Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section A
ARRET DU 10 MAI 2006
(no , 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/01915 Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS. (1ère chambre, 1ère section) RG no 03/3101 APPELANTS ET INTIMES Monsieur Jean-Pierre X... ... SOCIETE MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD Société Anonyme 19/21, rue de Chanzy 72030 LE MANS CEDEX 9 représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoué à la Cour assistée de Me Vincent PERRAUT, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SCP HOCQUART BOITELLE et Associés, toque P 87 APPELANTE Madame Raymonde Y... ... représentée par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour assistée de Me Bérénice BERHAULT, avocat au barreau de PARIS, toque D 488 INTIMES SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES du 57 RUE DES MEUNIERS 92220 BAGNEUX pris en la personne de son syndic l'Etude COSY lui-même pris en la personne de ses représentants légaux 18, rue Sadi Carnot 92120 MONTROUGE Monsieur Daniel Z... Madame Dominique A... épouse Z... ... Monsieur Jean-Pierre B... Madame Monique C... épouse B... ... Monsieur D... E... ... Monsieur François F... Madame Madeleine G... épouse F... ... Monsieur Christian D...
... représentés par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour assistés de Me Bérénice BERHAULT, avocat au barreau de PARIS, toque D 488 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEB, président et M. GRELLIER, assesseur chargés du rapport.
Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. DEB, président M. GRELLIER, assesseur Mme MOUILLARD, assesseur Greffier, lors des débats : Mme RIGNAULT Ministère public :
représenté lors des débats par Mme TERRIER-MAREUIL, avocat général, qui a fait connaître son avis. ARRET : - contradictoire - prononcé en audience publique par M. DEB, président - signé par M. DEB, président et par Mme RIGNAULT, greffier présent lors du prononcé.
La société française de construction de pavillons individuels, dite SFCPI, assurée auprès de la SMABTP a fait, en qualité de maître d'ouvrage et de maître d'oeuvre, réaliser par la société Da Silva, aujourd'hui en liquidation judiciaire, un ensemble de quatre bâtiments, 57, rue des Meuniers à Bagneux placé sous le régime de la copropriété. Les travaux ont été achevés en juillet 1990. Des désordres étant apparus rapidement, y compris dans les parties communes, une expertise a été ordonnée à la demande des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires. Cette expertise, confiée à M. H..., a, entre autres malfaçons, relevé une absence d'isolation phonique. Par assignation à jour fixe du 24 mai 1995, le Syndicat des copropriétaires a, sur les conseils de son avocat, M. X..., fait délivrer assignation devant le tribunal de grande instance de Nanterre au mandataire liquidateur de la sarl Da Silva, à la Sarl SFCIP, et à la SMABTP, en vue de l'indemnisation de divers
désordres. Le jugement, en date du 7 septembre 1995, puis l'arrêt du 3 octobre de la cour d'appel de Versailles ont déclaré irrecevable le syndicat, relativement à l'indemnisation formée à hauteur de 1.347 480 francs, au titre des troubles de jouissance au motif, tiré du rapport d'expertise, que ces troubles n'avaient pas été ressentis par l'ensemble des copropriétaires. Reprochant à leur avocat d'une part de n'avoir pas engagé l'instance en leur nom propre, bien qu'ils fussent personnellement en droit de se prévaloir d'un préjudice direct consécutif à ces désordres, d'autre part d'avoir omis certains chefs de préjudice du fait d'un examen hâtif du rapport d'expertise, les copropriétaires M. et Mme I..., Z..., B..., J..., E... et F..., Mme Y... et M. D..., et le syndicat des copropriétaires ont recherché la responsabilité de leur avocat en raison de ses manquements à son devoir de conseil. Selon jugement assorti de l'exécution provisoire prononcé le 13 octobre 2004 par le tribunal de grande instance de Paris, M. Jean Pierre X... et son assureur les Mutuelles du Mans Iard ont été condamnés à payer, à titre de dommages et intérêts, une somme de 14 863,78 ç tant à M. et Mme Z..., qu'à M. et Mme B..., M. et Mme E..., M. et Mme F... et M. et Mme D..., outre une somme de 128 000 ç à titre de dommages et intérêts au syndicat et une indemnité de procédure de 1000ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à ceux-ci. Ceci exposé, la Cour, Vu l'appel formé le 16 décembre 2004, par M. Jean Pierre X... et la société Mutuelles du Mans, et celui formé le 3 janvier 2005, par Mme Y... à l'encontre de ce jugement; Vu les conclusions du 23 février 2006, par lesquelles les intimés, et l'appelante Mme R. Y..., demandent, outre une indemnité de procédure de 1 500 ç, la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable cette dernière, qui réitère la demande de condamnation de M. X... et de son assureur à lui payer
