obligation de prudence ;
Que la cour observe, à cet égard, d'une part, que M. Y..., qui n'avait nullement pour mission d'éclairer le groupe X... Invest, non appelé à la procédure de règlement amiable, sur l'opportunité de son projet de partenariat avec le groupe FAB, se devait cependant de
faire état de ce projet, tel qu'il était connu de lui, s'agissant d'un élément important de nature à favoriser, avec le réaménagement du passif existant obtenu des principaux créanciers, le redressement de la société bénéficiaire de la procédure de règlement amiable, que le compte de résultant prévisionnel, faisant état d'un chiffre d'affaires de 80 millions de francs de la société FAB, avait été élaboré sur la base d'une année d'existence de la nouvelle structure, ce chiffre, optimiste mais non dépourvu de crédibilité, ayant au demeurant été mentionné dans une note adressée par M. B... à M. X... le 9 juin 2000 et dans une télécopie de X... Invest à M. Y... en date du 14 juin 2000, d'autre part, que le conciliateur avait précisé dans son rapport que le résultat net positif (942.627 francs) de l'exercice clos le 30 juin 1999 était dû à un élément exceptionnel, à savoir l'abandon d'une créance par M. B..., le résultat courant était négatif à hauteur de 1.539.196 francs, de troisième part, que la situation comptable établie au 31 décembre 1999, faisant apparaître une perte de 5,07 millions de francs, avait été jointe à la requête au président du tribunal de commerce et, enfin, qu'il ne saurait être utilement fait grief au conciliateur de ne pas avoir pris en compte dans son rapport, destiné à ce magistrat, la situation comptable de la société FAB au 30 juin 2000, qui n'était pas établie, l'existence de pertes au titre du premier semestre 2000 s'induisant au demeurant des résultats antérieurement constatés, en l'absence de mise en oeuvre, à cette échéance de la restructuration envisagée de l'activité de FAB ;
Considérant, en deuxième lieu, que, sauf à mettre par là-même en évidence la légèreté blâmable avec laquelle elle aurait décidé de conclure les accords du 31 juillet 2000, la société X... Invest ne peut sérieusement soutenir que le rapport du conciliateur du 22 juin 2000 est à l'origine de son consentement à cette opération ;
Considérant, au demeurant, que la société X... Invest, qui avait engagé courant 1999 des discussions avec la société FAB, ayant des activités communes et complémentaires de celles de son groupe, et à laquelle elle avait accordé, en 1999 et 2000, des avances en trésorerie s'élevant à la somme totale de 2.750.000 francs à la date du 4 juillet 2000, était informée des difficultés financières sérieuses et persistantes de la société FAB ; qu'il suffit de rappeler ici que l'acte de cession de l'unité de production de la société FAB du 31 juillet 2000 mentionnait, conformément aux dispositions de l'article L. 141-1 du code de commerce, les chiffres d'affaires et les résultats des années 1997, 1998 et 1999 ; qu'il était ainsi exactement mentionné une perte de 5.750.935 francs pour l'exercice 1998 et une perte de 4.132.599 francs pour l'année 1999 ; que, de surcroît, la société X... Invest avait fait réaliser par son expert comptable un audit comptable de FAB, dans les locaux de cette dernière, au deuxième trimestre 2000, ainsi que cela résulte de l'attestation établie par M. E..., ancien directeur financier de la société FAB ;
Considérant, en outre, qu'il résulte des éléments soumis à l'appréciation de la cour, spécialement du premier rapport D... (ainsi pp. 35, 113, 144) que l'important écart entre les données prévisionnelles et celles de l'exploitation réelle au cours de la période juillet 2000/ juin 2001 en raison d'une baisse sensible du chiffre d'affaires entraînant une baisse automatique du taux de marge de FAB, en application du contrat de concession commerciale, est lié à des facteurs apparus après la mise en place du partenariat concrétisé le 31 juillet 2000, en particulier la fermeture de nombreuses agences, l'augmentation des prix, l'insolvabilité croissante de la clientèle liée à de nombreux litiges au stade de l'exécution des commandes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société X... Invest ne caractérise ni les fautes imputées à M. Y... ni l'existence d'un lien de causalité entre celles-ci et le dommage allégué, les reproches - dont la pertinence n'est pas établie - formulés à l'encontre de M. Y... quant à son comportement "parallèlement et postérieurement au dépôt de son rapport de conciliateur" étant inopérants à cet égard, cette observation valant pareillement pour le grief fondé sur l'acceptation de sa mission en dépit de sa qualité de dirigeant de la société IERL, expert comptable de FAB depuis novembre 1999 ;
Considérant, au surplus, que le préjudice invoqué n'est pas caractérisé en son élément de certitude ;
Considérant, en effet, d'une part, qu'à l'appui de sa demande en paiement de la somme de 3.684.074 euros représentant le montant des avances en compte courant consenties à la société SEF, la société X... Invest se borne à produire une attestation établie le 22 octobre 2003 par le commissaire aux comptes de la société SEF selon laquelle il existait au passif du bilan de cette dernière clôturé le 31 décembre 2001 "un compte courant vis à vis du Groupe X... s'élevant à 3.684.074 euros" ;
Or considérant que cette pièce, imprécise, ne permet pas, comme le relèvent pertinemment les intimés, d'identifier la personne morale appartenant au groupe X... Invest titulaire du compte courant visé par le commissaire aux comptes de la société SEF, étant ici rappelé que le contrôle de cette dernière était directement détenu par la société SERA, filiale de la société X... Invest ;
Considérant, d'autre part, que le premier rapport de M. D... précise (p. 125), ainsi que le rappellent les intimés, sans être utilement contredits par l'appelante, que, d'un commun accord entre les parties, la dette de la société X... Invest envers la société FAB
au titre du prix d'acquisition de l'unité de production cédée à la société SEF le 31 juillet 2000 s'est éteinte par compensation avec la créance d'un montant de 2.750.000 francs que la société X... Invest détenait au titre des avances consenties, avant cette date, à la société FAB ; que la société X... Invest a pu, de la sorte, obtenir le règlement d'une créance qui serait, sans cette opération, demeurée impayée, sans préjudice de l'acquisition par l'une de ses filiales de la propriété d'un élément d'actif ultérieurement revendu ; qu'il n'est par ailleurs fourni aucune justification de nature à établir la réalité du "coût forfaitaire" évalué à 30.000 euros ;
Considérant, enfin, que la société X... Invest ne verse aux débats aucun élément de nature à corroborer son affirmation selon laquelle sa notoriété et son sérieux ont été gravement entamés, notamment à l'occasion de la procédure collective de FAB, et à caractériser le "préjudice d'image" allégué en cause d'appel ;
Considérant que ces constatations, comme les précédentes, conduisent au rejet de toutes les prétentions articulées par la société X... Invest ;
Sur les demandes des intimés :
Considérant que les appelants, qui obtiennent partiellement gain de cause, n'ont fait qu'user, sans commettre d'abus, de leur droit d'agir en justice ; que les demandes des intimés en paiement de dommages-intérêts pour procédure ou appel abusif ne peuvent être accueillies ;
Considérant qu'il convient d'accueillir la demande formée par M. Y..., en son nom personnel, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que les autres demandes formées sur ce fondement sont rejetées ;
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Européenne de Fabrication - SEF et mal fondée la demande de M. Y... en paiement d'une indemnité pour procédure abusive et en sa disposition relative aux dépens ;
Le confirme de ces chefs et statuant à nouveau pour le surplus :
Déclare recevables mais mal fondées les prétentions de la société X... Invest ;
Condamne les sociétés X... Invest et Européenne de Fabrication - SEF, in solidum, à payer à M. Jacques Y... la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Les condamne, selon la même modalité, aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, M.C HOUDIN B. CHAGNY