la somme de 14 863,78 ç ; Vu les conclusions du 3 février 2006, par lesquelles M. X... et les Mutuelles du Mans Assurances Iard, poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il emporte condamnation à leur endroit, demandent à la cour de:
-dire que la faute imputée à M. X... n'a pas eu pour conséquence directe le préjudice allégué d'une part par le syndicat, qui a conservé la faculté qu'il n'a pas mise en oeuvre d'exercer une voie de droit contre la SMABTP, et, en tout cas de rapporter à une plus juste proportion d'éventuels dommages et intérêts consécutifs à la notion de perte de chance, d'autre part par les copropriétaires qui ont compromis la voie de droit qu'ils ont exercée contre la SMABTP, -confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Mme Y... irrecevable en ses demandes, - condamner, en toute occurrence, les intimés sur l'appel principal et Mme Y... à leur payer à chacun la somme de 3.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Sur quoi, Considérant, sur la demande de Mme Y..., que celle-ci justifie avoir donné mandat manuscrit souscrit le 27 mars 1995, à la SCP X..., à l'effet d'assurer la défense de ses intérêts dans le cadre du litige ayant fait l'objet de l'expertise judiciaire de M. H... et d'obtenir réparation des préjudices subis; que l'existence de ce mandat est corroborée par l'attestation de M. D... selon laquelle Mme Y... faisait partie des copropriétaires ayant donné mandat à M. X... d'assurer la défense de leurs intérêts; qu'il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de Mme Y..., dont les prétentions suivront le sort des autres copropriétaires parties à l'instance; Considérant qu'au soutien de leur appel, M. X... et son assureur font valoir, pour dénier le principe de leur responsabilité, que "l'existence d'une voie de droit permettant de remédier au préjudice allégué contre l'avocat rompt le lien de causalité"; qu'en effet,
selon les appelants, les demandes indemnitaires omises peuvent toujours être formulées par le syndicat des copropriétaires contre l'assureur du maître de l'ouvrage, la SMABTP; que le préjudice allégué par les copropriétaires et le syndicat est constitué par une perte de chance de sorte que même en l'absence d'erreur, le résultat espéré n'était pas certain; qu'ainsi, selon les appelants, le jugement déféré en allouant une indemnisation à hauteur de 128 000 ç a non seulement accordé une indemnisation supérieure au préjudice maximal ayant pu résulter de la faute alléguée, mais encore n'a pas fait application de la notion de perte de chance; Considérant, contrairement à ce que les appelants exposent, que l'erreur, reconnue, de M. X..., commise en sa qualité de mandataire ad litem des demandeurs à l'action, est bien à l'origine du préjudice invoqué par le syndicat et les copropriétaires, parties à l'instance; que les premiers juges doivent être approuvés en ce qu'ils ont estimé le préjudice subi par le syndicat à la somme de 128 000 ç non contestée en son montant, obtenue en fonction du rapport d'expertise et des postes de préjudice manifestement omis par M. X... au regard des constations et énonciations du rapport de l'expert entérinées par le jugement de Nanterre et l'arrêt de la cour de Versailles; que c'est à tort, ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, que M. X..., docteur en droit, spécialiste en matière de droit de la construction et de l'habitation, persiste à soutenir, le bien fondé de son argumentation, selon laquelle le syndicat et les copropriétaires disposaient d'une voie de droit; qu'en effet toute action indemnitaire envers l'assureur est prescrite, ainsi que l'a définitivement jugé le 8 décembre 2000 le tribunal de grande instance de Nanterre; Considérant qu'il s'ensuit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a jugé qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel, la victime ne
pouvant se voir imposer, à la suite de cette faute, l'exercice de voies de droit autres que celles qui avaient été initialement prévues; qu'en outre, les premiers juges se sont livrés à une exacte appréciation du préjudice du syndicat et des copropriétaires; Considérant qu'il sera statué sur les demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif; Par ces motifs : - Réforme le jugement en ce qu'il a déclaré Mme Y... irrecevable en sa demande, et statuant à nouveau de ce chef, déclare Mme Y... recevable et bien fondée en sa demande, - Condamne in solidum M. X... et son assureur les Mutuelles du Mans Assurances à lui payer la somme de 14 873,78 ç à titre de dommages et intérêts, - Confirme pour le surplus le jugement, - Condamne in solidum M. X... et les Mutuelles du Mans à payer à Mme Y... une somme de 1500 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et une somme de 500 ç à chacun des autres intimés, -Condamne in solidum M. X... et les Mutuelles du Mans aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT